Skip to main content

Full text of "Les monuments arabes de Tlemcen"

See other formats


y 


LîS:itg 


(il 

wmm  m  iiommkcts  historiuiis  m  l'mmw 


LES 

MONUMENTS  ARABES 

DE  TLEMCEN 

PAR  MM. 

William  MARÇAIS 

DIRKGÏRUR     DE     LA     MÉDERSA     DE  TLEMCKN 
ET 

Georges  MARÇAIS 

OUVRAGE  PUBLIÉ  SOUS  LES  AUSPICES 
DU   GOUVERNEMENT  GÉNÉRAL   DE  L'ALGERIE 


Contenant  30  planches  hors  texte  phototypie  et  82  illustrations  dans  le  texte 


PARIS 

ANCIENNE   LIBRAIRIE   ÏHORIN   ET  FILS 
ALBERT  FONTEMOING,  ÉDITEUR 

Libraire  des  Écoles  Françaises  d'Athènes  et  de  Rome,  du  Collège  de  France 
et  de  l'École  Normale  Supérieure 
4,  RUE  LE  GOFF,  4 

1903 


Tous  droits  de  traduction  et  de  reproduction  réservés. 


LES  MONUMENTS  ARABES 

DE  TLEMCEN 


1 


^;^j|iRVlCE  DES  MONUMENTS  HISTORIQUES  DE  L'AieÉRIK 


/]fr,  ^  LES 

monum:ents  arabes 

DE  TLEMCEN  ' 


PAR  MM. 

William  MARÇAIS 

DIRECTEUR     DE    LA    MÉDBRSA     DE  TLEMGEN 
ET 

Georges  MARÇAIS 


OUVRAGE  PUBLIE  SOUS  LES  AUSPICES 
DU   GOUVERNEMENT  GÉNÉRAL  DE  L'ALGÉRIE 


Contenant  30  planches  hors  texte  phototypie  et  82  illustrations  dans  le  texte 


PARIS 

ANCIENNE   LIBRAIRIE   THORIN   ET  FILS 
ALBERT  FONTEMOING,  ÉDITEUR 

Libraire  des  Écoles  Françaises  d'Athènes  et  de  Rome,  du  Collège  de  France 
et  de  l'École  Normale  Supérieure 
4,  RUE  LE  GOFF,  4 

1903 

Tous  droits  de  traduction  et  de  reproduction  réservés. 


PRÉFACE 


Il  n'y  a  guère  de  \ille  musulmane  en  Algérie  sur 
laquelle  on  ait  autant  écrit  que  sur  Tlemcen.  Son  histoire, 
son  épigraphie,  son  archéologie,  ont  déjà  fait  l'objet 
d'assez  nombreuses  publications.  Parmi  elles,  il  faut  citer 
en  première  ligne  les  ouvrages  de  l'abbé  Bargès.  A  la 
suite  d'un  voyage  accompli  dans  cette  ville  au  lende- 
main de  l'entrée  des  troupes  françaises  (septembre- 
octobre  1846),  ce  savant  s'éprit  pour  ïlemcen  d'un  véri- 
table amour.  La  majeure  partie  de  son  œuvre  d'arabisant 
fut  dès  lors  consacrée  à  l'étude  de  l'antique  capitale  zei- 
yânide.  Ses  notes  de  voyage  ont  été  réunies  par  lui  dans 
son  ouvrage  intitulé  :  Tlemcen^  ancienne  capitale  du 
royaume  de  ce  nomK  Ce  livre,  malgré  de  légères  erreurs, 
que  la  brièveté  du  séjour  fait  par  l'auteur  dans  la  cité  de 
Yarmorâsen  rend  fort  excusables,  est  rempli  de  documents 
intéressants,  de  précieuses  observations  personnelles.  Il 

1.  rZewîcen,  ancienne  capitale  du  royaume  de  ce  nom  {sa  topofjrap/iie^  son 
liistoi7'e^  description  de  ses  principaux  monuments,  anecdotes,  légendes  et 
récils  divers),  souvenir  d'un  voyage.  Paris,  1859. 

1 


II  PRÉFACE 

a  surtout  l'immense  avantage  de  nous  retracer  de  Tlem- 
cen  un  tableau  qui,  sur  bien  des  points,  hélas  !  n'appar- 
tient déjà  plus  qu'à  l'histoire.  En  1852,  Bargès  avait  pu- 
blié son  Histoire  des  Beni-Zeiyân^  ]  en  1887,  il  donna 
le  Complément  de  l'Histoire  des  Beni-Zeiyân~  \  entre- 
temps  il  avait  consacré  deux  brochures  l'une  à  l'étude 
du  grand  saint  tlemcenien,  Sîdi  Bou-Médyen  %  l'autre  à 
un  essai  sur  le  commerce  de  Tlemcen  avec  le  Soudan 
au  moyen  àge^. 

D'une  importance  presque  égale  aux  travaux  de  l'abbé 
Bargès  sont  ceux  de  Ch.  Brosselard,  qui  habita  Tlemcen 
pendant  de  longues  années  (il  y  fut  sous-préfet  de  1853  à 
18Ô2).  Entouré  de  lettrés  musulmans,  dans  la  société 
desquels  il  se  plaisait  fort,  ce  bon  arabisant  débrouilla, 
avec  une  rare  sagacité,  l'épigraphie  tlemcenienne.  Les 
inscriptions  de  Tlemcen,  publiées  par  lui  avec  d'abon- 
dants commentaires,  offrent  des  documents  de  premier 
ordre  à  quiconque  veut  étudier  l'archéologie  et  l'histoire 
de  cette  ville^. 

L'intérêt  architectural  des  monuments  tlemceniens 

1.  Histoire  des  Beni-Zeiijân^  rois  de  Tlemcen^  par  l'imam  Cidi  Abou-Abd' 
Allah-Mohammed  Ibn  Ahd'el-Djelyl  el-Tenessy,  traduit  de  l'arabe.  Paris,  1852; 
Sur  et-Tenessy  (f  1494  899  de  l'hét^ire),  cf.  Journal  asiatique,  novembre-dé- 
cemibre  1831,  p.  586  et  ss.;  Bargès,  complément  de  VHistoire  des  Beni-Zeiyân, 
p.  379  et  ss. 

2.  Complément  de  VHistoire  des  Beni-Zeiydn,  rois  de  Tlemcen.  Paris,  1887. 

3.  Vie  du  célèbre  marabout  Cidi  Abou-Médien.  Paris,  1884. 

4.  Mémoire  sur  les  relations  commerciales  de  Tlemcen  avec  le  Soudan  sous 
le  règne  des  Beni-Zeirjân  (Extrait     Revue  de  VOrient).  Paris,  1853. 

5.  Tombeaux  des  Emirs  Beni  Zeiyân  et  de  Boabdil.  Paris,  1876  ^Extrait  du 
Journal  asiatique)  ;  —  les  Inscriptions  arabes  de  Tlemcen,  dans  Revue  A  fri- 
caine, 1858  à  1861. 


PRÉFACE  III 

n'échappa  pas  à  Diithoit,  qui  fut  inspecteur  des  monu- 
ments historiques  en  Algérie  de  1871  à  1880.  11  a  laissé 
sur  eux,  dans  un  rapport,  d'importantes  observations 
accompagnées  de  croquis,  de  dessins  et  de  plans.  C'est 
là  une  source  importante  de  renseignements  dont  il  im- 
porte de  tenir  compte  dans  une  étude  d'ensemble  de  l'ar- 
chitecture tlemcenienne  ^ 

Il  convient  de  mentionner  aussi  une  bonne  mono- 
graphie de  Piesse,  continuée  par  Canal,  dans  la  Revue  de 
V Afrique  française  ~. 

Dans  la  masse  des  descriptions  moins  scientifiques 
que  pseudo-littéraires  inspirées  par  Tlemcen  à  des  visi- 
teurs d'un  jour,  il  faut  signaler  les  jolies  pages  qu'Ary 
Renan  a  consacrées  à  ses  monuments  dans  la  Gazette  des 
Beaux-Arts'^  et  les  articles  moins  estimables  parus  dans 
le  Tour  du  monde  et  signés  de  Lorrain 

Enfin  une  large  part  est  faite  aux  édifices  tlemceniens 
dans  la  bonne  étude  d'ensemble  que  Basset  a  publiée  sur 
le  Dèveloppewœnt  historique  de  Vart  magJirihin  dans 
V Algérie  par  ses  monuments  •\ 

De  ces  publications,  les  unes,  comme  les  ouvrages  de 
Barges,  tirées  à  un  nombre  assez  restreintd'exemplaires, 
sont  aujourd'hui  devenues  fort  rares;  les  autres  sont 
éparses  dans  diverses  revues  ou  dans  des  collections 

1.  Archives  des  Missions  scientifiques^  3"  série,  t.  I,  1873,  p.  305  et  suiv. 

2.  Revue  de  V Afrique  française,  1888,       39-55  réunis  en  vohime  1899, 

3.  Gazettedes  Beaux-Arts,  IIP  part.,  t.  VU,  p.  383-400;  t.  IX,  177-193. 

4.  Tour  du  Monde.im^,  p.  300-68.  —  Citons  aussi  E.  Barclay,  The  Mosques  of 
Tlemcen  dans  Engl.  illustred  Magazine,  février  1892. 

5.  L'Algérie  par  ses  monuments:  II,  domination  arabe.  Paris,  1900. 


IV  PRÉFACE 

comme  les  Archives  des  Missions  scieiitiflques^  difficile- 
ment accessibles  au  public.  Il  a  paru  qu'une  étude  d'en- 
semble sur  les  monuments  tlemceniens  ne  serait  pas 
inutile  ;  et  M.  le  directeur  des  Beaux-Arts  a  bien  voulu 
nous  en  confier  l'entreprise.  Aussi  bien  il  nous  restait 
peut-être  à  faire  quelque  chose  de  plus  que  nos  devan- 
ciers. Le  principal  intérêt  des  édifices  tlemceniens 
réside,  comme  nous  espérons  le  montrer  plus  loin,  dans 
l'évidente  parenté  qui  les  unit  aux  monuments  andalous. 
Que  l'on  songe,  d'autre  part,  que  Girault  de  Prangey,dont 
VEssai  sur  V architecture  des  Mores  ^  demeure  le  meil- 
leur manuel  d'archéologie  musulmane  occidentale,  igno- 
rait entièrement  les  monuments  de  Tlemcen,  et  l'on 
comprendra  que,  sur  ce  terrain,  une  étude  comparative 
restait  à  faire;  nous  l'avons  tentée  dans  cet  ouvrage. 

L'introduction  paraîtra  peut-être  démesurée.  Après 
mûre  réflexion,  nous  avons  jugé  à  propos  de  grouper  au 
début  du  livre,  dans  un  tableau  d'ensemble,  les  observa- 
tions d'ordre  un  peu  général  sur  le  style,  la  construction, 
la  décoration,  que  nous  a  suggérées  l'étude  individuelle 
des  monuments  tlemceniens.  De  la  sorte  cette  intro- 
duction peut  être  considérée  comme  un  essai  de  petit 
précis  de  l'art  arabe  maghribin  ;  et  sur  bien  des  points, 
dans  le  reste  de  l'ouvrage,  nous  n'avons  eu  qu'à  y  ren- 
voyer. 

Les  dessins  qui  illustrent  ce  livre  sont  l'œuvre  de  l'un 


1.  Essai  sur  Vûrchiiecture  des  Arabes  et  des  Mores  en  Espagne,  en  Sicile  et  en 
Barbarie.  Paris,  1841, 


PRÉFACE  V 

de  nous.  Ils  ont  été  exécutés  tout  exprès  en  présence  des 
monuments  pendant  les  mois  de  mai,  juin  et  juillet  1902. 
Un  petit  nombre  d'entre  eux  seulement  a  été  emprunté 
aux  relevés  des  édifices  tlemceniens,  qui  figurent  dans  les 
dossiers  des  monuments  historiques.  Des  photographies, 
quelques-unes  sont  l'œuvre  de  M.  S.  Gsell,  et  de  M.  le  ca- 
pitaine Bertillon,  que  nous  remercions  vivement  de  cette 
communication  de  documents.  Nous  sommes  redevables 
de  la  plus  grande  partie  à  nos  amis,  MM.  Chantron  et 
Perdrizet,  professeurs  au  collège  de  Tlemcen.  Avec  une 
bonne  grâce  infatigable,  ils  ont  mis  à  notre  disposition 
leur  talent  de  photographes,  et  c'est  au  cours  de  nos 
communes  promenades  archéologiques  à  travers  les  rues 
de  Tlemcen  et  les  chemins  de  sa  banlieue  que  les  clichés 
reproduits  dans  les  planches  de  cet  ouvrage  ont  été  réu- 
nis. Ce  sont  pour  nous,  qu'il  nous  soit  permis  de  le  dire, 
non  seulement  des  documents,  mais  aussi  de  bons  souve- 
nirs. 

Nous  devons  enfin  remercier  tout  particulièrement  M.  S. 
Gsell,  professeur  à  l'École  des  Lettres  d'Alger,  dont  la 
complaisance  nous  a  épargné  les  soucis  matériels  de 
la  reproduction  phototypique,  de  la  correction  des 
épreuves  de  l'illustration.  Pourtout  ce  qui  concerne  cette 
partie  de  l'ouvrage  il  a  prêté  un  continuel  secours  à  notre 
inexpérience,  et  nous  lui  en  avons  une  bien  vive  gratitude. 

Tlemcen,  octobre  1902. 


William  et  Georges  Marçais. 


INTRODUCTION 


A  mi-hauteur  de  la  pente  qui  descend  du  Djebel  Terni,  enve- 
loppée de  massifs  séculaires  d'oliviers,  de  figuiers  et  de  téré- 
binthes,  ayant  à  ses  pieds  le  tapis  changeant  des  vallées  de  la 
Tafna  et  de  la  Safsaf,  Tlemcen,  «  la  bien  gardée  de  Dieu  >>, 
occupe  une  des  plus  admirables  positions  que  puisse  choisir  un 
faiseur  de  villes.  Au  Sud,  elle  a  la  couronne  des  plateaux 
rocheux  ;  au  Nord,  elle  domine  la  plaine  semée  de  villages,  de 
marabouts  et  que  ferme  très  loin  la  ligne  souple  des  hauteurs. 
A  rOuest,  s'élèvent  au  milieu  des  champs  de  vignes  les  ruines 
grandioses  d'El-Mansourah  la  guerrière  ;  à  l'Est,  au  flanc  de  la 
montagne,  se  groupe  le  petit  bourg  sacré  d'El-Eubbâd  où  dort 
le  saint  le  plus  vénéré  du  Maghrib. 

Les  chants  populaires  composés  en  l'honneur  de  la  vieille  cité 
sont  innombrables  ;  et  les  écrivains  d'école  ont  assemblé,  pour 
décrire  son  charme,  toutes  les  fleurs  de  la  rhétorique  arabe. 
Suivant  Yahya-ben-Khaldoun  :  «  Elle  est  semblable  à  une  jeune 
fiancée  sur  son  lit  nuptial.  Les  palais  de  Tlemcen  éclipsent  le 
Khawernaq,  font  rougir  Er-Roçâfa,  et  se  moquent  d'es-Sedîr^. 

1.  Le  Khawernaq  et  le  Sedir  étaient  des  palais  des  rois  de  Hira,  er-Roçâfa 
des  palais  abbassides  dont  la  splendeur  est  devenue  proverbiale  dans  la  litté- 
rature arabe, 


8  INTRODUCTION 

Les  vallées  fleuries  quirentourent  sont  pleines  de  sources,  étin- 
celantes  comme  la  lame  qu'on  tire  du  fourreau.  »  Et,  après  avoir 
épuisé  les  hyperboles,  il  cite  successivement  les  poètes  Abou- 
Abdallah-ben-Khemîs,  El-Hâdj-ben-Abou-Jemâa,  Ibn-Khafadja, 
Abou-Obaïd  qui  tous  chantent  àTenvi  les  grâces  de  la  perle  du 
Maghrib  1.  Plus  robuste  et  plus  substantielle  est  la  prose  naïve  de 
Jean  Temporal,  le  traducteur  de  Jean-Léon  dit  Léon  l'Africain, 
^  qui  la  visita  au  xvi°  siècle  :  «  Telensin,  dit-il,  est  une  grande  et 
royale  cité.  Du  temps  du  roi  Abou-Tesfîn,  elle  parvint  jusques 
au  nombre  de  seize  mille  feux,  et  si  elle  était  accrue  en  gran- 
deur, elle  n'était  pas  moindre  en  civilité  et  honnête  façon  de 
vivre...  Tous  les  marchands  et  artisans  sont  séparés  en  diverses 
places  et  rues,  comme  nous  avons  dit  de  la  cité  de  Fez.  Mais 
les  maisons  ne  sont  pas  si  belles  ni  de  telle  étoffe  et  cou- 
tanges.  Outre  cela,  il  y  a  de  beaux  temples  et  bien  ordonnés. 
Puis  se  trouvent  cinq  collèges  d'une  belle  structure  ornés  de 
mosaïques  et  d'autres  ouvrages  excellents  dont  les  aucuns 
furent  édifiés  par  les  rois  de  Telensin  et  les  autres  par  les  rois  de 
Fez...  Il  s'y  trouve  davantage  un  grand  nombre  d'hôtelleries  à 
la  mode  africaine,  entre  lesquelles  il  en  est  deux  où  logent  ordi- 
nairement les  marchands  genevois  et  vénitiens.  Et  sont  les 
murailles  merveilleusement  hautes  et  fortes  donnant  entrée 
par  cinq  portes  très  commodes  et  bien  ferrées,  joignant 
lesquelles  sont  les  loges  des  officiers,  gardes,  et  gabel- 
liers.  Hors  la  ville  se  voient  de  belles  possessions  et 
maisons,  là  oii  les  citoyens  ont  accoutumé  en  temps  d'été 
demeurer  pour  le  bel  ébat  qu'on  y  trouve,  pour  ce  qu'outre  la 
plaisance  et  belle  assiette  du  lieu,  il  y  a  des  puits  et  fontaines 

1.  Baghyat-er-Rouwâd  {moinnscnt  de  la  Médersa  de  Tlemcen,  n»  11),  fol.  27; 
Bargès,  Complément  de  VHistoire  des  Déni  Zeiyân,  p.  517  et  suiv. 


INTRODUCTION  9 

vives  d'eau  douce  et  fraîche.  Puis,  au  dedans  le  pourpris  de 
chacune  possession,  sont  des  treilles  de  vignes  qui  produisent  des 
raisins  de  diverses  coulein^s  et  d\ni  goût  fort  délicat  avec  des 
cerises  de  toutes  sortes  et  en  si  grande  quantité  que  je  n'en 
vis  jamais  tant  en  lieu  oii  je  me  sois  trouvé. 

Les  habitants  de  Telensin  sont  divisés  en  quatre  parties, 
écoliers,  marchands,  soldats  et  artisans.  Les  marchands  sont 
pécunieux,  opulents  en  possession,  hommes  justes  ayant  en  sin- 
gulière recommandation  la  loyauté  et  honnêteté  de  leurs  affaires, 
et  prenant  merveilleusement  plaisir  à  tenir  la  cité  garnie,  en 
sorte  que,  pour  y  faire  conduire  la  marchandise,  se  transportent 
au  pays  des  noirs  K  Les  artisans  sont  fort  dispos  et  bien  pris  de 
leurs  personnes,  menant  une  très  plaisante  vie  et  paisible,  et 
n'ont  d'autre  chose  qui  leur  revienne  mieux  que  de  se 
donner  du  bon  temps.  Les  soldats  du  roi  sont  tous  gens  d'élite, 
et  soudoyés  suivant  qu'on  les  sent  suffisants  et  mettables,  tel- 
lement que  le  moindre  d'entre  eux  touche  300  ducats  par  mois. . . 
Les  écoliers  sont  fort  pauvres  et  demeurent  aux  collèges  avec 
une  très  grande  misère  ;  mais,  quand  ils  viennent  à  être  docto- 
rés,  on  leur  donne  quelque  office  de  lecteur  ou  de  notaire,  ou 
bien  ils  se  font  prêtres.  Les  marchands  et  citoj'ens  vont  hono- 
rablement vêtus,  et  le  plus  souvent  mieux  en  ordre  que  ceux  de 
Fez,  parce  qu'à  vrai  dire  ils  sont  plus  magnifiques  et  libéraux  » 

Ce  tableau  séduisant  n'est  malheureusement  plus  conforme  en 
beaucoup  de  points  à  la  vérité  actuelle.  Où  sont  «  les  cinq  col- 
lèges d'une  belle  structure  »  oii  enseignèrent  Sîdi  Senousi,  le 

1.  Cf.,  sur  le  commerce  de  Tlemcen  avec  les  pays  du  Soudan,  Bargès, 
ouvrage  cité,  p.  ii,  note  4. 

2.  Description  de  V Afrique,  tierce  partie  du  inonde,  écrite  par  Jean-Léon 
1  Africain,  édition  Schefer,  Paris,  1898,  111,  p.  20-29. 


10 


INTRODUCTION 


chérif  Abou-Abdallah,  Sîdi  Ben-Merzouq  El- hafid,  et  le  grand 
historien  des  Berbères  Abd  er-Rahmân-Ben-Khaldoun,  et  tant 
de  chîklis  si  savants  et  si  respectables^?  On  est  la  Médersa 
Tâchfînîya  dont  le  beau  portail  de  mosaïque  s'élevait  naguère 
encore  sur  l'emplacement  de  la  place  d'Alger  actuelle-?  Mais  il 
est  trop  tard  pour  se  plaindre,  pour  déplorer  le  vandalisme  des 
maîtres  de  Tlemcen  pendant  les  trois  derniers  siècles.  Il  faut  se 
contenter  d'admirer  ce  qui  subsiste  de  la  «  grande  et  royale 
cité  »  et  de  conserver  jalousement  ces  restes  si  intéressants 
par  leur  valeur  d'art  et  leur  importance  historique. 

Tout  d'abord  il  nous  paraît  indispensable  de  retracer  dans 
ses  grandes  lignes  le  passé  historique  de  Tlemcen.  Nous  le 
ferons  bien  entendu  au  seul  point  de  vue  qui  nous  occupe.  Il 
ne  s'agit  pas  ici  de  mettre  en  lumière  le  rôle  exact  que  tint 
cette  ville  dans  l'histoire  générale  de  l'Afrique  mineure  depuis 
la  conquête  musulmane,  mais  de  dresser  simplement,  en  sui- 
vant le  cours  des  âges,  le  bilan  de  ce  que  Tlemcen  doit  de 
gloire  architecturale  à  chacun  de  ses  anciens  maîtres. 

Agadir  jusqu'à  la  conquête  abnoravide  et  à  la  fondation 
^  de  Tagrdrt.  —  Tlemcen  est  la  Pomaria  romaine.  La  ville 
antique  était  située  sur  le  plateau  oii  est  aujourd'hui  Agadir. 
Le  nom  de  Pomaria  a  été  relevé  dans  plusieurs  inscriptions 
trouvées  sur  cet  emplacement^.  On  ignore  ce  qu'était  exacte- 

1.  Cf.,  sur  les  écoles  de  Tlemcen  sous  les  Beni  Zeiyàn,  le  chapitre  xiv  de 
Bargès,  Tlemcen,  ancienne  capitale  du  royau7ne  de  ce  nom. 

2.  Cf.,  sur  cet  édifice,  infrà,  p.  27,  note  2. 

3.  Cf.  Bargès,  Tlemcen.  capitale  du  royaume  de  ce  nom,  p.  173  ;  —  I.  Khal- 
doun.  Histoire  des  Berbères  (traduction),  III,  p.  323;  —  Audollent,  Sur  un 
groupe  d'inscriptions  de  Pomaria  (Tlemcen)  en  Mauritanie  césarienne  {Mé- 
langes Rossi.  Publications  de  VEcole  française  de  Rome,  1892,  p.  127-135)  ;  — 
C.  I.  L.,  VIII,  9906-9908,  9955-9960;  —  consulter  aussi  avec  précaution  Canal, 
Pomaria-Tlemcen  sous  la  domination  romaine  (extrait  du  Bulletin  de  ge'ogra' 
phie  et  d'archéologie  d'Oran,  1889). 


INTRODUCTION  11 

ment  la  localité  à  Tépoque  de  la  conquête  musulmane.  Son  sol 
n'a  pas  fourni  d'antiquités  romaines  ou  byzantines  de  marque. 
Les  incursions  de  la  première  invasion  arabe  durent  passer 
sur  Tlemcen  comme  sur  le  reste  de  TAfrique  mineure  sans  y 
laisser  de  traces  sérieuses.  Au  témoignage  d'Ibn-Khaldoun, 
elle  aurait  été  conquise  par  Abou'l-Mohâdjir,  lieutenant  d'Oqba- 
ben-Nâfî,  et,  en  souvenir  de  ce  lointain  événement,  une  source 
tlemcenienne  aurait  porté  encore,  à  l'époque  du  grand  historien, 
le  nom  de  Aïn-El-Mohàdjir  ^  Rappelons  aussi  pour  mémoire 
une  tradition  locale  qui  fait  de  l'un  des  saints  les  plus  anciens 
de  la  ville,  Sîdi  Wahliâb,  un  compagnon  du  i)r()})liète  venu  à  la  ^ 
suite  d'Oqba  à  la  conquête  du  Maghrib  et  mort  à  Tlemcen^.  A 
l'époque  héroïque  du  Khâridjisme,  Tlemcen  apparaît  comme  le 
siège  d'une  petite  principauté  çofrite  avec,  pour  imâm,  Abou- 
Qorra.  Mais,  en  790  (174  de  l'hégire),  elle  est  conquise  par  u 
Idrîs  P''.  C'est  au  nom  de  ce  prince  qu'est  attachée  la  première 
mention  historique  d'une  construction  d'édifice  à  Tlemcen. 
a  Idrîs,  dit  l'auteur  du  Qarfds,  entra  sans  coup  férir  à  Tlem- 
cen, donna  Vamdn  au  peuple  et  édifia  une  belle  mosquée  qu'il 
orna  d'une  chaire  sur  laquelle  il  fit  graver  ces  mots  :  «  Au 
nom  de  Dieu  le  clément,  le  miséricordieux.  Cette  mosquée  a 

1.  Histoire  des  Berbères  (traduction),  111,  p.  334.  Aujourd'hui  l'on  ne  connaît 
plus  Aïn-El-Mohàdjir  ;  toutefois  une  source  située  dans  la  montagne  au-des- 
sus de  Mansourah  porte  le  nom  de  Aïn-EI-Mô>]jer,  et  la  tradition  locile  veut  que 
l'empreinte  des  pas  d'un  compag-non  du  Prophète  soit  marquée  tout  auprès. 

2.  Le  nom  de  ce  personnage  dont  la  qoubba  est  très  vénérée  se  trouve  écrit 
dans  les  textes  Wahb-ben-Monebbih  (par  exemple  Boston,  nofre  manuscrit, 
p.  601)  ;  il  y  a  là  une  curieuse  confusion  populaire  avec  le  Juif  converti, 
compagnon  du  prophète  qui  porte  ce  nom  (Cf.  Doutté,  les  Marabouts,  p.  66, 
notes  7,  8  ;  —  sur  Wahb-ben-Monebbih  :  Chauvin,  Recension  égyptienne  des 
Mille  et  une  Nuits,  31-32,  51-58);  —  rappelons  aussi  la  légende  locale  qui  fait 
d'Agadir  une  des  stations  du  fabuleux  voyage  de  Moïse  et  de  Khidhr  ;  elle  est 
abondamment  étudiée  apud  Basset,  Nedromah  et  les  Traras,  X-Xl. 


12  INTRODUCTION 

été  élevée  par  les  ordres  de  Fimâm  Idris-ben-Abdallah-ben- 
Hosaïn^  » 

Il  importe  de  ne  pas  oublier  qu'à  cette  époque,  Tlemcen, 
c'est  Agadir,  et  rien  de  plus  -,  et  des  monuments  tlemceniens 
celui  dont  l'édification  première  remonte  le  plus  loin  dans  le 
passé  se  trouverait  donc  être  la  mosquée  d'Agadir.  Elle  subit 
au  reste  de  fréquentes  restaurations,  reçut  de  nombreux  com- 
pléments dans  la  suite  des  âges.  Idrîs  II  y  aurait  retravaillé 
vingt-cinq  ans  après  sa  fondation  ;  les  Omeyyades  de  Cordoue, 
les  Beni-Zeiyân  y  ajoutèrent  ou  y  firent  des  réparations.  Sous 
la  domination  Idrîside,  Tlemcen  (Agadir)  devint  probablement 
une  sorte  de  place  avancée  vis-à-vis  de  Tiaret  la  Khâridjite. 
La  forte  position  du  lieu  engageait  à  s'y  établir  solidement. 
Aux  âges  suivants,  nous  en  voyons  le  commandement  confié  par 
les  Idrîsides  de  Fâs  à  leurs  cousins  les  descendants  de  Solaïmân- 
ben-Abdallah.  Dès  cette  époque  lointaine,  Tlemcen  apparaît 
^  comme  une  dépendance  d'un  empire  marocain.  Elle  est  la  vas- 
sale de  Fâs.  Il  en  sera  presque  continuellement  de  même  jus- 
qu'au jour  ou  Yarmorâsen,  débarrassé  de  la  tutelle  almohade, 
érigera  la  ville  en  capitale  d'un  royaume  indépendant.  Mais 
cette  longue  tradition  de  vassalité  pèsera  lourdement  sur  les 
destinées  de  Tlemcen.  Fréquemment,  ses  voisins  de  l'Ouest 
s'efforceront  de  la  faire  descendre  de  son  nouveau  rang,  et  de 
rétablir  son  antique  dépendance  vis-à-vis  de  Fâs  etdeMarrâkecb. 

1.  Roudh-el-Qartâs  (traduction  Beaumier),  p.  17;  — Histoire  des  Berbères 
(traduction),  II,  p.  560;  — Bargès,  Complément  de  VHistoire  des  Déni  Zeiyân, 
535,  536. 

2.  Le  nom  d'Agadir  paraît  bien  répondre  à  l'arabe  djedâr,  mur,  endroit  for- 
tifié ;  mais,  comme  on  l'a  remarqué,  l'emprunt  de  ce  mot  par  le  berbère  à  une 
langue  sémitique  est  antérieur  à  la  conquête  arabe.  Il  faut  probablement  son- 
ger au  phénicien  gadir  (cf.  Bargès,  Tlemcen,  ancienne  capitale  du  royaume  de 
ce  nom,  p.  153  ;  —  Basset,  ISledromali  et  les  Traras,  XI,  note  4). 


INTRODUCTION  13 

La  dynastie  des  Idrîsides  ne  tarda  pas  à  être  battue  en  brèche 
par  deux  puissances  rivales,  les  Omeyyades  de  Cordoue  et  les 
Fatimides.  La  branche  de  la  famille  idrîside  fixée  à  Tlemcen 
gouverne  tantôt  sous  l'une,  tantôt  sous  l'autre  de  ces  suzerai- 
netés. Puis,  à  la  chute  définitive  des  descendants  d'Idrîs  P*",  elle 
est  remplacée  dans  le  commandement  de  la  ville  par  une  famille 
d'émirs  Maghrâwa,  les  Beni-Khâzer,  de  la  grande  race  berbère 
des  Zenata.  Ces  princes  acceptent  l'investiture  des  Omeyyades 
de  Cordoue^. 

Nous  possédons  des  descriptions  très  sommaires  de  Tlem- 
cen au  ix*"  siècle,  laissées  par  des  voyageurs  et  des  géo- 
graphes arabes.  Ils  la  dépeignent  comme  une  ville  peuplée, 
dans  une  banlieue  fertile,  déjà  construite  et  entourée  d'un 
mur.  Suivant  Ibn-Haouqal  (vers  950  de  Tère  chrétienne),  le 
mur  est  en  brique  ;  suivant  El-Yaqoûbi  (vers  967  de  l'ère  chré- 
tienne), il  est  en  pierre  et  il  est  double-.  En  973,  Tlemcen  est 
prise  et  saccagée  parBologghi  ez-Zîri,  lieutenant  des  Fatimides 
dans  le  Maghrib  ;  ses  habitants  sont  transportés  à  Achîr^. 

Mais  la  ville  se  relève  de  ses  ruines  avec  le  gouvernement 
des  émirs  Maghrâwa,  connus  sous  le  nom  de  Beni-Yala^.  Pré- 
ludant à  son  rôle  de  future  capitale,  elle  peut  être  considérée 
alors  comme  le  siège  du  gouvernement  du  Maghrib  central. 
Au  xi*"  siècle,  elle  voit  venir  jusqu'à  elle  les  hordes  nomades  de 
nouveaux  envahisseurs,  la  tribu  Hilâhenne  des  Zighba.  Mais 

1.  Cf.,  pour  toute  cette  période  de  l'histoire  de  Tlemcen,  I.  Khaldoun,  His- 
toire des  Berbères,  III,  335,  336  ;  —  Roudh-el-Qartâs,  p.  113. 

2.  Ibn-Haouqal  (éd.  de  Goeje),  63;  —  El-Yaqoùbi  (éd.  de  Goeje),  texte  17  ; 
traduction,  116,  117. 

3.  Cf.  Ibn-Khaldoun,  Histoire  des  Berbères,  11,  p.  10  ;  —  Fournel,  la  Conquête 
de  V Afrique,  II,  p.  363. 

4.  Cf.,  sur  cette  dynastie  tlemcenienne,  Histoire  des  Berbères,  III,  269-272. 


14  INTRODUCTION 

El-Bekri,  qui  écrit  à  cette  époque  (1067-1080),  la  dépeint  comme 
une  ville  prospère  et  forte.  Il  y  signale  un  reste  de  population 
chrétienne  (?)  et  donne  le  nom  de  cinq  de  ses  portes  ^  L'em- 
placement de  deux  au  moins  peut  facilement  être  déterminé  : 
la  première,  la  porte  de  Wahb,  qui  avait  reçu  le  nom  du  vieux 
saint  tlemcenien  Sîdi  Wahb  (Sîdi  Wahhâb,  cf.  suprà^  p.  11), 
était  située  auprès  de  son  tombeau,  au  Nord  du  petit  bois  de 
Sîdi  Yaqoùb  ;  mention  en  est  faite  dans  des  textes  bien  posté- 
rieurs''^; la  seconde,  Importe  de  la  montée  (Bâb  El-Aqba),  était 
encore  debout,  il  y  a  vingt  ans.  Située  au  levant  d'Agadir,  elle 
dominait  le  tombeau  de  Sîdi  Dâoudi.  Ce  personnage,  le  «  maître 
du  pays  »  avant  Sîdi  Bou-Médyen,  appartient  lui-même  au 

siècle-'^.  Sa  coupole  dut  être  édifiée  pour  la  première  fois  à 
cette  époque.  Mais  il  n'y  a  plus  rien  d'antique  à  discerner  dans 
le  petit  monument  actuellement  debout,  auquel  est  attaché  le 
nom  du  saint.  Semblable  à  beaucoup  de  ^o?Y/><^a.s  tlemceniennes, 
il  a  dû  subir,  au  cours  des  siècles,  de  fréquentes  restaurations. 

Conquête  ahnoravide .  —  Fondation  de  Tagrdrt.  —  A  la 
fin  du  xi"  siècle,  Tlemcen  change  de  maîtres.  Dès  1079,  le  prince 
almoravide  Yousouf-ben-Tâchfîn  envoie  son  général  Mazdali 
contre  la  capitale  maghrawienne.  En  1001,  il  vient  lui-même 
renouveler  l'attaque,  prend  la  ville,  et  soumet  à  son  pouvoir 
tout  le  Maghrib  central.  Suivant  une  pratique  dont  l'histoire  des 
peuples  musulmans  offre  de  nombreux  exemples,  il  commença 
d'édifier  une  ville  nouvelle  à  l'endroit  oîi  s'était  dressé  son 

1.  El-Bekri,  Description  de  V Afrique  septentrionale  (éd.  de  Slanej,  p.  76. 

2.  «  La  tombe  de  Sîdi  Yaqoùb,  bien  connue,  et  où  les  vœux  sont  exaucés,  est 
située  à  la  porte  de  Wahb-ben-Monebbih  »  {Boslân,  notre  manuscrit,  601,  in 
fine). 

3.  Abou-Jafar  Ahmed  ed-Dàoudi  mourut  en  402  de  l'hégire  (1011  de  l'ère 
chrétienne).  Cf.  Index  librorum  quos  a  magistris  didicit  Abu  Bequer  Ben 
Khair  (Ed.  Godera),  1,  p.  87. 


INTRODUCTION 


15 


camp  ;  ce  fut  sur  le  vaste  plateau,  situé  à  l'Ouest  d'Agadir,  à 
remplacement  même  de  la  ville  moderne.  Cette  cité  almora- 
vide,  Tagrârt,  est  la  véritable  ancêtre  de  la  Tlemcen  actuelle  ^ 
De  son  berceau,  Agadir,  la  ville  se  transporta  une  première 
fois  vers  l'Ouest  au  xf  siècle,  par  ce  curieux  procédé.  Au 
xw""  siècle,  elle  sera  sur  le  point  de  subir  un  nouveau  et  semblable 
déplacement,  avec  la  construction  de  Mansourah.  Nous  ren- 
voyons sur  ce  point  au  chapitre  consacré  aux  ruines  de  cette  loca- 
lité. —  Agadir  prise,  la  nouvelle  cité  de  Tagrârt  demeura  le 
siège  officiel  du  Gouvernement.  Les  Almoravides  y  édifièrent 
un  château-fort,  qu'il  faut  probablement  identifier  avec  le  Qac?' 
el-qadim~,  Tagrârt  devait  croître  de  plus  en  plus  au  fur  et  à 
mesure  qu'Agadir  déclinait,  et  survivre  à  cette  dernière.  Il 
semble  certain  qu'à  la  fin  de  la  dynastie  almoravide  elle  avait 
pris  assez  d'importance  pour  qu'on  songeât  à  y  édifier  une  grande 
mosquée.  La  date  de  1136  (530  de  l'hégire),  relevée  sur  une 
inscription  de  la  mosquée  cathédrale  de  Tlemcen,  montre  qu'on 
avait  travaillé,  à  cette  époque,  à  une  partie  essentielle  de  l'édi- 
fice, la  coupole  du  mihrâb^. 

Conquête  almohade.  —  Tlemcen,  après  avoir  été  un  des  bou- 
levards de  l'empire  almoravide,  vit  la  chute  de  cet  empire. 
Elle  fut  le  théâtre  de  la  bataille  décisive  que  l'almohade  victo- 
rieux, Abd-el-Moumin,  livra  au  dernier  almoravide,  Tâchfîn- 

1.  Tagrârt^  dit  Ibn-Khaldoun,  signifie  camp  {Malialla)  en  Berbère;  —  conf., 
pour  la  fondation  de  Tagrârt,  Ibn-Khaldoun,  II,  p.  76  ;  III,  p.  272  ;  —  Bargés, 
Complément,  p.  514  (le  passage  de  la  Baghyat-ev-Rouwâd,  traduit  par  Bargès 
<à  cet  endroit,  ne  figure  dans  aucun  des  manuscrits  que  nous  avons  examinés). 

2.  Cf.,  sur  le  Qaçr  el-Qadîm  :  Brosselard,  Tombeaux  des  Emirs  Beni  Zeiyân, 
p.  53. 

3.  Cf.  Brosselard,  les  Inscriptions  de  Tlemcen  {Revue  africaine,  décembre  1858, 
p.  86,  87);  —  Bargès,  Tlemcen,  ancienne  capitale  de  ce  nom,  p.  435;  —  sur 
d'autres  traces  de  la  conquête  almoravide  dans  le  pays  de  Tlemcen,  cf.  Bas- 
set, Nedromati  et  les  Traras,  p.  22  (inscription  votive  du  temps). 


16  INTRODUCTION 

ben-Ali.  Les  Almoliades  avaient  éta1)li  et  fortifié  leur  camp  dans 
la  gorge  qui  ouvre  le  plateau  rocheux  dominant  la  ville  au  Sud 
(esSakhratein^  les  deux  rochers).  Tagrârt,  puis  Agadir  furent 
prises,  et  Tâchfîn-ben- Ali  s'enfuit  versOranoù  il  trouva  la  mort 
(1145)  ^  Abd-el-Moumin,  maître  de  la  ville,  la  dévasta  d'abord  ; 
puis,  peu  après,  il  fît  relever  les  remparts  d'Agâdir,  augmen- 
ter ceux  de  Tagrârt,  et  travailla  à  la  Grande  Mosquée Ses  suc- 
cesseurs l'imitent,  accroissent  et  fortifient  le  vaste  périmètre 
des  murailles,  surtout  à  l'époque  de  la  lutte  contre  les  Beni 
Ghânya  (1185-1223).  Yaqout,  qui  écrit  à  l'époque  almohade, 
donne  de  Tlemcen  la  description  suivante  :  «  Tlimsân  (ou  Tnim- 
sân)  est  formée  de  deux  villes  voisines,  entourées  de  murs  et 
distantes  l'une  de  l'autre  d'un  jet  de  pierre.  L'une  est  ancienne, 
l'autre  nouvelle.  La  nouvelle,  tracée  par  les  Almoravides, 
s'appelle  Tagrârt;  c'est  là  que  résident  l'armée,  les  fonction- 
naires et  diverses  classes  de  gens.  La  vieille  ville,  Agâdir  est 
habitée  par  la  masse  du  peuple^.  »  Les  derniers  Almohades 

1.  Cf.  Histoire  des  Berbères,  11,  p.  85,  p.  177  et  ss.  (Tlemcen,  dans  ce  texte,  est 
bien  distinguée  de  Tagrârt);  111,  p.  337;  —  noud/i-el-Qarlâs,  p.  266,  267  (sui- 
vant ce  texte,  les  Almoravides,  après  la  prise  de  Tagrârt,  se  seraient  mainte- 
nus à  Agadir  jusqu'en  M49;  —  cf.  l'exacte  discussion  de  Bargès  à  cet  égard, 
ap.  Tlemcen,  ancienne  capitale,  etc.,  183,  184). 

2.  Cf.  Histoire  des  Berbères,  111,  p.  337  ;  —  Roudh-el-Qartâs,  p.  269,  où  il 
est  dit  qu'Abd  el-Moumin  bâtit  la  grande  mosquée  de  Tlemcen  ;  par  là  s'ex- 
pliquerait ce  fait  que,  dans  l'inscription  commémorative  datée  de  530  de  l'hé- 
gire, le  nom  de  l'almoravide  alors  régnant  ait  été  efl'acé  (Cf.  Bargès,  Tlemcen, 
ancienne  capitale,  p.  435,  et  infrà  :  Grande  Mosquée). 

S.  Yaiqout,  Modjam  el-Boldân,  p.  870,  871;  —  sur  les  constructions  des 
murs  de  Tlemcen  à  l'époque  almohade,  Bargès,  Tlemcen,  ancienne  capitale, 
p. 187,  188. 

Une  juxtaposition  toute  semblable  à  celle  de  Tagrârt  et  d'Agâdir  est 
encore  visible  à  Fâs,  composée  de  deux  villes,  séparées  entre  elles  par  un 
oued  et  munies  toutes  deux  d'une  enceinte  :  Fâs-el-Bâli  et  Fâs-Djadid. 
Fâs-el-Bâli  (l'ancienne)  est  une  agglomération  populaire,  Fâs-Djadîd  (la 
neuve)  ne  contient,  outre  le  mellah,  que  la  qasbah  et  les  résidences  des  fonc- 
tionnaires. 


INTRODUCTION  17 

retravaillèrent  vraisemblablement  à  la  Grande  Mosquée.  La 
coupole  primitive  du  tombeau  de  Sîdi  Bou-Médyen  à  El-Eubbâd 
fut  l'œuvre  du  quatrième  de  ces  princes,  Mohammed  en-Nâcer^. 

Les  Abd-el-Wcidites ;  Tlemcen^  capitale.  —  C'est  à  l'époque 
almohade  que  s'installèrent  dans  le  pays  de  Tlemcen  les  ancêtres 
des  plus  célèbres  de  ces  futurs  maîtres.  La  grande  famille 
berbère  zenatienne  des  Abd-el-Wâd,  refoulée  du  Sahara  par  ^ 
l'invasion  hilâlienne,  remonta  vers  le  Nord  et  vint  s'établir 
dans  la  partie  occidentale  du  département  actuel  d'Oran'-.  A  la 
même  époque,  leurs  frères  ennemis,  les  Beni-Mérin,  venaient 
occuper  le  pays  qui  va  de  la  Molouj^a  à  Fâs. 

D'abord  gouverneurs  du  pays  de  Tlemcen  pour  les  Almohades, 
les  Emirs  abd-el-wâdites,  au  déclin  de  cette  dynastie,  s'affran- 
chissent de  toute  suzeraineté.  C'est  Yarmorâsen-ben-Zeiyân  qui  ^ 
accomplit  cet  acte  d'hidépcndance.  Tlemcen  devient  capitale; 
un  royaume  du  Maghrib  central  apparaît  dans  l'histoire,  à  la 
tête  duquel  les  successeurs  de  Yarmorâsen  se  succèdent  pen- 
dant près  de  trois  siècles.  Ibn  Khaldoun  résume  en  ces 
termes  l'avènement  de  Tlemcen  à  une  fortune  plus  haute  : 
((  Tlemcen  est  la  capitale  du  Maghreb  central,  la  métropole  pro-  ""l 
tectrice  des  tribus  zenatiennes  qu'elle  est  toujours  prête  à 
abriter  dans  son  sein...  Pendant  les  guerres  d'Ibn-Ghânya,  elle 
a  vu  tomber  autour  d'elles  de  nombreuses  forteresses,  Qaçr- 
Adjîça,  Zerqa,  El-Khadhra,  Metîdja,  etc..  Depuis  lors,  ces 

1.  Ci",  infrà:  les  Monuments  de  Sîdi  Bou-Médine  ;  —  Brosselard,  les  Inscrip- 
tions arabes  de  Tlemcen  {Revue  africaine^  décembre  1859,  p.  83);  —  Bargès, 
Vie  de  Cidi  Bou-Médine^  introducLion. 

2.  Le  nom  même  des  Abd-el-Wàd  demeure  jusqu'à  nouvel  ordre  inexplicable. 
Cf.,  sur  les  origines  de  cette  tribu,  Histoire  des  Berbères,  III,  302,  326  et  suiv.  ; 
—  Bargès,  Complément  de  VEisloire  des  Beni  Zeiyàn,  1-.^,  540  et  suiv.  ;  — 
l'arbre  généalogique  par  lequel  ces  Berbères  prétendaient  se  rattacher  à  la 
famille  du  prophète  apud  Bargès,  Histoire  des  Beni  Zeiytm,  146,  147* 

2 


18  INTRODUCTION 

villes  sont  restées  désertes.  On  n'y  trouve  plus  un  seul  foyer 
habité,  on  n'y  entend  plus  le  chant  du  coq.  Tlemcen,  au  con- 
traire, a  toujours  vu  sa  prospérité  augmenter,  ses  quartiers 
s'étendre,  ses  maisons,  solidement  construites  en  briques  et  en 
tuiles,  s'élever  et  s'agrandir.  Les  enfants  de  Yarmorâsen-ben- 
Zeiyân,  l'ayant  prise  pour  siège  de  leur  empire,  y  bâtirent  de 
beaux  palais  et  des  caravansérails  pour  les  voyageurs...  Elle 
prit  l'aspect  d'une  vraie  capitale  musulmane,  siège  d'un  Kha- 
lifat^.  »  La  tentative  de  Yarmorâsen  ne  va  pas,  du  reste,  sans 
rencontrer  d'obstacles.  Ses  quarante-quatre  ans  de  règne  se 
passent  en  grande  partie  à  repousser  les  attaques  de  ses  voi- 
sins de  l'Est  et  de  l'Ouest.  Ces  derniers  surtout,  les  Mérinides, 
sous  les  successeurs  de  Yarmorâsen,  chercheront  à  ramener  le 
nouvel  empire  sous  la  suzeraineté  de  Pas  et  de  Marrakech. 
Ils  y  réussiront  momentanément  au  cours  du  xiv^  siècle,  et, 
pendant  vingt-cinq  ans,  ils  seront  maîtres  de  Tlemcen.  Cet 
1  interrègne  mérinide  coupe  en  deux  parties  distinctes  l'histoire 
de  la  dynastie  des  Beni-Zeiyân. 

La  première  dynastie  zeiyânide.  —  On  distingue  générale- 
ment la  première  branche  régnante  des  Beni-Zeiyân  sous  le 
nom  de  dynastie  Abd-el-Wâdite.  Ces  monarques  construisirent 
beaucoup  à  Tlemcen.  Le  fondateur,  Yarmorâsen,  éleva  le  mina- 
ret de  la  Grande  Mosquée.  A  l'histoire  de  cette  construction 
se  rattache  une  anecdote  célèbre  que  l'on  trouvera  plus  loin 
(Cf.  infrà:  Grande  Mosquée).  La  coupole  qui  recouvre  le  tom- 
beau de  l'imâm  Mohammed  Ben-Merzouq,  à  l'angle  Sud-Ouest 
du  bâtiment,  date  de  la  même  époque;  et,  suivant  la  tradition, 
Yarmorâsen  lui-même  aurait  été  inhumé  tout  auprès''.  En 

1.  Histoire  des  Berbères,  III,  p.  339,  340. 

2.  Cf.  Bargès,  Complément  de  VHistoire  des  Beni  Zeiyân,  p.  16  ;  —  Brosselard, 


INTRODUCTION  j9 

même  temps  qu'il  travaillait  à  la  grande  mosquée  de  Tagrârt, 
le  monarque  Abd-el-Wâdite  n'oublia  pas  celle  du  vieil  Aga- 
dir, lien  fit  réparer  le  dôme  et  le  minarets  Ce  dernier,  tel 
qu'il  subsiste  jusqu'à  nos  jours,  nous  oifre  très  vraisemblable- 
ment Tœuvre  de  Yarmorâsen.  Ce  prince  travailla  activement 
aux  remparts  de  la  partie  occidentale  de  la  ville,  dont  les 
continuelles  incursions  de  l'ennemi  rendaient  nécessaire  le 
renforcement-.  Enfin  les  textes  mentionnent  qu'après  la 
construction  du  minaret  de  la  Grande  Mosquée,  Yarmorâsen 
abandonna  le  vieux  château  (El-Qaçr  El-Qadim)  pour  des  rai- 
sons de  convenance  personnelle  et  alla  jeter  dans  la  partie 
méridionale  de  la  ville  les  fondations  d'un  nouvel  édifice  royal. 
C'est  du  Mécliouar  qu'il  s'agit  très  vraisemblablement 
Cette  œuvre  architecturale  de  Yarmorâsen  ne  fut  point,  au 
reste,  le  fruit  de  la  paix  ;  c'est  au  milieu  de  guerres  continuelles 
que  le  premier  des  Beni-Zeijân  accomplit  ses  desseins  de 
fondateur  de  capitale.  A  deux  reprises,  il  dut  évacuer  Tlemcen, 
et  le  voyageur  El-Abderi,  qui  visita  la  ville  en  688,  nous  en 
trace  un  tableau  assez  triste  :  «  Cette  cité  est  très  belle  à 
voir,  dit-il,  et  contient  de  magnifiques  choses  ;  mais  ce  sont  des 
habitations  sans  habitants,  des  maisons  sans  propriétaires,  des 
lieux  que  personne  ne  visite.  Les  nuages  pleurent  les  malheurs 
de  la  ville  en  versant  leurs  eaux,  et  les  colombes  sur  les 
arbres  déplorent  sa  destinée  en  poussant  des  gémissements^.  » 

Tombeaux  des  Emirs  Beni  Zeit/ân,  p.  137,  138;  —  le  Walî  Abou'l-hasan  Ali  Ben- 
en-Nejjârîyâ  aurait  déjà  été  enterré  à  cette  place  (Bargès,  op.  laud.,  p.  17). 

1.  Cf.  Bargès,  Histoire  des  Beni  Zeiyûn,  XXXVII  ;  —  Complément,  p.  9. 

2.  Bargès,  Complément.,'^.  2. 

3.  Cf.  Bostân  (notre  manuscrit),  p.  415  ;  —  Brosselard,  Tombeaux  des  Emirs 
Beni  Zeiyân,  p.  53. 

4.  Er-Rihla  el  Maghribiya,  traduction  Cherbonneau  {Revue  africaine  et  colo- 
niale, avril  1880,  p.  288). 


20  INTRODUCTION 

Si  pénibles  qu'aient  été  ces  débuts  de  Fempire  zeijânide,  il 
n'en  reste  pas  moins  qu'il  eut  la  chance  d'avoir  un  fondateur 
qui  régna  près  d'un  quart  de  siècle  ;  dès  sa  naissance,  le  droit 
à  la  vie  du  nouveau  royaume  s'affirma  ainsi  énergiquement.  — 
Les  successeurs  de  Yarmorâsen  continuent  d'embellir  leur  capi- 
tale au  milieu  des  mêmes  embarras.  Le  siècle  que  dure  la  dynastie 
Abd-el-Wâdite  nous  apparaît  comme  une  époque  de  vie  très 
^  intense,  sous  l'impulsion  de  monarques  guerriers,  bâtisseurs, 
protecteurs  des  arts  et  des  sciences,  braves  et  violents,  sou- 
vent diplomates  médiocres,  mais  animés  d'une  rare  et  tenace 
continuité  de  vues.  Entre  deux  guerres,  ils  poursuivent  l'œuvre 
architecturale  du  fondateur  ;  et  ces  guerres  ne  sont  pas  tou- 
jours des  razzias^  de  simples  séries  d'escarmouches.  Elles 
mettent  parfois  en  péril  l'existence  même  de  la  cité  abd-el- 
wâdite  :  telle  celle  qui  eut  pour  épilogue  le  fameux  siège  de 
Tlemcen,  et  à  laquelle  est  liée  l'histoire  de  la  fondation  d'El- 
Mansourah  (Cf.  infrà  :  El-Mansourah).  Deux  ans  avant  le 
commencement  de  ce  siège,  sous  le  règne  d'Abou-Saîd  Otsmân, 

J  est  élevé  l'oratoire  de  Bel-Hassen,  la  plus  richement  décorée  des 
mosquées  tlemceniennes  (1296)  ^  Quelques  années  après  la 
délivrance  du  siège,  le  sultan  Abou-Hammou  fait  construire 

J  la    médersa,    la    zâwiya,    la    mosquée  d'Oulâd-El-Imâm 
(vers  1310)  -,  et  la  mosquée  du  Méchouar,  dans  son  palais 
((  aussi  grand  que  bien  des  villes  »  (1317  ;  717  de  l'hégire) 
Son  successeur  Abou-Tâchfîn,  prince  artiste,  versé  lui-même 

1.  Cf.  Brosselard,  les  Inscriptions  de  Tlemcen  {Revue  africaine,  février  1859, 
p.  161  et  suiv.)  ;  —  et  infrà  :  Mosquée  de  Sîdi  Bel-Hassen. 

2.  Cf.  Bargès,  Histoire  des  BeniZeiyân,  p.  43  ;  —  Complément,  p.  58,  63;  — 
Brosselard,  Inscriptions  arabes  de  Tlemcen  {Revue  africaine,  février  1859, 
p.  168)  ;  —  et  infrà:  Mosquée  d'Oulàd  El-Imàm. 

3.  Cf.  Ibn-Khaldoun,  Histoire  des  Berbères,  111,  396,  397  ;  —  Brosselard, 
Inscriptions  arabes  de  Tlemcen  {Revue  africaine,  mai  1860,  p.  246,  247. 


INTRODUCTION  21 

dans  l'art  du  dessin,  passe  plus  que  tout  autre  pour  avoir 
contribué  à  embellir  sa  capitale.  Ce  sont  surtout  des  édifices 
civils  que  les  historiens  lui  attribuent,  des  palais  comme  le 
ddi'- essor ow\  le  ddr-ahî-fih\  le  ddr-el-moulk^ .  Aucun  n'est 
parvenu  jusqu'à  nous.  Seule  la  Médersa  Tâchfînîya,  qui  fut 
son  œuvre,  était  encore  debout  au  milieu  du  siècle  dernier,  et 
ne  fut  complètement  démolie  que  vers  1876.  Dans  son  dernier 
état,  selon  toute  vraisemblance,  elle  offrait  surtout  l'impor- 
tante restauration  qu'elle  subit  environ  cent  ans  après  sa  cons- 
truction, sous  le  règne  d'Abou'l-Abbâs  Ahmed-.  Entre  temps, 
Abou-Tâchfîn  faisait  élever  le  minaret  de  la  grande  mosquée 
d'Alger  (1323;  723  de  l'hégire)'^.  Enfin  il  paraît  bien  que 
\e  grand  bassin^  situé  au  Couchant  deTlemcen,  sous  les  murs  ^ 
modernes  de  la  ville,  doit  également  être  considéré  comme  son 
oeuvre^. 

1.  Cf.  Bargès,  Histoire  des  Beni  Zeij./ân,  p.  46;  —  Complément,  p.  70,  avec 
d'intéressants  renseignements  sur  les  goûts  artistiques  d'Abou-Tàchfîn. 

2.  La  Médersa  Tâchfînîya  portait  aussi  le  nom  de  Mederm  Djadîda  (Médersa 
neuve)  ;  —  cf.,  sur  sa  construction,  Rargès,  Tlemcen,  capitale  du  royaume  de 
ce  nom,  p.  331,  332  ;  —  Histoire  des  Beni  Zeiyân,  p.  47,  48;  Complément,  p.  77  ; 
sur  sa  restauration  par  Aboul-Abbàs  Ahmed,  Histoire  des  Beni  Zeiyân,  p.  128; 
—  les  constructions  dont  les  restes  de  cet  édifice  faisaient  partie  étant  frappées 
d'alignement,  lors  du  redressement  de  la  place  Saint-Michel  (place  d'Alger 
actuelle),  Duthoit  demanda, en  1873,  un  crédit  de  1.500  francs  pour  l'enlèvement 
et  l'encaissement  des  mosaïques  qui  en  décoraient  l'entrée  {Archives  des  Mis- 
sions scientifiques,  IIP  série,  t.  I,  p.  325).  On  en  trouvera  une  aquarelle  signée 
Danjoy  au  Musée  de  Cluny  (faite  sur  les  relevés  de  Collignon,  conservateur 
des  monuments  historiques  à  Tlemcen),  des  photographies  et  des  relevés  dans 
les  dossiers  des  monuments  historiques  (département  d'Oran)  ;  des  photogra- 
phies à  la  bibliothèque  de  l'École  des  Beaux-Arts  (Vues  d\ifrique,  n°'  1403-83 
du  Catalogue).  Des  fragments  de  mosaïques  en  provenant  figurent  dans  les 
collections  du  Musée  de  Cluny  et  du  Musée  de  Tlemcen. 

3.  Cf.  Bargès,  Complément,  p.  74,  75  ;  —  Revue  de  l'Orient  (avril  1857),  p.  261 
et  suiv.  ;  —  Bewoulx,  Edifices  religieux  de  Vancien  Alger,  p.  94  ;  Colin,  Cor- 
pus des  inscriptions  arabes  de  V Algérie,  I,  Département  d'Alger,  p.  6  et  suiv. 

4.  Cf.  Bargès  Histoire  des  Beni  Zeiyân,  p.  46  ;  —  Tlemcen,  capitale  du  royaume 
de  ce  nom,  p.  350  et  suiv.  ;  —  aussi  infrà  :  Enceinte  de  Tlemcen. 


22  INTRODUCTION 

C'est  dans  la  quinzième  année  da  règne  d'Abou-Tâch- 
fîn  que  tomba  la  dynastie  abd-el-wâdite,  première  branche 
/  des  Beni-Zeiyân.  Le  27  de  Ramadhân  737  (1^^  mai  1337), 
après  un  siège  de  deux  ans,  Tlemcen  est  prise  d'assaut  par  le 
mérinide  Abou'l-Hasen  ;  Abou-Tâchfîn  succombe  dans  une  lutte 
suprême  en  défendant  le  Méchouar.  Pendant  vingt-cinq  ans, 
Tlemcen  va  obéir  aux  princes  de  la  dynastie  zenatienne  occi- 
dentale ^ . 

Linterregne  mérinide.  —  Tlemcen  n'eut  pas  à  souffrir  de 
ses  nouveaux  maîtres.  Pendant  le  quart  de  siècle  qu'ils  }' 
régnèrent,  ils  la  dotèrent  de  ses  plus  beaux  monuments. 
Toutefois  il  paraîtra  remarquable  que,  soit  à  dessein,  soit  par 
hasard,  la  ville  même  n'eut  pas  de  part  aux  fastueuses  cons- 
tructions des  Beni-Merîn;  tout  au  plus  réaménagèrent-ils 
peut-être  le  vieux  château  (El-Qaçr  El-Qadîm),  qui  semble  avoir 
été  presque  toujours  la  demeure  de  leurs  gouverneurs.  Mais  ce 
fut,  pour  ainsi  dire,  la  banlieue  de  Tlemcen,  qui  obtint  leur  pré- 
dilection de  pri  ices  bâtisseurs.  Les  trois  annexes  architectu- 
rales de  Tlemcen,  Mansourah,  Sîdi  Bou-Médine  et  Sîdi'l-Halwi 
■>  sont  leur  œuvre.  —  Mansourah,  œuvre  des  Mérinides,  est  anté- 
rieure à  leur  occupation  de  Tlemcen.  L'histoire  de  la  fondation, 
de  la  construction  de  son  enceinte  et  de  sa  mosquée  se 
rattache  au  premier  siège  de  Tlemcen  (1299;  698  de  l'hégire). 
On  la  trouvera  plus  loin  rapportée  et  discutée  (Cf.  infrà  : 
El-Mansourah).  Mais  il  paraît  certain  que  nombre  d'embel- 
lissements apportés  à  «  Tlemcen  la  Neuve  »,  comme  on  appela 
El-Mansourah,  ne  datent  que  de  l'interrègne  mérinide.  La 

1.  Sur  la  chute  de  la  dynastie  abd  el-wàdite,  cf.  Histoire  des  Berbères^  IV, 
219-224  ;  HT,  408  et  suiv. ;  —  Bargès,  Histoire  des  Beni  Zeiyân,  p.  53  ;  —  Com- 
ple'ment,  p.  71. 


INTRODUCTION  23 

construction  d'un  palais  somptueux,  une  restauration  probable 
de  sa  mosquée  furent  l'œuvre  d'Aboul-Hasen  Ali  (vers  1348  ; 
747  de  l'hégire). —  Bou-Médine  doit  aux  Mérinides  trois  des 
édifices  dont  elle  se  fait  gloire  :  la  mosquée,  la  médersa,  le  l- 
petit  palais.  On  pent  dire  qu'ils  furent  les  véritables  créateurs 

de  cette  localité  (Cf.  infrà  :  Sidi  Bou-Médine,  p.  228  et 
suiv.).  Enfin,  sept  années  après  Sîdi  Bou-Médyen,  le  Pôle, 
le  Secours  mprême,  le  patron  par  excellence  de  leur  nouvelle  ^ 
conquête,  un  autre  saint  Tlemcenien  très  vénéré  se  vit  aussi 
consacrer  un  oratoire  parles  magnifiques  vainqueurs  (Cf.  infvà  : 
Mosquée  de  Sidi'l-Halwi). 

Restauration  de  la  branche  cadette  des  Ahd-el-Wddites. — 
Dynastie  Zeiydnide.  —  Defii34^d,  les  princes  abd-el-wâditesAbou-  ^ 
Tsâbit  et  Abou-Said  avaient  réussi  momentanément  à  reprendre 
au  gouverneur  mérinide  la  capitale  de  leurs  ancêtres.  Mais  ils 
n'avaient  pu  s'y  maintenir  contre  les  armes  triomphantes  du  méri- 
nide Abou-lnân.  Aussi  ne  faut-il  compter  la  restauration  véritable 
des  descendants  de  Yarmorâsen  que  de  1359  (760  de  l'hégire).  ^ 
A  cette  date,  Abou-Hammou  Mousa  II,  petit-fils  de  Abou-Zaïd, 
frère  cadet  du  deuxième  sultan  abd-el-wâdite  Abou-Saîd 
Otsmân,  réussit  à  reprendre  définitivement  Tlemcen  aux  Méri- 
nides^. La  dynastie  issue  de  cette  restauration  est  distinguée 
sous  le  nom  particulier  de  dynastie  zeiyânide.  Cette  royauté 
de  la  branche  cadette  des  Beni-Zeiyân  est  loin  d'égaler  en 
gloire  celle  de  la  branche  aînée.  Elle  dura  deux  cents  ans  ;  ^ 
mais  l'histoire  des  vingt-cinq  princes  qui  s'y  succèdent  ofi*re 
presque  sans   interruption  le  triste  spectacle  de  meurtres, 

1.  Abou-Tsâbit  et  Abou-Saîd  sont  généralement  comptés  par  les  historiens 
parmi  les  souverains  effectifs;  —  cf.,  sur  leur  histoire  et  sur  la  reprise  de  Tlem- 
cen par  Abou-Hammou  II  :  Bargès,  Histoire  des  Beni  Zeiyân,  p.  59  à  68  ;  — 
Complément.,  p.  122-146  ;  —  Ibn  Khaldoun,  Histoire  des  Ber})ères.,  111,  420-438. 


24 


INTRODUCTION 


d'usurpations,  d'appels  à  l'étranger.  Deux  seulement  des 
monarques  zeiyânides,  le  restaurateur  de  la  dynastie,  Abou- 
Hammon  II,  et  Abou'l-Abbâs  Ahmed,  le  treizième  souverain, 
ont  des  règnes  un  peu  longs.  Les  autres  ne  demeurent  guère  sur 
le  trône  que  quelques  années,  certains  quelques  mois.  L'im- 
puissance du  malheureux  royaume  zeiyânide  à  vivre  avec 
quelque  grandeur  se  manifeste  par  les  continuelles  interven- 
tions d'abord  des  Mérinides,  qui  se  considèrent  toujours  comme 
suzerains  des  monarques  tlemceniens,  et  des  Hafcides  de 
Tunis,  plus  tard  des  Espagnols  et  des  Turcs,  jusqu'au  jour  où, 
sous  le  cimeterre  de  ces  derniers  venus,  la  dynastie  zeiyânide 
s'éteint  définitivement.  Naturellement,  dans  cette  précarité  du 
pouvoir,  les  constructions  sont  rares;  le  nombre  des  monu- 
ments zeiyânides  est  fort  restreint  et  leur  importance  mé- 
diocre. Le  premier  des  princes  zeiyânides,  Abou-Hammou  II, 
fut,  à  beaucoup  d'égards,  le  plus  glorieux.  Son  secrétaire  et 
historiographe  Yahya-beii-Khaldoun,  frère  du  grand  historien 
des  Berbères  Abder-Rahmân-ben-Khaldoun,  nous  a  abondam- 
ment renseigné  sur  son  long  règne  ^  Abou-Hammou  II,  né  et 
élevé  en  Andalousie,  s'efforça  de  réunir  à  sa  cour  des  savants 
et  des  littérateurs.  Il  composa  lui-même  de  nombreuses  poé- 
sies et  un  traité  politico-littéraire  sur  l'art  de  régner  2.  En  butte 

1.  Yahya  Ben-Khaldoun,  né  à  Tunis  en  1333,  mourut  assassiné  par  Tordre 
crAbou-Tàchfîn,  fils  d'Abon-Hammou  11,  en  1379  ;  il  a  laissé  une  histoire  de  la 
dynastie  abd-el-wâdite  intitulée  Baghyat- e^^-rouwâd  fî  akhhâr  el-Molouk  min 
Beni-Abd-al-Wâd.  Il  en  existe  des  manuscrits  à  la  Bibliothèque  Nationale,  à  la 
Bibliothèque  d'Alger  et  dans  un  certain  nombre  de  bibliothèques  particulières 
de  l'Algérie  (la  première  partie,  Médersa  de  Tlemcen,  n"  11).  On  trouvera  une 
biographie  de  l'auteur  et  une  analyse  de  l'ouvrage  apud  Bargès,  Complément, 
p.  204-217.  Bargès  a  largement  utilisé  la  Baghyat-er-Rouwâd  pour  ses  travaux 
sur  l'histoire  de  Tlemcen.  M.  Bel,  professeur  à  la  Médersa  de  Tlemcen,  pré- 
pare actuellement  une  édition  de  cet  ouvrage,  avec  traduction  et  notes. 

2.  Cf.  sur  ce  prince,  Bargès,  Histoire  des  Béni  Zeiyân,  chapitre  vu  ;  —  Corn- 


INTRODUCTION  25 

aux  intrigues  de  son  fils  Abou-Tàclifîn  et  aux  retours  offensifs 
des  Mérinides,il  réussit  à  se  maintenir  trente  ans  sur  le  trône  *^ 
jusqu'à  ce  qu'un  parricide  vînt  mettre  fin  à  ses  jours  (1389  ; 
791  de  l'hégire).  Yahya-ben-Khaldoun  nous  a  laissé  de  pré- 
cieux renseignements  sur  la  capitale  zeijânide  à  l'époque 
d'Abou-Hammou^  D'une  masse  de  descriptions  enthousiastes 
et  de  poèmes  hyperboliques  en  l'honneur  de  la  cité,  il  reste  à 
retenir  que  Tlemcen  avait  alors  cinq  portes  facilement  identi- 
fiables. Le  périmètre  de  Tlemcen,  à  la  fin  du  xiv'  siècle,  peut 
par  là  être  à  peu  près  exactement  déterminé  (cf.  infvà  : 
Enceinte  de  Tlemcen).  L'œuvre  architecturale  d'Abou-Ham- 
mou  comprend  d'abord  la  restauration  de  partie  de  l'enceinte,  ^ 
et  du  Méchouar,  ruinés  par  le  mérinide  Abou'l-Abbâs  en  789-, 
et  surtout  la  construction  de  la  médersa,  de  la  mosquée,  et  de 
la  qoubba  de  Sîdi  Brâhîm  '^.  Ces  deux  derniers  monuments  sont 
seuls  debout  aujourd'hui.  L'histoire  de  leur  fondation  sera 
exposée  plus  loin  (cf,  m/m  .•  Mosquée  de  Sîdi  Brâhîm).  11  faut 
mentionner  encore  parmi  les  oeuvres  d'Abou-Hammou  la  cons- 
truction d'une  bibliothèque  attenante  à  la  Grande  Mosquée^, 
Enfin  un  certain  nombre  de  petits  oratoires  tlemceniens  doivent 

plément,  chap.  viii,  ix  ;  —  Brosselard,  Tombeaux  des  Emirs  Beni  Zeiijâii^ 
p.  58-70  (avec  Tépitaphe  retrouvée  de  ce  prince).  L'ouvrage  politico-litté- 
raire d'Abou-Hammou  II  a  été  traduit  en  espagnol  par  Mariano  Gaspar,  pro- 
fesseur d'arabe  à  TUniversité  de  Grenade  [El  Collai'  de  Pe>'las,  Saragosse, 
1899),  d'après  l'Edition  de  Tunis  de  1862. 

1.  Cf.  Barges,  Complément,  p.  514  et  suiv.,   Tlemcen,  ancienne  capitale 
p.  196  et  suiv. 

2.  Abou  Tàchfîn  II  compléta  cette  œuvre,  cf.  ll)n  Khaldoun,  Histoire  des 
Berbères,  p.  480. 

3.  Cette  médersa  est  désignée  par  les  textes  sous  le  nom  de  Médersa  Yaqou- 
bî'/a,  cf.  Bargès,  Histoire  des  Beni  Zeiyân,  rois  de  Tlemcen,  p.  79,  80  ;  —  Com- 
plé?nent,  p.  159  et  suiv.  :  —  Brosselard,  Tombeaux  des  Emirs  Beni  Zeiyân^ 
p.  10,  11,47. 

4.  Cf.   Brosselard,  les  Inscriptions   de   Tlemcen    [Revue    africaine^  dé- 
cembre 1858,  p.  90). 


26  INTRODUCTION 

appartenir  à  Tépoque  de  la  restauration  zeiyânide,  au  règne 
d'Abou-Hammou  ou  à  celui  de  ses  successeurs.  Mais  le  témoi- 
gnage historique  de  l'activité  architecturale,  apparemment 
médiocre  des  premiers  Zeiyânides,  nous  fait  défaut,  et  il  faut 
descendre  jusqu'au  règne  d'Abou'l-Abbâs  Ahmed,  le  treizième 
de  ces  princes,  pour  trouver  la  mention  certaine  de  constructions 

^  d'édifices.  Abou'l-Abbas  restaura  la  médersa  Tâchfinîya^  A  la 
suite  d'un  soulèvement  populaire  inspiré  par  l'un  de  ses  neveux, 
Abou-Zeiyân  Mohammed,  il  fit,  au  dire  de  l'historien  Tenesi, 
élever  les  murailles  du  Méchouar,  <(  ce  qui  causa  grandement 
dommage  aux  propriétaires  voisins,  dont  on  dut  abattre  les  mai- 
sons ^  C'est  également  à  ce  prince  qu'il  faut  attribuer  la 
construction  de  l'oratoire,  aujourd'hui  ruiné  (à  Texception  du 
minaret)  du  petit  village  de  Sîdi-Lahsen,  dans  la  banheue 
orientale  de  Tlemcen.  11  fut  consacré  à  la  mémoire  de  son  ami 

^  et  conseiller,  le  pieux  Sîdi  Lahsen  Ben-Makhlouf  ér-Râchidi, 
après  la  mort  de  ce  personnage-^.  A  la  même  époque  semble 
appartenir  le  minaret  de  la  petite  mosquée  du  Derb-Msoufa,  à 
Tlemcen,  qui  porte  le  nom  du  Chîkh  Senousi.  Ce  savant,  mort  à 
la  fin  du  xv°  siècle,  y  enseignait  déjà  de  son  vivant.  Enfin  il  n'}^ 
a  guère  à  attribuer  aux  Zeiyânides  postérieurs  que  la  construc- 
tion de  la  qoubba  de  Chîkh  Senousi.  Ce  petit  édifice  fut  élevé, 
très  vraisemblablement,  quelques  années  après  la  mort  du 
grand  théologien,  vers  1490-1500^.  C'est  à  cette  époque  que 
Léon  l'Africain  visita  Tlemcen  et  en  laissa  la  description,  qu'on 
a  pu  lire  en  tête  de  cette  étude  (cf.  siiprà^  p.  8,  9). 

1.  Bargès,  Histoire  des  Beni  Zeiycm,  p.  128. 

2.  IcL,  p.  133;  —  Complément,  p.  297. 

3.  Cf.  Brosselard,  Tombeaux  des  Emirs  Beni  Zeiyân,^.  89;  — Bargès,  Com- 
plément,  p.  346. 

4.  Cf.  Brosselard,  Bévue  africaine,  avril  1859,  p.  246. 


INTRODUCTION  27 

La  domination  turque  à  Tleîucen.  —  Les  Turcs  furent  les 
derniers  maîtres  de  Tlemcen  avant  nous.  Il  est  à  noter  que  les 
chérifs  marocains,  héritiers  des  traditions  mérinides,  cher- 
chèrent à  deux  reprises  à  rattacher,  par  la  conquête,  Tlemcen 
à  leur  empire.  Ils  furent  victorieusement  repoussés  par  les 
soldats  de  l'Ojâq.  La  vieille  capitale,  désormais  simple  annexe 
dubeylik  d'Oran,  subit  entre  les  mains  de  ces  nouveaux  maîtres 
une  profonde  décadence.  Elle  se  dépeupla,  son  enceinte  se 
réduisit,  des  quartiers  entiers  tombèrent  en  ruines.  Lorsque  nos 
troupes  entrèrent  à  Tlemcen  pour  la  première  fois,  un  cinquième 
au  plus  de  la  ville  primitive  était  encore  habité ^  L'extrême 
négligence  des  nouveaux  occupants  laissa  sans  entretien  la 
plupart  des  édifices.  Le  Méchouar,  citadelle  de  la  garnison 
tlemcenienne,  conserva  son  enceinte  de  murs;  mais  beaucoup 
des  constructions  que  contenait  cette  véritable  ville  tombèrent 
à  terre-.  Les  dégradations  de  Sidi'l-Halwi,  du  petit  palais  de 
Sidi  Bou-Médine,  d'Oulâd  el-Imâm  doivent  dater  de  cette 
époque.  Tlemcen  fut  simplement  pour  les  Turcs  une  place  de 
garnison.  Leur  occupation  n'y  a  point  laissé  de  souvenirs  épi- 
graphiques  ou  archéologiques.  Dans  la  masse  variée  des  ins- 
criptions tlemceniennes,  funéraires,  votives,  dédicatoires,  on 
n'a  pas  relevé,  à  notre  connaissance,  une  seule  inscription 
turque,  alors  qu'Alger  en  offre  un  grand  nombre-^.  Le  seul 
monument  de  quelque  importance  qui  soit  l'œuvre  des  Turcs 

1.  Déjà  au  XVIII''  siècle,  cf.  Shaw,  Voyage  dans  la  Régence  d'Alger  (traduc- 
tion Mac  Garthy,  Paris,  1830),  p.  243  :  —  Bargès,  Tlemcen,  capitale  du  royaume 
de  ce  nom,  p.  202;  —  de  Lorral,  Voyage  à  Tlemcen  (dans  Tour  du  Monde. 
1875,  p.  310). 

2.  Cf.  Bargès,  Tlemcen,  capitale  du  royaume  de  ce  nom,  p.  385. 

3.  Réunies  dans  le  Corpus  des  inscriptions  de  V Algérie  ;  I,  Département 
d'Alger  (Paris,  1901). 


28 


INTRODUCTION 


nous  semble  la  qoubba  de  Sîdi  Bou-Médjen.  On  peut  affirmer 
^  que,  dans  son  dernier  état,  la  plus  grande  partie  de  cette 
qoubba  est  une  œuvre  turque.  Une  inscription  qui  figure 
sur  la  porte  d'entrée  du  tombeau  donne  la  date  de  1208 
(1793  de  l'ère  chrétienne),  et  le  nom  du  l)ey  d'Oran  Moham- 
med El-Kebîr^  La  restauration  de  la  coupole  en  bois  delà 
^  médersa  de  Sîdi  Bou-Médine  doit  également  dater  de  cet 
âge.  Une  tradition  rapportée  par  Barges  attribuait  la  cons- 
truction même  de  l'édifice  au  bey  Mohammed^.  Une  autre  tra- 
dition, recueillie  par  nous  de  la  bouche  de  vieux  Boumédinois, 
rapporte  à  ce  même  personnage  l'aménagement,  actuellement 
subsistant,  de  la  maison  de  l'oukil  ;  cet  édifice  aurait  été  aupa- 
ravant une  zâwiya  pour  les  pèlerins.  Enfin  les  deux  tombeaux 
de  Sîdi  Abdallah  Ben-Mançour  et  de  Sîdi  Mohammed  Ben- Ali,  à 
Aïn-el-Hout,  sont  également  datés  par  les  inscriptions  Tun 
de  1804  (1218  h.  ;  —  bevlicat  de  Mostafa  El-Manzali),  lautre 
de  1761  (1174  h.  ;  bevlicat  d'Ibrâhîm  El-Mihani)-'. 

C'est,  comme  on  le  voit,  aux  Almoravides,  aux  Almohades, 
aux  Abd-el-wâdites  et  surtout  aux  Mérinides  de  Fâs  que  Tlemcen 
doit  ses  embellissements  successifs.  En  dehors  de  la  Grande 
Mosquée,  les  monuments  tlemceniens  appartiennent  pour  la 
plupart  à  l'époque  qui  va  des  dernières  années  du  xiii*"  siècle 
/  au  milieu  du  xiv\  Contemporains  des  grands  monuments  de 
Grenade,  ils  forment  un  groupe  se  rattachant  à  la  période  de 
plein  épanouissement  du  style  andalous,  lui-même  rejeton  vi- 

1.  Cf.  Brosselard,  les  Inscriptions  arabes  de  Tlemcen  {Revue  africaine,  dé- 
cenibre  1839,  p.  87,  88). 

2.  Cf.  Bargès,  Tlemcen,  capitale  du  royaume  de  ce  nom,  p.  310. 

3.  Cf.  Brosselard,   les  Inscriptions  arabes  de  Tlemcen  [Revue  africaine, 
janvier  1862,  p.  16,  17,  18). 


INTRODUCTION  29 

goureiix  de  Tart  arabe.  Cette  époque,  qui  voyait  en  France 
s'élever  les  savantes  architectures  de  Saint-Urbain  de  Troyes, 
de  Saint-Nazaire  de  Carcassonne  et  de  Saint-Ouen  de  Rouen, 
étaitaussi  marqrée,  dans  lapéninsule  ibérique  et  dans  le  Maghrib, 
par  l'apparition  des  plus  beaux  spécimens  de  cet  art  ingénieux 
et  fragile  que  les  Orientaux  y  avaient  transporté  avec  eux. 

Les  origines  étrangères  de  Vart  arabe  cV Orient.  — A  vrai 
dire,  lors  delà  conquête  de  l'Espagne  (709),rart  arabe  n'avait 
pas  pris  nettement  conscience  de  lui-même  :  il  manquait  de 
formules  traditionnelles  et  d'ouvriers. 

Les  premières  mosquées  d'Orient  avaient  eu  le  plus  souvent, 
pour  architectes,  non  des  Arabes,  mais  des  artistes  ayant  déjà 
fait  leurs  preuves,  dans  le  pays  récemment  conquis  ou  dans  les 
pays  voisins.  Il  n'est  pas  ju  squ'au  vieux  sanctuaire  préislamique 
de  la  Kaha  dont  une  tradition  curieuse  ne  veuille  faire  l'oeuvre 
d'un  architecte  copte  venu  d'Alexandrie.  C'aurait  été,  d'autre 
part,  un  chrétien  d'Egypte,  qui  construisit  la  première  mosquée 
d'Amr  ben-El-Aci  à  Postât  (El-Jâmi  El-atîq),  un  chrétien  encore, 
qui  bâtit  la  mosquée  d'Ahmed  ben-Touloun  au  Caire,  en  879 ^ 
Les  Perses  aussi  furent  souvent  employés  comme  architectes. 
«  Quand  les  Arabes,  dit  Ibn  Khahloun,  eurent  cessé  d'observer  les 
préceptes  stricts  de  leur  religion,  et  quand  le  goût  d'une  vie 
luxueuse  et  de  la  domination  les  eut  pris,  ils  apprirent  des  Perses 
subjugués  les  arts  et  l'architecture,  et  bâtirent  des  édifices  som- 
ptueux- ».  Enfin  et  surtout  les  Grecs  eurent  un  rôle  important 
dans  la  formation  de  ce  qui  devait  être  l'art  arabe.  Le  cahfe  El- 

1.  Cf.  Gorbett  Bey,  The  life  and  works  of  Ahmad  ibn  Tûlûn  (dans  Journ. 
of  Ro/j.  asiat.  Society,  1891);  —  Maqrizi,  texte  arabe,  H,  265;  —  sur  les 
influences  de  Tart  copte  sur  Fart  musulman  d'Egypte,  cf.  Gayet,  VArL  arabe^ 
p.  26  et  suiv. 

2.  Prolégomènes,  texte  Quatremère,  II,  p.  231,  232;  Traduction,  11,  274. 


INTRODUCTION 


Walîd,  fils  d'Abd-el-Malik,  fit  venir  douze  cents  ouvriers  deCons- 
J  tantinople  pour  reconstruire  la  mosquée  de  Damas.  Longtemps 
les  Omeyyades  eurent  auprès  d'eux  des  maîtres  byzantins  qui 
formèrent  des  disciples  arabes  — Parfois  les  souverains  musul- 
mans se  contentèrent  de  désaffecter  les  temples  des  religions 
vaincues  pour  les  accommoder  au  nouveau  culte  :  TÉglise  Saint- 
Jean  de  Damas  en  fournit  un  exemple  célèbre.  Très  souvent 
aussi  des  morceaux  d'architecture  étaient  arrachés  aux  édi- 
fices existants  pour  être  utilisés  dans  les  mosquées  2. 

Vart  arabe  en  Espagne  et  dans  l'Afrique  du  Nord.  — 
Ces  collaborations,  ces  emprunts  se  continuèrent  dans  le  Maghrib 
et  en  Espagne  quand  les  Arabes  en  furent  maîtres.  Oqba  ben 
Nâfi  construit  la  mosquée  de  Cairouan,  et  c'est  «  une  véri- 
table forêt  de  colonnes  à  chapiteaux  antiques  de  toutes  pro- 
venances-^ ».  Pour  élever  le  palais  de  Zahra,  près  de  Cordoue 
(commencé  en  936),  Abd-er-Rahmân  III  réunit  les  archi- 
tectes et  les  artistes  les  plus  habiles  de  Bagdad,  de  Cons- 
tantinople  et  d'autres  lieux.  ^  Dans  ce  même  palais,  on  trou- 
vait des  colonnes  empruntées  aux  édifices  d'Asie  Mineure, 
d'Italie,  aune  église  chrétienne  de  Sfax,  des  cuves  de  marbre, 
apportées  de  Jérusalem  par  un  personnage  que  les  historiens 
arabes  désignent  sous  le  nom  de  «  Rabî  l'évêque^  ».  De  fré- 

1.  L'emploi  d'ouvriers  byzantins  pour  la  construction  des  mosquées  de 
Damas,  de  Jérusalem  et  de  Médine  est  mentionné  par  la  plupart  des  histo- 
riens arabes  ;  nous  nous  contentons  de  renvoyer  à  Ibn  Rhaldoun,  Prolégo- 
mènes, traduction,  II,  268,  375  ;  —  Cf.  Bayet,  VArt  byzantin,  p.  288  et  ss. 

2.  Au  vil''  siècle  de  l'hégire  encore,  un  portail  enlevé  à  une  église  des 
croisés  à  Saint-Jean-d'Acre  est  transporté  au  Caire  et  incorporé  à  la  madrasa 
de  Malik  Ncàçir  (Cf.  Maqrizi  H,  382  ;  Prisse  d'Avennes,  VArL  arabe,  pl.  XXXIV). 

3.  Cf.  Saladin,  la  Mosquée  de  Sidi  Okba  à  Cairouan,  Paris,  1899,  p.  50,  58 
et  suiv. 

4.  Girault  de  Prangey,  Essai  sur  Varchitecture  des  Arabes,  p.  53. 

5.  Cf.  Maqqari,  Analectes  sur  Vhistoire  et  la  littérature  des  Arabes  d'Es- 


iNTRODUCTÎON  31 

quents  rapports  existent  entre  les  califes  de  Cordoue  et  les 
empereurs  de  Byzance  ^  L'examen  des  monuments  moresques 
d'Espagne  des  viii%  ix^  et  x^  siècles  en  montre  nettement 
les  effets. 

Première  période^  arabo-byzantine  -.  —  Le  plus  noble  re- 
présentant de  cette  première  période  est  le  vénérable  édifice  de 
la  mosquée  de  Cordoue  (commencée  en  786),  l'ancêtre  de 
toutes  les  mosquées  d'Espagne  et  du  Maghrib.  Il  faut  citer,  à 
côté,  une  mosquée  de  Tolède,  maintenant  église  Del-Cristo  de 
la  Luz  (965),  des  bains  publics  à  Grenade  et  à  Barcelone, 
enfin  quelques  fragments  du  cloître  de  Tarragone. 

Les  caractères  qui  distinguent  cette  première  période  sont, 
outre  l'emploi  de  matériaux,  de  systèmes  d'appareillage  et  de 
charpente  antiques,  la  forme  des  arcades  généralement  en 
fer  à  cheval,  souvent  découpées  en  festons,  ne  présentant 
jamais  l'ogive,  qui  était  cependant  en  usage  dans  les  monu- 
ments d'Egypte  contemporains,  l'emploi  du  dôme  hémisphé- 
rique qui  venait  de  Byzance,  la  forme  des  chapiteaux, 
copies  grossières  de  types  corinthiens  et  composites,  l^emploi 
dans  les  arcades  des  voussoirs  colorés  ou  alternativement 
lisses  et  colorés,  enfin  le  style  des  décors  garnissant  les  sur- 
faces, palmettes,  entrelacs,  tout  à  fait  semblables  à  ceux 
qu'on  observe  sur  les  monuments  byzantins  de  Coiistan- 
tinople,  de  Ravenne  et  de  Venise. 

L'influence  byzantine,  très  reconnaissable  dans  les  monu- 
ments d'architecture,  est  peut-être  plus  tangible  encore,  dans 

pagne,  I  p.  372,  373;  Description  de  lalcazar  de  Ez-Zahra  d'après  Conde  et 
Murphy,  ap.  Girault  de  Prangey,  p.  51  et  ss. 

1.  Cf.  Dozy,  Histoire  des  Musulmans  d'Espagne,  III,  p.  93. 

2.  Nous  empruntons  cette  commode  division  en  trois  périodes  au  bon 
livre  de  Girault  de  Prangey. 


32  INTRODUCTION 

les  produits  de  l'art  industriel  espagnol,  qui  ne  se  distinguent 
guère ^,  que  par  des  inscriptions  arabes,  des  objets  analogues 
d'art  bj^zantin. 

Deuxième  j^ériode.  —  Transition.  —  Une  période  de  tran- 
sition, oii  l'art  arabe  occidental  se  dégage  lentement  de  l'imi- 
tation byzantine,  remplit  les  deux  siècles  qui  suivent 
(xf  et  XII'),  période  assez  mal  connue  par  suite  du  petit 
nombre  des  monuments  étudiés.  L'énigmatique  chapelle  de 
Villa- Viciosa  à  Cordoue,  la  tour  de  la  Giralda  et  quelques 
parties  anciennes  de  l'Alcazar  de  Séville,  tels  sont  les  spé- 
cimens dont  Texamen  a  pu  jusqu'ici  servir  aux  archéologues 
à  déterminer  les  caractères  de  cette  phase  intéressante.  Il 
faut  y  ajouter  les  palais  Sicihens  de  la  Cuba  et  de  la  Zisa,  qui 
datent  vraisemblablement  du  xii' siècle,  époque  de  l'occupation 
normande.  «  De  nouvelles  recherches...,  disait  Girault  de 
Prangev,  pourront  compléter,  un  jour,  les  notions  qu'il  a  été 
possible  de  recueillir  sur  les  édifices  de  cette  époque 
intermédiaire  entre  Cordoue  et  Grenade  -  ».  C'est  du  Maroc 
surtout,  qu'il  faut  attendre,  à  notre  avis,  les  documents 
les  plus  importants  sur  cette  période  intéressante  de  l'archi- 
tecture maghribine.  Les  grandes  mosquées  de  Fàs  et  de  Mar- 
rakech, sinon  dans  leur  ensemble,  au  moins  dans  leurs  parties 
principales  semblent  dater  de  cette  époque.  Tous  ceux  qui 
s'intéressent  à  l'art  musulman  d'Occident  doivent  inqjatiemment 

1.  Au  Louvre,  une  boîte  en  ivoire,  sculptée  pour  El-Moghîra,  fils  d'Abder- 
Rahmàn  est  toute  byzantine  de  style.  —  Le  goût  des  œuvres  byzantines  se  pro- 
longea bien  après  que  les  musulmans  eurent  produit  eux-mêmes  des  œuvres 
originales.  A  TAlliambra,  on  conserve  une  cuve  rectangulaire  en  marbre, 
d'un  travail  purement  byzantin  ;  c'est  un  présent  fait  au  roi  de  Grenade,  et 
dont  Tinscription  arabe  en  caractères  cursifs  porte  la  date  de  704  de  l'hé- 
gire (1304  de  rère  chrétienne). 

2.  Essai  sur  V architecture  des  Arabes,  p.  207. 


INTRODUCTION 


33 


désirer  le  jour  où  paraîtra  une  description  complète,  appuyée 
d'une  illustration  abondante,  de  la  Kotoubîya  de  Marrakech, 
de  la  Qarawîyîn  de  Fâs,  de  la  tour  de  Hassan  à  Rbât  K  Enfin, 
parmi  les  monuments  qu'on  trouvera  étudiés  plus  loin, 
la  Grande  Mosquée  de  Tlemcen,  qui  fut  construite  vers  1136, 
nous  offre  un  document  de  première  importance.  Encore  toute 
imprégnée  de  tradition  byzantine,  elle  marque  cependant, 
comme  nous  tenterons  de  le  montrer,  un  pas  en  avant  vers 
une  formule  d'art  plus  libre  et  plus  raffiné. 

Troisième  période.  —  Artmoresçtie.  —  C'est  à  Grenade  qu'eut 
lieu  l'éclosion  de  cet  art  à  la  fois  léger  et  touffu,  fragile  et 
foisonnant,  qui  intéresse  et  séduit  davantage  par  l'ingéniosité 
du  détail  que  par  la  composition  d'ensemble,  à  qui  manqua 
le  plus  souvent  le  sentiment  de  la  grandeur  d'aspect  et  le 
souci  de  la  noblesse  de  la  matière. 

L'Alhambra  en  est  le  modèle  le  plus  achevé.  Les  princes 
artistes  des  Beni'l-Ahmar,  ayant  fait  de  Grenade  le  siège  de 
leur  empire,  transformèrent  en  un  palais  de  rêve  la  vieille 
citadelle,  dont  dès  le  xf  siècle  Sawar  ibn-Hamdoun  el-Qaisi 
avait  jeté  les  premiers  fondements.  Le  père  de  la  dynastie, 
.Mohammed  ech-Chîkli  commença  l'œuvre,  et,  pendant  deux 
siècles,  ces  successeurs  y  travaillèrent,  ajoutant  des  salles, 

1.  Cf.  Sur  les  constructions  et  agrandissements  successifs  de  la  Qarawîyîn, 
Qartâs,  p.  65-92  ;  —  Kilâb  el-Istiqçâ,  I,  p.  77.  —  Sur  les  constructions  des 
Maghrâwiens  et  des  Almoravides  à  B'às,  Qarlas,  p.  152,199;  —  Istiqçâ,  I, 
p.  109.  —  Sur  la  construction  de  la  Kotoubîya,  Istiqçâ^  1,  151  ;  —  Sur  les 
constructions  de  l'Almohade  El-Mansour,  Qarlâs^  p.  323  (Ce  prince  fit  bâtir 
les  trois  tours  célèbres  :  le  minaret  de  la  Kotoubîya,  la  tour  de  Hassan  à 
Rbât,  et  la  Giralda  de  Séville;  suivant  la  tradition,  elles  seraient  l'œuvre 
d"un  même  architecte)  ;  —  qm^'û  htiqçâ,  I,  180;  —  et  W.  Marçais,  Six  Ins- 
criptions arabes  du  Musée  de  Tlemcen  (dans  Bulletin  archéologique,  1902, 
p.  546).  —  On  doit  attendre  beaucoup  de  la  publication  des  matériaux  amassés 
par  M.  Edmond  Doutté,  pendant  ses  séjours  au  Maroc  de   1901   et  1902. 

3 


34 


INTRODUCTION 


des  portes,  une  mosquée,  des  bains,  des  jardins  intérieurs, 
enrichissant  le  décor,  inscrivant  tour  à  tour  leurs  noms  et 
leurs  devises  dans  l'éblouissant  revêtement  des  murs*.  —  Plus 
encore  que  TAlhambra,  l'Alcazar  de  Séville  subit  des  modi- 
fications sous  ses  maîtres  successifs.  Un  examen  un  peu 
attentif  de  ce  palais  montre  qu'il  peut  difficilement  servir 
pour  étudier  l'évolution  du  style.  L'homogénéité  de  ses  garni- 
tures, qui,  si  nous  les  comparons  à  celles  des  monuments  d'une 
date  plus  certaine,  semblent  rattacher  celui-ci  aux  dernières 
années  du  xin''  siècle,  n'est  en  efî"et  qu'apparente.  Un  goût 
archéologique  curieux  poussa  ses  possesseurs  chrétiens  à  le 
restaurer  presqu'en  entier  dans  le  style  moresque  de  cette  époque. 
Plusieurs  salles  portent  dans  un  cartouche,  en  caractères  cou- 
fiques  d'une  belle  allure,  rinscription  suivante  :  «  Gloire  à 
notre  maître  le  sultan  don  Pedro 2.  »  Un  tel  «  truquage  »,  s'il 
jette  un  jour  intéressant  sur  les  prolongements  de  l'influence 
arabe,  sur  les  rapports  sans  haine  établis  entre  vainqueurs  et 
vaincus,  sur  le  dilettantisme  très  moderne  des  princes  espa- 
gnols de  la  fin  du  xiv^  siècle,  doit  faire  prudemment  rejeter 
tous  les  renseignements  archéologiques  qu'on  pourrait  puiser 
à  l'Alcazar. 

Déjà  la  note  sommaire,  mais  précise,  que  ce  savant  a  fait  paraître  dans  le 
Journal  Asiatique  sar  la  mosquée  de  Tin-Mâl,  retrouvée  par  lui,  peut  être 
considérée  comme  un  document  fort  important  (janvier-février  1902J.  Nous 
lui  sommes  personnellement  redevables  de  la  communication  de  bonnes 
photographies  du  minaret  de  la  Kotoubîya. 

1.  Cf.  Owen  Jones  et  Jules  Goury,  Plans,  élévations,  sections  and  détails  of 
Allvimbra,  1842,  p.  7  et  suiv.  ;  —  aussi  Almegro  Gardenas,  Inscripciones 
arabes  de  Granada,  1879,  passim;  —  Simonet,  Descripcion  del  reino  de  Gra- 
nada,  1860,  p.  41  ;  —  l'article  Granada  de  Dozy,  dans  Allgenieine  Encyclopœ- 
die  de  Brockhaus. 

2.  Izzoun  limaoulâna  ssoltdn  don  Pedro  ;  —  cf.  Amador  de  los  Rios.  Ins- 
cripciones arabes  de  Sevilla,  p.  44  et  suiv.  avec  la  bibliographie  antérieure  de 
la  question. 


INTRODUCTION  35 

Il  semble  bien  que  les  monuments  de  TJemcen  aient  été, 
moins  que  ceux  d'Espagne,  soumis  aux  courants  de  la  mode. 
C'est  que  nous  n'avons  pas  à  faire  dans  la  cité  maghribine 
à  des  palais  que  chaque  maître  s'efforce  d'accommoder  au 
goût  du  jour  où  à  ses  convenances  personnelles.  Les  rési- 
dences royales  de  Tlemcen  ont  disparu  tour  à  tour,  le  Mé- 
chouar  abd-el-wâdite,  comme  le  château  mérinide  de  Man- 
sourah^  Ce  qui  nous  reste  à  étudier,  ce  sont  des  mosquées,  de 
jjroportions réduites,  auxquelles  on  naguère  touché  après  leur 
fondation.  Chaque  monarque  préfère  en  élever  une  autre  à  côté 
de  celle  de  son  prédécesseur,  et  s'acquérir  par  cette  œuvre, 
toute  personnelle,  des  mérites  auprès  de  Dieu.  Chez  un 
peuple  resté  fidèle  à  la  religion  musulmane,  assez  respectueux 
des  traditions,  ayant  d'ailleurs  perdu  toute  initiative  créatrice, 
toute  habileté  artistique,  les  édifices  religieux  ont  pu  sub- 
sister et  parvenir  jusqu'à  nous,  attaqués  par  le  temps  sans 
doute,  mais  n'ayant  pas  eu  trop  à  souffrir  des  hommes,  ruinés 
parfois,  mais  rarement  déformés  par  des  embellissements 
maladroits. 

On  ne  trouve  pas  ici  de  ces  œuvres  de  «  recherche  »  comme 
la  plupart  de  nos  cathédrales  gothiques,  où  se  sente  le  travail 
lent  et  inquiet,  l'apport  laborieux  des  générations  successives. 
Les  mosquées  de  Tlemcen  semblent  plutôt  des  conceptions  de 
princes  artistes  et  croyants,  vite  réalisées  par  des  ouvriers 
habiles.  Leurs  dimensions  généralement  restreintes,  la  sim- 
plicité du  plan,  la  commodité  des  matériaux  employés,  tout 

1.  Cf.  suprà,  p.  21,  23,  27;  le  seul  spécimen  de  résidence  royale  qui 
subsiste  à  Tlemcen  est  un  monument  très  ruiné,  et  de  très  modestes 
dimensions;  c'est  celui  que  nous  étudierons  plus  loin,  sous  le  nom  de  Petit 
PALAIS  d'El  Eubbad;  son  état  d'extrême  délabrement  fait  qu'il  est  de  second 
ordre  pour  l'étude  de  l'archéologie  tlemceniennc. 


36  INTRODUCTION 

facilitait  la  promptitude  de  F  exécution  et  assurait  par  con- 
séquent Thomogénéité  du  stjle. 

Architectes  et  ouvriers.  —  On  ne  saurait  relever  avec  trop 
de  soin  les  noms  d'architectes  et  d'artistes  musulmans  fournis 
par  les  textes  épigraphiques  et  historiques.  Utilisés  avec  ré- 
serve et  critique,  ils  peuvent  constituer  de  bons  documents  pour 
l'histoire  encore  obscure  de  l'art  arabe  ^  Malheureusement  dans 
le  Maghrib,  comme  en  Orient,  les  renseignements  précis  sur  la 
personne  des  constructeurs  et  des  décorateurs  sont  extrêmement 
rares.  Une  tradition  nous  fournit  le  nom  incertain  de  l'architecte 
qui  aurait  élevé  à  la  fois  la  tour  de  Rbât,  la  Giralda,  et  le 
minaret  de  la  Kotoubîya.  Un  texte  historique  nous  mentionne 
l'auteur  des  boules  dorées  qui  décoraient  la  Giralda;  et  là 
s'arrêtent  nos  informations  sur  les  artistes  almohades  Par- 
ticulièrement, pour  ce  qui  concerne  les  édifices  tlemceniens, 
c'est  de  quelques  textes  épars,  que  l'on  peut  établir  sur  l'ori- 
gine des  artistes  mérinides  ou  abd-el-wâdites,  d'assez  fragiles 
conjectures.  Le  nom  même  que  nous  fournit  l'inscription  com- 
mémorative  tracée  à  la  coupole  de  la  Grande  Mosquée  n'est 
pas  celui  de  l'architecte  ;  c'est,  comme  il  arrive  le  plus  sou- 
vent, celui  de  l'intendant  des  travaux,  du  fonctionnaire  «  sous 
la  surveillance^  duquel  on  a  élevé  l'édifice.  » 

Pour  ce  qui  concerne  la  période  abd-el-wâdite,  il  faut  tou- 

\.  Cf.  Van  Berchem,  Matériaux  pour  un  corpus^  p.  47,  note  3;  5,  note  1. 

2.  Cf.  Qartâs^  p.  323,  234;  —  Girault  de  Prangey,  dit  d'après  Ibn-Saîd  : 
«  C'est  des  provinces  d'Andalousie  que  les  émirs  Almohades  Youçouf  et  Yaqoub- 
El-Mansour  firent  venir  des  architectes  pour  toutes  les  constructions  qu'ils 
élevèrent  à  Maroc,  à  Rbàt,  à  Fez,  à  Mansouriah.  »  [Essai  sur  Varchitectin-e  des 
Arabes,  p.  116.)  —  Sur  les  ouvriers  et  artistes  employés  par  les  Almohades, 
voir  aussi  les  observations  de  Goldziher,  ap.  Materialeri  zur  Kennlniss  der 
Almohaden  bewegung  {Z.  D.  M.  G.,  1887,  p.  105). 

3.  Alâ  yad,  mot  à  mot  par  la  main.  Cf.,  sur  cette  expression,  Van  Ber- 
chem, Matériaux  pour  un  corpus^  p.  84,  85. 


INTRODUCTION  37 

tefois  considérer  comme  assez  important  le  passage  suivant 
d'Ibn-Khaldoun  :  «  A  l'époque  d'Abou-Hammou  P'  et  de  son  fils  ^ 
Abou-Tâchfîn,  les  arts  étaient  très  peu  avancés  à  Tlemcen, 
parce  que  le  peuple,  qui  avait  fait  de  cette  ville  le  siège  de 
son  empire,  conservait  encore  la  rudesse  de  la  vie  nomade  ; 
aussi  ces  princes  durent  s'adresser  à  Abou'l-Walîd,  seigneur 
de  l'Andalousie,  afin  de  se  procurer  des  ouvriers  et  des  arti- 
sans. Le  souverain  espagnol,  maître  d'une  nation  sédentaire 
chez  laquelle  les  arts  avaient  nécessairement  fait  beaucoup 
de  progrès,  leur  envoya  les  architectes  les  plus  habiles  de 
son  pays.  Tlemcen  s'embellit  alors  de  pahiis  tellement  beaux 
que  depuis  on  n'a  jamais  rien  pu  construire  de  semblable  » 
Ce  renseignement  vient  jeter  une  clarté  nouvelle  sur  l'étroite 
parenté  qu'un  examen  archéologique  révèle  entre  les  monu- 
mionts  grenadins  et  les  édifices  abd-el-wâditos.  D'après  un  autre 
historien,  Abou  Tâchfîn  aurait  employé  à  ses  coûteuses  cons- 
tructions des  milliers  d'esclaves  chrétiens  (?)  tant  architectes, 
que  maçons,  faïenciers,  doreurs  et  peintres-.  Enfin,  l'on 
verra  plus  loin  "^,  que  des  carreaux  de  faïence,  figurant  dans 
un  monument  abd-el-wâdite,  la  mosquée  du  Méchouar,  sont  - 
sûrement  de  fabrication  andalouse.  Les  premiers  souverains 
de  la  dynastie  tlemcenienne  auraient  donc  tiré  de  la  brillante 
Espagne  à  la  fois  des  équipes  d'ouvriers  et  des  matériaux 
pour  la  décoration  des  édifices  de  leur  capitale.  Ils  ne  furent 
jamais  cependant  que  des  souverains  du  Maghrib,  tandis  que 
leurs  frères  ennemis,  les  Mérinides,  furent  des  monarques  à  la 

1.  Histoire  des  Berbères,  III,  p.  480. 

2.  Bargès,  Complément  de  Vliistoire  de  Beni-Zeiyân,  p.  69,  70;  —  Histoire 
des  Beni-Zeiyân,  p.  46. 

3.  Cf.  infrà  :  Mosquée  du  Méchouar. 


38  INTRODUCTION 

fois  africains  et  andalous.  Aussi  paraît-il  légitime  de  pré- 
sumer que  la  collaboration  d'artistes  espagnols  n'est  pas 
étrangère  à  la  réelle  beauté  des  monuments  dont  ces  der- 
niers princes  dotèrent  Tlemcen  conquise.  Une  inscription  du 
minaret  de  Nedromah  fournit  le  nom  d'un  architecte  de  cette 
époque.  Malheureusement  ce  nom  est  de  lecture  incertaine  et 
l'ethnique  qui  l'accompagne  est  difficilement  identifiable  Un 
autre  texte  épigraphique  tlemcenien,  nous  fait  connaître  un 
artiste  d'ordre  secondaire  de  la  période  mérinide.  C'est  l'ins- 
cription funéraire  du  sculpteur  sur  bois  qui  construisit  le 
minhav  de  la  mosquée  de  Sidi  Bou-Médine.  Ce  personnage 
est  qualifié  de  el-Djazîri,  el-Marrâkchi,  c'est-à-dire  né  à 
Algérisas  et  fixé  par  la  suite  à  Marrakech.  C'était  donc  un 
andalous  d'origine-.  Quant  au  nom  d'Ahmed  el-Lamti  qui 
figure  sur  une  colonne  de  la  mosquée  de  Sîdi'l-Halwi,  il  faut 
résolument  renoncer  à  suivre  Brosselard  lorsqu'il  propose  de 
voir  dans  ce  personnage  le  sculpteur  de  la  colonne  portant  son 
nom  et  du  chapiteau  qui  la  surmonte Un  examen  attentif 
nous  a  révélé  la  présence,  sur  le  fût  de  la  colonne,  d'un  cadran 
solaire.  C'est  ce  cadran  et  non  la  colonne  qu'Ahmed  el-Lamti 
a  signé.  L'inscription  où  figure  son  nom,  nous  offre  un  inté- 
ressant spécimen  tlemcenien  de  coufique  astronomique,  et  un 
fac-similé  en  sera  donné  plus  loin  ^.  Mentionnons  encore  la 
curieuse  légende  rapportée  par  Bargès  et  qui  fait  venir  d'Es- 
pagne le  revêtement  de  bronze  des  portes  de  Sîdi  Bou- 

1.  Cf.  Basset,  Nedromah  et  les  Trm^as^  p.  28,  21  ;  note  1. 

2.  Cf.  W.  Marçais,  Six  inscriptions  arabes  du  Musée  de  Tlemcen  [Bulletin 
archéologique,  1902,  p.  544  et  suiv,). 

3.  Cf.  Brosselard,  les  Inscriptions  arabes  de  Tlemcen  {Revue  africaine, 
août  1860,  p.  ,324). 

4.  Cf.  infrà  :  Mosquée  de  Sîdi'l-Halwi. 


INTRODUCTION 


39 


Médine.  Peut-être  rimagination  populaire  n'a-t-elle  fait  à  ce 
propos  qu'embellir  (rincidents  merveilleux  une  vieille  tra- 
dition relative  à  Torigine  andalouse  de  ce  remarquable  tra- 
vail 1 . 

Ce  n'est  guère  que  dans  la  période  de  pleine  décadence,  à 
l'époque  turque  et  à  celle  d'Abd-el-Kader,  que  l'on  rencontre  des 
signatures  d'artistes  sur  des  monuments  tlemceniens.  Dans  le 
décor  de  plâtre,  qui  orne  l'entrée  du  tombeau  de  Sîdi  Bou- 
Médyen,  est  inscrit  le  nom  de  El-Hâchemi  Çarmachîq,  avec  la 
date  de  1208  de  l'hégire  (1793).  Ce  personnage  appartenait 
A^raisemblablement  à  une  famille  d'ouvriers  d'art  turcs,  fixés 
à  Tlemcen  ;  car  nous  retrouvons  les  noms  de  deux  autres 
Çarmachîq  sur  des  inscriptions  d'une  mosquée  de  Mascara, 
avec  cette  mention  qu'ils  sont  originaires  de  Tlemcen  Enfin 
l'ouvrier  en  bois  qui  fit  le  minbar  de  la  mosquée  de  Sîdi 
Brâhîm  en  1832  (1248  H.)  a  également  signé  son  œuvre  ;  il  s'ap- 
pelait Ben-Ferfara,  et  c'est  à  lui  encore  que  la  tradition 
attribue  la  chaire  de  la  mosquée  de  Sîdi  Bou-Médine  édifiée 
par  l'ordre  d'Abd-el-Kader  vers  1843^. 

Le  Plan.  —  Le  plan  du  temple  tlemcenien,  c'est  celui 
qu'on  retrouve  en  Orient  comme  en  Espagne,  à  la  mosquée 
d'Amr  comme  à  la  mosquée  de  Cordoue,  avec  ses  éléments  vrai- 

1.  Cf.  Bargès,  Tlemcen,  ancienne  capitale  du  royaume  de  ce  nom,  p.  297, 
298.  L'on  ne  doit  bien  entendu  attacher  aucune  importance  à  une  autre 
légende,  qui  fait  collaborer  un  architecte  juif  ou  chrétien  à  la  construction  du 
minaret  de  Mansourah  ;  c'est  une  invention  toute  moderne  destinée  à  expli- 
quer la  chute  de  la  moitié  du  minaret  et  la  conservation  de  l'autre  moitié 
(cf.  Bévue  africaine,  m<ii  1860,  p.  311). 

2.  Cf.  Brosselard,  les  Inscriptions  arabes  de  Tlemcen  {Revue  africaine, 
décembre  1859,  p.  87,  88); —  Ch.  Leclerc,  Inscriptions  arabes  de  Mascara 
{Revue  africaine,  octobre  1839,  p.  43,  46). 

3.  Cf.  Brosselard,  Tombeaux  des  Emirs  Beni-Zeiyân,  p.  50,  n.  1,  et  Bulletin 
archéologique,  1902,  p.  546. 


40 


INTRODUCTION 


semblablement  dérivés  de  la  basilique  byzantine ^  La  porte 
principale,  placée  le  pins  souvent  dans  le  grand  axe  du  monu- 
ment, donne  entrée  dans  le  çahn,  sorte  à'atriu7n  rectangulaire, 
bordé  sur  trois  faces  par  des  portiques  aune  ou  plusieurs  nefs. 
Au  milieu  se  trouve  le  mîdha^  le  phiala  byzantin,  où  de  l'eau 
courante  sert  aux  ablutions  rituelles.  Du  côté  du  çahn  opposé 
à  la  porte,  s'ouvrent  des  nefs  parallèles,  qui  constituent  la  vé- 
ritable salle  de  prière-.  Ces  nefs  sont,  dans  les  mosquées  anté- 
rieures au  xv''  siècle,  perpendiculaires  au  mur  de  la  façade 
principale.  Percé  dans  le  mur  du  fond,  suivant  le  grand  axe, 
se  trouve  ce  qui  tient  lieu  de  sanctuaire,  dans  ces  temples 
sans  mystères  et  sans  idoles,  le  mihrâh.  sorte  diabside  atro- 
phiée, indiquant  aux  fidèles  la  direction  de  la  Kaba  de  La 
Mecque,  le  pôle  dn  monde  musulman.  C'est  là  que  se  place 
rimâm  dirigeant  la  prière  des  fidèles.  Une  coupole  précède 
presque  toujours  la  niche  du  mihrâb,  qui  fait  extérieurement 
saillie  sur  le  mur  du  fond.  Parfois,  une  seconde  coupole  s'élève 
au  centre  de  la  salle  de  prière,  dans  la  nef  médiane,  plus 

1.  Cf.,  sur  Torigine  des  éléments  constitutifs  de  la  mosquée  :  Van  Bercliem, 
Notes  d'archéologie^  p.  20  et  suiv.  ;  —  Malériaux  pour  un  corpus  inscriplio- 
num  arabicarum,  p.  536.  — Dans  les  mosquées  de  l'Afrique  du  Nord,  Tinfluence 
toute  syrienne  de  la  madrasa  et  de  son  plan  cruciforme  ne  se  fait  jamais  sentir. 
La  mosquée  garde  son  plan  primitif  jusqu'à  la  conquête  ottomane,  qui  fait 
apparaître  de  rares  spécimens  de  la  mosquée  à  coupoles  successives  (par 
exemple  la  Mosquée  de  la  Pêcherie  à  Alger).  D'autre  part,  la  médersa  du  Nord 
de  l'Afrique,  dont  un  intéressant  spécimen  sera  étudié  plus  loin  (Cf.  Médersa 
DE  sÎDi  bou-Médine),  n'a  aucun  rapport  avec  la  madrasa  orientale  des  Ayyou- 
bites.  C'est  un  édifice  sui  generis  dont  il  faut  chercher  les  éléments  d'abord 
dans  la  mosquée  elle-même,  puis  vraisemblablement  dans  les  zâvnya  et  les 
ribât  ;  nous  reviendrons  plus  loin  sur  cette  question, 

2.  A  Tlemcen,  les  nefs  sont  désignées  sous  le  nom  assez  impropre  de  ma 
bîn  elaqwâs,  «ce  qui  est  entre  les  arcades».  Les  noms  classiques  de  balai  et 
de  bahou  sont  tout  à  fait  inusités  (Cf.  leur  emploi  dans  les  textes  ap.  Dozy, 
Supplément  aux  Dictionnaires  arabes^  p.  3,  123).  Une  travée  s'appelle  çaff 
«  rangée»,  parce  que  chacune  d'elles  est  occupée  dans  la  prière  par  un  rang 
de  fidèles. 


INTRODUCTION  41 

large  que  les  autres.  Cette  disposition,  fréquente  en  Orient, 
rappelle  Sainte-Sophie  de  Constantinople. 

L'établissement  de  la  coupole  précédant  le  mihrâb  néces- 
site un  plan  carré  inférieur.  Il  en  résulte  que  la  travée  qui 
longe  le  mur  du  fond  doit  être  égale,  en  largeur,  à  la  nef 
médiane,  généralement  plus  large  que  les  autres  nefs.  En 
plan,  la  rencontre  de  la  travée  du  fond  et  de  la  nef  médiane 
engendre  la  forme  T,  dont  on  a  signalé  l'analogie  avec  la 
forme  en  tau  des  églises  chrétiennes  primitives  ^.  Cette  dispo- 
sition ne  devait  rien  avoir,  au  reste,  de  traditionnel  ni  d'obligé. 
11  est  en  effet  curieux  de  remarquer  que,  visible  dans  les  mos- 
quées mérinides,  elle  ne  se  retrouve  pas  dans  le  plus  ancien 
des  temples  tlemceniens  ;  nous  décrirons,  en  étudiant  cet  édi- 
fice, la  tricherie  qui  a  permis  de  négliger  cette  égalité  (cf. 
infrà  Grande  Mosquée.) 

Orientation  des  mosquées.  —  Nous  ne  saurions  aborder 
ici  d'une  façon  générale  la  délicate  question  de  Torientation 
des  mosquées.  L'histoire  de  la  qihla  dans  les  différents  paj^s 
que  soumit  successivement  la  conquête  musulmane  mériterait 
sûrement  Thonneur  d'une  sérieuse  monographie,  pour  laquelle 
les  historiens,  les  géographes,  et  surtout  les  traditionnistes 
offriraient  d'importants  documents.  Nous  marquerons  simple- 
ment d'une  façon  sommaire,  quelques  points  concernant 
Torientation  des  oratoires  tlemceniens. 

La  tradition  veut  que  l'emplacement  de  leurs  mihrdh  ait  été 
déterminé  par  l'observation  des  astres  et  plus  particulièrement 
de  la  constellation  d'Orion  (El-Jaouzd)-.  11  s'en  faut  de  beau- 

1.  Cf.  Saladin,  la  Mosquée  de  Sidi-Okba,  p.  38,  39,  40. 

2.  Indiquée  en  effet  par  les  textes  de  droit  comme  un  des  points  de  repère 
pour  la  fixation  de  la  qihla  dans  le  Maghrib  (Cf.  El-Bannàni  sur  Abd-el-Bàqi 
sur  Skli-Rhalîl,  édition  du  Caire,  1307,  I,  p.  186,  m  fine). 


42  INTRODUCTION 

coup  que  ce  procédé  primitif  ait  assuré  l'unité  de  l'orientation 
dans  les  mosquées  tlemceniennes.  D'un  édifice  a  un  autre,  la 
direction  de  la  qîhla  est  assez  variable.  Elle  va  du  Sud-Sud- 
Est  à  l'Est-Sud-Est.  Il  ne  semble  pas  cependant,  pour  la 
plupart  des  édifices  religieux,  que  les  sultans  mérinides  ou 
abd-el-wâdites  aient  été  gênés  dans  l'orientation  de  leurs 
constructions  nouvelles  par  la  présence  de  constructions 
voisines  préexistantes.  Les  mosquées  de  Mansourah,  de 
Sîdi'l-Halwi,  de  Sîdi  Bou-Médine,  par  exemple,  ont  été 
élevées,  pour  ainsi  parler,  en  rase  campagne,  ce  qui 
n'empêche  pas  que  chacune  d'elles  nous  offre  une  orientation 
différente.  Aucun  obstacle  de  cette  nature  ne  paraît  non  plus 
avoir  existé  pour  la  plupart  des  oratoires  situés  à  l'intérieur 
delà  ville.  Dans  tous  les  cas,  le  souci  d'une  orientation  un  peu 
exacte  aurait  pu  alors  donner  l'idée  d'un  procédé  constructif 
qui  se  rencontre  parfois  en  Egypte  :  la  disposition  oblique  du 
mihrâb  dans  la  muraille ^  Or  cette  disposition  ne  se  rencontre 
dans  aucune  des  mosquées  tlemceniennes.  L'axe  du  mihrâb 
y  est  invariablement  perpendiculaire  au  mur  qui  contient  sa 
niche.  C'est  donc  que  le  souci  dont  nous  parlons  n'a  point  existé 
chez  les  constructeurs  tlemceniens.  Plus  tard,  il  est  vrai,  des 
scrupules  sont  nés.  Des  voyageurs  ont  dénoncé  l'orientation 
inexacte  des  mosquées  maghribines  2,  et  aujourd'hui  il  n'est 
pas  rare  que  de  pieux  musulmans,  lorsqu'ils  font  la  prière  à  la 

1.  Cf.,  sur  rorientation  des  mosquées  égyptiennes,  Van  Berchem,  iVo^es 
d'archéologie^  I,  p.  90,  note  3;  —  Matériaux  pour  un  Corpus^  p,  7,  note  1;  — 
Ravaisse,  Essai  sur  V histoire  et  la  topographie  du  Caire,  I,  p.  423, 
note  1. 

2.  Dans  une  glose  manuscrite  sur  Sidi-Khalil  due  au  chîkh  Mohammed-ben- 
Abd-er-Rahmàn  El-Tlimsàni  (xii"  siècle  de  Thégire),  il  est  dit  ironiquement 
que  «  les  maghribins  ont  deux  qibla,  une  vers  laquelle  ils  prient,  et  l'autre 
vers  laquelle  ils  font  le  pèlerinage?. 


INTRODUCTION  43 

Grande  Mosquée  de  Tlemcen,  ne  se  tournent  légèrement  vers 
la  gauche  du  mihrâb  ^ . 

D'une  façon  sommaire  nous  pouvons  distinguer  comme  il 
suit  l'orientation  des  principales  mosquées  tlemceniennes  :  Sud- 
Sud-Est  la  Grande  Mosquée,  la  mosquée  de  Bou-Médine,  la 
mosquée  de  Sîdi  Brâhîm;  Sud-Est  les  mosquées  de  Bel-Hassen, 
d'Oulâd  el-Imâm,  de  Sîdi'l-Halwi,  de  Sîdi  Lahsen  ;  Est-Sud- 
Est  la  mosquée  de  Mansourah,  et  aussi  les  oratoires  ruinés 
d'Eubbâd  es-Sefii,  y  compris  probablement  le  monument  que 
l'on  désigne  couramment  sous  le  nom  de  Qoubba  de  Sîdi  Bou- 
Ishâq  et-Tayyâr. 

Nous  donnons  ce  classement  rapide  sans  nous  hasarder  à  en 
tirer  aucune  conjecture.  En  outre  nous  appellerons  qibli^ 
ou  Sud,  le  côté  de  la  qihlajaoïifi  ou  Nord,  le  côté  opposé  à  la 
qibla,  gharhi  ou  occidental,  le  côté  situé  à  droite  du  mihrâb 
pour  un  observateur  qui  fait  face  à  sa  niche,  charqi  ou  orien- 
tal, le  côté  situé  à  gauche.  Ces  désignations,  si  peu  exactes 
qu'elles  soient,  au  point  de  vue  d'une  détermination  rigoureuse 
de  l'orientation,  se  retrouvent  au  reste  dans  des  textes  relatifs 
aux  mosquées  tlemceniennes 

Mobilier.  —  C'est  dans  la  salle  de  prière  que  se  trouve  le 
minbar^  chaire  de  l'imam,  sorte  d'escalier  de  bois  adossé  au  mur 
du  fond^,  généralement  à  droite  du  mihrâb,  le  sedda  (banc) 

1.  Il  en  serait  de  même,  nous  assure-t-on,  à  la  Qarawîyîn  de  Fàs,  et  même 
à  la  prière  du  vendredi,  le  mosamma  avertirait  à  haute  voix  les  fidèles  de  se 
tourner  légèrement  à  gauche  du  mihrâb;  il  serait  important,  dans  une  étude 
sur  les  édifices  religieux  marocains,  de  noter  exactement  l'orientation  des 
mihrâhs. 

2.  Par  exemple,  la  table  des  hahous  de  Sîdi  Bel-Hassen  (Cf.  Revue  africaine, 
février  1859,  p.  163), 

3.  Il  est  parfois  mobile  et  peut,  à  volonté,  être  repoussé  dans  une  loge 
ménagée  dans  le  mur  pour  le  recevoir.  lien  est  ainsi  à  la  Grande  Mosquée  de 
Tlemcen  {Comp.  Doutté,  ap.  Journal  asiatique,  Janvier  1902,  p.  160). 


44 


INTRODUCTION 


du  haut  duquel  le  mommmi  reproduit  pour  les  fidèles 
éloignés  les  attitudes  de  Timâm,  et  leur  <(  fait  parvenir  »  sa 
prière^  Le  sedda^  dont  nous  ne  trouverons  que  deux  exemples 
à  Tlemcen,^  est  généralement  composé  d'un  plancher  surélevé, 
auquel  un  escalier  donne  accès,  et  qui  porte  une  balustrade 
sur  ses  quatre  faces;  il  est  ici  placé  dans  Taxe  du  monument- 
et  occupe  toute  la  nef  centrale.  C'est  là  enfin  qu'on  trouvait  la 
maqçoura^  enceinte  permettant  aux  sultans  de  faire  la  prière 
en  sûreté  Toutes  ces  pièces  d'ameublement  ne  sont  d'ail- 
leurs point  indispensables,  et  ne  se  rencontrent  que 
dans  les  mosquées  oii  l'on  célèbre  le  service  solennel  du 
vendredi. 

L'ameublement  des  mosquées  tlemceniennes  est,  comme 

1.  Les  noms  de  sedda  et  de  mosammi  sont  employés  dans  le  Maghrib;  en 
Egyptien  le  sedda  porte  le  nom  de  dikka,  et  le  mosammi  celui  plus  con- 
forme à  la  technologie  rituelle  de  mohalUçjh  (Cf.  Lane,  Modem  Egyptians^ 

I,  106). 

2.  CeUe  position  médiane  du  sedda  n'est  pas  nécessaire,  A  la  mosquée 
d'Amr,  au  Caire,  il  est  placé  à  droite  de  Taxe  en  regardant  le  mihrâb.  A  la 
mosquée  de  Cordoue,  il  se  pourrait  que  la  chapelle  Villa-Viciosa,  élevée  d'en- 
viron 3  mètres  au-dessus  du  sol,  et  contiguë  à  la  coupole  centrale,  mais  à 
gauche  de  celle-ci,  ait  été  construite  pour  remplir  ce  rôle,  après  que  la 
mosquée  elle-même  eut  été  augmentée  vers  la  gauche,  d'un  certain  nombre  de 
nefs. 

3.  A  Tlemcen,  il  n'y  a  plus  une  seule  maqçoura  en  place;  celle  de  la  grande 
mosquée  existait  encore  il  y  a  trente  ans,  et  un  important  fragment  en  a  été 
transporté  au  musée  de  la  ville.  11  date  de  l'époque  almoravide  et  porte  ime 
inscription  d'un  type  curieux,  intermédiaire  entre  le  caractère  arrondi  et  le 
caractère  rectangulaire,  C{ue  l'un  de  nous  a  publiée  (Cf.  Bulletin  archéolo- 
gique, 1902,  p.  548  à  551).  —  Le  nom  de  maqçoura  (m.  à  m.  partie  séparée) 
reçoit,  au  reste,  bien  d'autres  applications.  En  Égypte,  il  en  est  arrivé  à  dési- 
gner toute  la  salle  principale  de  prière,  et  aussi  la  grille  de  bois  ou  de  métal 
qui  entoure  les  sarcophages  de  saints  (Cf.  Lane,  Modem  Égypliaus,  1,  p.  299, 

II,  p.  340).  A  Cairouan,  nous  le  trouvons  dès  une  époque  ancienne  donné  à 
une  partie  de  la  mosquée  réservée  aux  femmes  et  isolée  du  reste  de  l'édifice 
(Cf.  El-Bekri,  p.  21  ;  Saladin,  la  Mosquée  de  Sidi  Okba,  p.  21,70).  Jl  en  est  de 
même  aujourd'hui  à  Tlemcen.  Enfin  nous  dirons  plus  loin  quelques  mots  des 
rapports  de  la  maqçoura  avec  la  «  chambre  de  prêche  ». 


INTRODUCTION  45 

on  le  voit,  fort  sommaire,  et  en  outre,  il  est  très  peu  artis- 
tique. Les  ouvrages  de  boiserie  n'occupent  pas  un  rang  d'hon- 
neur dans  la  vieille  cité  abd-el-wâdite.  On  n'y  trouve  par 
exemple  aucun  spécimen  de  ces  beaux  pupitres  à  Coran  (Koiirsi) 
qui  font  l'orgueil  de  certaines  mosquées  égyptiennes  ^  Le  sedda 
est  fruste;  les  minbar  sont  simples,  massifs,  et  font  triste 
figure  à  côté  de  la  belle  chaire  de  style  byzantin  de  la  mosquée 
de  Cairouan  Cependant,  au  dire  de  vieillards  de  Sîdi  Bou- 
Médine,  la  mosquée  de  cette  localité  possédait  encore,  au 
siècle  dernier,  un  minbar  mérinide  précieusement  sculpté  et 
incrusté  d'ivoire^.  Il  aurait  été  mis  en  pièces  dans  les  troubles 
qui  suivirent  la  première  apparition  des  troupes  françaises  à 
Tlemcen. 

Dépendances.  —  Des  dépendances  d'importance  variable 
s'ajoutent  à  ces  temples  :  d'abord  le  minaret  (dans  toute 
l'Afrique  du  nord  çaoïwia)^  la  tour  du  haut  de  laquelle  le 
moiieddin  lance  cinq  fois  par  jour  la  profession  de  foi  musulmane 
et  l'appel  à  la  prière.  Accolé  à  Tun  des  murs  de  la  mosquée,  sou- 
vent au  mur  de  façade'*,  le  minaret  tlemcenien  est  toujours 
construit  sur  plan  carré,  et  rappelle  la  Giralda  de  Séville.  Un 
parapet  entoure  la  plate-forme.  Il  est  généralement  crénelé  de 
merlons  en  trapèzes  dentelés'*.  Un  édifice  terminal,  également 

1.  Cf.  Gayet,  VAri  arabe,  p.  229  et  suivantes.  Bourgoin,  Précis  de  l  Art 
arabe.  La  Menuiserie,  Pl.  79,  80,  81,  93  et  95. 

2.  Cf.  Saladin,  la  Mosquée  de  Sîdi-Okba,  p.  104  et  suiv. 

3.  Gomp.  la  description  du  minbar  de  la  Qarawîyîn  ap.  Qarfâs,  p.  79;  Léon 
l'Alricain,  II,  p.  75. 

4.  A  la  grande  mosquée  de  Tlemcen,  au  milieu  du  mur  Nord  comme  il  était 
à  Cordoue,  à  Séville  (?)  et  à  Cairouan  (Cf.  Saladin,  la  Mosquée  de  Sidi-Okba, 
p.  4). 

5.  Cette  forme  de  merlons  est  extrêmement  ancienne.  On  trouve  déjà  des 
formes  analogues  à  l'acropole  de  Suze,  dans  TArabie  méridionale,  etc.  (Cf.  de 
Landberg,  Étude  sur  les  dialectes  de  l'Arabie  méridionale  :  1,  Hadraniout ,  p.  400, 


46 


INTRODUCTION 


carré,  sorte  de  campanile  décoré  de  fausses  arcades  et  percé  de 
la  porte  de  l'escalier,  s'élève  au  milieu  de  la  plate-formel  II 
est  surmonté  d'ornements  de  cuivre,  couronnes  ajourées,  boules  et 
croissants 2.  Construit  généralement  en  dernier  lieu,  le  minaret 
n'apparaît  pas  comme  une  dépendance  essentielle  delà  mosquée. 
Il  semble  bien  que  la  Grande  Mosquée  de  Tlemcen  s'en  soit  pas- 
sée pendant  près  de  soixante-dix  ans  ;  de  même  la  mosquée 
Qarawîyin  à  Fàs,  la  Kotoubîjaà  Marrakech  et  la  Grande  Mos- 
quée d'Alger,  n'eurent  des  minarets  que  de  longues  années  après 
leur  fondation 

Une  autre  dépendance,  qui,  elle  aussi,  n'est  en  usage  que 

note  1  ;  — Perrot  et  Chipiez  :  Hist.  de  l'Art,  III,  p.  263  et  ss.)  ;  Les  murs  extérieurs 
de  la  mosquée  de  Cordoue  sont  entièrement  couronnés  de  motifs  semblables. 
Voici,  d'autre  part,  ce  quen  dit  Saladin  pour  la  Tunisie  :  «  L'apparition  des 
merlons  en  dents  de  scie  sur  les  couronnements  des  crêtes  ne  me  parait  pas 
devoir  être  antérieure  à  la  fm  du  ix''  siècle  ou  au  commencement  du  x%  en  Tu- 
nisie du  moins.  »  {Mosquée  de  Sidi-Okba,  p.  43.) 

1.  Bargès  prétend  que  la  chambre  qui  occupe  parfois  cet  édifice  terminal 
est  l'habituelle  demeure  du  moueddin  {Tlemcen,  ancienne  capitale  du  royaume 
de  ce  nom,  p.  439).  Ce  renseignement  est  tout  à  fait  fantaisiste.  La  chambre 
placée  au  sommet  d'un  des  plus  grands  minarets  que  nous  ayons  à  étudier  a 
exactement  1  mètre  de  côté  !  Elle  sert  simplement  à  abriter  le  moueddin,  pen- 
dant l'appel  à  la  prière,  les  jours  de  pluie  ;  on  y  renferme  aussi  divers  acces- 
soires, notamment  l'étendard  blanc  qui  flotte  le  vendredi  au  sommet  du 
minaret. 

2.  Les  croissants  datent  de  l'époque  turque  ;  quant  aux  boules  de  cuivre  ou  d'or, 
leur  emploi  dans  le  Maghrib  est  assez  ancien.  Les  boules  {tafâfîh,  littéralement 
pommes)  qui  couronnaient  le  sommet  de  la  Giralda  sont  célèbres  dans  les  chro- 
niques arabes  (cf  Roudh-el-Qartâs,  p.  323;  —  Kitâb  el-Istiqça,  I,  p,  180). 
Les  boules  du  minaret  de  la  grande  mosquée  d'Alger,  sont  mentionnées  avec 
éloge  dans  l'inscription  commémorative  de  ce  monument  (Cf.  Corpus  des  Ins- 
criptions arabes  de  VAlgérie,  1,  6  et  7).  Le  minaret  de  la  Qarawiyîn  fut 
surmonté  de  l'épée  d'Idrîs  II  {Roud/i-el-Qartûs,  p.  70).  On  attribue  parfois  aux 
boules  des  minarets  ou  à  des  ornements  métalliques  qui  surmojitent  les 
dômes  des  mosquées  des  vertus  magiques  (Cf.  un  curieux  passage  du  Qartâs^ 
p.  72,  73,  et  Léon  l'Africain,  I,  199).  Les  couronnes  ajourées  sont  parfois 
d'un  travail  assez  délicat.  Nous  donnons  plus  loin  le  fac-similé  de  l'inscrip- 
tion qui  décore  l'une  d'elles,  provenant  de  la  Grande  Mosquée  de  Tlemcen 
(Cf.  inf.,  fig.  23). 

3.  Cf.  Qartâs,  p.  69;  Istiqra,  I,  p.  180;  Corpus.  Alr/er,  loc.  cit. 


INTRODUCTION  4^ 

dans  les  mosquées  cathédrales,  est  la  «chambre  du  prêche  ». 
Appuyée  au  mur  du  fond  derrière  le  mihrâb^  dont  elle  enve- 
loppe en  quelque  sorte  la  saillie,  cette  salle,  très  simple,  en 
appentis,  communique  avec  la  mosquée  par  une  petite  porte 
percée  à  gauche  du  mihrâb.  C'est  de  cette  petite  chambre  ^  que 
sort  le  prédicateur^  lorsqu'à  loffîce  solennel  du  vendredi  il  se 
dispose  à  monter  au  minbar  pour  prononcer  le  sermon  prescrit 
par  la  loi  reUgieuse.  Un  curieux  passage  d'El-Bekri  autori- 
serait presque  à  en  voir  l'origine  dans  une  extériorisation  de 
la  maqçoura^  ;  et  de  fait  à  Tlemcen,  cette  salle  est  fréquem- 
ment appelée  maqçoura^^  mais  son  nom  le  plus  courant  est 
«  chambre  des  morts ^  ».  C'est  qu'à  Tlemcen  une  coutume  plus 
ou  moins  ancienne^  veut  que,  aux  enterrements  qui  ont  lieu 
le  vendredi  et  les  jours  de  grandes  fêtes,  on  introduise  le 
brancard  funèbre  dans  cette  salle  pour  que  l'imam  fasse  sur 
le  cadavre  la  prière  des  funérailles.  C'est  là  une  pratique 
légèrement  hétérodoxe,  peu  compatible  avec  la  pure  doctrine 
mâlikite^,  mais  fortement  enracinée. 

Il  va  sans  dire  que  c'est  le  plan  théorique  d'une  mosquée 
complète  que  nous  venons  de  détailler.  Mais  il  s'en  faut  que 
tous  ces  éléments  soient  toujours  réunis  ;  nous  en  étudierons, 

1.  Cette  salle  est  mentionnée  dans  les  textes  sous  le  nom  de  ddr  el-Khitâba. 
Cf.  Kharchi  sur  KlialîL  (édition  du  Caire,  1307  de  l'hégire),  I,  p.  443,  1. 14;  comp. 
Dosldn  notre  ms.,  p.  71,  1.  8. 

2.  Cf.  El-Bekri,  p.  24,  in  principio. 

3.  Elle  sert  aussi  de  sacristie  ;  on  y  met  à  Tabri  divers  accessoires  fort 
simples,  utiles  au  service  du  culte  (comp.  Journal  asiatique,  septembre  1848, 
p.  257). 

4.  Bit  El-Djandiz  ;  c'est  le  nom  que  lui  donne  toujours  Duthoit  dans  son 
Rapport. 

5.  La  prière  des  funérailles  faite  à  la  Grande  Mosquée  est  déjà  mentionnée 
pour  des  personnages  tlemceniens  du  ix"  siècle  de  Thégire  (Cf.  Boslân,  notre 
ms.,  p.  89  et  302). 

6.  L'introduction  des  morts  dans  la  mosquée  est,  en  principe,  rejetée  dans 


48  INTRODUCTION 

et  non  des  moins  riches  au  point  de  vue  ornemental,  qui  n'ont 
pas  de  çahn^  ni  de  portiques  ;  d'autres  n'ont  pas  de  minaret. 
Il  semble  que  Télément  indispensable  de  ces  temples  soit, 
avec  la  salle  où  Ton  fait  la  prière  en  commun,  la  niche  indi- 
quant la  qibla;  nous  verrons  cependant  qu'elle  ne  peut  servir 
à  les  caractériser  nettement,  car  on  la  rencontre  dans  des 
édifices  de  destination  toute  autre,  médersa,  qoubba  des  tom- 
beaux, etc. 

Dépendances  extérieures.  —  Les  alentours  immédiats 
de  la  mosquée  tlemcenienne  doivent  être  considérés  comme 
dépendances  du  sanctuaire  lui-même.  Fréquemment  un  acte  de 
habous  en  consacre  le  caractère  rehgieux  et  imprescriptible.  Il 
en  est  ainsi,  par  exemple,  à  Sîdi  Bou-Médine,  où  l'acte  de  fonda- 
tion de  la  mosquée  place  au  nombre  de  ses  habous  le  reste  du 
terrain  demeuré  libre  autour  d'elle  après  sa  construction  i.  Ce 
terrain  est  occupé  par  un  chemin  étroit  qui  fait  le  tour  de  l'édi- 
fice et  permet  l'accès  de  ses  différentes  portes.  Des  arcades 
partant  du  mur  de  la  mosquée  vont  joindre  la  masse  du  roc  qui 
la  surplombe.  Un  chemin  du  même  genre  existe  autour 
de  Sidi'l-Hahvi,  et  un  autre  existait  sur  trois  faces  de  la  Grande 
Mosquée.  Du  côté  Est  de  ce  dernier  monument,  il  subsiste  aujour- 
d'hui encore  une  pittoresque  allée  à  arcades  dont  il  sera  parlé 
plus  loin  (Cf.  m/m,  Grande  Mosquée).  Pour  d'autres  oratoires 
de  moindre  importance,  il  n'a  jamais  existé  autour  de  chemin  de 

le  rite  mâlikite  (Cf.  Kharchi  sur  Khalîl,  II,  p.  41  ;  —  Zorqâni  sur  le  Mowatta, 
II,  p.  14,  15);  les  Musulmans  tlemceniens  scrupuleux  font,  au  reste,  remarquer 
que,  à  la  rigueur,  la  «  chambre  des  morts»  extérieure  à  la  mosquée  n'en  fait 
pas  partie.  A  Alger,  il  y  avait,  dans  le  voisinage  immédiat  des  mosquées- 
cathédrales,  mais  séparé  d'elles,  un  oratoire  funèbre  appelé  moçalla  (Cf. 
Devoulx,  Édifices  religieux  de  V Ancien  Algei',  p.  96,  97). 

1.  Cf.  Brosselard,  les  Inscriptions  arabes  de  Tlemcen  [Revue  africaine^ 
août  1859,  p.  412  et  416). 


INTRODUCTION  49 

dégagement,  mais  les  constructions  voisines,  parfois  adossées  aux 
murs  mêmes  de  la  mosquée,  faisaient  très  souvent  partie  de  ses 
haboiis.  Elles  offraient  un  logement  aux  fonctionnaires  de 
Toratoire,  moueddin,  imâm,  etc.,  ou  encore,  les  revenus  en 
étaient  affectés  au  service  du  culte.  Il  en  est  ainsi,  par  exemple, 
à  la  mosquée  de  Bel-Hassen  et  à  celle  du  chîkh  Senousi^. 

Les  alentours  de  la  mosquée  peuvent  encore  être  occupés 
par  diverses  dépendances.  Nous  reparlerons  plus  loin  des  tom- 
beaux vénérés  qui  s'élèvent  dans  le  voisinage  immédiat  de  cer- 
tains oratoires  tlemceniens.  Pour  le  moment,  nous  devons  citer 
en  première  ligne,  parmi  les  annexes  extérieures  des  mosquées, 
les  latrines  publiques  [motahherdt).  Ces  édifices  comprennent 
essentiellement  une  cour  centrale  carrée,  à  ciel  ouvert  ou 
recouverte  d'un  dôme.  Autour  sont  disposés  des  bas- 
sins rectangulaires  pour  l'ablution,  des  logettes-cabinets 
d'aisance  avec  un  bassin  carré  de  petites  dimensions,  une  ou 
plusieurs  loges  munies  d'un  bassin  de  dimensions  moyennes 
pour  le  ghosl^  c'est-à-dire  la  lotion  rituelle  générale  [iiaqdir), 

1.  Cf.  Brosselard,  les  Inscriptions  arabes  de  Tlemcen  {Revue  africaine^ 
février  1839,  p.  163;  septembre  1861,  p.  325).  —  Au  mur  Sud  de  la  Grande 
Mosquée,  étaient  aussi  adossées  des  boutiques,  constituées  en  habous 
au  profit  de  la  mosquée.  —  Un  exposé  des  idées  musulmanes  sur  le 
harim^  c'est-à-dire  sur  l'espace  non  bâti  qui  joint  un  édifice  et  en  dépend  (cf. 
lÂsân  El-Avab,  XV,  p.  14),  fournirait  la  matière  d'une  intéressante  étude.  Il 
faudrait  suivre  dans  le  droit  et  dans  la  coutume  locale  l'histoire  du  liarîm, 
harîm  bédouin  de  la  tente  (et  aussi  des  arbres),  puis  harini  du  puits  et  de 
l'abreuvoir,  Jiarim  citadin  de  la  maison,  et  enfin  harim  des  édifices  religieux. 
Les  traités  de  droit  contiennent,  à  cet  égard,  au  chapitre  des  Terres  mortes, 
d'importants  renseignements.  Pour  ce  qui  concerne  les  alentours  immédiats 
des  oratoires,  il  faut  remarquer  que,  lorsque  la  place  manciue  dans  l'intérieur 
d'une  mosquée-cathédrale,  les  fidèles  peuvent  valablement  faire  la  prière  du 
vendredi  dans  les  rues  contiguës  et  dans  les  boutiques  adossées  aux  murs  de 
l'édifice.  C'est  donc  que  ces  alentours  sont  considérés  comme  faisant  partie  de 
la  mosquée  (Cf.  l'intéressant  passage  de  la  glose  d'El-Bannàni  sur  Abd-el- 
Bâqi,  sur  Khalîl;  le  Caire,  1307  de  l'hégire,  II,  p.  5,")). 

4 


50  INTRODUCTION 

De  l'eau  courante  alimente  abondamment  ces  divers  bassins*. 
En  outre  le  tout  se  complète  parfois  d'une  fontaine  publique 
extérieure.  Les  anciennes  latrines  de  la  Grande  Mosquée  ont 
disparu  :  elles  occupaient  un  espace  assez  considérable,  au 
Nord  de  l'édifice,  sur  un  emplacement  qui  fait  aujourd'hui 
partie  de  la  rue  de  la  Paix.  Les  latrines  de  Sidi  Bou-Médine 
et  de  Sidi'l-Halwi  subsistent  encore  dans  leur  état  primitif  et 
seront  étudiées  plus  loin.  A  Sidi  Lalisen,  d'après  le  témoignage 
oral  de  vieux  habitants  du  village,  un  édifice  ruiné,  situé  à 
l'Est  du  minaret  subsistant,  et  séparé  du  reste  de  la  mosquée 
par  l'étroit  chemin  d'un  derh  (impasse),  contenait  des  latrines, 
une  fontaine  publique  placée  sous  une  voûte,  et  au  premier 
étage  une  école.  C'était  à  peu  près  la  disposition  classique 
d'un  édifice  fréquent  en  Égjpte,  le  Sabil-Kouttâb  (fontaine- 
école)-.  Remarquons  à  ce  propos  qne  l'institution  de  la  fon- 
taine publique  n'a  jamais  joué,  à  Tlemcen,  le  rôle  important 
qu'elle  a  tenu  en  Orient 3.  Sans  doute  un  certain  nombre 
d'anciennes  fontaines  ont  pu  disparaître  depuis  la  conquête  ; 
mais,  au  dire  de  vieux  Tlemceniens  que  nous  avons  consultés, 
les  fontaines  publiques  ont  toujours  été  peu  nombreuses  dans  leur 

1.  Gomp.  Léon  l'Africain,  II,  p,  66. 

2.  Cf.  Van  Berchem,  Matériaux  pour  un  Corpus,  p.  432  ;  —  11  faut  rappro- 
cher encore  de  la  fontaine- école  égyptienne  un  édifice  algérien  maintenant 
disparu  et  qui  portait  le  nom  de  «  zâwiya»  de  la  Grande  Mosquée  (Gf. 
Devoulx,  Édifices  religieux  de  l'Ancien  Alger,  p.  123  et  83). 

3.  A  Tlemcen,  le  nom  habituel  de  la  fontaine  est  seqqâya,  pluriel  sqdqi. 
(De  Goeje,  Glossaire  de  Beladsori,  seqàya)  ;  —  l'autre  mot  maghrihin  sebbâla, 
qu'il  faut  vraisemblablement  rapprocher  du  saô?^  des  dialectes  orientaux  (litté- 
ralement «  celle  qui  abreuve  pour  l'amour  de  Dieu  »)  est  employé  par  les  seuls 
Juifs  :  ce  serait  donc  que,  dans  les  idées  populaires  rétlétées  par  le  langage 
courant,  «  l'abreuvement  des  MusuUuans  »  n'est  pas  considéré  ici  comme 
l'œuvre  agréable  à  Dieu  par  excellence  (Gf.,  sur  l'évolution  du  mot  sabîl,  Van 
Berchem,  Matériaux  pour  an  Corpus,  p.  230  ;  —  Goldziher,  Moliammedanische 
Studien,  II,  390,  391). 


INTRODUCTION  5l 

ville  et  rarement  ornées  de  pompeuses  inscriptions  dédicatoires. 
C'est  que  nous  avons  à  faire  ici  à  une  cité  montagnarde,  où 
presque  chaque  maison  possède  un  puits  d'eau  vive.  Les  princes 
et  les  gouverneurs  tlemceniens  n'ont  donc  pas  eu  à  assurer,  par 
des  fondations  officielles,  T approvisionnement  en  eau  de  leurs 
sujets  et  de  leurs  administrés  ^ 

Proportions.  —  Les  proportions  adoptées  pour  les  mosquées 
sont  assez  constantes  et  très  simples.  Si,  en  suivant  l'axe  qui 
va  du  Jaouf  {côté  Nord)  à  la  giùla^  l'on  additionne  la  largeur 
de  la  première  nef  à  la  longueur  de  la  cour,  on  obtient  une 
distance  égale  à  la  profondeur  de  la  salle  de  prière,  moins  le 
mihrdh.  La  cour  seule  est  égale  à  la  salle  de  prière  moins  la 
coupole  du  fond.  Le  centre  de  la  mosquée  se  trouve  donc 
assez  exactement  placé  en  avant  des  premiers  piliers  de  la 
nef,  à  l'endroit  oii  un  renfoncement,  découpé  dans  le  pavage 
surélevé  de  cette  nef,  indique  la  position  du  mihrdb  aux 
fidèles  placés  dans  la  cour. 

Les  nefs  dont  le  nombre  est  fort  variable  —  il  va  de 
trois  jusqu'à  treize,  —  ne  sont  pas  en  largeur  inférieures 
à  2°", 70,  et  supérieures  à  4™, 60.  Cette  persistance  des 
largeurs  réduites,  pour  ainsi  dire  indépendante  des  dimen- 
sions totales  de  l'édifice,  et  qui  se  constate  aussi  bien 
dans  les  mosquées  que   dans  les  monuments  civils,  pro- 

1.  Rappelons  cependant  qu'El-Bekri  déjà  mentionne  l'adduction  de  l'eau  à 
Tlemcen  par  des  travaux  d'art  {Description  de  V Afrique,  p.  12).  A  Alger,  les 
fontaines  à  inscriptions  sont  très  nombreuses,  mais  elles  datent  toutes  de 
l'époque  turque,  et  ont  généralement  des  inscriptions  turques  [Corpus  des 
inscriptions  de  VAlgérie,  I,  n°'  T7,  18,  79,  80,  etc.).  C'est  que  les  gens  de 
rOjâq  étaient  pénétrés  des  idées  de  l'Orient  musulman  sur  l'institution  des 
fontaines  fî  sahîli  'Ilah.  11  serait  intéressant  de  relever  les  inscriptions  des 
fontaines  publiques  de  Fàs,  qui,  nous  assure-t-on,  sont  nombreuses,  et  d'exa- 
miner soigneusement  leurs  dates. 


52  INTRODUCTION 

vient  vraisemblablement  des  exigences  de  la  charpente,  de 
la  rareté  des  bois  de  grande  taille  et  de  résistance  suffisante. 
Les  plus  longues  pièces  ne  dépassent  pas  5  mètres  de  long, 
et  les  plus  grosses  20  centimètres  au  carré. 
Matériaux.  —  Les  matériaux  sont  : 

D'abord  le  bois^  généralement  cèdre  ou  tuya,  que  Ton 
trouve,  simplement  équarri  dans  les  charpentes,  sculpté,  gravé 
et  formant  en  des  assemblages  de  très  savantes  combinaisons 
dans  les  solivages  apparents,  dans  les  auvents  et  les  portes, 
ou  posé  brut,  en  brins  minces,  dans  les  plafonds  de  maisons 
privées,  ou  bien  encore  noyé  dans  le  corps  des  maçonneries  en 
longrines,  constituant  un  chahiage  qui  consolide  les  murs. 

Le  pisé  (tâljia),  ciment  fait  d'argile,  de  sable,  de  chaux  et 
de  débris  de  toutes  sortes,  battu  sur  place  dans  des  caisses 
d'environ  0"',80  de  hauteur.  Il  prend  avec  le  temps  la  con- 
sistance d'une  pierre  très  dure,  et  ses  ruines  forment  des  chi- 
cots d'un  seul  bloc  régulièrement  criblés  de  trous.  Ces  trous 
ont  été  laissés  par  les  ais  qui  réunissaient  les  parois  du 
moule.  Un  enduit  de  plâtre  recouvrant  les  surfaces  inté- 
rieures et  extérieures  les  dissimulait  aux  yeux  ;  cet  enduit 
tombé,  ils  apparaissent,  intriguant  fort  les  touristes  par  leur 
symétrie  i. 

La  terre  cuite  sous  son  triple  aspect  de  brique,  de  tuile  et 
de  terre  émaillée. 

Les  briques  ^  ont  ordinairement  0°',26  de  long,  0°',12  de 

1 .  Cf.  Une  intéressante  description  de  la  fabrication  du  tâhia,  ap.  ibn-Khaldoun 
Prolégomènes,  II,  p.  372  ;  —  cf.  aussi,  Dozy,  Supplément  aux  dictionnaires 
arabes,  II,  p.  65,  66.  —  L'emploi  de  ce  genre  de  «  construction  compacte  »est 
extrêmement  ancien  ;  les  Phéniciens  s'en  sont  couramment  servi.  Sur  le 
pisé  à  Carthage,  cf.  Perrot  et  Chipiez,  Hist.  de  l' Art,  t.  111,  p.  363,  et  suiv. 

2.  La  brique  crue,  si  employée  en  Orient  et  dans  le  Maghrib  oriental,  ne 


INTRODUCTION 


53 


large  à  peine,  0"',04  d'épaisseur.  Les  joints  ont  environ 0°", 03, 
mais  ils  s'augmentent  suivant  les  besoins  de  F  appareillage. 

Les  tuiles  creuses  sont  des  portions  do  cône  très  allongé  ; 
elles  sont  souvent  couvertes  d'un  émail  vert  à  base  d'oxyde  de 
cuivre. 

La  terre  éniaillée  joue  un  rôle  important  dans  la  déco- 
ration extérieure  ;  elle  forme  ce  qu'on  a  assez  improprement 
appelé  la  mosaïque  de  faïence,  combinaison  de  morceaux  vernis- 
sés, de  tons  différents,  découpés  suivant  un  dessin  et  encastrés 
les  uns  dans  les  autres Ces  morceaux,  probablement  moulés, 
cuits,  puis  couverts  et  recuits  avec  l'émail,  sont  ajustés  ensuite 
à  la  lime  et  posés  selon  le  carton  sur  des  plans  convenablement 
dressés  ;  ils  sont  enfin  assemblés  et  reliés  entre  eux  d'un  bon 
mortier  de  sable  et  de  chaux  ;  ils  forment  ainsi  de  grandes 
plaques  de  0°',05  environ  d'épaisseur,  que  l'on  fixe  sur  la  paroi 
à  décorer  par  des  broches  d'osou  de  bois  scellées  dans  les  joints. 
La  terre  est  d'unrouge  assez  sombre  ;  lesémaux  dont  ils  sont  cou- 

paraît  pas  avoir  joué  un  grand  rôle  dans  le  Maghrib  occidental  et  en  Anda- 
lousie; le  pisé  en  tient  lieu, 

1.  Ary  Renan  donne  du  procédé  cette  description  minutieuse  :  «C'est  comme 
si  on  découpait  une  lettre  grasse,  un  A,  par  exemple  ;  cliacun  voit  qu  il  res- 
terait un  petit  triangle  isolé  :  ce  petit  triangle,  faisant  partie  du  fond,  sera 
coloré  de  la  môme  couleur  que  le  fond;  quant  aux  deux  jambages  et  à  la 
bande  transversale,  il  serait  peut-être  dangereux  de  les  tailler  d'une  seule 
pièce;  on  les  scindera  en  trois  segments;  et,  comme  on  aura  ménagé  dans  le 
fond  une  rainure  de  dimension  égale,  on  pourra  recomposer  la  lettre  A  en  ses 
quatre  morceaux,  dont  trois  noirs  et  un  blanc...  {Gaz.  des  Beaux- Arts,  1893 
t.  t,  p.  188).  —  En  réalité,  dans  l'exemple  choisi,  le  trapèze  ayant  pour  petit 
côté  la  bande  transversale  de  l'A  et  pour  côtés  non  parallèles  la  base  des 
deux  jambages  constituerait  probablement  un  cinquième  morceau;  mais  si 
les  rainures  véritables  sont  rares,  les  anneaux  évidés  dans  une  plaque  pour 
être  ensuite  remplis  par  un  fragment  d'un  ton  différent  se  rencontrent  assez 
fréquemment.  On  pourra  d'ailleurs  constater,  par  l'examen  des  figures,  que, 
dans  ce  travail,  analogue  à  celui  que  nécessite  le  montage  en  plomb  d'un 
vitrail,  les  marqueteurs  tlemceniens  n'ont  pas  reculé  devant  les  coupes  les  plus 
délicates. 


54 


INTRODUCTION 


verts  sont  de  nombre  limité,  maisde  tonalité  franche  et  d'un  admi- 
rable effet.  Le  blanc  est  d'une  belle  pâte,  demi-mate,  légèrement 
verdâtre,  très  peu  craquelée.  Le  brun  de  manganèse  est 
généralement  employé  très  épais,  de  manière  à  former  un  ton 
presque  noir.  Le  jaune  est  un  jaune  de  fer  assez  impur,  don- 
nant une  ocre  verdâtre  et  mouchetée  où  les  craquelures  sont 
fréquentes.  Le  vert  de  cuivre  est  de  valeur  et  de  ton  très 
variables;  dans  le  même  décor  on  le  rencontre,  très  sombre 
et  très  profond,  ou  très  clair  et  se  rapprochant  soit  du  céladon, 
soit  du  bleu  turquoise.  Le  bleu  de  cobalt  est  assez  rare;  il  ne 
semble  pas  avoir  été  employé  à  Tlemcen  avant  la  seconde 
moitié  du  xiv*"  siècle;  il  est  clair  et  assez  pur. 

Le  plâtre^  revêtement  habituel  des  murs  arabes,  passé  au 
balai  ou  rayé  simplement  de  traits  horizontaux  simulant  un 
appareillage  ;  à  l'intérieur,  il  est  appliqué  en  épaisseur  sur 
une  couche  de  mortier  et  retenu  par  des  clous  carrés  à  tête 
large;  parfois  moulé  et  rapporté  par  morceaux^,  parfois  taillés 
sur  place  d'après  un  dessin  préalablement  établi  ~,  repercé  de 
défoncements  allant  de  quelques  millimètres'  à  plus  dd  cinq 
centimètres  de  profondeur.  Il  semble  moins  fin  que  celui  du 
revêtement  des  palais  espagnols. 

1.  Girault  de  Prangey  cite  une  des  salles  de  l'Alhambra,  la  salle  des  Aben- 
cerages,  dont,  suivant  une  tradition,  on  aurait  refait  le  plafond  à  stalactites, 
ruiné  presqu'en  entier,  à  l'aide  des  anciens  moules  fortuitement  conservés. 
—  Il  semble  bien  qu'à  Tlemcen  les  ornements  de  quelque  relief  aient  été 
coulés  à  part,  puis  plaqués  sur  les  fonds.  I  La  mosquée  d'Oulâd-el-ïmâm  pré- 
sente la  trace  de  colonnettes,  tombées  par  la  suite,  avec  les  intailles  prépa- 
rées pour  accrocher  ces  plaquages.  Nous  renvoyons  d'ailleurs  au  chapitre 
consacré  à  ce  petit  sanctuaire;  on  y  trouvera  un  assez  curieux  procédé  se 
rapportant  à  la  technique  du  plâtre,  f^^'^^i 

2.  Ibn  Rhaldoun  décrit  ainsi  le  travail  du  plâtre  sculpté  :  «  Le  plâtre  est 
délayé  dans  l'eau,  puis,  quand  il  a  pris  corps,  mais  qu'il  est  encore  humide, 
on  façonne  cette  masse  sur  un  modèle  donné  avec  des  ébauchoirs  en  fer^  jus- 
qu'à ce  qu'il  ait  pris  du  poli  et  un  aspect  agréable  [Prolégomènes^  p.  321,  t.  IL 


INTRODUCTION 


55 


hdi  pierre  est  assez  rare.  Elle  est  représentée  par  quelques 
blocs  de  grand  appareil,  le  plus  souvent  empruntés  aux  mo- 
numents antiques,  quelques  chapiteaux  de  grès^  plus  fré- 
quemment par  des  chapiteaux  et  des  fûts  de  colonnes  taillés 
dans  un  hQdJX  inarbre  onyx  transparent  et  chaud,  que  les  sul- 
tans abd-el-wâdites  et  mérinides  tiraient  vraisemblablement 
des  carrières  d'Aïn-Taqbalet  ^ 

Formes  extérieures.  —  Le  minaret  carré,  les  toits  plats 
surmontant  chaque  nef,  telles  sont  les  formes  extérieures  des 
mosquées  tlemceniennes.  Nous  sommes  ici  dans  une  cité  mon- 
tagnarde, les  pluies  et  les  neiges  n'y  sont  pas  rares,  elles 
doivent  pouvoir  s'écouler  au  versant  des  toits  de  tuiles;  donc, 
ainsi  qu'à  Grenade  et  à  Marrakech,  peu  de  dômes  de  plâtre; 
les  coupoles  s'indiquent  extérieurement  par  des  pavillons  à 
quatres  croupes;  les  nefs  ont  aussi  des  combles  en  pyramide. 
Seuls,  certains  tombeaux  sont  couverts  par  des  dômes  hémi- 
sphériques ou  à  pans  coupés,  forme  consacrée  de  la  qoubha-. 
Notons  aussi  que  des  bains  et  des  latrines  publiques  pré- 
sentent également  des  dômes  percés  par  des  jours. 

L'emploi  habituel  du  pisé,  et  surtout  de  la  brique  et  du 
plâtre,  matériaux  commodes,  à  la  fois  portatifs,  légers,  et 
offrant,  quand  ils  sont  bien  liés,  des  masses  d'une  cohésion 

Traduction,  II,  p.  373).  C'est  de  l'emploi  de  ces  ébauchoirs  en  fer,  bien  connus 
de  tous  les  artistes  qui  travaillent  le  plâtre,  que  vient  vraisemblablement  le 
nom  de  Naqch  hadida  {sculpture  au  fer),  donné  au  revêtement  de  plâtre.  Sur 
ce  nom,  cf.  Dozy,  Supplément  aux  dictionnaires  arabes,  I,  256;  Beaussier, 
Dictionnaire  arabe,  p.  687.  A  Tlemcen,  simplement  hadîda  {Nâqch  étant  sous- 
entendu). 

1.  C'est  du  marbre  assez  semblable  à  celui  de  l'Alhambra,  qui  provoquait 
si  justement  l'admiration  d'Henri  Regnault  (Cf.  Correspondance,  p.  306  et  ss.). 

2.  Le  mot  qoubba  s'emploie  indifféremment  pour  désigner  tous  les  genres 
de  coupoles  :  coupoles  de  tombeaux,  coupoles  de  mihrâbs,  coupoles  de 
porches  (Cf.  Van  Berchem;  Matériaux  pour  un  corpus,  288,  note  in  fine). 


56  INTRODUCTION 

suffisante,  ne  devaient  pas  orienter  les  Arabes  vers  les  pro- 
blèmes de  la  construction.  Quelques  formules  simples,  emprun- 
tées aux  Byzantins  et  médiocrement  appliquées,  firent  tous  les 
frais  de  l'anatomie  des  édifices. 

Construction.  —  Nous  avons  dit  plus  haut  la  composition 
des  murs  de  pisé  et  de  briques.  Parfois  les  assises  horizon- 
tales de  ces  dernières  sont  interrompues  par  des  rangs  en 
diagonale,  parfois  par  des  lits  de  moellons.  Plus  souvent  on 
trouve  ces  moellons  chargeant  le  sommet  seul  au  départ  des 
voûtes. 

Le  plus  simple  des  solivages  employés  est,  dans  les  bâti- 
ments privés, la  juxtaposition  de  rondins  de  bois  reposant  sur 
les  deux  murs  parallèles  et  recevant  directement  la  chaux  et 
le  béton  soigneusement  pilonné  des  terrasses. 

Dans  les  édifices  publics,  les  voûtes  les  plus  employées  sont 
la  voûte  en  berceau  et  la  voûte  d'arête,  formée  de  la  péné- 
tration d'une  voûte  cylindrique  longitudinale  par  une  seule  ou 
par  plusieurs  voûtes  cylindriques  perpendiculaires.  Parfois 
des  rondins  de  bois  alignés  au  sommet  des  murs,  parallèlement 
à  l'axe  des  berceaux,  semblent  servir  de  sommier  à  l'amor- 
cement  de  ces  berceaux. 

Nefs,  couloirs,  escaliers  sont  généralement  couverts  sui- 
vant ces  deux  modes  classiques. 

Nous  avons  vu  qu'il  était  rare  que  les  toits  fussent  à  deux 
pentes  seulement.  Il  est,  par  conséquent,  peu  fréquent  de  voir 
ces  berceaux  buter  contre  un  mur  de  pignon.  Une  portion  de 
voûte  cyhndrique  les  termine  souvent  aux  deux  extrémités. 
Un  revêtis  de  plâtre  les  garnit  intérieurement.  Ce  genre  de 
voûte  allongée  et  surbaissée  se  rapproche  beaucoup  de  la 
construction  des  coupoles  ou  qoubbas. 


INTRODUCTION  57 

Celles-ci  sont  à  pans  coupés  ou  circulaires,  appareillées 
par  assises.  Exceptionnellement  on  trouve  à  la  Grande  Mosquée 
de  Tlemcen  une  de  ces  coupoles  primitives  formées  de  cintres 
entrecroisés,  dont  la  mosquée  de  Cordoue,  et  surtout  Téglise 
del  Cristo  de  la  Luz  à  Tolède  présentent  de  si  curieux 
exemples  [fig.  19). 

C'est  la  demi-Yoûte  d'arête  qui  forme  ordinairement  la 
trompe  d'encorbellement  sur  laquelle  reposent  les  coupoles 
tlemceniennes  [ficj.  1) 

La  légèreté  des  matériaux  qui  composent  les  voûtes  en 
berceau  et  le  faible  écartement  des  murs  goutterots,  font  que 
ces  voûtes  n'exercent  pas  de  poussées  bien  considérables.  La 
couverture  de  tuile  est  plus  lourde,  mais  il  résulte  de 
la  disposition  des  nefs  parallèles  qu'elles  se  contrebutent  les 
unes  les  autres,  et  que,  loin  de  s'additionner,  leurs  poussées  se 
neutralisent.  Il  n'est  besoin  de  lutter  que  contrôla  poussée  des 
charges  des  nefs  extrêmes.  Des  contreforts,  parfois  même  des 
arceaux,  réunissant  la  mosquée  aux  édifices  voisins,  sont, 
vraisemblablement  dans  ce  but,  dressés  contre  les  murs  exté- 
rieurs. Il  convient  de  remarquer  d'ailleurs  que,  de  même  qu'à 
Sîdi  Oqba  et  à  Cordoue,  ces  contreforts  ne  correspondent  pas 
toujours  aux  points  où  la  butée  des  arcs  en  rendait  rétablis- 
sement logique. 

Des  tirants,  peut-être  même  un  cliainage  de  bois  nojé  dans 
les  murs,  achèvent  de  consolider  la  construction. 

1.  Le  petit  monument,  dont  nous  donnons  ici  une  vue  intérieure,  est  un  de 
ceux  que  Ton  rencontre  à  El-Eubbàd  es-Sefli  (Voir,  sur  cette  agglomération,  inf.^ 
Pl.  XVI  et  contexte).  Uniquement  formé  d'une  coupole  portée  par  quatre  piles 
réunies  entre  elles  par  des  arceaux,  il  présente  une  curieuse  analogie  avec 
l'édicule  achéménide  de  Férachbad  (Cf.  M.  Dieulafoy,  VArl  antique  de  la  Perse, 
t.  IV,  p. 77,  fig.  56  et  57). 


INTRODUCTION  59 

Charpentes.  — Comme  pour  les  voûtes,  le  type  des  charpentes 
est  emprunté  aux  monuments  antiques.  Extrêmement  simples, 
elles  offrent,  avec  les  fermes  romaines  dont  les  vestiges  nous 
sont  parvenus, une  très  grande  analogie ^  Ces  fermes  sont,  en  rai- 
son de  la  faible  dimension  des  pannes,  assez  rapprochées  les  unes 
des  autres.  Rarement  des  entraits  s'assemblent  à  la  base  des 
arbalétriers, mais  des  entraits  retroussés  consolident  la  charpente 
et  supportent  un  plan  décoratif  de  caissons  formant  plafonnage. 

Parfois  les  sommets  des  chevrons  sont  simplement  réunis 
entre  eux  par  des  chevilles  ou  des  clous,  leurs  pieds  noyés 
dans  la  maçonnerie  sans  sabHère  ni  patins.  La  voHge  seule 
maintient  tout  le  chevronnage  dans  son  plan. 

Ce  genre  de  charpente,  peu  compliqué,  devint  par  la  suite 
de  moins  en  moins  savant.  Nous  montrons  ici  (^^.  2)  un  comble 
de  qoubba  datant  de  Toccupation  turque.  11  est  assez  élevé  au- 
dessus  de  l'extrados.  Les  bois  sont  àpeine  équarris,  les  assem- 
blages, mal  faits,  sont  maintenus  par  des  clous.  Au  sommet  se 
réunissent  huit  arbalétriers  :  un  pour  chaque  arêtier,  un  pour 
le  miUeude  chaque  croupe. 

Quand  on  les  compare  aux  Occidentaux  du  moyen  âge  on 
peut,  sans  être  taxé  de  sévérité,  juger  les  Arabes  de  médiocres 
constructeurs,  empruntant  à  autrui  des  formules  dont  ils  ne 
semblent  plus  comprendrele  véritable  but,  en  créant  eux-mêmes 
d'autres,  dont  ils  ne  tirent  aucun  parti  logique  pour  concourir  à 
la  stabilité  de  leurs  édifices. 

Les  preuves  qui  peuvent  appuyer  ce  jugement  se  ren- 
contrent à  chaque  pas  dans  Texamen  de  leur  technique. 

On  sait  l'heureux  usage  que  les  Gothiques  firent  de  l'arc 

1.  Entre  autres,  le  temple  de  Sbeitla  (Tunisie),  cité  par  Saladin  [Conférence 
sur  VArt  musulman,  faite  à  VUnion  syndicale  des  Architectes  français,  p.  12). 


60  INTRODUCTION 

brisé,  comment  ils  modifièrent  Tare  roman  en  en  faisant  deux 
tronçons  distribuant  logiquement  les  poussées.  Or,  cet  arc 
exista  de  tout  temps  chez  les  Arabes  ;  mais  ils  ne  s'en  servirent 
jamais  que  comme  d'une  forme  décorative,  sans  modifier  en 
l'adoptant  leurs  procédés  habituels  de  construction. 

L'encorbellement  à  stalactites  qu'ils  empruntèrent  aux 


FiG.  2.  —  Angle  crun  comble  de  qoubba  (époque  turque). 

Persans  ne  fût  pour  eux,  en  Occident  du  moins,  même 
lorsqu'ils  le  reproduisaient  en  pierre,  qu'un  moyen  de  décor. 

Quant  aux  ouvrages  en  bois  de  faibles  dimensions,  voici 
ce  qu'en  dit  Viollet-le-Duc  :  «  Les  ouvrages  de  bois  des  Arabes, 
des  Orientaux  ont  au  moins  conservé  la  formule  traditionnelle 


INTRODUCTION  61 

de  la  véritable  menuiserie,  et  si  les  artisans  n'en  comprennent 
pas  et  n'en  savent  plus  appliquer  la  structure,  du  moins  ils  en 
ont  respecté  l'apparence  ^  »  Nous  constaterons,  à  propos  des 
plafonds  de  Sîdi'l-Halwi,  la  justesse  de  cette  apprécia- 
tion. 

Mais  si  les  artistes  musulmans  ne  furent  que  de  piètres  construc- 
teurs, il  convient  de  reconnaître  qu'ils  furent,  en  revanche,  des 
décorateurs  de  premier  ordre.  Sans  s'attarder  à  la  recherche 
des  matières  rares,  sans  viser  aux  tours  de  force  de  l'habileté 
technique,  sans  laisser  leur  esprit  s'égarer  aux  inventions 
d'une  symboHque  compliquée,  ils  dépensèrent  libéralement  leur 
science  d'ornemanistes  purs,  de  calligraphes  élégants  et 
souples.  Sur  des  supports  maladroitement  édifiés,  ils  appli- 
quèrent, avec  des  clous  et  du  mortier,  un  «  maquillage  » 
toujours  séduisant,  étonnant  parfois  de  richesse  et  de  grâce 
facile. 

C'est  ce  qui,  pensons-nous,  suffira  à  expliquer  la  place 
importante  réservée  à  l'ornementation  dans  le  texte  et  l'illus- 
tration de  la  présente  étude. 

Les  arcs.  —  Nous  l'avons  vu  plus  haut,  la  courbure  donnée 
aux  arceaux  ne  fut  jamais  pour  les  Arabes  le  résultat  d'un 
raisonnement  de  constructeur,  mais  plutôt  une  fantaisie  d'or- 
nemaniste. Les  différentes  formes  qu'ils  adoptèrent,  en  Occi- 
dent du  moins,  ne  s'exclurent  pas  les  unes  les  autres,  elles 
furent  parallèlement  emploj^ées  ou  reparurent  les  unes  après 
les  autres,  suivant  le  goût  du  jour.  Nous  en  donnerons  ici 
une  énumération  rapide. 

1.  VioUet-le-Duc,  Dictionnaire  raisonné  de  Varc hi/ec lu re  française.  Article  : 
Menuiserie,  t.  VI,  p.  352. 


62  INTRODUCTION 

L'arc  brisé  parait  avoir  été  le  premier  cintrage  des  monuments 
égyptiens'  ;  on  en  rencontre  à  la  mosquée  d'Amr  et  dans  les 
plus  yieilles  mosquées  du  Caire.  L'arc  outrepassé,  celui  auquel 
on  a  donné  le  nom  caractéristique  d'arc  en  fer  à  cheval,  ainsi 
que  l'arc  en  plein  cintre  ne  semble  avoir  fait  son  apparition 
que  plus  tard.  L'arc  outrepassé ^  ne  fut  d'ailleurs  jamais  beau- 
coup employé  en  Orient.  Des  innombrables  cintrages  qu'on  y 
rencontre  (arc  brisé  simple ^  reposant  sur  deux  encorbelle- 
ments, arc  brisé  rectiligne,  arc  trilobé,  arc  dentelé,  arc  sur- 
baissé, arc  en  accolade,  etc.),  l'arc  en  fer  à  cheval  est, 
pour  ainsi  dire,  l'un  des  moins  fréquents.  Le  xiv°  siècle 
nous  en  a  cependant  laissé  quelques  rares  exemples  à  la 
mosquée  Tekich,  à  la  mosquée  du  chîkh  Hakem,  le  xv%  à  la 
mosquée  Qâitbey. 

En  Espagne,  dès  la  période  byzantine  (vm^  ix"  etx"  siècle), 
nous  rencontrons  l'arc  outrepassé;  il  ne  comporte  jamais  de 
brisure.  On  y  voit  également  apparaître  l'arcade  découpée  en 
grands  lobes  ou  festons  ^  (notons  que  la  hgne  joignant  les 
centres  de  ces  découpures  circulaires  donne  un  arc  sensible- 
ment brisé) . 

La  mosquée  de  Cordoue  présente  une  combinaison  extrême- 

1.  Cf.  Gayet,  VArt  arabe,  p.  30. 

2.  Nous  ne  rechercherons  pas  ici  l'origine  de  cet  arc,  qui  devait  jouer  un 
rôle  si  considérable  dans  l'architectLire  maghribine.  On  lui  a  signalé  des 
ancêtres  byzantins  (Basilique  de  Dana,  édifice  d'Urgub,  cf.  Franz  Pacha,  der 
Baukunst  des  islam;  —  grande  basilique  de  Rouwaiha  dans  la  Syrie  centrale, 
cf.  Van  Berchem,  Matériaux  pour  un  Corpus,  I,  p.  288,  note  1);  d'autre  part, 
Dieulafoy  note  un  curieux  rapprochement  de  cet  arc  avec  plusieurs  cintres  du 
palais  de  Firouz-Abâd  {VArt  antique  de  la  Perse,  IV,  p.  37  etfig.  26). 

3.  C'est  le  profil  engendré  par  un  arc  de  courbe  terminé  à  chaque  extrémité 
par  une  tangente.  On  lui  donne  généralement  le  nom  iVarc  persan  (Cf.  Van 
Berchem,  Notes  d'archéologie,  I,  p.  23). 

4.  Sur  la  construction  des  festons  à  l'aide  de  briques  saillantes  et  d'un 
garni  de  mortier.  Cf.  Choisy,  Hist.  de  V architecture,  t.  lï,  p.  93. 


INTRODUCTION  63 

ment  curieuse  d'arcs  en  festons.  Du  sommet  de  ces  arcs  partent 
d'autres  arcs  également  découpés,  qui  s'entrecroisent  avec  des 
pleins  cintres  supérieurs,  laissant  entre  eux  de  grands  espaces 
ajourés 

La  période  qui  suit  (xf  et  xif  siècle)  emploie,  avec  l'arc 
lobé,  l'arc  outrepassé  plein  cintre  et  brisé.  La  Puerta  del  Sol 
de  Tolède  présente  à  la  fois  un  premier  fer  à  cheval  ogival  et 
un  second  en  plein  cintre.  Nous  trouverons  les  trois  modes  de 
cintrage  réunis  à  la  Grande  Mosquée  de  Tlemcen  (Cf.  Pl.  V). 

Enfin,  la  période  arabe  moresque  adopte  toutes  les  variétés 
d'arcades.  A  l'Alliambra,  on  trouve  surtout  l'arc  plein  cintre 
surhaussé  porté  par  des  encorbellements. 

Dans  le  Maghrib,  il  semble  bien  que  l'arc  outrepassé  ait,  de 
tout  temps,  dominé.  L'on  y  rencontre  cependant  Tare  non 
outrepassé;  il  est  réservé  pour  quelques  petits  cintrages, 
fenêtres  ou  arcatures  décoratives.  Le  xiif  et  le  xiv*"  siècle  y 
employèrent  le  fer  à  cheval  plein  cintre  ou  brisé  presque 
indifféremment.  A  peine  peut-on  établir  que,  dans  le  même 
monument,  le  plein  cintre  couvre  des  écartements  plus  larges 
que  Tare  ogival  ;  mais  cette  remarque  n'a  rien  de  rigoureux. 

L'arc  d'ouverture  des  mihrâbs  est,  de  préférence,  en  plein 
cintre  et  tracé  à  Faide  d'une  seule  ouverture  de  compas. 
Nous  déterminerons,  en  étudiant  les  plus  importants,  la  disposi- 
tion des  claveaux  décoratifs  qui  les  accompagnent. 

La  plupart  des  arc  brisés  semblent  très  librement  tracés. 
Quelques-uns  pourtant  se  construisent  d'après  des  formules 
très  simples  :  nous  reproduisons  deux  d'entre  elles.  L'un  [fig.  3), 

1.  Voir  infrà,  figure  9  en  A,  le  schéma  de  cette  disposition.  Le  problème 
à  résoudre  était  celui-ci  :  obtenir  un  grande  hauteur  avec  des  colonnes  de 
dimension  fixe,  puisqu'empruntées  à  des  monuments  étrangers. 


64  INTRODUCTION 

qui  fait  partie  d'une  grande  porte  mérinide,  se  sert  de  deux 
arcs  de  cercle,  et  est  appareillé  par  claveaux  raj'onnant  autour 
d'un  centre  placé  au-dessous  des  centres  de  construction. 
L'autre  [fig.  4),  qui  s'ouvre  dans  les  nefs  d'une  mosquée,  ne 
fait  encore  intervenir  que  deux  centres,  mais  intervertit  les 
ouvertures  de  compas  dans  la  partie  supérieure  et  inférieure 
des  branches  qui  la  composent  (0,  centre  de  l'arc  AD  et  de  la 
rentrée  BC;  0',  centre  de  AB  et  de  DE).  Les  briques  sont 
appareillées  par  lits  horizontaux  presque  jusqu'à  la  moitié  des 
arcs,  par  claveaux  raj'onnants  au  dessus.  Parfois  un  triangle 


de  briques  horizontales  G  fait  au  son.met  une  véritable  clef. 

Pour  établir  ces  arcs,  il  est  bien  probable  qu'on  ne  lit  jamais 
usage  de  cintres  arrondis;  voici,  d'ailleurs,  le  procédé  encore 
employé  par  les  maçons  arabes.  Une  planche  horizontale  est 
fichée  dans  deux  joints  vers  la  naissance;  des  briques  sont 
posées  aux  extrémités;  une  seconde  planche,  posée  sur  ces 
briques;  et  l'on  élève  ainsi,  en  les  étayant  tant  bien  que  mal, 


INTRODUCTION  65 

des  étages  successifs  qui  vont  se  rétrécissant  jusqu'au  som- 
met. La  courbe,  à  peu  près  dessinée  par  les  briques,  est  régu- 
larisée avec  du  mortier. 

L'angle  des  brisures  est  extrêmement  variable  :  l'ogive 
est  parfois  très  aiguë,  et  nous  rencontrerons,  à  la  mosquée  de 
Sidi  Bou-Médine,  des  arcs  brisés  qui  ne  se  distinguent  du 
plein  cintre  que  par  une  déformation  supérieure  à  peine  sensible. 

Enfin,  il  n'est  pas  jusqu'à  l'arc  lobé  et  entrecroisé  de  Cor- 
doue  qui  ne  soit  représenté  dans  les  édifices  du  xiv°  siècle. 
Nous  étudierons  tout  à  l'heure  les  curieuses  formules  orne- 
mentales auxquelles  il  donna  naissance  (Cf.  infrà^  fig.  9). 

V  enc  or  bellement  à  stalactites^ ,  —  De  même  que  la  décou- 
pure des  arcs,  la  stalactite,  une  des  formes  les  plus  caractéris- 
tiques de  l'architecture  musulmane,  peut  n'être  considérée  que 
comme  un  motif  ornemental,  n'intéressant  en  rien  l'anatomie 
des  édifices. 

Ce  genre  de  relief,  dont  l'élément  primitif ,  la  trompe,  semble 
d'origine  persane,  a  pour  but  de  décorer  un  encorbellement 
quelconque.  Son  emploi  le  plus  logique  fut  de  substituer  au 
pendentif  sphérique  un  certain  nombre  de  trompillons  ména- 
geant une  transition  entre  le  carré  inférieur  et  un  plan  circulaire. 

En  Orient,  les  constructeurs  fatimites  n'employèrent  que  les 
quatre  trompes  d'angle  pour  porter  la  coupole.  A  l'époque  des 
Ayyoubites  et  sous  les  premiers  Mameiucks,  on  superposa  deux 
ou  trois  étages  de  petites  trompes,  faisant  successivement  pas- 
ser du  carré  à  l'octogone,  de  l'octogone  au  polygone  à  seize 
côtés,  etc.  Le  type  du  pendentif  arabe  était  dès  lors  fixé 

1.  Alvéoles  serait  peut  être  préférable,  stalacliles  désignant  parfois  spé- 
cialement l'aiguille  pendante  qui,  nous  le  verrons,  n'existe  pas  à  Tlemcen. 

2.  Cf.  R.  Phèné  Spiers,  la  Voûte  s (alacti le  {dans  V Architecture,  1888,  p.  591 
et  s.).  Van  Berchem,  Notes  cVarchéologie,  I,  p.  76,  77. 

5 


66  INTRODUCTION 

Cependant  cette  solution  n'était  pas  encore  trouvée  lors  de 
la  conquête  d'Espagne.  11  fallut  aux  constructeurs  byzantins,  et 
plus  tard  aux  constructeurs  arabes,  se  livrer  de  leur  côté  à  des 
expériences  et  des  recherches,  ou  suivre  pas  à  pas  les  artistes 
orientaux  dans  leurs  acquisitions  successives. 

La  première  apparition  d'encorbellements  à  stalactites  qu'on 
ait  pu  jusqu'ici  observer  en  Occident  semble  être  ceux  des 
palais  siciliens  de  la  Zisa  et  de  la  Cuba,  qui  ne  remontent 
guère  qu'au  xif  siècle  K  Là,  ce  procédé,  qui  devait  être,  entre 
les  mains  des  artistes  du  xiif  et  du  xiv*"  siècle,  si  fécond  en 
ressources  décoratives,  s'exprime  déjà  très  perfectionné.  Un 
simple  rapprochement  de  l'exemple  que  nous  en  offre  le  palais 
de  la  Cuba-  avec  les  angles  de  la  coupole  placée  en  avant  du 
mihrâb,  à  la  Grande  Mosquée  de  Tlemcen  {/ig.  19),  permettra, 
croyons-nous,  de  reconnaître  dans  l'encorbellement  maghribin 
une  ébauche  maladroite,  il  est  vrai,  mais  d'autant  plus  curieuse 
du  pendentif  à  stalactites. 

Cet  encorbellement,  dont  la  parenté  avec  les  niches  angu- 
laires de  Cordoue  est  évidente,  ne  remplit  encore  qu'imparfaite- 
ment le  but  poursuivi.  Comme  à  Cordoue,  des  portions  hori- 
zontales sans  ornement  s'avancent  en  porte-à-faux  au-dessus  de 
la  corniche  du  plan  carré;  mais  deux  petites  trompes,  flanquant 
des  pians  incurvés  y  remplacent  la  niche  polyédrique  de  la 
mosquée  espagnole.  On  saurait  difficilement  imaginer  un 
encorbellement  formé  par  la  superposition  d'éléments  semblables 
à  cette  niche,  tandis  que  les  éléments  qui  s'indiquent  dans  la 

1.  Ed.  Doutté  signale  au-dessus  du  tambour,  précédant  le  mihrâb,  une 
coupole  à  pendentifs  (nid  d'abeilles)  dans  la  mosquée  d'Ibn-Toumert,  à  Tin- 
Mal  (xir  siècle)  ;  ce  serait  donc  une  des  plus  anciennes  d"Occident. 

2.  Cf.  Girault  de  Prangey,  Essai  sur  Varchitecture  des  Arabes^  Pl.  12  et  13. 


FiG.  0.  —  Vue  perspective  d'une  voûte  à  stalactites. 


68  INTRODUCTION 

mosquée  maghribine  pouvaient,  en  se  multipliant,  couvrir  des 
coupoles  entières. 

Les  décorateurs  tlemceniens  n'en  firent  d'ailleurs  pas  un  si 
constant  usage  que  les  artistes  d'Andalousie.  Ceux-ci  en  gar- 
nirent des  coupoles,  des  voûtes,  des  douelles,  en  composèrent 
des  impostes  et  des  chapiteaux  ^  Le  grand  porche  de  Sîdi  Bou- 
Médine,  plusieurs  niches  de  mihrâhs,  les  consoles  du  balcon 
deMansourah,  quelques  pans  coupés  d'habitations  particulières, 
telles  sont  les  applications  qu'on  en  trouve  à  Tlemcen. 

Ces  pendentifs  sont  assez  habilement  tracés,  comme  on  pourra 
s'en  rendre  compte  par  les  figures  5,  29,  38.  Il  est  curieux  de 
remarquer  que  l'élément  essentiel  en  est  souvent  une  réduction 
de  la  demi-voùte  d'arête,  qui,  nous  l'avons  vu,  sert  à  établir  la 
plupart  des  coupoles  tlemceniennes.  Cette  trompe,  répétée  et 
alternant  avec  des  consoles  rectangulaires,  constitue  le 
groupement  le  plus  généralement  adopté.  On  n'y  voit  jamais 
intervenir  la  stalactite  proprement  dite  :  le  parallélipi- 
pède  rattaché  seulement  par  son  sommet  à  la  paroi  et  pendant 
au  centre  d'un  groupe  de  coupolettes  rayonnantes. 

La  mouluration.  —  Une  des  parties  les  plus  essentielles 
du  décor  en  relief  est  la  mouluration.  Les  Arabes  n'en  firent 
jamais  un  très  grand  usage;  elle  fut  toujours  chez  eux  très 
limitée  et  très  simple.  En  Egypte,  cependant,  on  rencontre  le 
tore,  le  quart  de  rond,  le  cavet,  le  talon,  le  talon  renversé, 
la  doucine  et  le  listel.  Dans  le  Magrib,  l'arsenal  des  moulures 
est  extrêmement  réduit.  On  peut  dire  qu'à  Tlemcen  la  seule 
moulure  employée  est,  avec  la  plate-bande  et  le  listel,  le  cavet 


1.  Sur  le  tracé  des  stalactites  consulter  0.  Jones,  V Alhambra  ;  et  Bourgoin, 
Précis  de  Vart  Arabe,  passim. 


INTRODUCTION  69 

nu  OU  décoré  d'inscriptions,  parfois  accosté,  dans  sa  partie 
avançante,  d'un  grain  d'orge  plus  ou  moins  profond. 

Les  colonnes.  —  C'est  dans  les  colonnes  que  se  révèle  sur- 
tout cette  pauvreté  de  la  mouluration  ;  elle  est,  dans  les  monu- 
ments tlemceniens  particulièrement  sensible.  Il  semble  bien 
que  la  plupart  d'entre  elles  n'ait  jamais  eu  de  base.  Le  plus 
souvent  la  colonne  repose  sans  intermédiaire  sur  le  sol  ;  parfois 
un  empattement  lui  sert  de  support;  mais  les  exemples 
qu'on  en  peut  observer  sont  d'origine  douteuse  et  corres- 
pondent mal  avec  le  fût  qui  les  surmonte.  De  plus  ces  fûts,  tou- 
jours cylindriques,  ne  portent  jamais  cette  succession  de  gorges 
et  de  boudins  qui  précède  l'astragale  dans  les  colonnettes 
de  l'Alhambra,  ni  ces  bagues  sculptées  que  présentent  les  co- 
lonnes aghlebites  ou  fatimites  de  Cairouan^.  L'astragale  fait 
partie  du  chapiteau  et  est  d'une  extrême  simplicité. 

Le  chapiteau  tlemcenien.  —  Ses  origines.  —  Dérivé  de 
cette  décomposition  du  chapiteau  corinthien  qui  fut  le  chapi- 
teau byzantin,  le  chapiteau  moresque  ne  fut  d'abord  qu'une 
copie  grossière  de  celui-ci.  Il  semble  bien  en  effet  que  les 
artistes  musulmans  se  décidèrent  seulement  à  en  sculpter  eux- 
mêmes  lorsque  la  «  carrière  »  que  leur  offraient  les  édifices  de 
leurs  prédécesseurs  se  fut  à  peu  près  épuisée.  La  partie  pri- 
mitive de  la  mosquée  de  Cordoue  ne  comporte  guère  que  des 
chapiteaux  de  provenances  étrangères  d'une  incroyable  diver- 
sité de  forme  et  d'exécution.  Les  huit  nefs  orientales,  pos- 
térieures de  plus  d'un  siècle  au  premier  périmètre,  contiennent 
des  chapiteaux  de  deux  types  distincts  régulièrement  alternés, 
qui  semblent  bien  avoir  été  exécutés  sur  place  pour  l'emploi 

1.  Cf.  Saladin,  la  Mosquée  de  Sidi  Okba,  fig.  36,  38,  46. 


10  INTRODUCTION 

qu'ils  remplissent  encore  aujourd'hui,  mais  qui  restent  comme 
des  contrefaçons  assez  maladroites  de  types  empruntés  aux  co- 
lonnades voisines. 

Tous  deux  ont  adopté  ce  caractère  de  bloc  épannelé,  de  «  pré- 
paration »  de  metteur  au  point  en  vue  d'une  exécution  plus  com- 
plète, qui  se  rencontre  déjà  dans  les  sculptures  ornementales 
de  basse  époque.  Dans  l'un,  trois  rangs  de  feuilles  d'acanthe, 
droites,  enveloppent  complètement  la  corbeille  primitive;  de 
gros  disques  d'angle,  souvenirs  des  fines  volutes  corinthiennes, 
s'échappent  entre  les  feuilles  supérieures.  Un  tasseau  qua- 
(Irangulaire,  s'avançant  directement  sous  le  tailloir,  marque 
seul  la  place  du  fleuron,  qui  s'étalait  au  dessus  dans  les 
modèles  grecs  et  romains,  et  qui,  dans  le  type  A  {fig.  6)^,  est 
orné  d'une  dernière  feuille  d'acanthe. 

Dans  l'autre,  dont  la  formule  se  rattache  aux  typesB'^  et  C^, 
deux  rangs  de  feuilles  seulement;  les  volutes  forment  toujours 
les  angles,  mais  l'espace  compris  entre  elles  est  occupé  par 
un  lourd  quart  de  rond  sans  ornements,  élargissement  byzan- 
tin du  rebord  de  la  corbeille. 

Ce  deuxième  type,  que  Ton  peut  étudier  à  la  Grande  Mos- 
quée de  Tlemcen  [fig.  17),  se  simplifia  encore  avant  de  donner 
naissance  à  une  formule  originale.  Le  type  D^,  qui  est  une 

1.  Ce  chapiteau  byzantin  fait  partie  de  la  première  nef  occidentale  de  la 
mosquée  de  Gordoue,  maintenant  occupée  par  des  chapelles. 

2.  Ce  chapiteau  byzantin  fait  également  partie  de  la  première  travée  occi- 
dentale de  la  mosquée  de  Gordoue. 

3.  Ge  chapiteau,  qu'il  faut  très  certainement  considérer  comme  une  œuvre 
arabe,  est  un  de  ceux  qui  supportent  la  chapelle  Villa- Viciosa.  11  offre  cette 
particularité  que  toute  la  partie  engagée  sous  la  chapelle  n'est  pas  achevée  et 
qu'il  présente  à  la  fois  les  deux  caractères  de  cette  époque  :  la  sculpture  très 
maigre  et  Tépannelage. 

4.  Ge  chapiteau  d'onyx,  de  dimensions  très  réduites,  est  au  musée  de  Tlem- 
cen. Toute  la  partie  postérieure  était  engagée. 


FiG.  6.  —  Origines  du  chapiteau  Tieincenien. 


72  INTRODUCTION 

œuvre  arabe,  ne  porte  plus  qu'un  rang  de  feuilles  soudées  entre 
elles,  formant  couronne  au  bas  de  la  corbeille.  Dans  l'exemple 
E^,  des  fentes  médianes  partant  de  l'astragale  ont  transformé 
l'ancienne  couronne  d'acanthe  en  un  méandre  continu  s'incur- 
vant  à  son  sommet. 

Dès  lors  ce  grand  méandre  vertical  devient  l'élément  essen- 
tiel du  chapiteau  moresque.  Il  peut,  comme  à  la  Cour  des  lions, 
se  briser  et  former  entrelacs;  il  reste  toujours  reconnaissable. 
Dans  les  parties  hautes  de  Sainte-Marie-la-Blanche  à  Tolède, 
il  forme  à  lui  seul  tout  le  chapiteau.  Dans  les  types  que  nous 
rencontrerons  à  Tlemcen,  un  renflement  médian,  s'épaississant 
sous  la  courbe  du  sommet  comme  une  nervure  principale  (Voir 
tjpe  C     fig.  17),  vient  préciser  clairement  son  origine. 

Un  autre  ornement  des  plus  persistants  dérive  de  ces  bou- 
quets de  feuilles,  présentées  de  profil,  divisées  en  deux,  accos- 
tant, d'une  part,  l'axe  du  chapiteau  corinthien  et  se  collant, 
d'autre  part,  sous  les  volutes  angulaires,  dont  l'exemple  A 
donne  une  représentation  schématique.  Ces  bouquets  deviennent 
avecl'interprétation  arabe  des  palmes  décoratives  qui  s'échappent 
du  méandre  inférieur.  Le  type  F-  nous  les  montre  déjà  gar- 
nissant de  leur  longue  portion  le  glacis  qui  joint  le  haut  et  le 
bas  de  la  corbeille,  de  leur  portion  courte  formant,  par  un  accou- 
plement, un  fleuron  médian,  motif  très  courant  des  décors 
arabes.  Les  chapiteaux  de  l'Alhambra  et  les  chapiteaux  tlem- 
ceniens  présentent  presque  tous  de  curieuses  variations  sur  ce 
thème  initial. 

1.  Ce  chapiteau  d'onyx  est  au  musée  de  Tlemcen.  La  manière  dont  il  était 
engagé  semblerait  indiquer  qu'il  soutenait  un  arc  de  mirhâb. 

2.  Ce  chapiteau  d'onyx  est  au  musée  de  Tlemcen  ;  les  fonds  en  sont  peints 
et  les  faibles  modelés  soulignés  avec  une  couleur  noire. 


INTRODUCTION  73 

Une  modification  importante  de  proportion  et  de  forme  diffé- 
rencie le  chapiteau  moresque  du  type  primitif.  Avec  le  xiif  siècle, 
le  galbe  tronconique  de  la  corbeille,  de  la  a  cloche  »,  suivant 
l'expression  anglaise,  a  complètement  disparu.  Le  chapiteau 
arabe  est  maintenant  formé  de  deux  parties  bien  distinctes, 
superposées  :  l'une  inférieure,  cjdindrique,  l'autre  supérieure, 
portion  de  cube  à  peu  près  deux  fois  plus  large  que  haute.  Notons 
que  le  chapiteau  tlemcenien  est  presque  toujours  inscrit  dans 
un  cube  parfait. 

La  corbeille  corinthienne  ne  se  trahit  plus  que  par  une  survi- 
vance du  rebord  supérieur.  C'est  un  turban,  sorte  de  tore 
large  et  aplati  qui,  assez  rare  en  Espagne,  se  rencontre  fré- 
quemment à  Tlemcen,  surtout  dans  les  chapiteaux  mériiiides,  et 
est  le  plus  souvent  couvert  d'inscriptions  ^  Notons  que  les 
sculpteurs  maghribins  se  sont  généralement  peu  souciés  que  les 
tronçons  de  ces  turbans  se  raccordent  entre  eux  pour  former  un 
cercle  complet. 

Des  enroulements  s'échappant  du  turban  ou  passant  au  des- 
sus, comme  dans  le  chapiteau  ionique,  rappellent  les  volutes 
angulaires. 

Ainsi,  lorsque  l'art  du  praticien  se  fut  perfectionné,  que  les 
califes  n'eurent  plus  l)esoin  de  recourir  à  la  main-d'œuvre  chré- 
tienne, au  lieu  de  retourner  vers  une  imitation  plus  précise 
des  modèles  anciens,  ou  d'en  donner,  comme  le  firent  les  sculp- 
teurs gothiques  français,  une  interprétation  naturaliste,  les 
décorateurs  arabes,  dans  un  esprit  tout  différent,  conservèrent 
la  formule,  mais  en  lui  donnant  une  signification  purement  orne- 

1.  Ces  inscriptions,  souvent  historiques,  sont  presque  invariablement  en 
caractères  cursifs.  On  en  pourra  cependant  voir  une  au  musée  de  Tlemcen, 
c[ui  porte  une  sentence  pieuse  et  est  en  caractères  coufiques. 


74  INTRODUCTION 

mentale,  sans  paraître  se  souvenir  jamais  des  objets  réels  qu'ils 
déformaient  inconsciemment. 

La  décoration  bas-relief  extérieure  et  intérieure.  — La  déco- 
ration des  chapiteaux,  parfois  très  riche,  est  presque  toujoiu^s 
méplate,  elle  habille  la  forme  sans  la  défoncer.  Il  est  facile  d'y 
noter  l'éloignement  persistant  des  artistes  arabes  pour  tous  les 
modelés  profonds,  soit  que  la  vigueur  de  l'éclairage  leur  ait  fait 
craindre  les  ombres  fortes  qui  tachent  violemment  les  surfaces 
et  détruisent  l'harmonie  de  l'ensemble,  soit  plutôt  que  les  pres- 
criptions religieuses  qui  leur  interdisaient  la  sculpture  des  corps 
humains  aient  orienté  leurs  goûts  et  leurs  recherches  vers 
d'autres  ressources  décoratives. 

Cette  prédominance  de  ce  qu'on  a  appelé  Vesprit  de  décou- 
page sur  Yesjjrit  de  modelé  se  manifeste  le  phis  clairemeut 
dans  le  décor  de  brique,  qui  constitue  avec  ses  filets  et  ses  entre- 
lacs la  garniture  logique  des  extérieurs^,  le  décor  de  pierre 
sculptée,  tel  qu'onle  rencontre  à Mansourah,  et  dans  le  décor  de 
plâtre. 

Issu  de  traditions  byzantines  dont  les  traces  sont  encore 
visibles  en  Égypte  et  en  Syrie,  le  revêtement  de  plâtre,  naqch 
hadîda^  fut  rarement  employé  par  les  artistes  égyptiens  ; 
quelques  mosquées  (mosquée  d'Hassan,  mosquée  de  Kalaoun)  en 
présentent  cependant  d'intéressants  spécimens.  Il  était  réservé 
à  l'école  andalouse  et  magribine  d'en  faire  la  matière  d'une 
décoration  prodigieusement  riche   et  ingénieuse.  Cairouan-, 

1.  Sur  le  gaufrage  des  façades  par  les  reliefs  de  brique  dans  quelques  vil- 
lages tunisiens,  cf.  Gagnât  et  Saladin,  Voyage  en  Tunisie,  dans  le  Tour  du 
Monde,  1886,  II,  202. 

2.  Saladin  signale  aux  douelles  de  Bàb-Lalla-Rejana  des  ornements  sculptés 
très  analogues  au  Naqch  hadîda  et  qui  dateraient  de  1284.  Il  n'en  donne 
malheureusement  pas  de  croquis  (la  Mosquée  de  Sidi-Okba,  p.  82). 


INTRODUCTIOxN  75 

Tunis,  où  l'art  des  gy psoplastes  est  encore  cultivé  à  l'heure 
actuelle,  l'Andalousie  surtout,  où  la  décoration  de  stuc  a  joué 
un  rôle  considérable,  le  Maroc,  où  l'on  connaît  des  portes  à 
Marrakech  et  à  Mékinez,  Fâs  dont  la  mosquée  Qarawîyin  passe 
pour  un  des  chefs-d'œuvre  s  de  Tart  moresque,  Tlemcen 
enfin,  comme  nous  le  verrons  plus  loin,  montrent  les  res- 
sources infinies  de  cette  matière  plastique  par  excellence,  qui, 
fort  heureusement,  a  pu,  malgré  sa  fragilité,  traverser  des 
siècles  et  parvenir  jusqu'à  nous. 

Ce  revêtement,  parfois  très  légèrement  modelé,  présente 
plusieurs  niveaux  et  fait  intervenir  des  défoncements  profonds, 
qui  en  soulignent  fortement  la  composition.  Cependant  il  n'ac- 
cuse presque  jamais  une  saillie  sensible  sur  le  nu  du  mur.  Nous 
en  excepterons  néanmoins  un  motif  curieux  des  écoinçons  de 
mihrâbs.  C'est  un  bouton  de  forme  variable,  sorte  de  cone 
arrondi,  parfois  spiralé,  et  qu'une  coquille  ornementale  rem- 
place au  minaret  de  Mansourah.  L'origine  évidente  s'en  retrouve 
à  la  mosquée  de  Cordoue,  dans  les  reliefs  du  même  genre  que 
présentent  les  portails  latéraux. 

Le  décor  à  faible  relief  extérieur  et  intérieur  se  complète 
par  le  décor  méplat  polychrome,  dont  le  premier  n'est  souvent 
que  le  support  et  Tencadrement. 

Polychromie.  —  Céramique.  —  Nous  avons  étudié  plus 
haut  cette  marqueterie  en  terre  èmaillèe  dite  mosaïque  de 
faïence^  au  point  de  vue  de  la  technique  de  sa  fabrication;  il 
convient  d'examiner  sommairement  les  traditions  auxquelles  on 
peut  la  rattacher,  et  le  rôle  que  lui  firent  jouer  les  décorateurs 
maghribins. 

Il  est  assez  difficile  de  préciser  quelle  en  est  l'origine  véri- 
table. Une  hypothèse  assez  bien  établie  rattache  l'emploi 


76  INTRODUCTION 

architectural  de  la  mosaïque  de  faïence  à  rinfluence  byzantine. 
Cet  emploi  dériverait,  non  de  l'industrie  céramique,  mais  de  la 
mosaïque  de  pierres  et  de  |  aies  colorés.  On  sait  le  goût  que 
montrèrent  les  Romains  pour  les  pavages  composés  de  petits 
fragments  cubiques  de  marbre  ou  de  tout  autre  matière  suffîsa- 
ment  résistante  ;  des  panneaux  ainsi  formés  servirent  aussi  au 
revêtement  des  murs  et  des  plafonds.  Le  portique  de  Saint- 
Laurent,  près  de  Rome,  d'autres  encore  en  présentent  de  cu- 
rieux spécimens.  Ce  genre  de  décor  était  une  sorte  de  spé- 
cialité des  artistes  byzantins;  les  ncms  (Vopifs  alexantlrinum^ 
iVopifs  (jTœciim^  (jrœcamcum^  par  lesquels  on  le  désignait, 
est,  à  cet  égard,  significatif.  Les  ouvriers  grecs  en  expédiaient 
des  fragments  tout  préparés,  ou  se  transportaient  eux-mêmes 
dans  les  différentes  contrées  pour  l'exécuter  sur  place.  Lorsque 
les  Musulmans  envahirent  pour  la  première  fois  la  Palestine, 
ils  trouvèrent  l'église  de  Bétliléem  ornée  de  ce  qu'ils  appellent 
fdfm.  Ce  mot,  diminutif  de  fanfam^  est  une  adaptation  du 
grec  'Vri9(0!7^  (constructions  en  petits  cailloux)^  L'empereur  de 
Byzance  aurait  fourni  à  El-Walid  une  certaine  quantité  de 
fsîfsa  pour  la  construction  de  la  mosquée  de  Damas-,  et  en 
Occident,  Tenduit  qui  couvre  encore  le  cadre  du  mihrâb  à  la 
mosquée  de  Cordoue  aurait  été  envoyé  de  Constantinople  à 
Abd-er-Rhamân  III  par  l'empereur  Romain  \W . 

Cette  décoration  multicolore  du  mihrâb  et  de  la  coupole  de 
Cordoue  pourrait  bien  avoir  eu  pour  succédané  naturel  un  nou- 

1.  Cf.  Fraœiike],  Aramàische  FremdwÔrter.  p.  60.  Ce  nom  est  complètement 
inconnu  dans  le  Maghrib;  mais  Ibn-Khaldoun  cite  la  fasfasa  à  côté  des  zelij 
et  les  fragments  de  marbre  et  nacre,  comme  la  matière  dont  on  orne  les  mu- 
railles [Prolégomènes,  II,  233  ;  —  traduction.  H,  276.) 

2.  Cf.  Ibn-Batoutah,  Voyages,  1,  p.  199. 

3.  Cf.  Jdrîsi  (traduct.  Jaubert),  II,  p.  60. 


INTRODUCTION  77 

veau  genre  de  décor  plus  simple  comme  technique,  la  mosaïque 
de  découpure,  et  se  perpétuer,  sans  grande  modification, 
dans  le  procédé  des  qirdti^  dont  nous  parlerons  tout  à 
l'heure. 

Une  seconde  hypothèse  attribuerait  l'emploi  du  décor  de 
faïence  à  des  influences  orientales  continues. 

Il  semble  bien  qu'il  faille,  en  Orient,  rattacher  à  de  très 
anciennes  traditions  l'usage  des  revêtements  céramiques,  et 
plus  spécialement  des  combinaisons  qu'engendre  la  terre 
émaillée.  Nous  trouvons  la  trace  d'une  technique  assez  voisine 
des  mosaïques  de  faïence,  en  Egypte,  à  l'époque  de  Ramsès  III, 
dans  le  palais  de  Tell  el-Yahoudi^  On  connait,  d'autre  part, 
les  belles  façades  de  briques  émaillées  que  nous  a  laissées  la 
Perse  antique-.  Pour  ce  qui  est  de  la  Perse  musulmane, 
Ary  Renan,  empruntant  les  observations  faites  sur  place  par 
Dieulafoy,  retrace  ainsi  les  phases  qu'y  traversa  cette  fabri- 
cation : 

((  ...  D'abord  il  n'y  eut  qu'un  dessin  de  briques  sur  champ,  sans 
émail;  —  sous  les  Seldjoucides,  apparaissent  des  rehauts  de 
bleu  turquoise  appliqués  sur  les  tranches  des  briques  ;  —  à 
partir  de  1350,  la  palette  s'enrichit,  les  couleurs  se  multiplient, 
on  intercale  dans  les  frises  des  briques  carrées  sur  lesquelles 
sont  ménagées,  en  relief,  des  lettres  émaillées  afin  de  simu- 
ler, sans  grande  dépense,  le  travail  exécuté  jusqu'alors  en 
mosaïque...  Bientôt  on  néglige  la  brique  crue,  on  fait  abus  de 

1.  «  Le  noyau  de  la  bâtisse  était  en  calcaire  et  en  albâtre  ;  mais  les  tableaux, 
au  lieu  d'être  sculptés  comme  à  l'ordinaire,  étaient  en  une  sorte  de  mosaïque 
où  la  pierre  découpée  et  la  terre  vernissée  se  combinaient  à  parties  pres- 
qu'égales.  »  (Maspéro,  Arcliéologie  égyptienne,  p.  236). 

2.  Cf.  Dieulafoy,  l'Acropole  de  Suze;  leur  examen  technique  apud  Th.  Dock, 
la  Faïence,  p.  20. 


78  INTRODUCTION 

briques  émaillées  et,  par  économie,  on  substitue  les  carreaux 
à  la  mosaïque^  ». 

Tels  furent  les  divers  âges  du  revêtement  céramique  dans 
les  mosquées  persanes.  Il  en  fut  sensiblement  de  même  dans 
les  pays  musulmans  occidentaux,  et  on  aurait  tort  de  croire 
avec  Ary  Renan  que  «  l'Espagne,  le  Maghrib  et  le  Maroc  aient 
utilisé  concurremment,  presque  simultanément,  la  mosaïque 
et  le  carreau  de  faïence,  la  décadence  de  l'invention  arrivant 
en  même  temps  que  l'invention  elle-même  ».  Il  est  facile,  au 
contraire,  d'observer  en  Occident  un  développement  parallèle, 
de  retrouver  les  premières  combinaisons  de  la  brique  non 
émaillée,  incrustant  la  pierre  calcaire  creusée  à  cet  effet,  aux 
portails  latéraux  de  la  mosquée  de  Cordoue,  ou  émergeant  du 
mortier  et  de  la  maçonnerie  dans  l'inscription  liminaire  de 
l'église  del  Cristo  de  la  Luz,  d'en  suivre  le  progrès  logique 
avec  les  grands  disques  noirs  de  la  Giralda,  isolés  au  milieu 
de  la  pierre  rose,  le  plein  épanouissement  avec  les  marque- 
teries multicolores  des  lambris  espagnols  et  des  portails  Tlem- 
ceniens,  enfin  la  décadence,  c'est-à-dire  le  carreau  et  les 
contrefaçons  évidentes  du  décor  mosaïque,  commençant  par  la 
juxtaposition  des  émaux  sur  une  même  plaque  et  aboutissant 
au  carreau  de  faïence,  tel  que  nous  les  pourrons  étudier  dans 
les  pavements  de  Sîdi  Bou-Médine. 

Une  discussion  complète  de  ces  origines  sortirait  du  cadre 
de  cette  étude  ;  contentons-nous  de  remarquer  ici  que  la 
mosaïque  de  faïence  apparaît  d'abord  nettement  dans  le 
Maghrib  comme  un  mode  de  décor  extérieur^  par  fragments 

1.  Ary  Renan,  Gazette  des  Beaux-Arts,  1893,  t.  I,  p.  191-92;  —  d'après 
J.  Dieulafoy,  la  Perse. 


INTRODUCTION 


réduits,  étroitement  relié  au  gaufrage  de  brique  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut  (cf.  siiprà^  p.  74). 

Avec  le  xiif  siècle,  l'emploi  dut  s'en  généraliser  rapidement  ^ 
L'industrie  céramique  prit  vers  cette  époque  un  développement 
énorme.  L'Andalousie  comptait  de  nombreuses  fabriques  qui 
expédiaient  leurs  produits  jusqu'en  Orient.  Bien  des  questions 
encore  se  posent  relativement  aux  débuts  de  cette  industrie. 
Les  procédés  d'émaillage,  d'ailleurs  fort  simples,  furent-ils  trans- 
mis, par  une  voie  inconnue,  des  artistes  de  la  Perse-?  Doit-on 
les  attribuer,  ainsi  que  la  technique  des  faïences  à  reilets,  à 
des  ouvriers  emmenés  en  captivité  par  les  galères  des  cheva- 
liers de  Rhodes  et  qui,  de  Lindos,  auraient  propagé  leur  indus- 
trie dans  la  péninsule  ibérique,  à  Valence,  à  Malaga,  à  Manisès? 
L'Égypte,  où  le  décor  de  faïence  joue  à  la  même  époque  un  cer- 
tain rôle  dans  l'ornementation  des  monuments,  eut-elle  quelque 
influence  sur  le  développement  de  la  céramique  andalouse?  Ce 
sont  autant  de  points  obscurs  dans  la  question  générale  si  inté- 
ressante et  si  mal  connue  encore  des  rapports  de  TOrient  et 
de  l'Occident  musulmans  au  moyen  âge.  D'autre  part,  les 
mêmes  ateliers  menèrent-ils  de  front  deux  genres  différents  de 
fabrication?  Produisirent-ils  parallèlement  les  plaques  poly- 
chromes, les  vases,  les  plats  à  reflets  et  les  fragments  unico- 
lores  où  se  découpaient  les  pièces  de  mosaïque  3?  Le  petit 

1.  Le  Qartàs  signale  le  début  du  xiv*'  siècle  (règne  du  Mérinide  Slîmân  ben, 
Abdallah)  comme  l'époque  où  Ton  commença  à  employer  les  revêtements 
de  faïence  dans  la  construction  des  demeures  particulières  {Boudh-el-Qar/âs, 
traduction  Beaumier,  p.  557). 

2.  Ibn-Batoutah  visitant  Mechhed-Ali  est  frappé  de  l'analogie  du  qacliâni. 
avec  le  zelîdj  maghribin  (Cf.  Ibn-Batoutah,  Voyages,  I,  p.  415),  or  le  qachâni 
est  bien  connu  ;  ce  mot  désigne  des  tuiles  et  carreaux  de  faïence  émaillée  de 
diverses  couleurs  fabriquées  à  Qàchàn,  en  Perse  (Cf.  Dozy,  Dictionnaire,  II, 
p.  295-296;  —  sur  les  faïenceries  de  Qàchàn,  Mercier,  Deuxième  Voyage,  p.  210). 

3.  La  présence,  remarquée  par  nous,  de  morceaux  revêtus  d'un  lustre 


80  INTRODUCTION 

nombre  des  textes,  la  perpétuelle  confusion  qui  existe  entre  la 
faïence  à  émail  stannifëre  et  à  décors  peints  et  la  terre  couverte 
dans  la  masse  d\m  seul  émail  opaque  ou  translucide,  ne  per- 
mettent aucune  affirmation  à  ce  sujet. 

Nous  présenterons  ici  quelques  observations  surles  dénomiua- 
tions  qu'on  attribue  àTlemcen  aux  différentes  variétés  de  la  céra- 
mique monumentale.  La  plaque  de  faïence  à  décor  polychrome, 
plus  rarement  monochrome  sans  décor,  est  appelée  zelîj. 
C'est  une  adaptation  de  Tespagnol  «rz^/eyo  probablement  dérivé 
lui-même  du  moi  aztil^  bleu  Ce  dernier  nom  indique  assez  le 
rôle  joué  dans  le  décorprimilif  par  la  couleur  bleue,  si  commode 
à  employer  et  si  résistante  à  la  cuisson.  Zelîj  ne  s'applique  en 
principe  qu'à  la  tuile  carrée  d'assez  grandes  dimensions  (0,20  côté) 
recouverte  d'un  enduit  de  couleur.  Toutefois,  comme  aujourd'hui 
encore,  le  mosaïste  marocain  taille  sa  mosaïque  dans  de  larges 
tuiles  monochromes,  il  arrive  que  le  nom  de  zelij  est  abusive- 
ment donné  à  la  mosaïque  elle-même.  Une  première  sorte  de 
mosaïque  très  simple  est  composée  de  petits  carrés  de  faïence 
de  différentes  couleurs  (0™, 025  de  côté).  On  en  fabrique  aujour- 
d'hui encore  àTétouan  ;  l'un  de  nous  en  a  rapporté  de  cette  ville 
de  jolis  échantillons.  Ce  sont  en  quelque  sorte  des  zelij  mono- 
chromes et  réduits  ;  on  leur  donne  le  nom  de  qirdti-.  Disposés 
côte  à  côte,  ils  forment  des  panneaux  oii  alternent  le  blanc,  le 

métallique  dans  les  lambris  mosaïques  de  rAlcazar  de  Sévillc,  permettrait  de 
le  supposer. 

1.  Zelîj  est  marocain;  à  Tlemcen,  on  dit  plutôt  zellaij  ;  ~  Simonet,  Glosa- 
rtodevoces  ibericas,  propose,  plutôt  que  azul,  le  mot  bas-latin  asarotum,  mo- 
saïque (p.  623). 

2.  Ap.  Dozy,  Dtclioirnoire,  II,  p.  330,  carreaux  de  terre  cuite  rouge;  l'expli- 
cation étymologique  de  ce  mot  nous  paraît  douteuse;  on  ne  saurait  guère 
songer  à  qîrât,  carat,  ce  qui  donnerait  à  qirâtl  le  sens  de  morceau  du  poids 
d'un  carat  ;  la  racine  qaral  signifie,  au  reste,  couper  en  menus  morceaux. 


INTRODUCTION  81 

brun,  le  vert,  ou  des  bandeaux  qui  cernent  les  surfaces  par 
des  filets  d'un  seul  ton,  formés  de  petits  rectangles  allongés. 
Ces  véritables  damiers  de  qîrâti  peuvent  être  les  premiers  spé- 
cimens apparus  de  la  mosaïque  de  faïence  magliribine.  Mais  il 
faut  noter  qu'ils  ornent  seuls  le  minaret  d'un  des  oratoires 
tlemceniens  relativement  les  plus  récents,  la  mosquée  de 
Sîdi  Brâhîm.  Le  décor  formé  par  cette  juxtaposition  de  petits 
morceaux  de  céramique  se  complique  ;  il  donne  des  croix,  des 
polygones  étoilés,  des  disques  et  des  ovales.  Puis,  enfin,  à  la 
belle  époque  de  l'architecture  tlemceniene,  il  aborde  les  déli- 
cats méandres  de  l'entrelacs  curviligne,  les  dessins  précis  de 
l'entrelacs  géométrique.  La  mosaïque  de  faïence,  traitée  alors 
d'après  les  procédés  d'ajustage  décrits  précédemment,  est 
distinguée  —  mais  non  absolument;  alors  encore,  on  l'appelle 
qirâti —  sous  le  nom  particulier  de  qortobi^  «  la  cordouane  »,  ce 
qui  indique  clairement  qu'on  lui  attribue  une  origine  anda- 
louse  ' . 

D'autre  part,  il  est  remarquable  que,  contrairement  à  ce 
qu'on  observe  en  Orient,  la  couleur  bleue ^  au  nom  espagnol  de 
laquelle  se  rattacherait  le  terme  même  de  zelîj^  ne  se  trouve  pas, 
au  Maghrib  du  moins,  dans  les  plus  anciens  revêtements  de 

1.  Le  passage  suivant  de  Léon  l'Africain,  relatif  à  une  médersa  mérinide  de 
Marrakech,  nous  semble  donner  la  description  d'une  ornementation  com- 
prenant simultanément,  le  qirâli^  le  qorlohi  et  le  zelij  :  «  Ce  lieu  est  enrichi 
de  belles  mosaïques  ;  et  où  il  n'y  a  pas  de  mosaïques,  le  pan  des  murailles  est 
revêtu  par  dedans  de  certaines  pierres  cuites  en  losanges  enlaillées^  avec  feuil- 
lages subtils  et  autres  ouvrages  diversifiés,  mesmement  la  salle  où  l'on  soûlait 
lire  et  les  allées  toutes  couvertes,  étant  le  niveau  de  ce  qui  reste  découvert 
tout  pavé  à  carreaux  émaillés  qui  s'appellent  ezzuleira,  comme  l'on  en  use 
encore  dans  les  Espagnes»  (Léon  l'Africain,  Descriptionde  l'Afrique,  I,  p. 200, 
201).  Le  même  auteur,  dans  sa  description  des  maisons  de  Fâs,  distingue  la 
mosaïque  qui  orne  les  murs,  et  «  certaine  brique  à  l'antique  diaprée  et  variée 
de  couleur  en  forme  de  vases  de  majolique     qui  pare  les  cours  (I.  p.  66.  61.  72;. 

6 


82  INTRODUCTION 

mosaïque.  Les  vieux  minarets  d'Agadir  et  de  Tlemcen  n  en  com- 
portent pas.  Les  façades  mérinides  elles-mêmes,  qui  marquent 
le  plus  complet  épanouissement  de  cet  art  que  TOccident  ait 
peut-être  connu,  ne  se  servent  de  l'émail  bleu  qu'avec  la  plus 
^  grande  parcimonie.  Ce  n'est  que  plus  tard  qu'il  joue  dans  les 
lambrissages  et  les  parements  un  rôle  important,  sans  toute- 
i  fois  tenir  la  place  du  brun  de  manganèse,  du  blanc,  du  vert  de 
I  cuivre,  et  du  jaune  de  fer,  qui  complètent  avec  lui  la  palette  du 
céramiste  arabe. 

Sa  résistance,  presque  inattaquable  aux  intempéries, 
faisait  de  la  mosaïque  de  faïence  le  revêtement  tout 
désigné  des  extérieurs.  Aussi  est-ce  sur  les  portails  et  sur  les 
minarets,  où  elle  forme  des  écoinçons,  des  cadres,  des  frises, 
qu'à  Tlemcen  on  la  rencontre  surtout,  soit  employée  par  frag- 
ments isolés  ou  par  groupes  réduits  s'incrustant  dans  un 
appareil  de  brique,  dans  un  enduit,  voire  mênie  dans  la  pierre 
taillée  à  cet  effet,  formant  des  points  brillants  dans  la  surface 
mate  (jui  les  entoure,  soit  en  filets  d'un  seul  ton  soulignant  les 
lignes  d'architecture,  soit  enfin  en  panneaux  complets  compo- 
sés d'entrelacs,  de  dessins  géométriques  ou  d'inscriptions  se 
détachant  le  i»lus  souvent  sur  fond  blanc. 

L'école  aral)e  d'Occident  ne  compte  pas,  croyons-nous,  de 
plus  beaux  et  de  plus  complets  spécimens  de  ce  genre  de  décor 
comme  garniture  extérieure  que  les  monuments  tlemceniens. 
en  particulier  les  œuvres  mérinides.  La  gamme  des  tons  est 
\  réduite;  mais  les  émaux  sont  d'une  belle  pâte,  plus  belle, 
moins  creuse,  nous  a-t-il  paru,  que  celle  des  monuments  espa- 
gnols. Le  dessin  des  cartons  est  parfaitement  approprié  à  la 
matière.  L'ornement  n'y  est  plus  seulement  géométrique,  car 
l'entrelacs  curviligne  y  remi)lit  des  façades  entières. 


INTRODUCTION  g3 

Il  y  avait  là  une  difficulté  d'exécution  exigeant  des  ouvriers 
habiles  et  soigneux.  La  commodité  du  décor  géométrique  à 
répétition  résulte  en  effet  du  nombre  très  restreint  des  calibres 
donnés  à  l'ouvrier,  qui  n'a  qu'à  tailler  mécaniquement  les  frag- 
jnents  de  terre  émaillée,  sans  avoir  à  suivre  nue  combinaison 
d'ensemble  1. 

Dans  les  garnitures  intérieures,  la  mosaïque  est  plus  rare  à 
Tlemcen  et  semble  avoir  fait  assez  tardivement  son  apparition. 
Nous  noterons  cependant  quelques  exemples  de  ces  lambris  à 
décor  géométrique  qui  sont  si  fréquents  en  Andalousie.  On 
verra  les  fragments  de  deux  d'entre  eux  au  Musée  de  la  ville. 
Ils  proviennent  l'un  du  Méchouar,  l'autre  de  la  Médersa  Tach- 
finija,  un  troisième  se  trouve  à  la  Qoubba  de  SîdiBrâhim.  — 
Rarement  aussi  on  s'en  est  servi  comme  pavage.  Le  palais  de 
Mansourah,  le  petit  palais  d'El-Eubbâd,  le  Méchouar  et  la 
Médersa  Tachfinîja  en  présentaient  cependant  des  spécimens 
fort  intéressants. 

Il  va  sans  dire  que  cette  décoration  est  presque  invariable- 
ment méplate.  On  connaît  cependant  les  revêtements  de  mou- 
lures et  de  stalactites  dans  les  monuments  égyptiens,  ceux  des 
colonnes  engagées  de  l'Alhambra  (salle  du  Jugement);  nous  en 
noterons  un  emploi  très  heureux  comme  enveloppes  de  petits 
chapiteaux  au  minaret  de  Sîdi  bel-Hassen. 

La  céramique  est  également  représentée  à  Tlemcen  par  des 
carreaux  de  pavement  à  estampages  et  par  des  carreaux  à 
décor  multicolore  sur  émail  stannifère.  Beaucoup  d'entre  eux 
sont  d'époque  récente;  quelques-uns  semblent  d'une  fabrication 
assez  archaïque.  Nous  les  étudierons  en  même  temps  que  les  édi- 

1.  11  est  des  revêtements  composés  à  l'aide  dïine  seule  forme,  par  exemple 
aux  haiiis  de  l'Alhambra;  cf.  aussi  infrà^  Minarel  de  la  Mosqiée  du  Méchouaiu 


84  INTRODUCTION 

fices  auxquels  ils  appartiennent  (Cf.  Qoubba  de  SiDi  Bou-Médine, 

MOSQUÉE  DU  MÉCHOUAR,  QoUBBA  ET  MoSQUÉE  DE   SÎDI  BraHÎm). 

Peinture.  —  La  céramique  ne  fut  pas  la  seule  à  compléter 
par  les  colorations  vives  le  cliarme  du  décor  extérieur  et  inté- 
rieur. Des  fragments  qu'on  peut  observer  sur  le  minaret  de 
Sidi  Bou-Médine  et  au  musée  de  la  Ville  montrent  des  traits  de 
couleur  brun  rouge  peints  sur  mi  enduit  crémeux,  couleur 
maigre  d'un  aspect  analogue  à  certains  décors  de  poteries 
antiques  et  qui  semble  d'une  très  grande  solidité.  Mais  c'est 
surtout  à  l'intérieur  que  lapolycliromie  jouait  un  rôle  important  : 
les  plafonds  de  bois,  les  portes  étaient  décorés  de  motifs  peints  ; 
le  revêtement  de  plâtre  était  soit  rehaussé,  soit  complètement 
couvert  de  tons  simples  qui  ont  presqu'entièrement  disparut  Le 
rouge,  le  bleu,  le  vert  olive-,  tels  furent  vraisemblablement  les 
couleurs  qui  em^ichissaient  le  décor  blanc  ;  on  les  retrouve  encore 
dans  les  fonds-'. 

Il  faut  peut-être  v  ajouter  l'or,  qui  y  jouait  son  rôle  ainsi 
qu'à  l'Alhambra  ;  une  tradition  encore  existante  semble  y  auto- 
riser. Mais,  dans  ce  cas,  comme  en  plusieurs  autres,  l'archéo- 
logue prudent  doit  se  tenir  en  garde  contre  l'imagination  musul- 
mane et  le  mirage  des  temps  disparus. 

«  Tlemcen  a  perdu  sa  couleur  »,  dit  Arj  Renan ''^  Cela  est 
possible.  La  ville  n'a  cependant  pas  eu  autant  à  souffrir  que 
Tunis  et  Cairouan  de  la  propreté  arabe  et  du  passage  pério- 

1.  Un  texte  qualifie  le  mihrâb  de  la  Grande  Mosquée  de  mUirâb  vert  (Cf. 
Bostân.,  notre  manuscrit,  p.  88,  1.  3). 

2.  Sur  cette  décoration  polychrome  des  murs,  justement  qualifiée  par 
A.  Renan  «tapis  verticaux,  tentures  inamovibles  >>,  et  les  tentures  véritables 
{haï/ii})  qui  en  sont  vraisemblablement  l'origine,  cf.  la  Mosquée  de  Sidi- 
Okba,  p.  24,  et  la  citation  d'En-Nowaïri. 

o.  On  en  retrouve  aussi  dans  des  chapiteaux  de  marbre. 
4.  Gazelle  des  Beaux-Ai  ls^  année  1893,  t.  1,  p.  183. 


INTRODUCTION  85 

diqiie  à  la  chaux.  11  est,  d'autre  part,  vraisemblable  que  ses 
salles  de  prière  ne  connurent  jamais  les  somptueuses  parures 
des  monuments  andalous  :  Técaillage  discret  de  la  croûte  cal- 
caire, l'examen  des  quelques  parties  laissées  intactes  ne  nous 
ont  pas  permis  une  telle  supposition. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  peut  dire  que  les  intérieurs  maghribins 
avec  leur  pavage,  leurs  lambris  de  céramique  ou  leur  garniture  *~ 
de  nattes  aux  colorations  chaudes,  leurs  panneaux  de  plâtre 
rehaussés  de  quelques  tonalités  franches  et  claires,  enfin  leur 
plafond  de  cèdre  brodé  de  motifs  délicats,  devaient  constituer 
des  ensembles  polychromes  puissants  et  harmonieux,  dont  les 
restes  que  nous  contemplons  ne  nous  peuvent  donner  qu'une 
faible  idée. 

Nous  étudierons  maintenant  les  éléments  décoratifs,  les 
formes  linéaires  qui  entrèrent  dans  la  composition  des  orne- 
ments gravés  et  méplats.  Nous  nous  efforcerons  de  déterminer 
les  thèmes  primitifs  qu'empruntèrent  les  artistes  arabes,  et 
d'indiquer,  en  nous  aidant  de  quelques  croquis,  le  genre  de  varia- 
tions qu'ils  exécutèrent  sur  ces  thèmes.  Les  éléments  peuvent 
être  groupés  en  trois  familles  :  l'écriture,  la  géométrie  ou^ 
entrelacs  rectihgne  et  l'entrelacs  curvihgne. 

V Ecriture.  —  Dans  la  difficile  étude  qu'il  reste  à  faire  de 
l'histoire  de  l'écriture  arabe,  il  faudra  soigneusement  distinguer 
la  paléographie  des  manuscrits  de  Tépigraphie  des  monuments 
et  des  monnaies.  Chacune  d'elles  a  évolué  à  part.  Tandis  que  les 
plus  anciens  documents  tracés  sur  papyrus  nous  montrent  un  ca- 
ractère franchement  arrondi  ' ,  les  plus  anciens  documents  gravés 
dans  le  métal  ou  sur  la  pierre,  nous  offrent  un  caractère  rigide, 

1,  Cf.  Silvestre  de  Sacy,  dans  Mémoires  de  VAcadc7nie  des  Inscriptions  et 


86  Introduction: 

Yolontiers  carré,  qui,  comme  on  l'a  remarqué,  semble  indiquer 
]a  recherche  d'un  type  monumental  d'écriture,  distinct  du  type 
manuscrite  Cette  écriture  monumentale  et  monétaire,  d'aspect 
rigide,  à  laquelle  on  a  donné  le  nom  impropre  d'ailleurs  d'écriture 
coiifique^  se  fixe  en  Orient  vers  l'époque  de  l'Omeyyade  Abd- 
el-Mâîik  (705)''-.  Elle  règne  jusque  vers  le  milieu  du  ix^  siècle. 
En  Egypte,  les  insciiptions  du  miqyâs  de  Rôda  [fuj.  7),  en 
Espagne  des  inscriptions  de  la  mosquée  de  Cordoue,  du  cloître 
de  Tarragone,  de  la  façade  del  Cristo  de  la  Luz  de  Tolède,  en 
Tunisie  des  inscriptions  du  rempart  de  Sousse  et  du  cimetière 
de  Bâb-es-Selm  de  Cairouan  appartiennent  à  cette  période  ; 
mais  l'épigraphie  tlemcenienne  ne  fournit  aucun  spécimen  de 
coufique  primitif  ;  peut-être  le  Maroc  en  revèlera-t-il  un  jour. 
Certaines  des  inscriptions  précitées  indiquent  déjà,  il  faut  le 
remarquer,  une  tendance  ornementale  qui,  très  sobre  encore, 
se  manifeste  cependant  par  la  forme  donnée,  l'importance  ar- 
bitrairement attribuée  à  certaines  lettres  :  arrondissement  du 
Noim  final,  croisement  du  Lam-Alif^  etc. 

Durant  les  siècles  qui  suivent,  cette  tendance  s'accentue 
singulièrement.  L'épigraphie,  qui  dans  l'architecture  arabe- 
byzantine  était  pour  ainsi  dire  isolée  du  reste  de  l'ornemen- 
tation, à  mesure  que  le  style  arabe  se  dégage  de  l'influence 
grecque,  se  lie  plus  volontiers  à  l'arabesque  qui  l'entoure, 

Belles-Lettres^  IX,  X,  1832);  —  et  les  plus  récents  travaux  de  Karabacek, 
Palœographische  Ergebnisse  aus  den  arabischen  Papyrus  Erzherzog  Bainer. 

1.  Cf.  Van  Berchem,  Notes  d'archéologie,  1,  p.  113. 

2.  Cf.  Clermont-Ganneau,  Journal  asiatique,  8*^  série,  t.  IV,  p.  il2.  —Becueil 
cVarchéologie  orientale,  p.  201,  pl.  XI. 

3.  Cf.  Van  Berchem,  Matériaux  pour  un  Corpus,  pl.  XIV;  —  Notes  d'archéo- 
logie, 1,  p.  114;  II,  p.  9;  —  Basset  et  Houdas,  Épigraphie  tunisienne,  pl.  1 
et  II,  p.  16  et  23. 

4.  Cf.  van  Berchem,  Notes  darchéologie,  I,  p.  115;  —  Matériaux  pour  un 
Corpus,  p.  8. 


INTRODUCTION 


87 


V 


13 


AV/ilà.1  J*.  5rc)4  ii!<U/iai,en.  .^^frxx.'Ux.  ■{/■ip^  JQ 


é 


FiG.  7.  —  Spécimens  d'écriture  monumentale. 


88  INTRODUCTION 

elle  tend  à  devenir  arabesqne  elle-même,  elle  emprunte  au 
décor  floral  ses  motifs  et  sa  tournure.  La  tête  du  Kaf  se  divise 
en  feuille  double,  le  Ain  rappelle  parfois  le  fleuron  qui  marque 
le  départ  des  palmes,  la  fin  des  groupes  de  caractères  s'allonge 
et  s'arrondit  en  ligatures  et  en  départs  de  rinceaux.  C'est  la 
nouvelle  variété  de  coufîque  connue  sous  le  nom  assez  impropre 
de  qarmatique^  et  pour  lequel  on  a  proposé  la  dénomination 
meilleure  de  caractère  angulaire  fleuri.  Il  apparaît  pour  la  pre- 
mière fois  en  Tunisie  en  341  ;  puis,  transporté  peut-être  parles 
Fatimites  en  Egypte,  il  remplit  toute  leur  épigraphie.  En  Tuni- 
sie, il  prend  au  reste,  au  siècle  de  Thégire  (xi^  siècle  de 
l'ère  chrétienne)  une  allure  d'une  extraordinaire  fantaisie.  Si 
l'on  compare  l'inscription  funéraire  de  la  Seiyidet  el-Jâmi  de  Cai- 
rouan  à  l'inscription  almoravide  de  Nedromali  qui  date  de  la 
même  époque  2,  oii  aux  inscriptions  du  mihrâb  de  la  Grande 
Mosquée  de  Tlemcen  qui  lui  sont  postérieures  de  plus  d'un 
siècle,  on  trouve  le  carmatique  tunisien  singulièrement  touffu; 
et  d'ailleurs,  dans  son  efflorescence  exbubérante,  il  demeure 
inférieur  aux  types  maghribins  occidentaux,  plus  sobres,  d'un 
développement  plus  classique  et  plus  discipliné. 

L'épigraphie  tlemcenienne  offre  des  spécimens  de  qarmatique 
sur  bois,  sur  pierre,  et  enfin  sur  plâtre.  Ces  derniers  sont  de 
beaucoup  les  plus  nombreux.  Comme  de  juste,  ils  offrent  géné- 
ralement des  types  plus  raffinés,  et  plus  délicatement  fleuris 
que  les  premiers'^.  La  facilité  d'emploi  de  la  matière  doit  en 
être  la  cause.  A  deux  exceptions  près,  que  nous  signalerons 
plus  loin,  ce  ne  sont  pas  des  inscriptions  historiques.  Le  cou- 

1.  Cf.  Houdas  et  Basset,  Épigraphie  tunisienne,  pl.  III,  p.  24,  25. 

2.  Cf.  Houdas  et  Basset,  Épigraphie  tunisienne,  pl.  V,  p.  27  ;  —  Basset, 
Nedromah  et  les  Traras,  p.  22,  23,  et  Pl. 

3.  Cf.  Van  Berchem,  Notes  d'archéologie,  p.  119. 


INTRODUCTION  89 

tique  fleuri  tlemcenien  n'offre  que  (les  inscriptions  pour  ainsi 
dire  ornementales,  versets  du  Coran,  sentences  pieuses,  etc. 
La  Grande  Mosquée  qui  appartient  à  la  première  moitié  du 
xiif  siècle  présente  trois  variétés  curieuses  d'inscriptions  qar- 
matiques  sur  plâtre.  L'une  se  découpe  sur  un  fond  dépouillé  de 
tout  ornement.  La  seconde  dont  on  trouvera  les  caractères 
reproduits  ici  est  sobrement  accompagnée  de  quelques  rin- 
ceaux. Ses  lettres  y  sont  assez  déformées  ;  cependant  elles 
conservent  encore  les  figures  primitives  ;  la  coupe  en  biseau 
qui  termine  les  lettres  semble  une  influence  de  l'écriture  ma- 
nuscrite, tracée  au  qalam.  La  troisième  de  ces  inscriptions  qui 
forme  le  cadre  du  mihrâb  présente  une  disposition  caractéris- 
tique :  les  deux  cinquièmes  de  la  bande  qu'elle  occupe  sont 
réservés  à  la  partie  inférieure,  la  plus  expressive  de  la  lettre, 
et  le  fond  n'y  porte  aucun  décor  ;  les  autres  sont  garnis 
d'entrelacs  foisonnants,  et  les  hampes  des  lettres  longues  qui 
y  montent  indiquent  des  tendances  purement  ornementales.  Le 
sommet  de  ces  hampes  remplace  le  plus  souvent  le  biseau  pri- 
mitif par  une  palme  double  qui  s'inscrit  presque  dans  la  même 
figure  géométrique. 

Le  xiii^  siècle  nous  montre  un  nouveau  processus  de  l'épi- 
graphie  monumentale  tlemcenienne.  Comme  dans  les  palais 
andalous,  de  petits  groupes  de  caractères  coufiques,  reprodui- 
sant des  sentences  de  quelques  mots  deviennent  un  élément 
favori  de  l'ornementation  murale.  Avec  cet  emploi  nouveau,  le 
qarmatique  joue  un  rôle  important  dans  les  revêtements  de 
plâtre.  Ce  n'est  pas  que  la  longue  bande  de  coufique  fleuri 
disparaisse  alors  des  monuments  tlemceniens.  On  la  retrouve 
à  sa  place  d'honneur,  encadrant  le  cintre  des  mihrâbs  dans  les 
mosquées  de  cette  époque.  Bien  mieux,  l'une  des  seules  inscrip- 


90  INTRODUCTION 

tiens  coufîqnes  tlemceniennes  ayant  nn  caractère  historique 
date  de  la  fin  du  xiif  siècle.  Elle  s'étale  dans  deux  bandeaux 
de  plâtre,  précieusement  fouillés,  aux  deux  côtés  du  mihrâb  de 
la  mosquée  de  Bel-Hassen.  Mais  il  est  visible  que  le  but  cherché 
par  l'artiste  dans  les  inscriptions  coufiques  de  cet  âge  est 
moins  d'édifier  et  d'instruire,  que  de  plaire  aux  yeux.  Le  souci 
ornemental  tient  alors  le  premier  rang.  L'inscription,  avec  ses 
déformations  conventionnelles  et  le  décor  floral  qui  l'enveloppe 
de  toute  part,  devient  souvent  une  sorte  de  logogriphe  savant, 
indéchifi*rable  pour  la  grande  majorité  des  fidèles.  L'arabesque 
qui  Tavoisine  et  probablement  aussi  la  décoration  calligra- 
pliique  des  manuscrits  de  Tépoque  sont  les  sources  des  nou- 
velles formes.  Les  mosquées  de  Sîdi  Bel-Hassen  et  d'OuJâd  El- 
Imâm  présentent  des  exemples  admirables  de  ce  coufique 
Henri,  du  même  style  que  celui  qui  règne  à  TAlhambra  et  à 
l'Alcazar  de  Séville.  Les  caractères  les  plus  fréquents  en  sontla 
stylisation  lancéolée  des  anciens  biseaux,  l'allongement  arbi- 
traire des  grandes  lettres  dont  les  hampes  vont  rejoindre  le 
bord  supérieur,  se  brisent  et  forment  en  se  juxtaposant  des 
bordures  quasi-régulières  suivant  le  cadre  du  panneau,  enfin 
l'entrelacs  à  angle  droit  ou  diagonal  analogue  à  celui  de  la  let- 
trine byzantine  ^ . 

Les  artistes  mérinides  ne  font  qu'exécuter  de  nouvelles 
variations  sur  ce  thème.  On  rencontre  assez  fréquemment  dans 
leurs  monuments  une  forme  de  cintre  dentelé  reposant  sur  deux 
Lam  ou  deux  Alif  choisis  régulièrement  dans  la  phrase.  Elle 
semble  une  représentation  schématique  de  l'arc  en  fer  à 
cheval,  ou  même  de  la  qoubba  à  toit  plat.  Sîdi'l-Halwi  et 

1.  On  en  trouvera  d'importants  fragments  dans  la  partie  de  cette  étude 
consacrée  à  la  Mosquée  Bel-Hassen, 


INTRODUCTION  91 

Maiifeourali  nous  foui  iiisseiit  en  outre,  de  cette  époque,  de  beaux 
spécimens  de  coufîquc  sur  pierre  et  sur  bois,  robustes  et  moins 
tourmentés  que  le  type  des  inscriptions  de  plâtre^. 

Il  est  intéressant  de  noter  que,  de  môme  que  l'élément  flo- 
ral s'était  fortement  coml)iné  avec  le  trait  coufîque,  de  même 
le  trait  scriptural  donna  naissance  à  quelques  formes  qui 
prirent  place  dans  l'arabesque.  Elles  sont  dépourvues  de  toute 
signification,  n'accompagnent  plus  aucun  caractère  ;  mais  on  ne 
saurait  en  chercher  l'origine  en  dehors  de  l'ornementation 
épigraphique  des  monuments  ou  calligraphique  des  manuscrits-. 

Parallèlement  au  caractère  coufique,  les  décorateurs  tlem- 
ceniens  se  servirent  du  caractère  cursif  arrondi.  En  Egypte 
son  adoption  comme  type  habituel  des  inscriptions  monumen- 
tales ayant  un  caractère  historique  est  liée  au  triomphe  des 
Ayyoubites  sur  les  Fatimites  A  partir  du  vi"  siècle  de  l'Hégire, 
le  coufique  fleuri  ne  retrace  plus  que  des  sentences  pieuses, 
des  versets  coraniques  ;  il  est  purement  ornemental.  En  Occident, 
le  caractère  arrondi  se  montre,  à  la  même  époque,  dans  les  ins- 
criptions monumentales  avec  une  rare  perfection  ;  ainsi  la  bande 
dédicatoire  qui  court  sur  le  tambour  de  la  coupole  du  mîhrâb 
à  la  Grande  Mosquée  de  Tlemcen,  datée  de  530  de  THégire, 

1.  De  cette  époque  date  le  seul  exemple  que  présentent  les  monuments 
tlemceniens  de  cette  curieuse  variété  de  coufique  appelée  coufique  quadran- 
f/ulaire  ;  nous  en  parlerons  en  décrivant  le  monument  auquel  il  appartient. 
Cf.  infrà  Mosquée  de  Sîdi  bou-Médine,  le  Minaret. 

2.  Non  seulement  l'élément  coufique  imprégna  toute  la  décoration  arabe 
d'Occident,  mais  son  influence  eut  des  prolongements  inattendus  dans 
l'architecture  gothique.  Saladin  {Confé)'ence  faite  à  l'Union  syndicale  des 
architectes  français,  p.  16)  parle  des  portes  de  la  cathédrale  du  Puy  et  de  celles 
de  la  Voulte-Ctiilhac,  «  où  se  trouvent  des  ornements  presque  scrupuleusement 
copiés  sur  les  inscriptions  coufiques». 

3.  Cf.  Van  Berchem,  Notes  d'archéologie,  I,  p.  H7,  —  Matériaux  pour 
un  Corpus,  IV. 


92 


INTRODUCTION 


est  d'une  helle  écriture  arrondie^  [fig.  8).  L'inscription  sur 
bois  de  la  maqçoura  de  cette  même  mosquée  datée  de  533  offre 
un  type  curieux,  intermédiaire  entre  Je  carré  et  l'arrondi^. 
Mais  sur  des  inscriptions  funéraires  du  début  du  vu*"  siècle ,  le  carac- 
tère arrondi  s'affirme  ayecdes  formes  très  élégantes^;  et  aux 
siècles  suivantstoutes  les  inscriptions  historiques  abd-el-wâdites 
et  mérinides  appartiennent  à  ce  type  :  hahoiis  de  Sîdi  Bel-Hassen, 
d'Oulâd-el-Imâm,  de  Bou-Médine,  inscriptions  dédicatoires  de 
Mansourah,  de  Sîdi  Bou-Médine,  de  Sidi'l-Halwi,  de  la  biblio- 
thèque d'Abou-Hammou  à  la  Grande  Mosquée^.  —  Le  seul  type  en 
usage  fut,  sans  grande  variation  de  style,  ce  qu'on  a  appelé  le 
type  andalous  ;  c'est  celui  des  monuments  sévillans  et  grena- 


FiG.  8.  —  Fragment  de  Tinscription  dédicatoire  de  la  Grande  Mosquée. 

dins,  celui  de  la  fameuse  inscription  de  l'Alhambra  :  «  Ldghdlib 
illd  'lldh  ».  Le  neskhi  oriental  ne  se  montre  jamais  à  TIemcen; 
il  apparut  par  contre  à  Alger  àl'époque  turque.  Quant  àla vieille 
écriture  cursive  barbaresque,  elle  ne  devint  jamais,  à  propre- 

1.  A  la  même  époque,  le  caractère  arrondi  apparaît  sur  les  monnaies  d'Abd- 
El-Moumin  l'Almohade,  —  Cf.  Codera  y  Zaidin,  Tratado  de  numismâtica  arà- 
hico-Espanola,  pl.  XXII. 

2.  Publiée  par  Tun  de  nous  {Bulletin  du  Comité  historique  de  VAfrique 
du  Nord^  1902,  p.  548,  541)  ;  on  trouvera  un  fac-similé  de  quelques  mots  de 
cette  inscription  fig.  24. 

3.  Par  exemple,  dans  Tépitaphe  d^Abou-Abdallah-Mohammed-ben-Jafar- 
ben-Samoun  (f  610),  publiée  par  lun  de  nous  {Bulletin  du  Comité  archéolo- 
gique, 1902,  p.  538). 

4.  Cf.  Brosselard,  les  Inscriptions  arabes  de  TIemcen  {Bévue  africaine^ 
décembre  1858,  p.  90). 


INTRODUCTION  93 

ment  parler,  une  écriture  monumentale  ;  mais  elle  se  rencontre 
d'assez  bonne  heure  dans  l  epigraphie  funéraire  et  y  règne 
définitivement  à  partir  du  xv"  siècle.  —  Les  inscriptions  cur- 
sives  jouent  un  rôle  très  important  dans  les  monuments  tlem- 
ceniens.  De  dimensions  exirê moment  variables,  parfois  elles 
forment,  autour  des  champs  d'arabesques  ou  même  des  larges 
bandes  coufiques,  de  longues  bordures  de  versets  coraniques  ; 
parfois,  elle  occupent  en  courtes  sentences  pieuses  des  disques 
ou  des  poh^gones  au  centre  des  panneaux.  Le  fond  est  ra- 
rement garni  d'un  rinceau  continu.  Plus  souvent  des  fleurons 
détachés,  des  vergettes,  de  petits  ornements  en  forme  de  V  sont 
chargés  de  combler  les  vides. 

L'élément  géométrique.  —  Ses  origines.  —  Les  questions 
relatives  aux  origines  de  rélément  géométrique  sont  encore 
entourées  de  beaucoup  d'obscurité.  Les  décors  persans  de 
l'école  partlie^,  quelques  fragments  de  monuments  coptes'-, 
quelques  sculptures  Syriennes"',  les  pavements  mosaïques 
des  vieilles  églises  de  Rome  et  de  Salonique,  les  broderies  et 
les  dentelles  primitives  arabes telles  sont  les  différentes 
sources  qu'ont  tour  à  tour  proposées  les  archéologues.  Quoi  qu'il 
en  soit,  il  semble  bien  qu'aucun  peuple  n'ait,  avant  les  Arabes, 
fait  de  ce  genre  de  décor  la  formule  initiale  de  tout  un  style. 
Tous  les  arts  se  sont  plus  ou  moins  servis  de  l'ornement  géo- 
métrique :  le  carré,  le  quadrillage,  le  cercle,  ont  de  tout  temps 
revêtu  des  surfaces  ou  composé  des  bordures  ;  il  est  possible 
même  que,  dans  les  premiers  monuments  arabes,  il  ait  joué  un 

1.  Cf.  Dieulafoy,  rArt  antique  de  la  Perse,  t..  Y,  p.  30-153. 

2.  Cf.  Monu/nenf.s  coptes  du  Musée  de  Boulaq,  pl.  III,  XXVI,  XLIX 
LXXVII,  LXXXill. 

3.  Cf.  de  Vogué,  Syrie  Centrale,  p.  89.  Pl.  43. 

4.  Cf.  Saladin,  Conférence  faite  à  l'Union  syndicale  des  Architectes. 


94  INTRODUCTION 

rôle  accessoire  à  côté  de  l'élément  floral  et  de  Télément  épi- 
graphique  ;  mais  il  apjpartenait  à  l'art  musulman  définitivement 
constitué  d'en  faire  sa  formule  préférée  et  comaie  sa  caracté- 
ristique. 

u  Élégance  et  complexité  par  des  involutions  géométriques 
plus  ou  moins  distinctes  ou  mêlées,  et  construites  avec  symé- 
trie. Des  figures  abstraites,  la  flexion  linéaire  et  une  sorte  de 
croissance  organique  :  en  d'autres  termes,  des  thèmes  purement 
géométriques  que  la  graphique  traduit  par  des  épures,  et  que 
la  technicpie  met  en  œuvre  en  y  enfermant  la  matière,  tel  est 
le  fonds  essentiel  de  Tart  arabe  ^.  » 

Cependant,  si  les  tendances  naturellement  abstraites  de  leur 
esprit,  leur  amour  de  la  comphcation  mathématique,  leur  éloi- 
gnement  rehgieux  pour  toute  représentation  de  corps  animés 
poussèrent  les  Arabes  à  cultiver  ce  genre  d'inspiration,  les 
exigences  de  la  matière  emplovée  entrèrent  au  début  pour  une 
part  notable  dans  son  adoption.  La  menuiserie,  la  charpente  à 
petits  l)ois,  l'assemblage  des  briques  et  des  fragments  décou- 
pés dans  la  terre  émaillée,  le  découpage  des  claires-voies  dans 
les  tables  de  pierres  ou  les  revêtements  de  stuc,  telles  durent 
être  les  premiers  problèmes  dont  la  résolution  sollicita  l'emploi 
du  décor  géométri(pie. 

L'entrelacs  rectiligne.  —  Ses  applications.  —  C'est  dans  le 
réseau  des  claires-voies  qu'il  apparaît  d'abord,  en  Occident,  à 
la  Grande  Mosquée  de  Cordoue.  Au  minbar  de  Sîdi  Okba 
(vers  894)  qui  appartient  à  la  même  période,  nous  le  trouvons 
également  garnissant  les  rectangles  ajourés-.  Dans  ces  deux 

1.  J.  Bourgoin,  /es  Éléments  deVArt  arabe^  Paris,  1879,  Avant-Vvopos. 

2.  Cf.  Saladin,  Mosquée  de  Sidi  Okba,  pl.  XXVI  et  XXVII,  les  Panneaux, 
21,  2.3,  31,  32,  33,  .3.j.  38,  41,  42. 


INTRODUCTION  9o 

monuments,  il  revêt  nettement  le  caractère  d'entrelacs  recti- 
ligne,  qu'il  ne  perdit  jamais  complètement  :  l'artiste,  qui  s'est 
servi  d'un  large  ruban  légèrement  modelé,  voire  même  strié  en 
manière  de  cordelettes,  le  fait  passer  alternativement  en  des- 
sus et  en  dessous  des  différentes  portions  de  lui-même  qu'il 
croise.  Cet  enchevêtrement  régulier  ne  fut  pas  toujours  con- 
servé dans  le  décor  de  plâtre;  on  ne  considéra  souvent  le  trait 
que  comme  un  moyen  de  limiter  les  surfaces  ;  mais  il  suljsista 
toujours  dans  la  mosaïque  de  faïence,  où  la  bande  blanche  des- 
sinait les  traits  de  l'épure. 

L'époque  de  transition  n'en  fait  pas  encore  un  usage  très 
constant.  A  la  Grande  Mos(piée  de  Tlemcen,  les  meneaux,  qui 
maintenaient  probablement  jadis  les  fragments  de  verres  colo- 
rés, sont  encore  les  seules  parties  du  monument  où  la  conil)i- 
naison  géométri(pie  s'étale  bien  franchement  ;  partout  ailleurs 
le  décor  floral  joue  le  principal  rôle.  Dans  les  palais  de  Sicile, 
une  plus  grande  place  lui  est  réservée.  La  figure  du  polygone 
étoilé  formé  par  le  croisement  de  deux  carrés  (seule  figure 
géométrique  (pii  se  rencontre  sur  les  parois  de  la  Grande 
Mosquée  maghribine)  y  donne  lieu  à  des  combinaisons  fort 
simples,  mais  où  se  manifeste  nettement  la  tendance  arabe  ^ 

11  était  réservé  au  xiii"  et  au  xiv"  siècle  de  donner  à  ce 
genre  d'ornement  un  développement  extraordinaire.  A  Tlemcen, 
les  plafonds  de  bois,  les  caissons  de  plàcre,  les  revêtements  de 
bronze  des  portes,  les  claires-voies  et  surtout  les  mosaïques  de 
faïence  permettent  à  l'imagination  mathémati(jue  des  décora- 
teurs de  se  donner  libre  carrière. 

La  formule  la  plus  fréquemment  employée  est,  sur  plan  carré, 


1.  fiirault  (Je  Prnn^cy,  Essai  Aur  Vavchilecluve  des  Arabes,  IM.  1"2.  N°  5. 


96  INTRODUCTION 

la  rosace  rayonnant  autour  d'une  étoile  à  seize  et  vingt-quatre 
pointes.  L'étoile  à  huit,  à  dix-huit  et  à  nombre  de  pointes  im- 
pair ne  se  rencontre  pas.  Celle  à  douze  et  à  vingt  pointes 
apparaît  assez  tardivement.  L'étoile  primitive  à  huit  pointes  et 
les  combinaisons  qu'elle  engendre  se  retrouvent  dans  presque 
toutes  les  frises  de  plâtre  ^ 

Le  revêtement  de  plâtre  des  trumeaux  et  des  murs  se  servit 
d'ailleurs  très  peu  de  rornement  géométrique  proprement  dit  ; 
le  diagramme  le  plus  communément  en  usage  est  une  juxtapo- 
sition de  losanges  curvilignes  ou  de  motifs  se  raccordant  en 
sautoir,  qui  n'est  point  à  proprement  parler  une  combinaison 
géométrique  et  dont  nous  essaierons  plus  loin  de  rechercher 
l'origine. 

La  mosaïque  de  faïence  eut,  en  revanche,  comme  nous  l'avons 
dit,  souvent  recours  au  décor  géométrique.  Il  composa  depuis  la 
combinaison  d'une  ou  de  deux  formes  jusqu'à  la  grande  rosace 
de  construction  savante.  Il  convient  d'ailleurs  de  noter  que  le 
décor  ainsi  formé  conserve  son  caractère  original  en  restant 
«  infini  ».  Rien  ne  limite  l'extension  des  lignes  et  la  «  cristal- 
lisation »  des  motifs.  Le  panneau  qu'il  compose  n'a  pas, 
comme  certains  panneaux  de  l'Alhambra,  un  axe  et  des  arrêts 
nécessaires.  Seuls  les  besoins  de  l'architecture  et  les  grandes 
lignes  d'une  composition  d'ensemble  très  voulue  imposent  des 
bornes  au  groupement  polygonal. 

L entrelacs  curviligne.  —  Nous  l'avons  vu,  le  décor  géomé- 

\.  C'est  une  combinaison  analogue  à  celle  que  l'on  remarque  au  minbarde 
Sîdi  Okba  (Saladin,  loc.  cit.,  pl.  XXVII)  dans  le  panneau  triangulaire  corres- 
pondant au  numéro  75  du  schéma.  Le  décor  de  ce  panneau  tranche  nette- 
ment avec  le  décor  byzantin  des  autres  ;  c'est  probablement  celui-là  que 
désigne  l'auteur  comme  comportant  «le  caractère  de  l'ornementation  arabe 
proprement  dite»,  et  rajouté  lors  de  la  restauration  du  minbar. 


INTRODUCTION  97 

trique  semble  dériver  de  l'entrelacs  rectiligne.  Par  là,  il  se  rat- 
tache au  genre  de  décor  que  l'on  désigne  parfois  plus  par- 
ticulièrement du  terme  vague  ^'arabesque  :  nous  voulons 
parler  de  toute  cette  famille  d'ornements  dont  l'entrelacs  cur- 
viligne est  le  point  de  départ,  mais  dans  lequel  l'involution 
linéaire  s'enrichit  et  se  complique,  le  plus  souvent,  de  formes 
accessoires,  épigraphiques  ou  florales,  qui  en  défigurent  complè- 
tement l'épure  primitive^.  Parmi  ces  ornements,  nous  distin- 
guerons d'après  les  formes  qui  les  ont  engendrées,  et  pour  en 
faciliter  l'étude,  deux  groupes  distincts  :  l'un  que  nous  appelle- 
rons entrelacs  architectural^  l'autre  entrelacs  floral. 

V entrelacs  architectural .  —  L'origine  du  premier  groupe 
est  la  ligne  découpée  en  lobes  ou  en  festons  :  soit  composée  de 
portions  de  circonférences  semblables,  se  juxtaposant  les  unes 
aux  autres,  soit  de  successions  de  courbes  et  de  raccordements 
rectilignes,  formant  des  groupes  régulièrement  répétés.  Ces 
deux  genres  de  lignes  trouvent  leur  première  expression  dans 
les  formes  architecturales.  Celui-là,  dans  l'arcade  lobée,  telle 
qu'on  la  rencontre  à  Cordoue  [fig.  9,  A),  celui-ci  dérive  natu- 
rellement de  l'emploi  de  la  stalactite.  La  section  d'un  encor- 
bellement de  coupolettes  par  un  plan  [fig .  9,  E)  donne  ce  con- 
tour à  festons  ou  à  lambrequins  que  nous  venons  de  décrire. 
Tous  deux  eurent  une  curieuse  descendance  dans  le  décor 
extérieur  et  intérieur  des  monuments  du  Maghrib  et  d'Anda- 
lousie. 

Décor  extérieur.  —  L'arc  festonné,  nous  l'avons  montré 
plus  haut,  fut  abandonné  d'assez  bonne  heure,  dans  le  Maghrib 

1.  Cette  étroite  parenté  est  nettement  mise  en  lumière  par  le  minbar  dé 
Sidi  Okba  où  les  combinaisons  angulaires,  les  entrelacs  curvilignes  purement 
géométriques  et  les  entrelacs  curvilignes  à  prolongement  floraux  se  trouvent 
réunis  (Voir,  par  exemple,  pl.  XXXII,  les  Panneaux,  61,  62,  63,  64). 

7 


98  INTRODUCTION 

du  moins.  Le  xiif  siècle  ne  l'employa  plus  comme  cintrage, 
mais  il  continua  à  tenir  une  place  fort  honorable  dans  les 
faibles  reliefs  du  décor  de  brique.  C'est  lui  que  nous  retrou- 
vons comme  première  bordure  de  bon  nombre  d'arcades  méri- 
nides.  Il  se  répète,  s'enrichit  d'un  double  ou  triple  entrelacs  et 
sert  de  cloison  aux  fragments  déterre  vernissée  (C)  Déplus, 
il  est,  avec  la  découpure  à  lambrequins,  le  point  de  départ  des 
décors  les  plus  caractéristiques  des  extérieurs  arabes  :  l'arca- 
ture  et  le  réseau.  En  effet,  si  les  architectes  byzantins,  qui 
élevèrent  les  charpentes  de  Cordoue  sur  deux  étages  d'arceaux 
entrecroisés,  n'eurent  pas,  à  proprement  parler,  d'imitateurs, 
c'est  vraisemblablement  à  eux  que  les  décorateurs  arabes 
doivent  le  décor  ingénieux  et  logique  dont  ils  revêtirent  tous 
les  minarets  d'Occident.  Cet  entrecroisement  reparaît  dans  les 
galeries  d'arcades  aveugles  (B)  dont  la  Puerta  del  Sol  de  To- 
lède, la  Giralda  et  la  Kotoubîya  de  Marrâkech  offrent  les  plus 
anciens  exemples.  L'élément  ordinaire  en  est  l'arc  lobé.  Il 
reparaît  aussi,  agrandi  et  multiplié,  dans  le  réseau  des  grandes 
surfaces  rectangulaires.  L'élément  en  est  alors  la  ligne  fes- 
tonnée ou  à  lambrequins.  Partant  d'un  arc  inférieur,  qui  en 
rappelle  clairement  l'origine,  ils  donnent  naissance  à  une 
superposition  de  losanges  mi-curvilignes  mi-rectilignes  (F).  Les 
minarets  mérinides  ont  donné  de  cette  formule  de  très  ingé- 
nieuses applications.  Comme  on  le  voit,  ces  losanges  offrent 
l'avantage  d'être  juxtaposables,  la  moitié  de  la  figure  présen- 
tant en  creux  le  contour  que  l'autre  moitié  présente  en  plein. 

1.  Ce  n'est  là  qu'une  variation  somptueuse  sur  le  motif  habituel  des 
façades  arabes  du  Caire  :  le  galon  pourtournant  Tarchivolte,  suivant  le  cadre 
rectangulaire  du  tympan  et  se  nouant  aux  axes  des  arceaux.  Sur  l'origine 
vraisemblable  de  ce  décor,  Cf.  de  Vogiié.  Syrie  Centrale,  p.  134  et 
Pl.  128. 


100  INTRODUCTION  ^  .  _ 

Le  plus  souvent  l'intérieur  en  est  meublé  par  la  retombée  des 
arcs  supérieurs  et  par  un  fleuron  terminal  des  arcs  inférieurs. 
Constamment  employé  dans  les  minarets,  ce  réseau  ne  se 
rencontre  guère  dans  les  autres  revêtements  extérieurs.  Nous 
en  trouverons  cependant  un  exemple  à  laMédersa  de  SîdiBou- 
Médine  et  une  interprétation  en  mosaïque  de  faïence  au  portail 
de  la  mosquée  (^^.  46). 

Décor  intéi'ieur.  —  Ces  deux  thèmes,  transportés  dans  la 
décoration  intérieure,  se  traduisirent  dans  le  plâtre  par  des 
ornements  d'échelle  plus  réduite  et  d'un  caractère  plus  com- 
pliqué. L'arc  lobé  constitua,  comme  aux  portails  de  brique,  la 
première  garniture  des  grands  arceaux  des  nefs,  voire  même 
de  la  circonférence  inférieure  des  coupoles.  Parfois  repoussé 
tout  au  bord  des  cintres,  il  les  découpa  en  petites  dents  régu- 
lières qui  donnèrent  naissance  au  gaufrage  des  douelles  (D)  ou 
au  côtelage  des  coupoles  (D').  L'Alhambra  et  le  petit  palais 
d'El-Eubbâd  présentent  des  spécimens  de  ce  découpage.  Quant 
à  la  succession  de  lambrequins  et  au  réseau  qu'il  engendrait 
dans  le  décor  extérieur,  nous  croyons  en  retrouver  un  souvenir 
dans  le  décor  régulier  à  losanges  curvilignes,  qui  constitue  un 
des  remplissages  les  plus  constamment  usités  dans  les  revête- 
ments de  plâtre. 

Il  semble  bien,  en  effet,  qu'il  apparaisse  peu  déformé  dans 
les  panneaux  ajourés  qui  garnissent  les  tympans  de  l'Alhambra 
et  de  l'Alcazar.  On  en  pourra  voir  ici  (G)  une  interprétation  très 
simple  remarquée  dans  la  salle  du  Jugement.  C'est  un  trait 
gravé  sans  décor  accessoire,  qui  reproduit  visiblement  le  trait 
initial  des  grands  réseaux.  A  Tlemcen,  nous  en  trouverons  de 
nombreuses  app]ications.  Quoique  très  enrichi  et  affectant 
les  formes  les  plus  diverses^  il  est  cependant  assez  reconnais- 


INTRODUCTION  101 

gable;  il  alterne  dans  les  écoinçons  avec  l'entrelacs  floral  ;  il 
revêt  les  grandes  surfaces  des  murs. 

Dans  ce  nouvel  emploi,  il  se  mélange  intimement  avec  la 
flore.  Nous  avons  noté,  en  parlant  des  réseaux  de  brique,  les 
fleurons  couronnant  la  soudure  des  lambrequins.  Les  vieux 
minarets  qui  subsistent  à  Sé ville,  la  Giralda,  le  clocher  de 
San  Marcos,  s'ornent  de  ramifications  végétales  découpées 
dans  la  terre  cuite.  Cette  assimilation  des  deux  familles  de 
décor,  déjà  visible  dans  le  revêtement  extérieur,  devint  plus 
complète  dans  les  compositions  de  plâtre.  Non  seulement,  en 
effet,  les  fleurons  et  les  palmes  y  meublent  les  losanges  super- 
posés, mais  ces  losanges  deviennent  eux-mêmes  ornements 
floraux,  leurs  courbes  ne  sont  plus  que  le  diagramme  de  cons- 
truction que  les  longues  feuifles  détachées  de  leur  tige  viennent 
revêtir  (H).  Nous  verrons  tout  à  l'heure  comment  cet  entrelacs 
architectural,  converti  en  palme,  se  déforme  en  même  temps 
que  la  palme  elle-même  au  contact  de  l'écriture. 

Entrelacs  floral.  —  Nous  étudierons  maintenant  le  deuxième 
groupe  :  l'ornement  floral  proprement  dit. 

Dans  tout  décor  floral  arabe,  il  convient  d'examiner  deux 
parties  distinctes  de  la  composition  :  d'une  part,  l'épure  de 
construction  et,  de  l'autre,  le  motif  qu'elle  supporte,  l'entrelacs 
curviligne  et  l'élément  végétal,  la  tige  et  la  feuille. 

On  le  sait,  la  décoration  musulmane  est  l'art  le  moins 
naturaliste  qui  soit.  Les  prescriptions  religieuses,  qui 
interdisaient  la  représentation  humaine,  laissaient  aux  ar- 
tistes arabes  libre  carrière  relativement  à  l'imitation  des 
plantes.  Or  ils  ne  s'avisèrent  jamais  de  copier  aucune  des 
formes  végétales  qui  les  entouraient  ;  leur  seul  but  fut 
de  garnir  les  surfaces  de  combinaisons  savantes,  prétex- 


102  INTRODUCTION 

tant  la  répétition  des  formes  peu  variées  de  la  flore  ornemen- 
tale. 

La  disposition  byzantine  que  présentent  les  claveaux  en 
mosaïque  du  mirhâb  de  Cordoue,  une  tige  médiane  portant 
des  rameaux  opposés,  convenait  mal  à  cet  emploi  ;  les  exemples 
d'un  tel  point  de  départ  rigide  suivant  l'axe  sont  fort  rares 
dans  les  mosquées  Tlemceniennes  ^  En  revanche,  le  rinceau, 
également  en  usage  dans  les  décors  byzantins,  eut,  en  s'im- 
plantant  dans  l'art  arabe,  des  applications  très  nombreuses  et 
très  diverses,  soit  que,  d'un  seul  jet,  il  formât  la  nappe  des 
écoinçons,  soit  qu'en  plusieurs  tronçons  s'enchevêtrant  les 
uns  aux  autres  il  meublât  des  surfaces  régulières. 

On  trouvera  un  certain  nombre  de  diagrammes  joints  à  ceci 
[fig.  10).  Tous  sont  empruntés  à  l'analyse  d'ornements  repro- 
duits dans  la  suite  de  cette  étude.  Ce  sont  la  spire  simple  (A), 
la  spire  à  deux  enroulements  contraires  (Bet  C),  le  rinceau  (D) 
et  les  combinaisons  auxquelles  il  donne  lieu  :  l'entrelacs  formé 
par  deux  rinceaux  courant  suivant  une  même  direction  (E) 
par  deux  rinceaux  courant  dans  deux  directions  opposées  (F), 
la  direction  étant  donnée  par  la  disposition  des  branches 
secondaires  et  leur  inclinaison  sur  la  tige  principale.  Notons 
que,  lorsque  cette  tige  se  montre  dans  tout  son  développe- 
ment, elle  porte  un  bouquet  terminal  à  ses  deux  extrémités, 
ce  qui  achève  de  lui  enlever  tout  caractère  naturaliste.  11  faut 
donc  les  considérer  comme  de  libres  fantaisies  ornementales, 
tenant  autant  de  la  géométrie  que  de  la  flore.  Comme  telles, 
elles  sont  d'une  composition  sinon  claire,  du  moins  ingénieuse 
et  logique.  Les  points  d'attache  ne  sont  généralement  pas 

1.  Voir  cependant  un  exemple  isolé  de  rameaux  souples  partant  d'une  tige 
médiane  rigide  {fig.  26). 


INTRODUCTION  103 

dissimulés  ;  les  rapprochements  sont  souvent  marqués  par  des 
ligatures  décoratives  qui  suppriment  les  parallélismes  désa- 


FiG.  10.  —  L'entrelacs  curviligne  floral.  —  Diagrammes  de  construction. 


gréables  ;  les  croisements  de  tiges  sont  aussi  très  clairement 


104 


INTRODUCTION 


exprimés  ;  dans  certains  ornements,  ils  s'encadrent  dans  l'en- 
roulement des  palmes  ou  dans  les  fleurons  d'8Lxe{fig.  33,  48,72). 

Restait  à  adapter  sur  ce  support  flexible  le  motif  végétal 
proprement  dit.  Ce  fut  encore  l'art  byzantin  qui  fournit  ce 
second  élément.  Une  seule  plante,  croyons-nous,  constitua 
presque  exclusivement  la  flore  des  décors  arabes,  et  par  ses 
curieuses  déformations  engendra  la  garniture  des  entrelacs 
curvilignes  :  ce  fut  la  feuille  ornementale  par  excellence  de 
toute  l'antiquité  classique,  l'acanthe,  plus  spécialement 
Tacanthe  épineuse,  employée  de  tout  temps  par  les  Grecs  et 
qui  fut,  à  partir  du  v""  siècle,  d'un  usage  constant  dans  les 
édifices  romains  K 

On  ne  doit  point  s'étonner  de  voir  une  telle  palme  s'adapter 
à  une  tige  si  peu  faite  pour  elle  et  dont  la  tournure  mince  et 
souple  rappelait  si  mal  le  port  naturel  de  la  plante  à  laquelle 
elle  appartenait 2.  Les  décors  byzantins  présentent  déjà  des 
exemples  d'acanthe  ou  de  tronçons  d'acanthe  portés  par  des 
tiges  flexibles  formant  rinceau  (fig.  11)  3.  On  le  sait  d'ailleurs, 
les  sculptures  des  chapiteaux  de  la  décadence  en  font  une 
feuifle  extrêmement  longue  et  amaigrie  (fig.  12  A)^.  Le  limbe 
y  est  presque  réduit  à  la  seule  épaisseur  des  nervures.  Les 
groupes  de  digitations  ainsi  obtenus  sont,  dans  les  sculptures 
de  Cordoue,  séparés  entre  eux  par  des  intailles  plus  larges 

1.  Cf.  Saladin,  Mosquée  de  Sidi-Okha,  p.  66. 

2.  Notons  que  Facanlhe,  sans  grande  déformation,  compose  aussi  des  bor- 
dures de  palmes  parallèlement  disposées,  se  suivant  sans  être  rattachées  à 
une  tige;  on  en  trouvera  un  exemple  dans  le  cadre  des  fragments  de  vous- 
sures reproduit  ici  [fig.  15).  Elle  conserva  très  longtemps  ce  rôle  :  les  cintres 
de  Sidi  Bou-Médine  en  présentent  encore. 

3.  Nous  devons  la  communication  de  ce  rinceau  à  M.  Gabriel  Millet.  Il  pro- 
vient de  la  basilique  de  Mistra,  qu'il  a  récemment  étudiée. 

4.  Cette  feuille  est  empruntée  à  un  chapiteau  de  Sainte-Sophie  de  Constan- 
tinople. 


INTRODUCTION  105 

et  arrondies,  qui  représentent  l'œillet  intermédiaire  de  la  feuille 
primitive  (B).  Ces  intailles  ne  furent  plus  bientôt  que  des  trous, 
alternant  aA'ec  des  stries  profondes.  A  la  Grande  Mosquée 
de  Tlemcen,  c'est  cet  aspect  qu'elles  revêtent  ;  la  feuille  a  de 
plus  complètement  modifié  sa  silhouette  générale.  En  effet,  si 
l'on  y  trouve  un  exemple  d'acanthe  peu  déformée  {fig.  19)  et 
présentée  de  face,  la  palme  la  plus  généralement  employée  est 
présentée  de  profil,  divisée  en  deux  parties  d'inégale  grandeur 
(C)  ou  formant  un  seul  faisceau  et  s'échappant  alors  d'un 
bourgeon  inférieur  semblable  à  deux  cotylédons  ajourés  (C). 
Cependant  c'est  toujours  la  même  feuille  avec  ses  stries 
régulières  et  ses  représentations  schématiques  d'œillets.  A 
Sainte  -  Marie - 


la-Blanche  de 
Tolède,  elle 
remplit  son  rôle 
classique  en 
formant  les 


crosses     des  Fig.  H.  —  Rinceau  byzantin, 

chapiteaux  oc- 
togones (D),  dont  la  parenté  avec  les  chapiteaux  théodosiens 
n'est  point  douteuse. 

Cette  feuille  eut  le  sort  de  presque  tous  les  emprunts  faiis 
aux  décors  byzantins  (C/.  supra ^  Chapiteaux)^  elle  alla,  s'écar- 
tant  toujours  de  plus  en  plus  de  la  nature,  se  faisant  de  plus  en 
plus  conventionnelle  et  ornementale.  A  rAlhambra,on  remarque 
des  feuilles  où  nervure  principale,  nervures  secondaires, 
œillets  intermédiaires  se  retrouvent,  mais  complètement  défi- 
gurés par  une  libre  interprétation  décorative  (E).  A  Tlemcen, 
au  xiv"  siècle,  les  œillets  disparaissent,  il  n'y  a  plus  que  des 


FiG.  12.  — 


L'entrelacs  curviligne  floral.  — 


Spécimens  de  palmes. 


INTRODUCTION  107 

nervures  (F),  et  la  palme,  ainsi  simplifiée,  réduite,  et  généra- 
lement isolée  de  sa  tige,  sert  de  remplissage.  Elle  forme  alors 
avec  ses  traits  gravés  sur  un  fond  souvent  repercé  une  valeur 
forte  au  milieu  des  méplats  qui  l'avoisinent. 

Cependant  cette  acanthe,  si  conventionnelle  qu'elle  puisse 
paraître,  devait  se  déformer  encore.  On  s'habitua  à  ne  plus 
^  considérer  dans  la  palme  que  la  figure  géométrique  dans 

laquelle  elle  s'inscrivait.  De  très  bonne  heure,  parallèlement 
à  la  feuille  sillonnée  d'intailles,  les  décorateurs  arabes  em- 
ployèrent une  feuille  lisse  qui  n'était  qu'une  simplification  de 
la  première.  Les  deux  variétés  de  feuilles  gravées  que  nous 
signalions  à  la  Grande  Mosquée  fournissent  deux  types  diffé- 
rents facilement  reconnaissables.  La  palme  divisée  en  deux 
parties  engendre  une  palme  plate,  un  peu  plus  longue  et  plus 
souple,  mais  de  même  galbe  et  remplissant  le  même  rôle  (G) 
La  palme  présentant  un  seul  faisceau  de  nervures  donne  nais- 
sance à  une  sorte  de  triangle  isocèle,  s'adaptant  à  la  tige  par 
le  milieu  de  son  petit  coté  (G').  Le  bourgeon  inférieur  primitif 
s  y  révèle  encore  par  une  petite  intaille  angulaire  et  un  trou 
simulant  l'œillet. 

Ces  deux  feuilles  s'enroulent  librement  suivant  les  besoins 
du  décorateur;  mais  il  est  bien  rare  que  la  courbe  n'enveloppe 
pas  logiquement  le  bord  interne  de  la  feuille,  c'est-à-dire,  le 
côté  qui,  dans  le  prototype  byzantin,  était  suivi  par  la  nervure 
médiane. 

Parfois  ces  palmes  étaient  garnies  de  décors  fantaisistes  qui 

1.  Nous  n'ignorons  pas  le  rapprochement  que  l'on  a  voulu  établir  entre  ces 
palmes  et  la  feuille  de  lotus.  Il  n'est  pas  impossible  que  l'ornement  égyptien 
ait  influé  sur  la  tournure  donnée  à  la  palme  double  ;  mais  la  parenté  de  celle-ci 
avec  la  feuille  d'acanthe  nous  semble  trop  évidente  pour  que  nous  adoptions 
complètement  cotte  opinion  reçue. 


108  INTRODUCTION 

en  changeaient  complètement  Taspect.  Sainte-Marie-la-Blanche 
en  montre  déjà  des  exemples  ;  nous  en  signalerons  de  fort 
jolies  interprétations,  à  la  mosquée  de  Sîdi  Bel-Hassen 
[ficj.  32  D,  F).  Certaines  même,  dans  ce  dernier  édifice,  pré- 
sentent des  recoupements  qui  en  modifient  d'une  manière  assez 
sensible  la  forme  initiale  [même  fig.  E). 

Avec  la  période  mérinide,  ces  curieuses  variétés  sont 
presque  complètement  abandonnées.  La  feuille  longue  et  plate 
subsiste  seule  et  constitue  l'élément  floral  essentiel;  la  fe aille 
large,  courte  et  gravée  étant,  comme  nous  Tavons  vu,  réservée 
pour  les  remplissages.  C'est  elle  dont  le  galbe  flexible  décore 
les  panneaux  entiers  ;  elle  termine  la  tige  grêle  des  rinceaux  ; 
elle  forme  les  motifs  d'axe.  En  effet  il  n'y  a  pas,  à  proprement 
parler  de  fleuron  dans  toute  la  flore  magliribine  Le  fleuron 
n'est  que  le  rapprochement  de  deux  palmes  doubles  affron- 
tées (H).  Les  deux  pétioles  étant  parfois  réunis  par  une  liga- 
ture, il  en  résulte  une  forme  assez  analogue  à  la  fleur-de-ljs. 
Isolée  de  son  support,  elle  circonscrit  les  losanges  curvihgnes 
des  grandes  surfaces.  Quatre  ou  huit  palmes  doubles  sont  néces- 
saires à  cet  emploi.  La  pointe  de  la  longue  portion  s'appuyant 
sous  la  courte  portion  de  palme  d'au-dessus,  leur  réunion 
engendre  les  festons  successifs  dont  nous  avons  essayé  de 
déterminer  l'origine  (^^.  9,  H). 

Cependant,  avec  le  milieu  du  xiv'^  siècle,  cet  élément  essentiel 
des  décors  arabes  s'abâtardit  et  se  défigure  encore.  Le  limbe 
s'amincit  et  devient  de  plus  en  plus  semblable  au  trait  scriptu- 

1.  Nous  noterons  à  la  mosquée  de  Sîdi  Bel-Hassen  [fig.  32  A,  G)  un  motif 
d'axe  curieux,  sorte  de  représentation  schématique  du  calice  byzantin, 
d'où  s'échappent  les  rinceaux  dans  le  panneau  A.  Le  pied  de  raquette, 
qui  supporte  parfois  les  deux  palmes  affrontées  {fig.  58  B),  n'est,  à  son  tour, 
qu'une  déformation  du  pied  de  ce  calice. 


INTRODUCTION  109 

ral  qui  l'environne.  Toute  rornementation  d'ailleurs  subit  cette 
dégénérescence.  On  peut  dire  qu'elle  est  surtout  caractérisée 
par  l'appauvrissement  des  surfaces  en  relief,  d'où  résulte  le 
développement  plus  considérable  des  fonds  ;  V amincissement 
des  pleins  déterminant  V élargissement  des  vides.  Nous  en 
constaterons  de  très  manifestes  exemples  à  la  mosquée  de 
Sîdi  Bou-Médine  et  plus  encore  à  la  qoubba  de  Sîdi  Brâliîm. 

CcHte  dégénérescence  fut  très  rapide  :  cinquante  ans  à  peine 
séparent  ce  dernier  édifice  de  la  mosquée  de  Sîdi  Bel-Hassen, 
qui  marque  peut-être  l'efflorescence  complète  du  style  arabe 
occidental.  Ce  fut  encore  assez  pour  laisser  d'excellentes 
œuvres,  témoignant  d'une  imagination  pleine  de  ressources, 
donnant  l'illusion  de  la  richesse  et  de  l'originalité,  à  l'aide  de 
quelques  formules  très  simples  empruntées  à  un  art  étranger. 

Nous  avons  essayé  de  le  montrer  :  en  fait,  tous  les  élé- 
ments mis  en  œuvre  et  transformés  par  les  artistes  maghri- 
bins  se  trouvent  en  germe,  sinon  clairement  exprimés,  à 
Cordoue,  dans  la  grande  mosquée  d'Occident.  D'autre  part,  cette 
analyse,  nous  le  sentons,  est  incomplète  et  trop  systématique. 
Toute  recherche  relative  à  la  civilisation  du  Maghrib  doit  tenir 
compte  des  échanges  et  des  rapports  constants  qui  l'unissaient 
avec  l'Orient.  L'étude  des  monuments  d'Egypte  pourrait  don- 
ner lieu  à  quelques  rapprochements  intéressants.  Nous  ne  la 
croyons  cependant  pas  indispensable.  L'art  d'Andalousie  et 
celui  du  Maghrib  semblent  avoir  constitué  un  groupe  à  part  et 
s'être  simultanément  développés. 

S'il  nous  a  semblé  évident  que  la  comparaison  des  monuments 
de  Cordoue,  Tolède,  Séville  et  Grenade  devait  à  chaque  ins- 
tant éclairer  une  étude  des  monuments  tlemceniens,  il  ne  nous 
paraît  pas  moins  certain  que  la  connaissance  de  ces  derniers  : 


110  INTRODUCTION 

peut,  en  plus  d'un  point,  servir  à  mieux  comprendre  les  édifices 
d'Andalousie.  La  plupart,  en  effet,  offrent  l'avantage  d'être 
datés  d'une  manière  certaine  et  d'avoir  été  peu  remaniés. 
Alors  qu'il  est  très  difficile  de  démêler  dans  les  palais  espa- 
gnols l'apport  des  générations  successives,  chacune  des  mos- 
quées maghribines  représente  pour  ainsi  dire  une  étape  de 
l'art  moresque,  une  date  de  son  perfectionnement  ou  de  sa  dégé- 
nérescence. Elles  deviennent  donc  des  documents  archéolo- 
giques de  premier  ordre,  utilisables  non  seulement  pour  l'étude 
des  édifices  andalous,  mais  encore  d(i  ceux  de  Sicile  et  de 
ceux  que  les  explorations  futures  nous  révéleront  dans  les 
villes  marocaines. 

Ce  ne  sont  point  que  des  documents  archéologiques.  Tous 
ceux  pour  qui  les  choses  d'art  ne  sont  pas  indifférentes  et 
vaines  seront  séduits  par  la  grâce  attique  de  leurs  proportions 
et  l'élégance  un  peu  mièvre  de  leur  parure  ornementale.  On  l'a 
dit  avant  nous  et  mieux  que  nous,  la  Grande  Mosquée,  Bel- 
Hassen,  Mansourah,  Sîdi  Bou-Médine  ne  sont  pas  des  frères 
indignes  de  l'Alhambra  et  de  l'Alcazar.  Mais  .nous  croyons 
devoir  insister  sur  le  charme  et  l'intérêt  que  les  monuments 
maghribins  empruntent  à  se  trouver  ainsi  présentés  dans  leur 
vrai  cadre,  au  milieu  d'une  civilisation  toute  semblable  à  celle 
qui  les  vit  éclore.  Les  palais  de  Sé ville  et  de  Grenade,  que  des 
restaurations  tant  soit  peu  indiscrètes  ont  rendus  souvent  plus 
riches  qu'harmonieux,  apparaissent  comme  de  somptueuses 
curiosités,  banalisées  par  le  tourisme,  incomprises  du  monde 
qui  a  continué  de  vivre  autour  d'elles.  Les  mosquées  de  Tlem- 
cen  ont  presque  toutes  pour  cadre  les  petites  rues  arabes 
toutes  grouillantes  de  leur  foule  blanche. 


INTRODUCTION  111 

Ce  cadre,  nous  le  savons,  va  disparaissant  chaque  jour  ;  le 
souci  artistique  du  Gouvernement  ne  peut  protéger  des  quartiers 
entiers  qui  valent  surtout  par  leur  ensemble,  et  dont  la  con- 
servation ne  s'impose  pas.  D'autre  part,  une  tendance  fâcheuse 
pousse  les  habitants  français  à  débarrasser  leur  ville  des  seules 
choses  qui  y  attirent  encore  des  visiteurs  et  à  faire  de  la  cité 
royale  des  Beni-Zeiyân  la  rivale  d'une  sous-préfecture  quel- 
conque de  la  mère-patrie.  C'est  là,  croyons-nous,  un  mauvais 
calcul,  en  même  temps  qu'une  œuvre  indigne  de  la  civilisation 
que  nous  représentons.  Mais  il  semble  bien  qu'il  faille  prendre 
son  parti  des  vandalismes  inutiles;  Tlemcen  arabe,  comme  le 
vieil  Alger,  s'amoindrira  de  plus  en  plus  et  succombera  sous  la 
pioche  et  le  cordeau  des  vainqueurs. 

Elle  restera  cependant,  longtemps  encore,  un  pays  d'élection 
pour  les  pèlerins  d'art.  A  la  ville  musulmane  dépecée  survi- 
vront, nous  l'espérons  du  moins,  d'autres  merveilles  qui  ne 
sauraient  être  cataloguées  dans  cette  étude  ;  nous  voulons  par- 
ler de  ces  productions  naturelles  de  la  terre  et  du  ciel 
maghribins,  de  ces  aspects  nobles  et  charmants  qui  nous  ont 
nous-mêmes  séduits,  et  qu'il  nous  semble  préférable  de  laisser 
aux  antres  le  plaisir  de  découvrir  à  leur  tour. 


ENCEINTE  DE  TLEMCEN.  -  LE  GRAND  BASSIN 
LE  MÉCHOUAR.  —  AGADIR 


Ce  qui  reste  aujourd'hui  à  étudier  des  anciens  ouvrages  dé- 
fensifs  de  Tlemcen  se  compose  :  l*"  d'une  enceinte  principale 
dont  il  n'est  pas  trop  malaisé  de  restituer  le  tracé  ;  2"  d'avant- 
murs,  d'ouvrages  avancés  dont  il  est  fort  difficile  de  faire  une 
étude  exacte.  Avec  les  guerres  dont,  au  xii%  au  xiii%  au 
xiv''  siècles,  Tlemcen  fut  le  théâtre  et  souvent  l'enjeu,  l'appa- 
reil de  défense  de  la  place  s'agrandit,  et  dut  singulièrement 
se  compliquer.  Les  textes  mentionnent  fréquemment  qu'elle 
reçut  des  fortifications  nouvelles,  mais  sans  se  montrer  expli- 
cites sur  l'importance  et  l'utilité  de  ces  ouvrages.  En  fait, 
aujourd'hui,  les  abords  de  la  place  sont  parsemés  de  vieux 
murs,  de  tours  [bordj)  écroulées.  L'esprit  populaire  en  a  été 
frappé  et  c'est  un  dicton  courant  que  «  Tlemcen  avait  sept 
murailles,  sept  enceintes  et  que  ses  habitants  ne  dormaient  ni 
jour  ni  nuit^».  En  présence  de  ces  ruines  de  pisé,  de  cons- 

1.  JNoLis  l'avons  souvent  entendu  citer;  Walsin-Esterhazy  je  donne  comme 
provenant  «dune  chronique  arabe»  (?)  (Cf.  Ve  la  Domination  turque  dans  ran- 
cienne  régence  (V Alger,  p.  105).  Le  fondateur  delà  dynastie  abd-el-wàdite  aurait 
lui-même  conseillé  à  son  fils  de  fortifier  sa  capitale  et  de  se  fier  à  la  valeur 
de  ses  murs,  plutôt  que  de  se  risquer  en  rase  campagne  (Cf.  Histoire  des  Ber- 
bères, 111,  p.  369j. 

8 


FiG,  13.  —  Plan  de  Tlcnicen. 


l'enceinte  î)E  tlemcën  lis 

tructioli  et  (raspect  uniformes,  il  nous  est  presque  impossible 
d'établir  le  })lan  général  du  système  de  défense  de  la  i)laee, 
et  d'attribuer  à  chacun  des  maiires  qui  sy  succédèrent  la  part 
qui  lui  revient  dans  la  fortification  tlemcenienne. 

Nous  avons  dit  })lus  haut  que  le  plateau  d'Agadir  fut  le  siège 
de  la  Tlemcen  primitive,  et  nous  avons  rapporté  la  sommaire 
description  laissée  par  El-Yaqofi])i  et  Ihn-Haouqal  de  la 
muraille  qui  Tentourait  Le  premier  la  déclare  en  pierre,  le 
second  en  brique  cuite.  Cette  singulière  divergence  ne  doit  pas 
tro])  sur})rendre.  Poiumious,  il  est  douteux  qu'elle  fut  en  brique, 
comme  le  veut  Ibn-Haouqal.  11  est  possible  qu'elle  fut  en  pierre, 
à  l'image  des  murs  romains  qu'elle  remplaçait;  mais,  si 
quelque  hypothèse  est  légitime  en  l'espèce,  nous  croirions  vo- 
lontiers qu'elle  était,  de  même  que  la  plupart  des  ouvrages  mili- 
litaires  d'Espagne  et  du  Maghrib,  faite  de  pisé  très  dur,  et 
entièrement  revêtue  d'un  enduit  de  chaux  qui  empêchait  d'en 
connaître  la  véritable  composition.  Seuls,  les  portes  et  quelques 
points  importants,  pouvaient  être  bâtis  en  brique  ou  en  pierre 
de  grand  appareil  empruntée  aux  vieilles  constructions  romaines. 

Au  x."  siècle,  El-Bekri,  en  nous  donnant  la  liste  des  portes, 
permet  de  déterminer  à  peu  près  le  périmètre  oriental  d'Agadir. 
La  ville  avait  cinq  entrées  :  trois  au  Midi,  Bâb-el-Hammâm, 
Bàb-M'^ahb,  Bâb-El-Khoukha,  une  à  TOuest  Bàb-Abî-Qoira, 
une  à  l'Est  Bâb-El-Aqba.  Nous  ne  savons  rien  de  trois  d'entre 
elles.  Retenons  simplement  que  l'une  portait  le  nom  du  vieux 
chef  (>jfrite  Abon-(v)orra,  peut-être  parce  qu'elle  avait  été 
construite  par  lui  ;  qu'une^autre  s'appelait  Bâb-El-Khoukha,  ce 
qui  signifie  «  la  poterne  -  »,  et  renvoyons  à  ce  que  nous  avons 

1.  Cf.  suprà,  p.  lo. 

2.  Cf.  Dozy,  Siipplémcjif  du.r  die/ loiindires^  I.  [i.  411  ;  M.  lloud.is  iidis  Lcrrt, 


116 


LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 


dit  plus  haut  de  Bâb-Wahb,  et  de  Bâb-El-Aqha  »  la  porte  de 
la  Montée  ^  ».  Cette  montée,  avec  la  muraille  qui  la  couronne 
encore,  fut  la  limite  extrême  de  Tlemcen  vers  l'Est,  et  la 
ville,  en  se  déplaçant,  s'en  éloigna  toujours  davantage.  Il  est 
remarquable,  d'autre  part,  qu'aucune  ouverture  ne  fut  percée 
dans  l'enceinte  Nord  de  la  ville.  C'est  que,  de  ce  côté,  le  pla- 
teau d'Agadir  offrait  un  escarpement  qui  en  rendait  l'accès 
difficile. 

Nous  avons  dit  plus  haut  dans  quelles  conditions  se  créa  la 
ville  nouvelle  de  Tagrârt  ~.  Désormais  le  périmètre  de  Tlemcen 
était  au  moins  doublé.  Aussi  voyons-nous  ses  maîtres  succes- 
sifs se  préoccuper  de  la  mettre  en  état  de  défense.  Les  destruc- 
tions partielles,  dont  la  ville  eut  à  souffrir  au  cours  des 
guerres  du  xif  siècle,  occasionnèrent  de  nouveaux  travaux, 
un  renforcement  de  ses  ouvrages  militaires  ■\ 

Au  début  de  la  dynastie  abd-el-wâdite,  la  ville  avait 
vraisemblablement  atteint  les  limites  occidentale  et  septentrio- 
nale qu'elle  ne  devait  pas  dépasser.  Nous  savons  en  effet  que 
Yarmorâsen  construisit  les  ouvrages  défensifs  de  Bdb-Kechchmft 
qui  occupait  à  peu  près  remplacement  actuel  de  la  Porte  de 
Fez  ;  que,  d'autre  part,  passant  ses  troupes  en  revue  auprès  de 
Bdb-el-Qennddin  (encore  debout  au  Nord-Ouest  de  la  ville)  ^,  il 

d'autre  part,  qu'à  Cairouan,  Bàb-El-Rhoiikha  est  un  passage  fort  étroit,  acces- 
sible à  un  seul  homme  de  front,  et  pratic|ué  dans  l'épaisseur  des  murs  de  la 
ville,  suivant  un  tracé  sinueux  reproduisant  la  figure  d'un  Z;  qu'il  se  rappelle 
avoir  passé  par  un  chemin  analogue  à  travers  les  remparts  de  l'ancien  Alger, 
à  l'entrée  actuelle  de  la  rue  de  la  Lyre;  ces  poternes,  ajoute-t-il,  sont  généra- 
lement placées  entre  deux  portes  de  la  ville,  gloignées  l'une  de  l'autre;  c'est  un 
raccoiu'ci  pour  les  piétons  seuls.  Cf.  infrà^  p.  12 'i,  note  1. 

1    Cf.  supra,  p.  li. 

2.  Cf.  suprà,  p.  14  et  15. 

o.  Cf.  Complément  de  Hiisloire  Beni-Zeiynn^  p.  9. 
4.  llisloire  des  Berbères^  111,  p.  3o3. 


l'enceinte  de  tlemcen 


117 


fut  yictime  d\me  tentative  d'assassinat  de  la  part  de  la  milice 
chrétienne.  A  TOrient,  Tlemcen  conservait  toujours  la  premier-^ 
enceinte  d'Agadir. 

Cinquante  ans  après,  Yahja-ben-Khaldoun  nous  donne  le 
nom  de  cinq  portes  de  la  ville  :  Bâb-el-Jiâd  au  Midi,  Bâb-el- 
Aqba  au  Levant,  Bâb-el-Hahvi  et  Bâb-el-Qermâdîn  au  Nord, 
Bâb-Kechchout  au  Couchante  Nous  indiquerons  leur  situation 
respective  en  étudiant  le  pourtour  do  l'enceinte.  Il  convient 
de  noter  qu'à  peu  près  vers  le  même  temps  Abou'1-Feda  parle 
de  treize  portes  2.  Peut-être  est-ce  qu'il  fait  entrer  dans  le 
décompte  les  portes  intérieures  qui  établissaient  communica- 
tion entre  Tagrârt  et  Agadir,  et  aussi  des  poternes,  qui  devaient 
percer  un  périmètre  de  murs  aussi  considérable  ^. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  témoignage  de  Yahya-ben-Khaldoun, 
qui  vécut  de  longues  années  à  Tlemcen,  doit  être  sans  aucun 
doute  préféré  ;  il  nous  montre  une  seule  enceinte  entourant  deux 
quartiers  qui,  par  leur  réunion,  forment  une  ville  unique  ^ 

A  partir  de  cette  époque,  il  est  vraisemblable  que  cette 

1.  Cf.  Bai'gès,  Complément:  de  V histoire  des  Beni-Zeiyân,  p.  516. 

2.  Cf.  Abou'l-Feda  (traduct.  Reinaud),  p.  189;  —  Tlemcen,  ancienne  capi- 
tale, etc  ,  p.  198. 

3.  De  fait,  les  textes  citent  fréquemment  d'autres  portes  ;  d'abord  Bàb-Zîr, 
qui  existait  encore  à  l'entrée  à  Tlemcen  des  troupes  françaises,  et  était  percée 
dans  le  rempart  oriental  de  Tlemcen,  donnant  une  sortie  vers  Agadir;  puis 
Bàb-el-Bonoud,  Bàb-es-Çarf,  Bàb-Ilàn,  qui  pouvaient  être  des  poternes  ou  des 
portes  de  quartiers  (Cf.  Histoire  des  Beni-Zeiyàn,  LXX,  LXXl).  Bàb-Ali,  égale- 
ment citée  par  Tenesi  pour  l'époque  de  Yarmoràsen  (Cf.  Histoire  des  Beni- 
Zeii/dn,  p.  13)  doit  vraisemblablement  être  identifiée  avec  la  porte  de  Sidi'l- 
Halwi  ;  elie  prit  le  nom  de  ce  personnage,  après  qu'il  eut  été  enterré  auprès  d'elle 
(Cf.  Tlemcen,  ancienne  capitale,  p.  418);  les  textes  lui  donnent  encore  le  nom 
de  Bâb-ez-Zàwiya.  Bàb-el-Iladîd  qui,  dans  le  dernier  état  des  remparts  arabes, 
était  une  des  grandes  portes  de  Tlemcen,  est  déjà  citée  par  des  textes  contem- 
porains de  Yahya-ben-Khaldoun,  [Complément  de  V Histoire  des  Beni-Zeii/ân, 
p.  5.51.  Revue  africaine,  août  1859,  p.  415).  —  Léon  l'Africain  donne  encore  cinq 
portes  à  Tlemcen,  qui,  à  son  époque,  n'était  plus  que  Tagrârt  (Cf.  suprà,  p.  8). 

4.  Comp.  El-Abderi,  a/j.  Revue  africaine  et  coloniale,  avril  1860,  p.  288. 


118  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

vaste  superficie  ne  fît  que  décroître.  Il  était  difficile  de  pourvoir 
d'un  nombre  suffisant  de  défenseurs  l'énorme  périmètre  des 
murailles  :  Ibn-Khaldoun  raconte  que  déjà  Yarmorâsen, 
ayant  attendu  sous  Tlemcen  l'armée  d'Abou-Zakâria,  et  se 
voyant  repoussé  par  le  corps  des  archers,  pensa  trouver  le 
salut  en  se  réfugiant  dans  la  ville,  mais  que,  n'ayant  pas  assez 
de  monde  pour  garnir  les  remparts,  il  ne  put  empêcher  Ten- 
nemi  d'y  prendre  lui-même  position  ;  il  fut  alors  forcé  de  sor- 
tir par  la  porte  de  la  Montée,  et,  la  trouée  faite,  de  s'enfuir 
vers  le  déserta  Cependant  l'examen  direct  des  lieux  montre 
que  rexcellente  position  stratégique  d'Agadir  devait  faire  hési- 
ter les  sultans  à  abandonner  le  périmètre  oriental  primitif,  alors 
même  que  le  quartier  qu'il  défendait  était  peu  à  peu  déserté  2. 
Dominant  au  Sud  la  vallée  peu  large,  mais  assez  profonde,  de 
l'Oued  Mctchkâna,  suivant  à  l'Est  et  au  Nord  la  crête  du  pla- 
teau, les  remparts  d'Agadir  avec  leurs  tours  et  leurs  travaux 
avancés  opposaient  aux  engins  du  xiii"  siècle  une  sérieuse 
résistance.  Il  nous  faut  maintenant  étudier  ce  système  défen- 
sif  d'après  les  vestiges  qui  en  sont  demeurés  à  Tlemcen. 

De  même  que  l'architecture  religieuse,  l'architecture  mili- 
taire des  Arabes  d'Occident  paraît  avoir  des  origines  byzantines. 
Dans  la  fortification  byzantine,  une  première  enceinte,  composée 
de  tours  carrées  et  barlongues  et  de  courtines  reliant  les  tours 
constituait  le  Tzlyoç.  Un  avant-mur,  séparé  de  la  courtine  d'un 
quart  de  la  hauteur  de  cette  dernière,  portait  le  nom  de 
T.po-dyiçim.  A  cette  double  enceinte  s'en  ajoutait  une  autre, 
formée  par  un  fossé,  xa^pcç,  et  parle  talus  des  terres  rejetées 

1.  Cf.  Histoire  des  Berbères,  III,  p.  343. 

2.  Rappelons  qu'au  témoignage  du  Qartâs  les  Almoravides  chassés  de 
Tagràrt  purent  encore  se  maintenir  quatre  ans  dans  Agadir  (Cf;  Roudh-el-Qar- 
I  îs,  p.  267), 


l'enceinte  de  TLEMCEN  119 

ou  y^n\^ir/p\hy..  Les  tours  étaient  barlongues,  faisant  un  faible 
relief  sur  la  courtine,  ou  carrées  et  placées  dans  les  positions 
importantes  de  la  défense,  aux  angles  des  places,  anprès 
des  portes.  Ces  maîtresses  tours  s'appelaient  o^z-j^y}. 

Cette  disposition  habituelle  des  citadelles  byzantines  influença 
fortement  la  vieille  architecture  militaire  arabe  du  Xord  de  la 
Syrie.  L'enceinte  fathnide  du  Caire  construite  par  Bedr  El- 
Djamali  est  encore  toute  byzantine  d'allure-;  et  il  semble  bien 
que  le  système  de  fortification  des  Templiers,  à  l'époque  des 
croisades,  ait  emprunté  beaucoup  d'éléments  à  cette  vieille 
école  En  Occident,  les  villes  d'Espagne,  Cordoue,  Grenade, 
Séville,  Almunecar,  celles  du  Maghrib,  Tlemcen  et  Mansourali 
permettent  d'étudier  des  systèmes  de  défense  très  analogues. 

Ces  ouvrages  sont  presque  exclusivement  en  pisé  soigneuse- 
ment battu,  formant  de  grandes  assises,  que  séparent  parfois 
des  lits  de  sable  ou  de  chaux.  Rarement  la  base,  faite  de 
moellons,  présente  un  fruit,  assez  faible  d'ailleurs  ;  on  en 
trouve  cependant  des  exemples  dans  l'enceinte  Nord-Est  de 
Cordoue,  et  aux  tours  de  Bâb-el-Qermàdin,  à  Tlemcen.  11  ne 
semble  pas  qu'en  Occident  les  musulmans  se  soient  servi  de 
mâchicoulis  ;  les  matériaux  dont  ils  disposaient  en  rendaient  au 
reste  la  construction  difficile.  Dans  l'enceinte  principale  corres- 
pondant auT£r/oç,  les  courtines  et  les  tours  portaient  un  chemin 
de  ronde  pris  sur  l'épaisseur  des  murs  et  un  crénelage  très 
simple.  Les  merlons  devaient  avoir  le  plus  souvent  un  cou- 
ronnement en  glacis  établi  sur  une  assise  de  briques,  ainsi  qu'en 

1.  (If.  sur  rarchitecture  iiiilitaire  byzantine,  Texier,  Archilectufe  byzantine^ 
p.  57. 

2.  Cf.  Van  Berchem,  Notes  d^arc/iéologie,  I,  p.  61. 

3.  Cf.  Uey,  Étude  sur  les  monuments  de  Varc.h.iteelure  militaire  des  Croisén, 
introd,,  p,  44, 


4  20  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

présentent  encore  les  remparts  des  villes  marocaines  ; 
quant  aux  créneaux  proprement  dits  (c'est-à-dire  les  vides 
compris  entre  les  merlons),  ils  portent,  à  Mansourah  et  à 
Séville,  une  proéminence  médiane,  laissant  deux  petites  échan- 
crures  entre  elles  et  les  merlons  ^  A  Tlemcen,  il  ne  paraît 
pas  que  les  courtines  aient  renfermé,  à  Tintérieur,  de  réduits, 
chambres  de  tir  ou  dégagements,  sous  les  chemins  de  ronde, 
comme  on  en  rencontre  dans  l'enceinte  fatimide  du  Caire. 
—  Les  tours,  qui  ont  un  faible  commandement  sur  les 
courtines,  sont,  à  de  très  rares  exceptions  près,  carrées 
ou  barlongues  2.  Ces  dernières  n'eurent  peut-être,  au  début 
que  l'importance  de  contreforts  consolidant  les  murs,  ainsi 
qu'on  en  peut  juger,  à  Grenade,  dans  la  vieille  enceinte  de 
rAlbaycin.  Nous  étudierons,  à  propos  de  Mansourah,  quelle 
était  la  disposition  intérieure  de  celles  qui  faisaient  partie  de 
l'enceinte.  Pour  Tlemcen,  nous  devons  signaler  plus  spécia- 
lement les  tours  isolées,  qui,  à  l'exemple  des  tours  de  guet 
romaines  et  grecques,  protégeaient  un  point  faible  ou  surveil- 
laient la  campagne  voisine. 

Le  T.poTeiy^içixa  byzantin  se  retrouve  nettement  indiqué  dans 
les  fortifications  d'Andalousie.  C'est  un  avant-mur  éloigné  de 
3  à  4*^,50  du  mur  principal,  ayant  environ  le  tiers  de  la  hau- 
teur de  ce  dernier,  muni  comme  lui  d'un  chemin  de  ronde  et 
d'un  crénelage,  et  suivant  assez  exactement  le  contour  de  la 
courtine  et  des  tours  flanquantes.  Ces  dispositions  que 
l'on  observe  dans  l'enceinte  Sud-Est  de  Cordoue,  dans  l'en- 
ceinte Nord  de  Séville,  avaient  pour  but  d'opposer  à  Tassié- 

1.  A  Séville,  les  merlons  sont  en  outre  percés  de  trois  en  trois,  à  la  base, 
d'une  meurtrière. 

2.  Gomp.  Van  Berchem,  Notes  (rarckéologie,  I,  p.  56,  57,  66. 


l'enceinte  de  TLEMCEN  121 

géant  une  iiremière  ligne  de  défense,  de  retarder  Tattaque 
directe  des  murs  par  les  machines  de  guerre  et  les  tentatives 
d'assaut.  Sa  faible  élévation  n'en  faisait  pas  une  position  bien 
redoutable  pour  les  assiégés,  quand  l'ennemi  s'en  était  rendu 
maître.  Il  fortifiait  donc  d'une  manière  efficace  l'enceinte 
d'une  ville  dont  l'assiette  était  peu  au-dessus  de  la  campagne 
avoisinante. 

Tel  n'était  pas  le  cas  à  Tlemcen  ;  ses  maîtres  avaient  fait 
suivre  à  l'enceinte,  au  moins  à  l'Orient  et  au  Nord,  toutes  les 
sinuosités  d'un  plateau  escarpé.  L'avant-mur  devenait  alors 
d'un  établissement  difficile  et  n'off'rait  plus  que  de  médiocres 
avantages.  Nous  pensons  qu'il  existait  cependant.  Déjà  El- 
Yaqoûbi  parle  d'une  double  enceinte  entourant  Agadir  ^;  et 
nous  croyons,  d'autre  part,  qu'on  peut  reconnaître  dans  les 
ruines  d'ouvrages  avancés  qui  sèment  les  abords  de  la  place 
les  vestiges  d'un  succédané  du  r.^z-dyyzxm  byzantin.  Seule- 
ment les  dispositions  primitives  de  cet  avant-mur  avaient 
été  beaucoup  modifiées.  Reporté  au  pied  de  l'escarpement, 
éloigné  parfois  d'une  centaine  de  mètres  du  mur  principal,  de 
hauteur  presque  égale,  ayant  son  chenjin  de  ronde  et  ses 
tours  de  flanquement,  il  constitua  une  première  enceinte  qui, 
le  plus  souvent,  utilisa  comme  fossé  un  vallonnement  naturel. 

Cette  préoccupation  d'occuper  les  escarpements  pour 
empêcher  l'ennemi  d'y  prendre  position,  et  d'établir  ses 
machines  de  guerre  et  ses  contrevallations,  poussa  même 
peut-être  les  Tlemceniens  à  donner  sur  certains  points  à 
leur  ville  deux  enceintes  avancées,  écartées  entre  elles  de 
près  de  100  mètres,  et  présentant  à  l'assiégeant  un  front 

1.  Cf.  El-Yaqoûbi  (édit.  de  Goeje),  texte  p.  17;  traduction  p.  116,  117. 


d22  LES  MONT'MENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

extrêmement  étendu.  Mais,  à  cet  égard,  Texamen  des  ruines 
qui  jalonnent  le  voisinage  immédiat  de  ïlemcen  ne  peut  prê- 
ter, nous  le  répétons,  qu'à  des  hypothèses.  Ces  deux  lignes 
d'ouvrages  avancés  coopérèrent-elles,  à  une  même  époque,  à 
la  défense  de  la  ville?  L'une,  au  contraire,  remplaça-t-elle 
l'autre,  ruinée  et  ahandonnée?  C'est  ce  que  l'on  ne  saurait  déci- 
der catégoriquement. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  semble  certain  que  la  construction  des 
avant-murs  ne  fut  jamais  motivée  par  un  accroissement  de  la 
ville  proprement  dite  :  l'agglomération  demeura,  à  de  très  rares 
exceptions  près,  en  deçà  de  la  première  enceinte;  c'est  immé- 
diatement en  dehors  de  cette  enceinte  que  sont  placés  les 
tombeaux  de  saints  protecteurs  des  portes,  que  nous  étudierons 
plus  tard,  et  ces  tombeaux  furent  vraiseml)lablement  les  seuls 
édifices  élevés  dans  cette  sorte  de  zone  militaire  s'étendant 
entre  le  périmètre  réel  de  Tlemcen  et  la  courtine  des  ouvrages 
avancés. 

Nous  avons  parlé  d'Agadir  et  de  l'enceinte  orientale.  L'oued 
Metchkâna  lui  servait  de  fossé  sur  une  partie  de  son  parcours. 
Elle  s'en  éloignait  non  loin  de  Bàl)-El-Aql)a  pour  couronner  le 
plateau  supérieur.  L'oued,  en  cet  endroit,  devenait  plutôt  un 
danger  qu'une  défense  naturelle  L  Des  ennemis  pouvaient, 
protégés  par  l'escarpement,  s'approcher  des  murs,  et,  suivant 
la  vallée,  tenter  un  coup  de  main  sur  la  ville.  Pour  prévenir 

1.  Nous  sommes  redevables  de  cette  ot^servation  à  M.  Lemaire,  capitiine 
du  génie  à  Tlemcen.  qui,  pour  toute  cette  partie  de  notre  étude,  nous  a  fourni 
d'utiles  renseignements.  —  L'occupation  sur  une  grande  longueur  du  ravin 
de  l'oued  Metchkâna,  paraît  avoir  été  le  principal  souci  des  maîtres  de 
Tlemcen,  pour  ce  ([ui  concerne  la  fortification  de  l'Est  et  du  Sud-Est  de  la 
place  ;  les  remparts  dominaient  son  cours  sur  près  de  2  kilomètres,  et,  comme 
on  le  verra,  deux  pointes  avancées  l'accompagnent  encore  au  Sud  et  au  Nord 
Est,  là  où  l'enceinte  le  quittait. 


t/eNTEINTE  ])E  TJ.EMCEX  123 

ces  éventualités,  des  tours  de  guet  asse^  rapprochées  Tune  de 
l'autre  et  réunies  entre  elles  par  une  courtine,  puis  plus  écar- 
tées et  isolées  dans  la  campagne,  commandent  le  cours  de 
l'oued,  et,  postes  avancés,  surveillent  toute  la  plaine  de  la 
Safsaf  et  les  hauteurs  qui  l'entourent. 

Lapc-rte  de  la  Montée  (Bàb-el-Aqha),  qui  semble  avoir  joué  un 
rcMe  important  dans  l'histoire  militaire  deTlemcen,  était  encore 
debout  dans  les  premiers  temps  de  l'occupation  française.  Son 
soubassement,  fait  de  pierres  de  grand  appareil  empruntées  à 
des  murs  antiques,  était  couronné  d'une  arcade  de  brique  en  fer 
achevai  brisé.  Deux  tours  ayant  également  un  soubassementde 
pierre  la  flanquaient  à  droite  et  à  gauche  ^ 

L'enceinte  se  continuait  au  Nord,  en  couronnant  le  bord  du 
I)lateau,  renforcée  par  l'avant-mur  sensiblement  parallèle  au 
premier.  Vers  le  milieu  d'Agadir,  une  galerie  voûtée  se  détachait 
per})endiculairement  de  l'enceinte  supérieure,  c'est-à-dire  dans 
une  direction  Sud-Nord.  Elle  était  percée,  à  l'Est,  d'une  porte 
encore  visible  h  laquelle  une  rampe  en  pente  douce  permettait 
d'arriver.  Cette  galerie  formait  ainsi  un  passage  coudé  donnant 
vraisemblablement  accès  dans  la  ville.  La  voûte,  continuée  jus- 
qu'àl'extrémité  de  la  galerie,  portait  sans  doute  une  plate-forme 
qui  surveillait  le  chemin  d'arrivée  et  le  pied  des  murs.  L'enceinte 
supérieure  était  elle-même,  à  la  hauteur  de  cette  galerie,  sur- 
montée d'une  tour  assez  élevée,  qui  permettait  d'inspecter  les 
abords.  Un  important  fragment  de  cette  tour  subsiste  encore: 

1.  D  ans  les  derniers  temps,  cette  porte  était  plus  généralement  appelée 
Bàb  Sidi'd-Dàoudi,  d'après  le  nom  du  vieux  saint  Tlemcenien  dont  elle  avoisi- 
naitle  tombeau  (cf.  sa  description,  ap.  Bargès,  Tloncen,  ancienne  capitale,  etc., 
p.  167);  il  en  existe  des  photographies  dans  les  collections  des  Monuments 
historiques  et  de  l'École  des  Beaux-Arts.  De  Lorral  en  donne  un  dessin  exécuté 
d'après  une  photographie  {Tovr  du  Monde,  1875,  p.  314); 


124  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

on  rappelle  aujourdlnii  CJiotujdr  bdh-er-Roivdh  (le  fragment  de 
bâb-er-Rowâli)  ^ 

Le  mnr  avancé,  dont  on  retrouve  çà  et  là  des  traces  dans  les 
jardins  du  bas  Agadir,  devait,  en  s'écartantun  peu  du  mur  prin- 
cipal, traverser  le  chemin  de  Sîdi'l-Hahvi  et  passer  tangentiel- 
lement  an  village  en  le  laissant  à  l'intérieur.  Trois  vestiges  de 
tours  marquent  ce  périmètre  extérieur,  éloigné  d'nne  centaine 
de  mètres  de  l'enceinte  véritable. 

Avant  d'arriver  à  l'angle  Sud-Ouest  de  la  ville,  on  trouvait 
l'endroit  appelé  El-Monia,  oii  avait  en  lieu  l'attentat  contre  Yar- 
morâsen,  mentionné  plus  haut,  et  l'entrée  appelée  Bâb-El-Qer- 
mâdîn.  Des  vestiges  importants  de  cette  porte  subsistent  encore 
ils  se  composent  d'nn  pan  de  mur  médian  de  12°", 50  percé  d'une 
ouverture  assez  étroite,  et  flanqué  à  l'Est  et  à  l'Ouest  de  deux 
tours  carrées  de  6  mètres  de  côté.  Deux  nouvelles  tours  irrégu- 
lières, laissant  deux  passages  entre  elles  et  le  corps  central, 
continuent,  des  deux  côtés,  l'enceinte.  En  arrière  de  ce  premier 
mnr  et  assvmétriquement  posées,  se  trouvent  deux  hantes  tours 
rondes  et  pleines.  Deux  murs,  partant  des  tours,  remontent  vers 
la  ville  :  celui  de  droite  allait  joindre  l'angle  d'un  bâtiment 
transversal  voûté,  corps  de  garde  ou  casemate,  barrant 
le  fond  du  couloir.  Le  passage  n'était  libre  qu'à  l'extrémité  du 
mur  de  gauche.  Enfin  un  dernier  mur,  dont  un  angle  seul  sub- 
siste, encadrait  le  "bâtiment  transversal.  Les  murs,  les  bordj 
sont  en  pisé,  et  leur  base  est  en  moellon.  Notons  en  passant 
que,  dans  le  pisé,  l'on  rencontre  de  nombreux  fragments  depote- 

1.  Nous  croyons  bien  avoir  là  un  exemple  très  reconnaissable  de  poterne 
{Khoukha,  cî.suprà,  p.  115,  note  2);  l'accès  en  était  coudé,  suivant  un  principe 
qui  s'est  conservé  jusqu'à  nos  jours,  dans  la  construction  des  entrées  de 
demeures  arabes,  et  qui  a  inspiré,  en  Égypte  et  en  Syrie,  la  disposition  de  la 
bâchoura  (cf.  Van  Berchem,  Notes  cV archéologie^  I,  p.  42,  43  note). 


l'enceinte  de  tlemcen 


125 


rie;  leur  présence,  rapprochée  du  nom  même  de  Bàb-el-Qerniâ- 
dîn,  qui  signifie  «  porte  des  tuiliers  »  semblerait  indiquer  que  ce 
lieu  était  antérieurement  occupé  par  une  industrie  céramique^. 

Quel  était  le  véritable  but  de  cet  enseml)le  de  travaux?  De  quel 
danger,  de  quels  retards  embarrassait-il  la  marche  d'un  assié- 
geant faisant  irruption  dans  la  ville?  Quel  chemin  le  constructeur 
entendait-il  lui  imposer?  Si  l'on  en  croit  les  souvenirs  de  vieux 
Tlemceniens,  la  petite  porte  médiane  et  le  passage  Ouest  n'exis- 
taient pas.  Seul  le  passage  Est  était  ouvert,  directement  protégé 
par  la  tour  ronde  qui  lui  faisait  face.  On  peut  supposer  que  la 
seule  route  possible  était  alors  le  couloir  compris  entre  les  deux 
tours  et  les  murs  qui  leur  font  suite.  L'apparence  d'un  chemin  de 
ronde  subsistant  au  sommet  des  murs  et  extérieur  à  ce  passage 
rend  probable  cette  interprétation.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  porte 
El-Qermâdîn  devait  constituer  pour  Tépoque  un  ensemble  de 
fortifications  très  sérieuses,  autant  pour  protéger  la  ville  contre 
un  coup  de  force  que  pour  faciliter  une  sortie  des  assiégés. 

Sur  le  front  occidental,  la  double  enceinte  se  continuait.  Le 
mur  principal  suivait  assez  exactement  le  rempart  actuel, 
d'abord  extérieurement,  puis  intérieurement,  laissant  le  Grand 
Bassin  en  dehors,  et  était  percée  peu  après  par  la  porte  Kech- 
chout-. 

\.  A  côté  de  Bâh-el-Qermâdhi,  qui  est  la  leçon  la  plus  courante  dans  les 
mss.  de  la  Baghyat-er- liomvnd  que  nous  avons  consultés,  on  trouve  encore 
Bâh  el-Qennddi,  ou  Bah  El-maqermadin  (cf.  Histoire  des  Berbères,  111,  p.  353)  ; 
ËL-qermadir  ap.,  Piesse  et  Canal,  80;  de  Lorral  fappelle  «la  forteresse  de 
Toubiana»;  il  a  vraisemblablement  pris  le  mot  «Tobbàna»,  nom  générique 
du  bastion  umni  d'artillerie,  (jui  lui  était  fourni  par  un  informateur,  pour  le 
nom  même  de  l'ouvrage  dont  nous  nous  occupons  ici  (cf.  Tour  du  Monde,  1875, 
p.  336).  —  Cette  porte,  située  en  dehors  de  l'angle  Nord-Ouest  des  murs  nctuels, 
est  prise,  dans  notre  photograpliie,  de  la  route  qui  mène  au  cimetière 
israélite. 

2.  On  trouve  dans  les  textes  les  leçons  «Kechchout,  (jecbchout  et  Kech- 
chouta»  ;  la  première  est  la  plus  fréquente,  et  c'est  celle  que  nous  avons 


126  LËS  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCËN 

Le  Sahrîdj-el-Kebv\  bassin  rectangulaire  aj'ant  200  mètres 
do  long  sur  100  de  large  et  3  mètres  de  profondeur,  est  resté 
pour  les  archéologues  une  énigme  difficilement  explicable. 

Azéma  de  Montgravier  y  voit  un  ouvrage  des  Romains'. 
D'autres  Tattribuent  avec  plus  de  raison  à  Abou-Tâchfîn  et 
fixent  la  date  de  sa  construction  entre  les  années  718  et  737. 
L'al)bé  Bargès  imagine  que  ce  fut  uniquement  là  nue  fantaisie 
de  sultan  désirant  se  procurer  des  réjouissances  mondaines  et 
s'offrir  aux  portes  de  Tlemcen  le  spectacle  de  coûteuses  nau- 
machies  '.  Cette  explication,  qu'il  convient  d'ailleurs  de  rappro- 
cher de  l'attribution  analogue  faite  par  Almegro  Cardenas  au 
grand  étang  de  l'Alcazar  Genil,  nous  semble  assez  difficile- 
ment acceptable-'^.  Nous  inchnons  plutôt  à  penser  que  cet 
énorme  bassin,  de  même  que  les  réservoirs  plus  petits  que 
l'on  rencontre  à  l'Est  aux  abords  de  la  ville-',  au  Nord  et  au 
Sud  disséminés  dans  la  campagne,  de  même  que  le  Sahrîdj  de 
Marrakech,  son  ancêtre  d'un  siècle,  fut  creusé  et  revêtu  de 
pisé  pour  assurer  à  la  culture  de  la  banheue  une  abondante 

entendue  de  la  bouche  même  de  vieux  TIemceniens. Le  nom  de  cette  porte  est 
expliqué  populairement  par  une  curieuse  légende  de  sacrifice  de  construction  ; 
Fun  de  nous  la  donnera  ailleurs.  C'est  par  BAb-Kechchout  que  les  Mérinides 
entrèrent  à  Tlemcen,  en  1337.  «  Le  passage,  dit  Ibn-Khaldoun, qui  donne  entrée 
dans  la  ville  du  côté  du  couchant,  et  qui  avait  une  porte  à  chaque  extrémité, 
s'emplit  de  cadavres  à  tel  point  qu'à  peine  pouvait-un  passer  sous  la  voùle» 
(Histoire  des  Berbères^  lY,  222;  111,  412).  C'est  auprès  d'elle  encore  que  fut  mis 
à  mort  le  sultan  Abou-Abdallah  Mohammed,  en  1430  (cf.  Complément  de 
rhistoire  des  Beni-Zeii/àn,  p.  288).  Sur  notre  plan,  elle  est  désignée  par  son 
dernier  nom  de  Bàb-Sîdi-Boudjemà. 

1.  Excursion  archéolorjiqiie  d'Oranà  Tlemcen^  p.  14. 

2.  Cf.  Tlemcen,  ancienne  capitale,  etc.,  p.  350,  3.^6  ;  c'était  déjà  rexi)lication 
qu'en  donnait  la  tradition  populaire  à  l'époque  où  Shaw  visita  Tlemcen 
[Voyage  dans  la  Régence  d'Alger^  traduction  Mac-Carthy,  p.  243). 

3.  Cf.  Inscripciones  arabes  de  Granada^^.  180,  nota. 

4.  Généralement  appelé  «Sahrîdj  er-Rebeut  »  {cL  Tlemcen ,  anciennîe  capi- 
tale, p.  l.o3). 


L*ENCEINTE  DE  TI.EMCEN  12* 

provision  d'eau.  On  sait  le  soin  que  les  Arabes  ont  apporté 
aux  travaux  d'irrigation  :  la  campagne  tlenicenienne  est  tout 
entière  sillonnée  d'aqueducs,  de  conduits,  parsemée deciternes, 
plus  ou  moins  profondes;  il  y  avait  là  non  une  vaine  recherche 
de  luxe,  mais  une  exigence  vitale,  et  le  maître  d'une  agglo- 
mération aussi  considérable  que  Tlemcen  ne  devait  rien  ména- 
ger pour  y  satisfaire. 

Ce  réservoir  était  alimenté  par  des  sources  de  Lalla-Setti. 
Les  restes  d'un  véritable  cliâteau  d'eau  se  rencontrent  à  la 
hauteur  du  Grand  Bassin,  en  dessus  de  la  route  actuelle  de 
Maghnia.  Suivant  une  tradition  assez  répandue,  Aroudj,  étant 
entré  en  vainqueur  dans  Tlemcen,  aurait  fait  nover  dans  le 
Sahridj  les  derniers  mend)res  de  la  famille  souveraine  des 
Benî-Zeiyâni. 

L'enceinte  avancée,  traversant  la  route  d'Hennaya,  enfermait 
l'ancien  cimetière  juif,  et,  courant  parallèlfMnent  au  mur  prin- 
cipal, laissait  h  l'intérieur  le  grand  bassin.  Des  ruines  iujpor- 
tantes,  incorporées  en  partie  aujourd'hui  à  des  habitations 
européennes,  sem])lent  avoir  constitué,  à  150  mètres  environ  de 
cette  seconde  enceinte,  un  troisième  périmètre  muni  de  tours 
assez  élevées.  Elle  douane  du  (*ôté  de  Mansourah  une  dépres- 
sion naturelle,  peut-être  ancien  lit  d'un  oued  desséché.  C'est 
vraisemblablement  à  ce  groupe  d'ouvrages  qu'il  faut  rattacher 
le  château-fort  d'Imâma,  qu'Otsmân  le  Mérinide  détruisit,  en  681) 
de  l'hégire,  sans  pouvoir  atteindre  à  l'enceinte  principale  de 
Tlemcen 

Le  };oint  le  plus  faible  de  la  place  était  sans  doute  le  front 

1.  Cï.  Tlemcen,  ancienne  capitale,  etc.,  p.  357  ;  —  Brosselard,  Tombeaux  des 
émirs  Deni-Zeii/dn,  p.  127,  128. 

2.  Cf.  Histoire  des  Berbères,  LV,  p.  130  in.  princ;  —  Itnâma.  est  à  environ 
l'iOO  mètres  au  Xord-Ouest  de  Tlemcen. 


128 


LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 


Sud.  Là,  la  ville,  abandonnant  à  l'Est  l'oued  Metchkâna,  se  trou- 
vait dominée  par  la  crête  de  Lalla-Setti.  C'était  là  pour  l'as- 
siégeant une  position  de  choix  ;  c'était  de  la  brèche  voisine 
d'Es-Sakhratein  qu'Abd-el-Moumin  s'était  précipité  sur  l'armée 
almoravide;  et  bien  souvent  les  Tlemceniens  durent  voir,  sur 
la  côte  qui  descend  d'El-Qala  à  Mansourah,  prendre  position  les 
troupes  marocaines.  De  sérieux  travaux  de  défense  étaient 
nécessaires  pour  conjurer  le  danger.  L'extension  du  périmètre 
des  murs  et  l'édification  de  la  citadelle  de  Tlemcen  firent  de 
cette  face  une  des  mieux  défendues  de  l'enceinte. 

A  l'extrémité  orientale,  une  pointe  de  l'avant-nuir  accompa- 
gnait vers  le  Sud  le  cours  de  l'oued  Metchkâna;  sur  la  côte, 
un  horclj  dominait  la  ville,  et  pouvait  servir  à  surveiller 
les  mouvements  de  l'ennemi  ^  Enfin  un  avant-mur,  précédé 
d'un  fossé  creusé  de  main  d'homme,  quittait  l'oued  Metchkâna 
à  la  hauteur  du  cimetière  chrétien  et  courait  vers  l'Ouest  jus- 
qu'à la  hauteur  de  l'angle  Sud-Ouest  du  rempart  actuel.  Un 
bonlj  important  le  limitait  à  son  extrémité  occidentale.  Cette 
première  ligne  de  défense  s'opposait  aux  assiégeants,  à  cent 
mètres  environ  de  l'enceinte  principale,  et  devait  considéra- 

1.  H  a  été  réparé  par  e  génie  militaire  en  1842.  Outre  qu'elle  occupe  une 
position  importante,  cette  tour  protège  les  moulins  échelonnés  sur  la  côte 
d'El-Qala;  elle  permit  d'assurer  aux  premiers  temps  de  l'occupation  française 
l'approvisionnement  en  farine  de  la  ville.  Les  rapports  du  génie  militaire  la 
désignent  généralement  sous  le  nom  de  tour  des  Moulins  (communication  de 
M.  le  capitaine  Lemaire).  La  côte  d'El-Qala  paraît  de  tout  temps  avoir  été 
considérée  comme  un  point  stratégique  important.  Son  nom  est  peut-être 
l'abréviation  de  celui  de  «  qala  d'Ibn-Jàhil  »,  cité  par  El-Bekri  :  «Au  sud  de 
Tlemcen  se  trouve  la  qala  d'Ibn-Jàbil,  fortifiée,  riche  en  eau  et  en  fruits,  et 
cnuligiie  à  la  montagne  de  Terni.»  (Édition  de  Slane,  p.  77).  Mais  il  faut  se 
garder  de  suivre  Bargès  lorsqu'il  veut  placer  à  El-Qala  la  citadelle  de  Temzez- 
dekt  où  l'Almoliade  Es-Said  assiégea  Yarmoràsen  [Tlemcen^  ancienne  capitale, 
p.  171,  note  2).  Temzezdeckt  est,  suivant  Ibn-Khaldoun,  située  dans  la  montagne 
au  Sud  d'Oujda  [Histoire  des  Berbères,  111,  p.  34<S)  ;  elle  est  décrite  par  Léon 
rAfricain  et  Marmol  (Léon  l'Africain,  111,  p.  8;  —  Marmol,  II,  322). 


l'enceinte  de  TLEMCEN  129 

blement  resserrer  leur  champ  craction.  Un  épisode,  raconté  par 
Ibn-Khaldonn,  précise  cette  disposition  :  «  Le  sultan  mérinide 
Abou'l-Hasen  avait  coutume  de  faire  chaque  matin  une  inspec- 
tion personnelle  de  ses  postes  d'attaque.  Il  s'avançait  à  cheval, 
et  à  quelque  distance  de  son  escorte.  Abou-Tâchfîn  résolut  de 
s'emparer  de  la  personne  de  son  ennemi  et  plaça  à  cet  effet 
des  hommes  en  embuscade.  Quand  le  sultan  fut  arrivé  à 
l'endroit  situé  entre  la  ville  et  la  montagne,  les  hommes  de 
Tembuscade  furent  sur  le  point  de  le  saisir  ;  même  leurs  meil- 
leurs coureurs  allaient  Tatteindre,  quand  on  s'aperçut  au  camp 
mérinide  de  ce  qui  se  passait.  Aussitôt  tout  le  monde  monta  à 
cheval;  on  s'élança  an  secours  du  prince  par  bandes  et  séparé- 
ment. Ses  fils  Abou-Abd-er-Rahmân  et  Abou-Mâlik,  les  plus 
intrépides  cavaliers,  se  mirent  en  selle  et  accoururent  avec  le 
reste  des  mérinides.  De  toute  part,  ces  guerriers  se  précipi- 
tèrent en  avant  commodes  faucons  sur  leur  proie.  Les  troupes 
abd-el-wâdites  sorties  de  Tlemcen  prirent  la  fuite  et  tom- 
bèrent par  mégarde  dans  un  fossé  où  une  foule  de  monde  fut 
écrasée.  Plus  de  guerriers  y  succombèrent  que  dans  le  conflit 
qu'ils  voulaient  éviter  ^  » 

Bien  en  arrière  de  cet  avant-mur  se  dressait  l'enceinte 
même  delà  ville.  Vers  son  centre,  appuyé  comme  le  castellum 
des  cités  romaines  à  une  partie  de  l'enceinte  principale,  et 
pénétrant  dans  l'intérieur  de  Tlemcen,  se  trouvait  le  quadri- 
latère du  Méchotiar-.  Nous  dirons  plus  loin  (Grande  Mosquée) 

1.  Histoire  des  Berbères,  IV,  p.  222;  111,  p.  411. 

2.  «Méchouar»,  qui  signifiait  à  l'origine  «salle  du  conseil»,  désignait  dti 
Andalousie  et  dans  le  Maghrib  un  palais-ciladelle  (Cf.  Dozy,  Supplément  aux 
Dictionnaires  arabes,  I,  p.  800).  Dans  le  sens  de  salle  du  conseil,  le  mot  ne 
paraît  pas  inconnu  aux  dialectes  orientaux  (Cf.  Van  Berchem,  Matériaux 
pour  un  corpus,  p.  585,  note  3). 

9 


130  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

dans  quelles  circonstances  Yarmorâsen  en  jeta  les  premiers 
fondements.  Ses  successeurs  y  apportèrent  de  nombreux 
embellissements.  La  ceinture  de  hautes  murailles,  qui  l'entoure 
aujourd'hui  encore,  fut,  au  témoignage  d'El-Tenesi,  l'œuvre 
d'Abou'l-Abbâs  Ahmed i.  Mais  on  n'en  doit  pas  conclure 
qu'avant  ce  prince  la  résidence  royale  de  Tlemcen  fut  dépourvue 
de  fortifications.  Dès  717,  elle  pouvait  être,  ainsi  que  le  raconte 
Ibn-Khaldoun,  en  même  temps  qu'un  palais,  une  sorte  de  pri- 
son ;  Abou-Hammou  P''  y  retint  près  de  lui  des  otages  pris  aux 
rebelles  de  Médéah  Au  xvi^  siècle,  Léon  l'Africain  le  vit 
encore  très  florissant  :  «  Du  côté  du  midi  est  assis  le  palais 
royal  ceint  de  hautes  murailles  en  manière  de  forteresse,  et 
par  dedans  embelli  de  plusieurs  édifices  et  bâtiments  avec 
beaux  jardins  et  fontaines.  11  a  deux  portes,  dont  l'une  regarde 
vers  la  campagne,  et  l'autre  —  là  où  demeure  le  capitaine  du 
château  —  du  côté  de  la  cité-^.  »  Marmol  en  fait  une  descrip- 
tion identique  et  donne,  en  outre,  les  noms  des  deux  portes, 
la  première  se  serait  appelée  Bâb  Gied,  et  la  seconde  Bâb 
Gâdir'*.  —  Avec  la  domination  turque,  le  Méchouar  subit 
une  profonde  décadence.  Les  pavillons  qui  ornaient  Tintérieur 
furent  à  peu  près  détruits  lors  de  la  révolte  des  Tlemceniens 
contre  le  bey  Hasan,  en  1670  ^  Seule  la  haute  enceinte  subsista, 

\.  Cf.  suprà,  p.  26. 

2.  Cf.  Histoire  des  Berbères,  III,  p.  397. 

3.  Cf.  Léon  TAfricain,  111,  p.  25.  —  Tout  le  chapitre  xvi  de  Tlemcen,  capi- 
tale^ etc.,  est  consacré  à  la  description  du  Méchouar  et  à  Ténumération  des 
merveilles  qu'il  contenait. 

4.  Cf.  Marmol,  111,  330;  ces  noms  nous  paraissent  impossibles  à  identifier, 
ou  plutôt  nous  croirions  volontiers  à  une  confusion  de  Marmol  avec  deux 
portes  de  l'enceinte  :  Bàb-el-Jiàd  et  Bàb-Agàdir  (la  porte  de  la  Montée  portait 
parfois  ce  dernier  nom). 

5.  Cf.  Tlemcen,  ancienne  capitale,  p.  385. 


l'enceinte  de  TLEMCEN  131 

dégradée,  mais  capable  d'abriter  encore  efficacement  les 
maîtres  de  la  citadelle.  En  cas  de  danger,  toute  la  population 
qouloughli,  d'origine  turque,  pouvait  y  trouver  asile,  et  en 
même  temps  coopérer  à  sa  défense.  C'est  ce  qui  arriva  encore 
en  1832,  quand  le  sultan  du  Maroc  voulu  s'emparer  de  Tlemcen, 
et,  en  1886,  lorsqu'Abd-el-Kader  se  fut  rendu  maître  du  reste 
de  la  ville.  Des  maisons  particulières  occupaient  toute  la 
partie  Nord  du  rectangle  ;  le  palais,  les  jardins  et  la  mosquée 
étaient  situés  dans  les  parties  Sud  et  Est.  En  1842,  le  génie 
militaire  trouva  l'intérieur  du  Méchouar  encombré  de  ruines  ; 
il  déblaya,  abattit  des  masures,  rasa  ce  qui  restait  de  l'ancien 
palais,  et  construisit  à  la  place  des  bâtiments  destinés  à  divers 
services  de  l'armée.  Il  conserva  l'emplacement  des  deux  portes, 
mais  en  élargit  l'accès^  ;  il  restaura  sérieusement  l'enceinte, 
fort  endommagée.  Aujourd'hui,  crénelée  à  l'européenne,  percée 
de  meurtrières,  munie  d'échauguettes,  elle  n'offre  plus  grand 
chose  d'intéressant  à  l'archéologue,  qui  étudie  la  fortification 
arabe  du  Maghrib. 

Vers  le  Sud-Est,  l'enceinte  principale  prolongeant  le  mur 
extérieur  du  Méchouar,  allait  rejoindre  l'enceinte  avancée  au 
lieu  qu'on  appelle  aujourd'hui  Bît-er-Rîch.  Elle  a  laissé,  comme 
vestiges,  trois  tours  en  pisé  situées  à  l'intérieur  de  la  ville,  à 
40  mètres  environ  des  nouveaux  remparts  (Voir  Pl.  11),  et 
des  fragments  de  courtine  dans  les  jardins  qui  s  étendent  entre 
la  muraille  actuelle,  la  route  de  Bel-Abbès,  et  le  chemin  de 
Sîdi  Bou-Médine.  D'après  nos  conjectures,  c'est  à  Bît-er-Rîch 

1.  Dans  leur  dernier  état,  celle  qui  donne  sur  la  ville  portait  le  nom  Bàb-el- 
Méchouar,  et  celle  qui  donne  sur  la  campagne  de  Bàb-et-Tsouitsa  ;  la  tour 
actuelle  qui  surmonte  la  première  fut  bâtie  par  le  génie  militaire,  en  1843; 
elle  ne  date  pas  de  l'époque  arabe,  comme  le  veut  de  Lorral  {Tlemcen^  p.  362). 


132  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

que  devait  être  située  anciennement  une  des  portes  méridio- 
nales de  la  ville,  Bâb-el-Jiâd^  Un  groupe  de  tours  et  une 
épaisse  muraille  dont  il  reste  d'importants  fragments  défendait 
là  un  pont  jeté  sur  l'oued  Metchkâna.  D'autre  part  une  tour 
placée  à  quelques  mètres  de  l'oued  Metchkâna,  et  à  100  mètres 
environ  des  nouveaux  remparts  (elle  portait  dans  son  der- 
nier état  le  nom  de  Bordj-Qchâqech),  faisait  partie  de  l'en- 
ceinte avancée.  Un  chemin  couvert,  aujourd'hui  à  ciel  ouvert, 
mais  encore  voûté  au  moment  de  l'entrée,  à  Tlemcen,  des 
troupes  françaises,  mettait  en  communication  cette  tour  avec 
l'enceinte  principale  située  en  arrière. 

De  Bit-er-Rîch,  Tenceinte  traversait  la  route  actuelle  de  Bel- 
Aljbès.  Elle  passait  par  des  terrains  maintenant  occupés  par  la 
gare;  des  fragments  importants,  incorporés  dans  les  habitations 
européennes  voisines,  le  long  de  l'oued  Metchkâna,  en  sont 
encore  visibles.  Elle  fermait  Agâdir,  en  allant  rejoindre  le  péri- 
mètre oriental  au-dessous  du  cimetière  de  Sîdi-Yaqoub.  C'est  là 
que,  selon  nos  conjectures,  était  située  l'ancienne  porte  de  Wahb. 
L'enceinte  Sud-Est  d'Agâdir  était-elle  double?  les  vestiges  sub- 
sistant ne  permettent  pas  de  l'affirmer.  Le  voisinage  immédiat 
de  l'escarpement  de  l'oued  Metchkâna  rendait  d'ailleurs  difficile 

1.  Cf.  Une  explication  du  nom  de  Bit-er-Rîch.  ap.  de  Lorral,  Tour  du  Monde, 
1875,  p.  32.  Elle  ne  nous  a  pas  été  confirmée  personnellement;  mais  elle 
parait  fort  plausible,  de  ce  fait  que  des  rites  sacrificiels  analogues  à  ceux 
décrits  par  de  Lorral  se  célèbrent  encore  couramment  dans  certains  sanc- 
tuaires  tlemceniens.  D'autre  part,  des  textes  nous  parlent  des  cimetières 
d'Ain- Wànzouta  et  d'El-Merdj  en  dehors  et  à  côté  de  Bâb-el-Jiâd  [Bostân, 
notre  manusc  ,  ps.  70,  170,  248,  471);  or  ces  cimetières  sont  bien  connus 
aujourd'hui  encore;  ils  sont  situés  à  150  mètres  environ  au  Sud-Est  de  Bît-er- 
Rich.  11  semble,  d'après  la  description  qu'en  donne  Mohamed-ben-Yousef-el- 
Qaisi  dans  une  pièce  de  vers  en  l'honneur  de  Tlemcen,  qu'on  aboutissait  à 
Bàb-el-Jiàd  par  des  rues  tortueuses  {Complément  de  VHistoire  des  Beni-Zei- 
!/('in,  p.  548. 


l'enceinte  de  TLEMCEN  133 

l'établissement  d'un  avant-mur.  Cepeudant  les  traces  de  deux 
enceintes  sont  encore  visibles  à  Sîdi  Yaqoub  :  l'une,  en  avant, 
contourne  le  plateau  de  ce  cimetière  en  suivant  l'oued  ;  l'autre, 
à  l'Ouest,  en  arrière,  parsème  de  ses  débris  une  petite  crête, 
aujourd'hui  couverte  de  jardins. 

Au  début  de  la  dynastie  Abd-el-Wâdite,  Agadir  était  encore 
fort  peuplée  ^  Elle  déclina  rapidement  dans  la  suite,  au  fur  et  à 
mesure  que  Tagrârt  augmentait.  A  l'époque  des  derniers  zeiyâ- 
nides,  les  textes  nous  en  parlent  comme  d'un  quartier  solitaire, 
et  à  peu  près  abandonné-.  Dévastée  encore  au  cours  des  guerres 
sanglantes  qui  précédèrent  l'occupation  des  Turcs,  Agadir  cessa 
d'être  habitée.  Sous  la  domination  des  successeurs  d'Aroudj, 
ses  habitants  rentrèrent  dans  Tagrârt  ou  se  retirèrent  au 
Maroc.  Peu  à  peu  les  cultures  maraîchères  remplirent  les 
intervalles  des  ruines.  Seule  la  mosquée  avec  son  minaret,  et 
une  partie  de  l'enceinte  orientale  et  septentrionale  subsista; 
mais  on  cessa  d'y  réparer  les  brèches  que  le  temps  y  ouvrait 
chaque  jour.  La  Tagrârt  primitive  devint  tout  Tlemcen'^ 

Au  moment  de  l'entrée  à  Tlemcen  des  troupes  françaises, 
l'enceinte  occupait  sensiblement  remplacement  que  couvre 
aujourd'hui  le  rempart  en  pierres  de  taille,  commencé  parle  génie 
militaire  en  1852^.  Les  avant-murs,  les  ouvrages  extérieurs 

1.  Rappelons  que  Yarmoràsen  Jugea  utile  d'élever  un  minaret  à  sa  mosquée 
(Cf.  suprà^  p.  19). 

2.  «Le  chîkh  Sîdi  Lahsen  (f  1453)  alla  s'établir  dans  le  quartier  solitaire 
d'Agadir ;>  [Complément  de  V Histoire  des  Beni-Zeiyân,  p.  323);  au  xvir  siècle, 
l'auteur  du  Bostàn,  parlant  d'un  personnage  enterré  auprès  de  Bàb-Zîr,  qui 
faisait  communiquer  Tlemcen  avec  Agadir,  dit  :  «  Sa  tombe  est  à  l'intérieur  de 
Tlemcen,  c'est-à-dire  «  de  la  Yille»  {B  os  tan,  notre  manuscrit,  p.  476);  c'est 
donc  qu'Agadir  n'est  plus  qu'une  banlieue. 

3.  Cf.  Tlemcen,  ancienne  capitale,  e^c.,p.  179,  180;  Ez-Ziàni,  ap.  Complément 
de  riiisloire  des  Beni-Zeiyân,  p.  537. 

4.  Nous  avons  personnellement  consulté  de  vieux  Tlemceniens  ;  en  outre, 


134  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

étaient  à  peu  de  chose  près  aussi  ruinés  qu'ils  le  sont  mainte- 
nant, et  nul  n  y  prêtait  plus  attention.  A  l'Est,  un  mur  isolait 
la  ville  du  quartier  ruiné  d'Agadir;  à  quelques  50  mètres 
de  lui,  une  ligne  de  décombres  courait  parallèlement;  peut- 
être  représentait-elle  les  restes  de  l'enceinte  occidentale  pri- 
mitive d'Agadir^,  celle  où,  avant  la  fondation  de  Tagrârt, 
s'ouvrait  la  porte  d'Abî-Qorra.  Sur  la  face  septentrionale, 
trois  portes  s'ouvraient;  la  première,  Bâb-Sîdi'1-Halwi,  ou 
Bâb-ez-Zàwiya  dominait  le  petit  village  de  Sîdi'l-Halwi  ;  une 
autre  plus  petite,  Bâb-Sour-el-Hammâm  était  située  un  peu  au 
couchant  de  la  porte  du  Nord  actuelle  ;  enfin,  Bâb-el-Qermâdîn, 
dont  nous  avons  parlé  plus  haut,  occupait  Tangle  Nord-Ouest 
de  la  cité  ;  des  casernes  de  yolddch  ravoisinaient.  Sur  la  face 
occidentale,  on  trouvait  deux  portes  :  l'une  Bâb-es-Sâqa,  était 
placée  à  droite  de  la  porte  d'Oran  actuelle;  l'autre  était  la 
vieille  Bâb-Kechchout  ;  elle  portait  aussi  le  nom  de  Bâb-Sidi- 
Boudjemâ  ou  encore  le  nom  pittoresque  de  Bcâb-el-Jorlîla, 
porte  de  la  Balançoire  ;  dernier  lui  venait  des  cadavres 
de  malfaiteurs,  qui,  victimes  de  la  justice  sommaire  des 
gouverneurs  turcs,  s'y  balançaient  souvent.  Deux  saillants 
la  flanquaient,  où  étaient  installées  des  batteries  turques  (tob- 
bâna).  Sur  la  face  méridionale,  on  rencontrait  successivement 
le  bordj  Zafrani  (nous  en  avons  fait  la  tour  Safranet!)  et  le 
bordj  Sîdi  Bou-Izâr;  ils  sont  encore  debout;  puis  Bâb-el-Hâdid, 
un  peu  à  gauche  de  la  porte  actuelle  des  Carrières.  Enfin,  une 
petite  poterne  ombragée  d'un  mûrier,  et  qui  en  recevait  le 
nom  de  Bâb-et-Tsouîtsa  (porte  du  Mûrier)  donnait  un  accès 

M.  le  capitaine  Lemaire  nous  a  communiqué  divers  renseignements  puisés  par 
lui  dans  les  archives  du  génie. 

1.  Gomp.  Tlemcen,  ancienne  capitale,  etc.,i>.  153. 


l'enceinte  de  TLEMCEN  135 

étroit  et  tortueux  dans  le  Méchouar^.  La  face  orientale  était 
percée  de  quatre  portes  :  Bâb-Taqarqârêt,  était  située  à  l'angle 
Sud-Est  de  l'enceinte  actuelle,  à  100 mètres  de  l'oued  Metclikâna  ; 
et  en  face  du  bordj  el-Qcliaqech  ;  Bâb-el-Jiàd  reportée  bien 
au  Nord-Est  de  son  emplacement  primitif,  s'ouvrait  un  peu  à 
gauche  de  la  porte  actuelle  de  Sîdi  Bou-Médine  -  ;  enfin,  suc- 
cessivement, Bâb-er-Rebeut  (entre  les  portes  actuelles  de 
Sîdi  Bou-Médine  et  de  l'Abattoir),  Bâb-es-Souîqa  (sur  l'empla- 
cement de  la  porte  de  l'Abattoir)  et  Bâb-Zîr  (à  la  hauteur  du 
village  de  Sîdi  Lahsen)  donnaient  accès  dans  la  ville  à  travers 
la  longue  ligne  du  rempart  oriental. 

1.  Cf.  suprà,  131. 

2.  Le  quartier  qui  avoisine  la  porte  actuelle  de  Sidi  Bou-Médine  porte 
encore  le  nom  de  Houma  Bâb-el-Jiâd,  on  trouvera  un  dessin  représentant 
Bàb-el-Jiàd  dans  son  dernier  état  ap.  Piesse  et  Canal,  Tlemcen,  p.  14. 


Il 


MINARET  D AGÂDIR 


Nous  avons  dit  plus  haut  dans  quelles  conditions  Idrîs 
édifia  la  mosquée  d'Agadir,  El-Jâmi  El-Atîq  (la  vieille  mos- 
quée), comme  on  l'appelle  parfois.  Son  fils  Idrîs  II  y  retravailla, 
et  la  dota  d'une  chaire.  Suivant  le  Qaftâs^  un  voyageur  du 
xi°  siècle  de  l'hégire  aurait  encore  vu  au  sommet  du  miiihar 
d'Agâdir  un  morceau  de  bois  où  étaient  gravés  ces  mots  : 
((  Construit  par  les  ordres  de  l'imam  Idrîs-ben-Idrîs-ben- Abdal- 
lah dans  le  mois  de  Moharrem  199 »  Quant  au  minaret,  il  fut, 
selon  El-Tenesi,  Tœuvre  de  Yarmorâsen.  Il  paraîtra  extraor- 
dinaire que,  pendant  quatre  siècles,  cette  mosquée  cathédrale 
d'une  ville  importante  fût  demeurée  sans  minaret  ;  au  surplus 
le  terme  «  band^),  construire,  qu'emploie  El-Tenesi 2,  a  une 
signification  extrêmement  lâche.  Il  peut  s'apphquer  aune  réé- 
dification, aussi  bien  qu'à  une  fondation  ;  et  peut-être  que  la 

1.  Cf.  Roudli-el-Qartâs^  p.  60. 

2.  Ed-dourr  wal-Iqyân  (manuscrit  de  la  Médersa  de  Tlemcen),  fol.  60. 


Pl.  III 


Fontemoing;,  EJifeur,  Paris 


i^hototypie  lienhaïul 


MINARET  D'AGADIR 


MINARET  d' AGADIR  137 

base  du  minaret,  faite  de  pierres  de  grand  appareil  empruntées 
à  des  constructions  romaines,  nous  offre  les  derniers  vestiges 
d'un  minaret  primitif,  antérieur  à  Yarmorûsen,  et  partielle- 
ment reconstruit  par  lui. 

La  Jâmi  El-Atîq  suivit  le  sort  d'Agâdir.  Elle  cessa  d'être 
fréquentée  au  fur  et  à  mesure  que  le  vieux,  quartier  qui  l'en- 
tourait était  déserté.  On  y  disait  encore  la  prière  du  vendredi 
au  xv*'  siècle,  sous  le  règne  d'Abou'l-Abbâs  Ahmed  ^  Même  le 
Bostân  mentionne  le  savant  Ali-ben-Yaliya  Es-Salaksini,  qui 
mourut  en  1564,  comme  ayant  été  imâm  de  la  mosquée  d'Aga- 
dir ;  ce  personnage  y  faisait  en  outre  des  cours  très  fréquentés-. 
Mais,  avec  la  domination  turque,  Agadir  fat  définitivement 
ruiné,  et  sa  mosquée  n'eut  vraisemblablement  plus  de  fidèles. 
Peut-être  continua-t-on  encore,  au  xvii^  siècle,  d'y  réciter  le 
Coran ;  c'est  une  pratique  pieuse  qui  persiste  dans  les  mos- 
quées après  qu'on  n'y  célèbre  plus  le  culte  A  l'entrée  des 
troupes  françaises  à  Tlemcen,  la  Jâmi  El-Atîq  ne  présentait 
plus  qu'un  amas  de  décombres  qu'on  fit  disparaître.  Le  mina- 
ret seul  subsiste  encore. 

Ce  minaret  est  situé  dans  un  champ,  à  15  mètres  envi- 
ron d'un  chemin  qui  descend  de  la  porte  actuelle  de  l'Abattoir 
à  la  vieille  route  de  Safsaf.  D'après  les  renseignements  que 
nous  avons  recueilHs,  il  était,  comme  les  minarets  de  la  Grande 
Mosquée  de  Tlemcen,  de  Sîdi  Bou-Médine  et  de  Sîdi'l-Halwi, 

1.  Cf.  Complément  de  l'Histoire  des  Benî-Zeiydn. 

2.  Bostdn,  notre  manuscrit,  p.  296-299  ;  .Xli-ben-Yali  va  était,  à  re  qu'indique 
le  texte,  à  la  fois  moueddin  et  imàm  à,  la  mosquée,  ce  qui  stmblc  indiquer, 
que  ce  sanctuaire  n'avait  plus  aucune  importance. 

3.  Cf.  Habous  de  la  mosquée  de  Chikh  Senousi,  ap.  Revue  africaine,  sep- 
tembre 1861,  p.  332,  1.  13. 

4.  11  en  est  encore  ainsi  dans  certaines  mosquées  ruinées  de  Bou-Médine; 
comp.  Doutté,  ap.  Journal  asiatique.,  janvier  1902,  p.  161  ;  in  fine. 


138  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

situé  au  Nord  de  la  mosquée.  Sa  base,  jusqu'à  une  hauteur  de 
6  mètres,  est  formée  de  belles  pierres,  empruntées  à  des 
constructions  ou  à  des  tombeaux  romains.  Plusieurs  portent 
des  inscriptions  latines  K  Au-dessus  de  ce  soubassement  s'érige 
une  tour  de  brique  dont  les  cotés  sont  ornés  de  faibles  défon- 
cements,  garnis  d'arcatures  et  de  réseaux,  et  percés  de  fe- 
nêtres étroites  éclairant  Tescalier.  Le  décor  varie  peu  sur  les 
quatre  faces.  On  rencontre  d'abord,  en  partant  du  bas,  un 
petit  rectangle  garni,  soit  d'une  arcade  festonnée  portant  sur 
deux  pilastres  de  brique,  soit  de  deux  arcades  lobées  repo- 
sant sur  une  colonnette  médiane  monolithe  et  couronnée  d'un 
chapiteau  à  crosses  simplement  épannelées.  Des  colonnettes 
semblables  soutiennent  les  arcs  lobés  des  grands  réseaux 
supérieurs,  composés  de  diagonales  lobées  sans  ornements,  ou 
à  lambrequins  et  décorés  régulièrement  de  fleurons  en  terre 
cuite  inscrustés  d'émail  vert.  Une  bande  de  briques  forme  cein- 
ture et  précède  la  galerie  supérieure.  Celle-ci  est  formée  de 
cinq  arcades  lobées  portant  sur  des  colonnes  sans  chapiteaux. 
Des  merlons  à  redans  couronnent  la  plate-forme.  L'édicule 
terminal  porte  un  arc  à  feston,  et  un  petit  réseau.  Des  ins- 
crustations  de  plaques  vertes  et  un  cadre  à  décor  étoilé  en 
complètent  le  revêtement. 

Un  escalier  de  cent  vingt-trois  marches,  portant  sur  un 
noyau  central,  permet  l'accès  à  la  plate-forme.  Les  rampes  en 
sont  couvertes,  dans  les  trois  premières  volées,  par  des  dalles 

1.  Cf.  Sup.  p.  10,  note  3.  — Tlemcen,  ancienne  capitale,  p.  15îi  et  suiv.  ;  nous 
ne  saurions,  bien  entendu,  souscrire  à  l'amusante  remarque  de  Bargès,  qui 
loue  Farchitecte  musulman  «d'avoir  fait  preuve  d'intelligence  en  plaçant  dans 
le  mur  des  inscriptions  latines,  de  manière  à  pouvoir  être  lues  »  (p.  163).  —  Voir 
Gagnât  et  Saladin  ap.  Voyage  en  Tunisie,  Tour  du  Monde  1885  II,  p.  318,  un 
exemple  analogue. 


MINARET  d'aGÀDIR  139 

romaines  et  dans  le  reste  de  l'escalier,  par  des  voûtes  d'arêtes 
en  brique. 

Ce  minaret,  classique  de  plan  et  de  composition,  et  de  pro- 
portions très  élégantes,  était  très  probablement  revêtu  en 
entier  d'un  enduit  à  la  chaux. 


]l[ 


GRANDE  MOSQUÉE 


Uno  inscription  cursive  qui  se  déroule  sur  la  corniche  du 
tambour  de  la  coupole,  à  la  Grande  Mosquée  de  Tlemcen,  nous 
fournit  la  date  la  plus  ancienne  qu'on  puisse  assigner  à  la 
construction  de  cet  édifice.  Cette  inscription  est  ainsi  conçue  : 
((  Au  nom  du  Dieu  clément  et  miséricordieux.  Que  Dieu  bénisse 
Mohammed,  sa  famille  et  leur  donne  le  salut  !  L'ordre  d'exécuter 
cet  ouvrage  1  est  émané  de  TEmir  très  illustre...  Que  Dieu 
fortifie  son  pouvoir,  augmente  l'aide  qu'il  lui  prête,  et  perpétue 
son  règne  !  Ceci  a  été  achevé  sous  la  direction  du  juriscon- 
sulte très  illustre  et  cadi  très  généreux  Abou'l-Hasen-Ali-Ben- 
Abd-er-Ralimân-ben-Ali  que  Dieu  fasse  durer  sa  gloire.  L'ou- 
vrage a  été  achevé  en  Djoumâda  second  de  l'année  530  ~.  »  — 

1.  Mimmâ  amara  bi  Amalihi  ;  —  cf.  sur  cette  formule,  de  Saulcy  np.  Jour- 
nal asiatique,  avril  1839,  p.  3n  et  suiv.  ;  —  Van  Berchem,  ^otes  cV archéologie, 
T,  p.  19,  note  2. 

2.  Publiée  et  traduite  par  Brosselard  [les  Inscriptions  arabes  de  Tlemcen 
[Revue  africaine,  décembre  1858)]  et  Bargès  [Tlemcen,  ancienne  capitale,  etc., 
p.  435,  430).  Après  vérification,  nous  adoptons  la  lecture  de  Brosselard,  et 
notre  traduction  ne  diffère  que  très  peu  de  la  sienne  ;  on  trouvera  reproduit  le 
fac-similé  de  la  date  de  cette  inscription  (p.  92,  fg.  8;.  D'autre  part,  Brosse- 
lard [Hev.Afric,  déc.  1858,  p.  85)  confond  la  Grande  Mosquée  de  Tlemcen 
(Tagràrt)  avec  celle  d'Agadir,  quand  il  attribue  sa  fondation  première  k  Idris- 
ben-Abdallah. 


LA  GRANDE  MOSQUEE  J41 

D'autre  part,  une  inscription  gravée  sur  le  pourtour  de  la  porte 
en  bois  de  Tancienne  maqçoura^  nous  donne  la  date  de  Rama- 
dhân533^  Ces  deux  dates,  correspondant  aux  années  1135  et 
1138  de  l'ère  chrétienne,  nous  reportent  au  règne  d'Ali-ben 
Yousef,  l'avant-dernier  desAlmoravides  (1106-1142).  Ce  prince, 
grand  guerrier  et  bon  administrateur,  affermit  en  Espagne  la 
domination  musulmane.  C'est  sous  son  règne  qu'apparut  le 
mahdi  almohade  Ibn-Toumert,  dont  le  successeur  Abd-el-Mou- 
min  devait  consommer  la  ruine  des  Almora\^ides. 

«  Une  particularité  qui  frappe  tout  d'abord  à  la  lecture  de 
cette  inscription  commémorative,  a  dit  Brosselard,  c'est  que 
le  nom  du  prince  fondateur,  qui  s'y  trouvait  originairement 
mentionné,  a  disparu  sous  le  ciseau^.  »  Il  en  est  bien  ainsi  : 
entre  les  mots  «  le  très  illustre  »  (El-Adjall)  et  «  que  Dieu 
fortifie...  »  (Ayj'ada'llâh)  se  remarque  une  lacune  d'environ 
50  centimètres.  Bargès  a  présumé,  avec  beaucoup  de  sagacité, 
que  le  mutilateur  devait  être  l'almohade  Abd-el-Moumin,  qui 
s'empara  de  Tlemcen  en  537,  après  en  avoir  chassé  Tâchfîn- 
ben-Ali.  Il  aurait  cherché  à  faire  disparaître  de  la  Grande  Mos- 
quée de  Tlemcen,  le  souvenir  desAlmoravides  exécrés  '\  Peut- 

1.  Publiée  par  l'un  de  nous  [Bulletin  archéologique  de  V Afrique  du  Nord^ 
p.  548-551)  ;  on  trouvera  le  fac-similé  d'un  fragment  de  cette  inscription, 
la  date  de  533  et  «  la  mosquée  cathédrale  de  Tlemcen  »  fi  g.  24. 

2.  Prise  de  la  place  d'Alger,  notre  photographie  d'ensemble  montre  la  petite 
qoubba  octogonale  de  Sidi  Merzouq,  six  pignons  des  nefs  de  la  salle  de 
prière,  à  droite  le  pavillon  couvrant  la  coupole  qui  précède  le  mihràb,  en 
arrière-plan,  le  sommet  du  minaret. 

3.  Revue  africaine^  décembre  1858,  p.  87. 

4.  Tlemcen^  ancienne  capitale  etc.,  436  ;  mais  il  nous  est  impossible  de  le 
suivre  quand,  après  réflexion,  «  il  se  souvient  d'avoir  lu  lui-même  sur  place  », 
dans  la  lacune,  les  mots  rajoutés  El-amdjad  maoulâna  Abd-el-Moumin  (le 
très  louable  notre  seigneur  Abd-el-Moumin.)  Nous  avons  sous  les  yeux  une 
photographie  agrandie  de  l'inscription  de  la  Grande  Mosquée,  et  il  ne  nous 
est  permis  de  rien  démêler  dans  la  partie  mutilée  de  l'inscription.  —  Cf.  des 


142  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

être  obéissait-il  aussi  non  seulement  à  la  haine,  mais  à  des 
scrupules  religieux,  hostiles  à  la  pompe  toute  mondaine  des 
inscriptions  commémoratives Parla  s'expliquerait  ce  fait  sin- 
gulier, qu'effaçant  le  nom  d'Ali-ben-Yousef,  il  ait  laissé  intacte 
la  date  de  530,  qui  nous  permet  de  restituer  le  mérite  de  la 
construction  de  la  Grande  Mosquée  à  son  véritable  auteur.  — 
Il  est  possible  que,  d'autre  part,  Abd-el-Moumin  lui-même  ait 
travaillé  à  la  mosquée-cathédrale  de  Tlemcen.  Le  Qartâs  pré- 
tend qu'il  la  bâtit,  et  le  terme  vague  de  hanydn  (construction), 
dont  il  se  sert,  s'applique  également  à  une  fondation,  à  une 
restauration,  à  un  agrandissement Mais  rien  ne  vient  cor- 
roborer ce  renseignement  douteux.  Dans  tous  les  cas,  il 
paraît  certain  que  le  vaste  édifice,  richement  décoré  à  l'inté- 
rieur, attendit  soixante-dix  ans  encore  avant  d'avoir  un  minaret. 

Ce  fut  Yarmorâsen-ben-Zeiyân,  le  fondateur  de  la  dynastie 
abd-el-wâdite,  qui,  au  dire  de  Tenesi  et  de  Yahya  ben-Khal- 
doun,  éleva  le  minaret  de  la  Grande  Mosquée  3.  De  fait,  l'ana- 
logie de  style  de  cette  tour  avec  celle  du  minaret  d'Agadir,  que 
les  historiens  attribuent  au  même  prince,  permet  bien  de  croiie 
à  une  origine  commune.  D'après  une  tradition  célèbre,  l'illustre 
sultan  zeiyânide  aurait  refusé  d'y  faire  inscrire  son  nom,  et 
aurait  répondu  aux  conseilleurs  la  phrase  berbère  :  «  Issenets 
Rebbi  »,  «Dieu  le  saura ^M).  On  dit  encore  que  Yarmorâsen, 
s' apercevant  que  sa  nouvelle  construction  avait  vue  sur  les 

exemples  de  mutilations  d'inscriptions  analogues  ap.  Van  Berchem,  Matériaux 
pour  un  Corpus,  p.  163  et  suiv.,  p.  314,  315. 

1.  Cf.  Doutté,  Mission  au  Maroc  {Journal  asiatique,  ia.n\ier  1902,  p.  161). 

2.  Cf.  Roudh-el-Qartâs,  p.  269  ;  Tlemcen,  ancienne  capitale,  etc.,  p.  437. 

3.  Cf.  Histoire  des  Benî-Zeiyân,  p.  22;  —  Complément,  p.  9. 

4.  Cf.  Histoire  des  Benî-Zeiyân,  XXXVII  ;  —  dans  Tenesi,  la  réponse  de 
Yarmorâsen  est  rapportée  en  arabe  (Ed-Dourr  wal-lqyân,  manuscrit  de  la 
Médersa  de  Tlemcen,  î"  59  verso). 


LA  GRANDE  MOSQUEE  l43 

dépendances  du  Qaçr-el-qadîm  voisin,  abandonna  définitivement 
cette  résidence  royale,  et  alla  jeter  dans  la  partie  méridionale 
de  la  ville,  les  fondations  d'un  nouveau  palais,  le  Méchouar*. 

Plus  tard,  d'autres  dépendances  vinrent  au  cours  des  règnes 
successifs  s'ajouter  à  l'édifice  principal  :  une  bibliothèque  pla- 
cée à  droite  du  mihrâb,  construite  par  Abou-Hammou  II  en  760 
(1359  après  J.-C.)^,  une  autre  bibliothèque,  datant  du  règne 
de  Moulai  Abou-Zeiyân  (1394-1399)  et  qui  se  trouvait  à  la 
partie  antérieure  du  monument 3.  Enfin  des  tombeaux  vénérés 
avoisinent  le  sanctuaire  :  l'un,  à  l'angle  Sud- Ouest,  est  une 
qoubba  à  dôme  polygonal,  qui  recouvre  les  restes  de  Moham- 
med-ben-Merzouq,  d'Abou'1-Hasen-ben-En-Nejjârîya,  et  peut- 
être  de  Yarmorâsen  lui-même  ;  c'est  le  seul  débris  de  ce  qui 
fut  jadis  comme  la  nécropole  des  Beni-Zeiyân^.  A  l'Est  de  la 
Grande  Mosquée,  se  trouve  la  chambre  sépulcrale  de  Sîdi 
Ahmed  Bel-Hasen  El-Ghomâri,  à  laquelle  est  adjoint  un  hospice 
indigène^. 

Plan.  —  Le  plan  de  la  Grande  Mosquée  est  simple  et  clas- 
sique. La  cour  (çahn)  est  un  carré  d'à  peu  près  20  mètres  de 
côté  (Pl.  V)^',  flanqué  à  l'Est  et  à  l'Ouest  de  portiques  couverts 

1.  Cf.  Brosselard,  Tombeaux  des  émirs  Benî-Zeiyàn,  p.  53. 

2.  Cette  bibliothèque,  qui  existait  encore  il  y  a  cinquante  ans  (Cf.  Tlemcen^ 
ancienne  capitale^  etc.,  p.  431,  432;  Brosselard,  ap.  Revue  africaine, 
décembre  1858,  p.  90),  a  disparu  dans  les  remaniements  que  le  service  des 
Monuments  historiques  a  fait  subir  à  la  Grande  Mosquée.  L'inscription  sur 
bois  qui  surmontait  sa  porte  (Cf.  Brosselard,  loc.  cit.)  est  encore  en  place. 

3.  Cf.  Histoire  des  Benî-Zeiydn,  p.  98. 

4.  Cf.  Brosselard,  Tombeaux  des  émirs  Benl-Zeiydn,  p.  54,  137  et  suiv.  ;  — 
Tlemcen,  ancienne  capitale,  p.  430,  431. 

5.  Cf.  infrà,  p.  160-161. 

6.  Notre  photographie  présente,  au  premier  plan,  le  bassin  aux  ablutions; 
au  fond,  quatre  des  arcades  qui  s'ouvrent  sur  la  salle  de  prière,  montrant 
l'emploi  simultané  de  quatre  genres  différents  de  découpure.  A  droite,  à  la 
base  de  la  grande  arcade  qui  précède  la  nef  médiane,  on  remarque  l'échan- 


144  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

à  trois  et  quatre  nefs.  Au  Nord,  un  portique  transversal  à 
quatre  travées  enveloppe  le  minaret.  Nous  avons  peine  à  croire 
que  cette  disposition  soit  originelle,  et  que  les  deux  galeries 
qui  flanquent  la  tour  du  côté  de  la  façade  principale  aient  fait 
partie  de  Tancien  plan.  La  proportion  ordinaire  des  mosquées, 
observée  dans  la  mosquée  de  Cordoue,  qui  fait  de  la  première 
arcade  de  la  salle  de  prière  le  milieu  de  l'ensemble,  suivant 
Taxe,  l'habitude  de  placer  le  minaret  en  bordure  ou  même 
saillant  sur  la  face  principale,  la  présence  d'un  mur  isolant  les 

deux  galeries  indi- 
quent suffisamment 
oii  s'arrêtait  primi- 
tivement la  Grande 
Mosquée. 

Il  convient  de 
remarquer  aussi,  en 
même  temps  que' 
l'absence  d'ouver- 
tures, la  déforma- 
tion imposée  au 
plan  naturel  sur  la 
face  occidentale  de 
cette  partie,  défor- 
mation qui  entraîna 

sans  doute  le  changement  d'axe  pour  la  cour  tout  entière,  et  même 
le  léger  gauchissement  de  l'arcature  qui  la  borde  à  l'Ouest  ^ 
Il  semble  bien  qu'une  telle  disposition  résulte  du  voisinage  d'un 


FiG.  14.  —  Plan  de  la  Grande  Mosquée. 


crure  prolongeant  le  niveau  du  çahn  pour  indiquer  la  qibla  aux  fidèles  pla- 
cés dans  cette  partie  de  la  Mosquée. 
1.  Une  irrégularité  analogue  se  remarque  à  la  Mosquée  de  Sîdi  Okba. 


LA  GRANDE  MOSQUEE  145 

édifice  important,  difficilement  attaquable,  antérieur  à  la  mos- 
quée, auquel  celle-ci  dut  s'accoler,  tout  en  en  respectant  Tor- 
donnance.  Ce  pan  coupé  indique  vraisemblablement  la  place  et 
l'orientation  du  Qarr  el-qadîm^  dont  la  mosquée  d'Ali  ben- 
Yousef  ne  fut  d'abord  qu'une  sorte  de  dépendance. 

La  salle  de  prière  est  formée  de  treize  nefs  perpendiculaires 
au  mur  du  mihràb  et  portées  par  six  rangs  de  piliers,  la  plupart 
soutenant  des  arcs  plein  cintre  en  fer  achevai;  quelques-uns, 
dans  la  partie  orientale  portent  des  arcs  brisés.  Les  nefs  ont 
toutes  3'^,20  de  largeur  ;  seule  la  nef  médiane  a  4°", 60.  L'inté- 
rienr  de  la  salle,  qui  forme  un  rectangle  assez  exactement  deux 
fois  plus,  large  que  profond,  présente  un  total  de  60  pieds 
droits  et  de  deux  colonnes. 

Deux  coupoles  situées  dans  le  grand  axe,  l'une  précédant 
le  mihràb,  la  seconde  au  centre  de  la  salle,  derrière  le  sedda, 
ont  nécessité  l'emploi  d'arcades  transversales  établissant  un 
tambour  inférieur. 

Pour  la  coupole  du  mihràb,  cette  arcade  se  limite  à  la 
nef  médiane,  sans  se  continuer  par  une  travée  complète 
parallèle  au  mur  du  fond.  De  plus,  un  rapprochement  pro- 
gressif des  saillants  supportant  les  arcs  de  la  grande  nef  fait 
que,  de  4°", 60,  sa  largeur  du  côté  du  çahn,  elle  est  réduite, 
en  arrivant  à  la  qibla,  à  3"\50,  distance  de  la  dernière  ran- 
-^ée  de  pieds  droits  au  mur  du  fond  ;  il  en  résulte  que  la 
forme  T,  visible  à  Sîdi  Okba  et  dans  les  mosquées  mérinides, 
n'existe  pas  à  la  Grande  Mosquée 

Deux  des  arcs  transversaux,  ainsi  que  la  travée  entière  qui, 
partageant  la  salle  de  prière  de  l'Est  à  l'Ouest,  interrompt  les 

1.  Cf.  supra,  p.  41. 

lu 


I4è  LES  MONUMENfS  ARABES  DE  TLEMcEN 

combles  des  nefs,  et  supporte  un  cliéiieau  de  briques,  sont 
découpés  suivant  de  grauds  festons  circulaires.  Trois  grandes 
portes  donnent,  en  plus  de  Feutrée  de  la  face  antérieure,  accès 
dans  la  Mosquée  par  le  côté  oriental  i.  Deux  petites  portes  à 
droite  et  à  gauche  du  mihràb  font  communiquer  avec  la  salle 
de  prêche  ;  deux  autres  portes  plus  écartées  permettent  d'entrer 
par  le  mur  du  fond  2. 

Les  coupoles  et  le  mihrdb{F\.  VI).  —  La  coupole  centrale  est 
creusée  de  larges  cannelures  rayonnantes.  Celle  qui  précède 
le  mihràb  est  polygonale.  Le  point  de  départ  des  pans  qui  la 
forment  est  une  suite  d'arcades  trilobées  (celles  des  angles 
formant  trompes  et  décorées  de  stalactites  embryonnaires). 
Des  cintres  étroits,  se  croisant  plusieurs  fois  au  sommet, 
séparent  les  pans  entièrement  ajourés.  Le  tandaour  carré  sur 
lequel  elle  est  établie  a  pour  corniche  un  large  cavet  où  court 
en  caractères  andalous  l'inscription  dédicatoire  dont  nous 
avons  plus  haut  donné  la  traduction. 

Une  fenêtre  en  plein  cintre  vient  au  dessous,  garnie  par  une 
claire  voie  à  décor  géométrique.  Elle  interrompt  nue  fausse 
galerie  formée  d'arceaux  trilobés  posant  sur  des  pilastres  à 
chapiteau  trapézoïde.  Sous  la  galerie  lobée  règne  une  bordure 
qui  enveloppe  tout  le  cadre  du  mihràb.  Une  frise  vient  ensuite 
où  des  acanthes  vues  de  profil  alternent  avec  des  acanthes 
vues  de  face,  puis  une  bande  de  caractères  coufiques  dessine 
le  rectangle  intérieur  oîi  s'inscrit  l'arc  du  miliràb. 

1.  Une  quatrième  porte,  à  l'extrémité  Nord-Ouest,  donnait  autrefois  accès 
dans  la  partie  de  rédifice  actuellement  occupée  par  la  Mahahma  du  cadi. 
L'installation  de  ce  prétoire  à  cet  emplacement,  pris  sur  le  portique  Nord  de 
la  mosquée,  est  toute  récente, 

2.  GçUe  ({ui  est  située  à  gauctie  du  mihràb  (en  lui  faisant  face)  porte  exté- 
tieurcment  une  inscription  moderne  peinte  sur  bois,  publiée  par  Brossela^d 
[Hevue  (ifr'tcà/ne,  décendH-e  1858,  p.  92). 


Pl.  VI 


LA  GRANDE  MOSQUEE  147 

C'est  un  plein  cintre  en  fer  à  cheval  poi'tant  sur  deux  colon- 
nettes  engagées.  Des  représentations  de  voussoirs  sculptés 
alternent  avec  des  portions  lisses  d'une  largeur  à  peu  }  rès 
égale  à  celle  des  voussoirs  [flg .  15).  Deux  arcs  de  cercle  les 
limitent  :  le  cercle  enveloppant,  déformé  à  sa  partie  inférieure, 
est  découpé  en  larges  festons.  Ces  voussoirs  layonnent  autour 
d'un  centre  unique  placé  sur  la  corde  qui  soutend  Tare  d'ou- 
verture, au  sommet  du  tailloir  des  colonnettes. 

Deux  panneaux  rectangulaires  décorent  la  cimaise  ;  ils  sont 
bordés  par  des  inscriptions  coufiques,  et  garnis,  comme  les 
quatre  écoinçons  qui  cantonnent  Tare  du  mihrâb,  d'un  décor 


FiG.  15.  —  Voussoirs  sculptés  du  mihràb. 


floral  foisonnant.  Si  l'on  en  croit  le  Bostân,  tout  le  mihràb 
était  primitivement  peint  en  vert  (Cf.  ^uprà,  p.  84). 

La  coupole  du  mihrâb  est  intaillée  de  grosses  cannelures; 
elle  repose  sur  un  polyèdre  à  huit  pans.  Cinq  d'entre  eux 
forment  la  niche  ;  ils  sont  interniuipus  à  la  hauteur  de  la 
naissance  de  l'arc  par  une  inscription  coufîque  (flg.  21);  trois 
fenêtres  en  plein  cintre,  garnies  d'entrelacs  floraux  ajourés, 
décorent  les  pans  du  fond  [fig.  2?). 


148  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

Charpentes.  —  Comme  Tétait  primitivement  la  mosquée  de 
Cordoue,  la  Grande  Mosquée  de  Tlemcen  est  couverte  par  des 
charpentes  apparentes.  Les  fermes,  d'un  modèle  extrêmement 
simple  et  très  inspiré  des  fermes  romaines  à  entraits,  y  sont 
fort  rapprochées  les  unes  des  autres;  de  légères  sculptures 
décorent  les  blochets  et  les  consolettes  qui  les  soutiennent. 


Fio.  10.  —  Vue  perspective  des  charpentes  de  la  nef  centrale. 

Notre  croquis  [fig.  16),  emprunté  à  la  collection  des  Monu- 
ments historiques,  reproduit  les  fermes  de  la  nef  médiane;  dans 
les  autres  nefs,  les  chevrons  reparaissent  au-dessous  de  la 
panne  basse. 

Le  style.  —  Le  style  du  décor  est  encore  fortement  impré- 
gné de  Tinfluence  byzantine,  et  l'on  peut  dire  que  chaque  élé- 


LA  GRANDE  MOSQUEE  449 

ment  du  revêtement  de  plâtre  révèle  une  imitation  voisine 
encore  du  décor  mosaïque  et  sculpte  de  la  mosquée  de  Cordoue 
ou  la  communauté  des  origines. 

Chapiteaux.  —  Nous  avons  essayé  déjà  d'indiquer  la  lente 
formation  du  chapiteau  arabe  de  Grenade  et  de  Mansourah.  La 
place  des  chapiteaux  de  la  Grande  Mosquée  [fig.  17  et  18)  est 
facile  à  déterminer  dans  le  tableau  dressé  plus  haut  [fig.  6). 
Très  analogue  à  ceux  des  nefs  orientales  de  Cordoue,  les  deux 
spécimens  de  Tlem- 
cen,  qui  portent 
encore  la  double 
couronne  d'acanthe, 
montrent  déjà  le 
grand  développement 
pris  par  le  rebord 
supérieur  de  la  cor- 
beille prêt  à  devenir 
le  turban  à  inscrip- 
tion. Un  seul  détail 
les  différencie  des 
chapiteaux  de  Cor- 
doue :  c'est  le  pa- 
rallélipipède  attaché 
aux  deux  disques 
angulaires  du  pre- 
mier (fig.  17)  et  dont  les  volutes  du  second  (fig.  18)  portent 
une  interprétation  significative  ^ 


Fig.  17.  —  Grand  chapiteau. 


1.  Il  y  a  un  autre  chapiteau  à  la  Grande  Mosquée,  placé  dans  la  portion 
Nord-Ouest  des  portiques  de  la  cour.  11  est  d'un  modèle  très  archaïque.  De 
galbe  tronconique,  il   est  revêtu  presque  complètement  de  feuilles  lisses 


iSO  I.ES   MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

Lp  ^tf/Ie  (1(1  (h'cor  fie  plâtre.  —  La  division  des  coupoles 
en  larges  cannelures  rayonnantes  s'observe  à  Cordoue,  dans 
les  niches  angulaires,  au  croisement  supérieur  des  cintres  (la 
grande  coquille  monolithe  en  donne  pent-être  ou  l'idée  ini- 
tiale, ou  une  ingéniense  déformation  i). 

La  Grande  Mosquée  présente  un  très  intéressant  exemple  de 
ces  conpoles  sur  nervures  [fig.  19)  dont  les  origines  et  les  rap- 
ports avec  la  croisée  d'ogive  française  demeurent  encore  si 
obscurs-.  C'est  vraisemblablement  une  ossature  de  ])ois  qui 

soutient  ces  cintres 
et  les  vingt-quatre 
pans  ajourés  qui  les 
réunissent.  Un  pa- 
villon carré  la  sur- 
monte. 

Nous  avons  parlé 
plus  haut'^  des  en- 
corbellements qui 
soutiennent  les 
angles  de  cette 
coupole.  Ébauches 
maladroites  encore , 

parce  qu'elles  ne  suppriment  pas  complètement  les  grandes 
portions  vides  en  i)orte-à-faux  sur  le  tambour  inférieur, 
elles  constituent,  croyons-nous,  un  document  de  premier  ordre 


FiG.  18. 

Petit  chapiteau  du  mihràb  et  détail  d'une  volute 


imbriquées.  Nous  en  observerons  un  assez  semblable  dans  une  des  petites 
mosquées  de  Tlemcen  (cf.  Mosquée  de  Bàb-Zir). 

1.  Sur  les  coupoles  en  forme  de  coquille  en  Orient  :  Van  Berchem,  Noies 
çf archéologie,  II,  p.  21. 

2.  Cf.  Choisy,  Hisfoire  de  V Architecture,  t.  II,  p.  98,  99:  —  supra,  p.  57. 

3.  Cf.  supra.  Encorbellement  à  stalacliles,  p.  66. 


FiG.  19.  --  Vue  perspective  d'un  pan  de  la  coupole. 
A  départ  d'une  nervure  (vue  deprofilj. 


152  T>ES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

pour  qui  veut  étudier  Thistoire  de  la  stalactite  dans  rarchitec- 
ture  arabe  occidentale.  —  La  fausse  galerie  à  arcades  trilobées 
qui  couronne  le  mihrâb  se  retrouve  presque  identique  à  Cordoue 
mais  ici  les  chapiteaux  simplifiés  adoptent  nettement  la  forme 
trapézoïde  des  impostes  byzantins. 

La  frise  d'acanthe  [fuj .  20),  qui  règne  en  dessous  de  la  petite 
fenêtre,  présente  cette  particularité  que  cinq  feuilles  vues  de 
face  y  alternent  avec  dix  groupes  de  feuilles  vues  de  profil,  et 
que  les  feuilles  de  face  présentent  à  leur  sommet  incurvé  un 
relief  sensible  sur  tout  le  reste  de  la  décoration.  Un  rappro- 
chement avec  la  frise  sculptée  du  mihrâb  de  Cordoue^,  elle- 


FiG.  20.  —  Frise  d'acanthe  au-dessus  du  mihrâb. 


même  déformation  probable  de  la  corniche  à  modillons,  indi- 
quera l'origine  de  ces  rehefs  et  de  cette  alternance.  Un  second 
rapprochement  avec  une  bordure  du  soubassement  du  même 
mihrâb  -  montrera  un  emploi  analogue  des  feuillages  formant 
voûte  au-dessus  des  feuilles  affrontées. 

Comme  à  Cordoue,  un  décor  floral  remplit  les  claveaux  [fig.  15) 

1.  Girault  de  Prangey,  Essai  S2ir  ^architecture  des  Mo7'es  {?\.  4,  n°  10). 

2.  Ibid.,  fig.  n"  6  et  13. 


LA  GRANDE  MOSQUEE  153 

rayonnant  autour  d'un  point  pris  à  la  naissance  de  Tare.  Mais 
il  n'y  a  plus  ici  de  rameaux  s'échappant  d'une  tige  médiane  ;  la 
plante  se  courbe  selon  un  rinceau  plus  purement  ornemental, 
qui  est  encore  loin  cependant  de  l'entrelacs  axé  de  Sidi  Bel- 
Hassen  et  de  Sîdi  Bou-Médine. 

Les  plaques  de  la  cimaise  ne  sont  qu'une  réduction  des 
grands  panneaux  de  marbre  qui,  à  Cordoue,  descendent  jus- 
qu'au sol  de  la  mosquée^. 

Élément  épigraphiqifc .  —  L'épigraphie  occupe  une  place 
importante  dans  la  décoration  de  la  Grande  Mosquée.  Nous 
avons  déjà  décrit  (p.  89)  les  inscriptions  coufîques  qu'on 
y  rencontrait  :  l'une  à  petits  caractères,  assez  archaïque, 
mais  manifestant  cependant  par  des  fioritures  terminales  des 
tendances  décoratives;  l'autre,  que  nous  reproduisons  ici  en 
entier  (fig.  21),  s'accompagne  d'un  rinceau  très  maigre  ;  la  troi- 
sième enfin  qui,  laissant  toute  sa  clarté  à  la  base  des  lettres, 
détache  sa  partie  supérieure  sur  un  ornement  floral  toufi'u.  Une 
seule  inscription  cursive,  mais  la  plus  importante  au  point  de 
vue  historique,  court  sur  la  corniche  du  tambour  (p.  92,  fig.  8). 

L'élément  géométrique.  —  Le  rôle  réservé  à  la  géométrie 
est  encore  très  restreint.  La  claire-voie  médiane  présente  seule 
un  décor  purement  géométrique  que  nous  rencontrerons  à  Sîdi 
Bel-Hassen,  l'axe  étant,  dans  son  nouvel  emploi,  dévié  de  30'' 
[fig.  31).  Il  convient  également  de  noter  l'étoile  à  huit  pointes. 
Elle  décore  les  angles  du  cadre  coufique  et  entre  dans  la  com- 
position d'une  bordure  plus  mince,  où  elle  alterne  avec  un  poly- 
gone curviligne  à  six  pointes.  Ces  deux  figures  se  retrouvent, 
à  peine  déformées  et  garnies  de  remplissages  analogues  au 

\.  Sur  l'origine  présumée  de  ces  lambris,  cf.  Dieulafoy,  VArt  antique  de 
la  Perse,  t.  V,  p.  102-103  et  153. 


LA  GKANDF  MOSQUEE  d55 

palais  (le  laCnba^  ;  niais,  dans  le  nionumeni  srcilien,  elles  entrent 
dans  un  décor  à  répétitions  plus  savant  et  plus  purement 
arabe. 

P)ien  qu'encore  limité  comme  surface  et  timide  comme 
forme,  le  décor  géométrique  joint  au  décor  lierai  et  au  décor 
graphique,   s'annonce   comme   devant  jouer,   dans  le  décor 


FiG.  22.  —  FragQient  du  décor  garnissant  une  des  fenêU^es 
(Intérieur  du  mihràb). 


méplat  des  plâtres,  le  rôle  des  ornements  en  relief  qui  sur- 
chargeaient les  moulures  de  k  décadence  romaine  :  denti- 
cules,  oves,  rais  de  cœur,  perles  et  pirouettes.  Rien  de  tout 


1.  Cf.  Girault  de  Prangey,  Essai  sur  VarcJiilecture,  Pl.  12,  n"  3,  4  et  5. 


d56  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

cela  à  la  Grande  Mosquée,  mais  des  inscriptions  coufiques  et 
ciirsives,  deux  longs  rubans  se  croisant  régulièrement,  des  cha- 
pelets de  fleurettes  et  de  boutons  aplatis,  des  palmes  étalées 
parallèlement  [fig.  15)  ou  ces  successions  de  crosses  lisses  dont 
nos  décorateurs  romans  ont  fait  un  si  constant  usage  [fig.  19). 

V élément  floral.  —  Le  décor  floral  a  pris  à  la  Grande  Mos- 
quée de  Tlemcen  la  place  la  plus  importante.  Disons  tout  de 
suite  que  la  flore  de  Cordoue  y  apparaît  extrêmement  appau- 
vrie et  aj^antfait  un  pas  de  plus  vers  l'interprétation  purement 
ornementale.  La  feuille  d'acanthe,  presque  seule,  en  fait  tous 
les  frais,  divisée  en  deux  portions  inégales  ou  s'échappant  en 
une  seule  palme  d'un  Ijourgcon  initial,  parfois  revêtant  une 
forme  de  fleuron  imbriqué,  qui,  nous  le  verrons  (/?^.  15,  20,  68), 
remplit  toujours  le  même  rôle  que  la  palme  à  nervures.  Le 
modelé  s'est  très  simphfié;  il  n'est  plus  formé  que  de  stries 
profondes  et  des  trous  circulaires  de  la  basse  époque  byzantine. 

Quelques  pastilles  trouées  en  leur  centre  s'appliquant  sur  les 
tiges  grêles,  quelques  fleurettes  vues  de  face,  à  quatre  ou  huit 
pétales,  parfois  séparées  par  des  représentations  schématiques 
d'étamines,  complètent  la  flore.  La  feuille  lisse  ne  se  manifeste 
encore  que  par  quelques  rameaux  courant  dans  l'inscription 
cursive  de  dédicace,  par  la  tournure  donnée  aux  bordures  à 
crosses  dont  nous  parlions  plus  haut,  peut-être  aussi  par  les 
décors  gravés  des  arcs  lobés  de  la  grande  nef. 

Ameublement.  —  L'ameublement  de  la  Grande  Mosquée  se 
compose  des  pièces  nécessaires  pour  assurer  les  besoins  du 
culte  d'une  mosquée-cathédrale.  Il  est  fort  pauvre;  le  minbar, 
le  sedda,  placé  dans  la  nef  médiane,  en  avant  de  la  coupole  du 
cintre,  le  koursi  du  moderrès  n'ont  aucune  valeur  artistique. 
Les  lampes  sont  de  date  récente  ;  seul  un  grand  lustre,  appendu 


LA  GtlANDE  MOSQUEE  157 

à  la  coupole  centrale,  mérite  quelque  attention.  C'est,  suivant 
la  tradition,  un  des  nombreux  présents  que  le  sultan  Yarmo- 
râsen  fit  à  sa  mosquée  de  prédilection,  celle  où  il  aimait  à 
venir  prier  et  discuter  sur  des  sujets  édifiants  avec  les  savants 
docteurs  de  son  temps.  C'est  une  couronne  de  lumière  de 
8  mètres  de  circonférence,  en  bois  de  cèdre,  revêtue  de  lames 
de  cuivre  repercées.  Trois  autres  cercles  plus  petits,  étagés  et 
rejoints  par  des  pièces  de  bois  inclinées,  forment  une  sorte  de 
cône  aplati.  Un  cylindre  en  cuivre  massif  orné  de  trois  boules 
porte  à  son  sommet  des  anneaux  pour  le  suspendre.  Sa  forme 
archaïque  et  la  tradition  qui  le  concerne  en  font  un  objet  fort 
intéressant 


<  JSS'jnm- 


FiG.  23.  —  Décor  de  la  couronne  de  enivre  (Minaret). 


De  ce  lustre  il  convient  de  rapprocher  une  couronne  de 
cuivre  [fig.  23)'^  gravé  et  repercé  qui  surmontait,  il  y  a 
quelques  années   encore,   le  minaret  d'Yarmorâsen  et  qui 

1.  Comp.  au  lustre  de  Cairouan,  au  lustre  mérinide  de  la  mosquée  de  Taza 
[Roiidh-el-Qartas,  ^.  570),  et  au  lustre  primitif  de  la  Qarawîyîn  (W.,  p.  85). 
Signalons  aussi  un  lustre  conservé  à  la  mosquée  de  Nédromali,  de  forme  plus 
compliquée  et  de  date  vraisemblablement  plus  récente. 

2.  Arrachée  par  des  ouvriers  qui  posaient  des  fds  électriques,  elle  fut 
pieusement  recueillie  par  Sî  Mohammed  ben-Kalfate  qui  en  a  fait  don 
au  Musée  de  la  ville. 


158  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

est  peut-être  ancienne.  Elle  est  d'une  facture  fruste,  assez  sem- 
blable à  celle  du  lustre.  Le  fait  qu'elle  porte  la  sentence 
cursive  :  «  El-tjoiumi  wal-iqbdl  ((  Le  bonheur  et  le  succès  », 
qui  nous  apparaît  comme  répigraphe  a  passe-partout  »  des  in- 
dustries d'art  espagnoles  (Cf.  inf.^  p.  315  et  ss.),  nous  induirait  à 
penser  qu'elle  sortait  de  quelqu'atelier  d'Andalousie.  Ce  ne 
serait  d'ailleurs  pas  le  seul  travail  de  cuivre  de  cette  origine. 
(Cf.  Mosquée  de  Sîdi  Bou-Mèdine,  p.  258 et  ss.).  Legrandlustre 
en  proviendrait-il  également?  On  ne  peut  sur  ces  points  de 
détail  se  permettre  que  des  conjectures. 

Les  clôtures  qui  ferment  la  salle  de  prière  sont  d'un  âge  dif- 


FiG.  24.  —  Inscription  de  la  Maqçoura. 


ficile  à  déterminer.  Elles  sont  assez  bien  construites  et  habile- 
ment décorées  de  panneaux  à  claire- voie ^ 

La  mosquée  avait  une  maqçoura.  C'est  elle  que  désigne  vrai- 
semblablement ce  passage  de  l'abbé  Barges  :  «  Le  sanctuaire 
(il  désigne  ainsi  le  mihrâb)  est  séparé  du  reste  du  temple  par 
une  balustrade  en  bois  que  nous  franchissons  pour  visiter  les 

1.  Sur  des  ciaires-voies  analogues  à  Sîdi  Okba.  cf.  Saladin,  la  Mosquée  de 
Sicii-Okha  (p.  55),  où  ce  travail  est  comparé  à  celui  des  moucharabiés  du  Caire. 


La  GËANbE  MOSQUÉE  lo9 

autres  parties  du  monument.  »  Cette  clôture  servit  peut-être 
de  maqçoura  à  Tépoque  turque  ;  mais  il  est  assez  probable 
qu'elle  en  remplaçait  une  autre  plus  élevée  et  plus  riche.  Cette 
maqçoura  primitive  a  été  retrouvée  dans  une  autre  partie  de 
la  mosquée  et  se  trouve  maintenant  au  musée  de  la  ville.  C'est 
une  clôture  de  bois  à  trois  pans,  faite  de  claires-voies  et  de 
panneaux  à  petits  cadres  assez  habilement  emmanchés  et  dont 
les  dispositions  contrariées  offrent  les  combinaisons  caracté- 
ristiques de  la  menuiserie  arabe.  Une  arcade  en  fer  à  cheval, 
reproduisant  assez  bien,  dans  ses  proportions,  l'ouverture  du 
mihràb,  servait  de  porte  à  cette  enceinte  ;  une  inscription  for- 
mant un  ruban  pourtournant  le  cintre,  lui  assigne  la  date  de 
533  de  l'hégire,  trois  ans  après  Tédification  de  la  coupole 
{fig.  24).  Un  cadre  surélevé  entoure  la  partie  supérieure  de 
cette  porte;  il  est  également  composé  de  i)etits  panneaux  et 
surmonté  de  nierions  à  redans  découpés  et  sculptés. 

Le  minaret.  —  Bien  qu'il  ait  un  siècle  et  demi  de  moins 
que  la  mosquée,  le  minaret  n'en  est  pas  moins  un  des  plus 
anciens  du  Maghrib.  C'est  le  plus  élevé  de  la  ville  et  il  a  sa 
place  marquée  à  plusieurs  pages  de  l'histoire.  Sa  fondation 
par  Yarmoràsen  donne  lieu  à  la  curieuse  légende  rapportée 
plus  haut.  En  789  (1387  J.-C),  Abou-Hannnou  étant  rentré 
dans  sa  ville  dévastée  par  Abou'l-Abbâs,  son  fils  Abou- 
Tachfîn  y  accourt,  s'installe  en  maitre  dans  le  palais  du  sultan. 
Celui-ci  se  réfugie  dans  le  minaret  de  la  Grande  Mosquée 
Ayant  appris  où  se  cachait  son  père,  le  fils  révolté  va  Vy 
chercher  lui-même  et,  versantdes  larmes,  se  réconcilie  avec  lui. 

1.  Sur  remploi  ])Ossible  des  minarets  comiue  réduits  fortifiés,  cf.  Saladin, 
Mosquée  de  ^idi-Okba,  p.  87  ;  —  et  aussi  Van  Berchem,  Notes  d^irchéqlc^ie^ 
K  P-  34, 


160  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

Ce  minaret  est  décoré  sur  ses  quatre  faces  d'un  grand  pan- 
neau rectangulaire  garni  d'un  réseau  de  briques.  Ce  réseau,  orné 
de  fleurons  marqués  d'un  émail  vert,  repose  sur  une  arcade  en 
fera  cheval  que  portent  deux  colonnettes  monolithes  semblables 
à  celles  d'Agadir.  Une  galerie  d'arcades  lobées  règne  au  des- 
sus. Le  campanile  est  décoré  d'un  défoncement  avec  réseau 
incrusté  de  terre  émaillée  verte.  Le  cadre  porte  une  garniture 
de  mosaïque  très  simple  blanche  et  verte. 

Cent  trente  marches  donnent  accès  à  la  plate-forme  supé- 
rieure. Les  volées  d'escalier  qui  tournent  autour  du  noyau 
central  sont  couvertes  par  des  voûtes  d'arête. 

D'autres  dépendances  augmentent  encore  la  superficie  de  la 
Grande  Mosquée.  Les  anciennes  latrines  s'étendaient  au  Nord 
et  occupaient  une  partie  de  l'espace  aujourd'hui  ouvert  par  la 
rue  de  la  Paix;  une  belle  cuve  rectangulaire  de  marbre  onyx 
en  a  été  transportée  au  musée  de  la  ville.  Le  terre-plein  com- 
pris entre  le  mur  Nord  de  la  mosquée  et  ces  latrines  était 
occupé  par  divers  bassins  d'ablutions;  il  était  en  partie  recou- 
vert de  voûtes  reposant  sur  des  arcades.  Les  latrines  actuelles, 
qui  datent  de  quelques  années,  sont  situées  au  Nord-Ouest  de 
la  Grande  Mosquée. 

A  la  partie  Est,  se  trouve  un  hôpital  musulmanjoint  au  tombeau 
du  Soufi  vénéré  Ahmed  Bel-Hasen  El-Ghomâri  (f  d466). 

((  Elles  se  répandent  au  loin,  les  vertus  de  ce  sanctuaire, 
pareilles  au  rayon  de  l'aurore  ou  à  l'éclat  des  astres,  qui  guident 
les  pas  du  voyageur.  Si  quelque  mallieur  te  frappe,  cherches-en 
le  remède  auprès  de  ce  soleil  de  noblesse  et  de  science,  Ahmed  ^  » 

1,  Cf.  Brosselard,  Revue  africaine,  décembre  1858,  p.  93,  94;  —  Tlemcen, 
ancienne  capilale,  p.  440  —  le  Bostchi  (notre  manuscrit,  p.  58  et  suiv.) 
consacre  à  ce  saint  personnage  une  longue  notice  ;  il  fut  enterré,  dit-il, 
dans  une  cellule  qu'il  habitait,  auprès  de  la  Grande  Mosquée. 


LA  GRANDE  MOSQUEE  i61 

Ainsi  parle  le  distique  inscrit  sur  le  linteau  de  la  porte 
orientale. 

En  face  du  tombeau,  quatre  grands  vases  sont  disposés 
contre  le  mur  orientai  extérieur  de  la  Grande  Mosquée,  en- 
foncés dans  un  niassif  de  maçonnerie  et  couronnés  d'une  mar- 
gelle. Le  gardien  du  tombeau  les  remplit  chaque  jour  de  Teau 
d'un  puits  voisin  de  la  chambre  sépulcrale  du  saint.  Elles 
offrent  au  passant  une  boisson  bénie. 

Des  arceaux  rejoignent  le  marabout  au  mur  de  la  mosquée. 
Ils  sont  percés,  aux  angles  supérieurs,  d'ajours  géométriques, 
motifs  fréquents  dans  les  maisons  arabes.  Une  treille  reliant  les 
arceaux  fait  à  ce  passage  une  voûte  légère  et  mouvante,  sous 
laquelle  flotte  presque  toujours  le  parfum  du  djâoui,  Tencens 
arabe  que  l'on  brûle  au  tombeau.  Et  sans  cesse  des  femmes, 
des  mendiants,  des  infirmes,  viennent  chercher  dans  cet  endroit 
reposant,  en  même  temps  que  des  consolations  morales,  un 
abri  contre  la  chaleur  du  jour. 


II 


IV 


BAINS    DES  TEINTURIERS 

HAMMÂM  ES-SEBBÂGHÎN 

Bien  qu'aucun  document  historique  ne  vienne  déterminer 
l'âge  de  ce  petit  monument,  le  stjle  très  archaïque  des  disposi- 
tions architecturales  et  des  fragments  de  sculpture  qu'on  y 
observe  permet,  crojons-nous,  de  le  rattacher  à  la  première 
période  de  l'art  tlemcenien. 

Située  dans  le  quartier  Nord-Est  de  la  ville,  au  bord  d'une 
ruelle  étroite  et  tortueuse  qui  réunit  la  rue  de  Mascara  à  la 
rue  Khaldoun,  il  conserve  toujours  son  ancienne  destination, 
et  voit  chaque  jour,  comme  au  temps  des  Beni-Zeiyân,  de 
nombreux  habitués  venir  s'étendre  en  devisant  sur  les  cou- 
chettes de  sa  salle  de  repos.  Aux  salutaires  effets  du  «  médecin 
mueti  »  s'ajoutent,  suivant  la  croyance  populaire,  d'inappré- 
ciables bénédictions  célestes.  Le  pieux  Sîdi  Bel-Hasen  El- 
Ghomâri  le  fréquentait.  On  montre  encore  la  place  où  il 

1.  EL-Tabib  el-ahkam^  c'est  par  cette  périphrase  qu'à  Tlemcen  on  désigne 
couramment  le  bain  maure. 


LES  MONUMENTS  ARABES  DE!  TLEMCEN  163 

s'assej'ait  d'ordinaire  ;  et  ce  saint  personnage  est  devenu 
comme  un  génie  protecteur  du  monuments 

Aujourd'hui,  il  nous  apparaît  mutilé,  ayant  reçu  des  aména- 
gements sensiblement  différents  de  sa  disposition  primitive. 
Cependant  il  n'est  pas  impossible  de  reconstituer  approxima- 
tivement le  plan  général  de  l'édifice,  au  moment  de  son 
entière  splendeur.  Du  côté  Nord,  un  vestibule  A  précède 
l'établissement;  c'est  une  salle  voûtée,  munie  de  banquettes, 
et  dont  toute  une  partie  a  été  consacrée  à  l'installation 
sans  doute  récente  de  latrines.  De  ce  vestibule,  on  pénètre 
dans  une  salle  carrée  B,  de  5  mètres  de  côté.  Suivant  la  for- 
mule habituelle,  une  coupole  couvre  cette  salle.  Elle  est  éta- 
blie sur  des  colonnes  monolithes,  et  est  flanquée  de  quatre 
galeries  voûtées.  Deux  de  ces  galeries  sont  relevées  de  0°',68 
au-dessus  du  pavé  central,  et  deux  marches  y  donnent  accès. 
Cette  salle,  dont  une  double  vasque  rafraîchit  l'atmosphère,  cor- 
respond hVapodyterium  des  Latins  2.  C'est  là  que  l'on  quitte  ses 
vêtements  et  que  l'on  vient,  après  le  bain,  se  reposer  et 
s'étendre  sur  des  matelas  disposés  à  cet  effet  dans  les  galeries 
surélevées.  A  l'Alhambra,  cet  apodyterium  est  revêtu  d'une 
décoration  exubérante  :  quatre  colonnes  y  supportent  une  tri- 
bune, peut-être  réservée  à  des  musiciens,  et  des  alcôves  pro- 

1.  Sur  Sîdi  Bel-Hasen  El-Ghomâri,  cf.  suprà,  p.  IGO,  note  1.  Ce  bain 
est  aujourd'hui  fréquemment  désigné  sous  le  nom  de  Hamniâm  sîdi  Bel-Hasen. 
—  D'autres  légendes  ont  cours  sur  cet  établissement.  Les  femmes  prétendent 
quun  jiîin  s'y  montre  dans  la  piscine  d'eau  froide  sous  la  forme  d'une  cou- 
leuvre inoffensive  (Cf.,  sur  la  fréquentation  des  bains  maures  parles  Jinn,  le 
curieux  passage  d'Ali-Bey  El-Abbàsi,  Voijnrjes  en  Asie  et  en  Afrique,  Paris, 
1814,  I,  p.  126;  —  sur  la  croyance  aux  jinyï  serpents,  Goldziher,  Mo/mwmec/a- 
nische  Studien,  II,  p.  343.) 

2.  Sur  les  dispositions  générales  des  thermes  romains  d'xVfrique,  cf.  Gsell, 
les  Monuments  antiques  de  V Algérie,  1,  chap,  viii. 


164  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

fondes,  garnies  de  mosaïques  de  faïence  s'enfoncent  à 
quelque  hauteur  du  sol,  sur  deux  faces  de  la  salle i. 


1.  Cf.  la  description  des  bains  de  l'Alliambra,  ajo.  Girault  de  Prangey, 
p.  158  et  ss.;  — Owen  Jones,  VAlhambra,  Pl.  XXVI. 


BAINS  DES  TEINTURIERS 


165 


Vétuve,  le  caldariumduX\i\(\uQ.  Cette  porte  est  double  ;  elle  con- 
serve la  température  de  Tétuve  et  Tisole  de  la  chambre  de  repos. 
L'étuve,  la  plus  longue  salle  de  l'édifice,  porte,  comme  une 
des  salles  intermédiaires  de  Grenade,  une  colonnade  à  chaque 
extrémité  et  se  trouve  ainsi  divisée  en  trois  parties  d'inégale 
grandeur  :  la  première  C,  au  Nord,  a  2°", 50  environ  de  lon- 
gueur; sur  sa  muraille  occidentale,  elle  montre  la  trace  encore 
visible  d'une  porte,  aujourd'hui  bouchée,  dont  nous  verrons 
tout  à  l'heure  la  destination  primitive;  sa  muraille  orientale 
est  percée  d'un  cabinet  assez  profond  ^  La  deuxième  par- 
tie C,  centrale,  la  plus  grande  des  trois,  présente  en  g,  péné- 
trant dans  la  muraille  Est,  un  vaste  réservoir  d'eau  chaude.  L'eau 
y  est  amenée  par  un  conduit  courant  dans  la  muraille,  au  fur  et 
à  mesure  qu'elle  s'élève  de  la  chaudière,  placée  en  y  sous  le 
dallage  de  l'étuve-.  En  outre,  des  trous  percés  dans  la  muraille 
à  quelques  centimètres  au-dessus  du  conduit,  laissent  péné- 
trer dans  la  salle  la  vapeur  d'eau  qui  s'en  échappe.  Cette  par- 
tie centrale  de  la  salle  est  ainsi  de  beaucoup  la  plus  chaude. 
Enfin,  une  troisième  partie  Q\  de  dimensions  plus  réduites  que 
C,  est  à  moitié  occupée  par  une  cuve  carrée  w,  où  une  cana- 
lisation amène  de  l'eau  froide  3.  C'est  dans  cette  salle  que  le 

1.  Ce  cabinet  porte  le  nom  maintenant  généralisé  de  maqçoura  (cf.  suprà, 
p.  44  note  3)  ;  il  est  réservé  à  ceux  qui  veulent  procéder  à  des  soins  de  toilette 
intime,  ou  encore  à  ceux  qui  craignent  la  trop  grande  chaleur  du  centre  de 
l'étuve;  ce  sont  des  renfoncements  semblables  que  Laugier  de Tassy,  dans  son 
amusante  description  d'un  bain  maure  d'Alger,  qualifie  de  «cabinets  d'une 
chaleur  modérée,  où  l'on  frotte  et  lave  les  personnes  en  particulier  »  {Histoire 
du  Royaume  d'Alger,  p.  189). 

2.  Cette  place  de  la  chaudière  est  la  même  à  l'Alharabra  et  dans  tous  les 
bains  maures  tlemceniens  ;  de  même  Léon  l'Africain  parle  de  l'étuve  des  bains 
de  Fàs  en  ces  termes  :  «  De  là,  on  passe  dans  une  autre  aisance,  là  où  l'on 
sue  très  bien,  qui  est  le  lieu  où  est  la  chaudière  emmuraillée.  »  {Description 
de  V Afrique,  II,  p.  80.) 

3.  Pour  prendre  des  bains  froids,  comme  on  l'a  prétendu  des  piscines  de 


166  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

Kayyâ^^  masseur  arabe,  masse,  frotte  au  gant  de  crin  et  arrose 
d'eau  chaude  le  corps  du  baigneur. 

Trois  autres  salles  plus  petites  complètent  le  bâtiment,  pièces 
accessoires,  fréquentes  dans  les  bains  maures,  et  qui  n'ont  pas 
une  destination  bien  précise  ;  essentiellement  ce  sont  des 
chambres  de  repos  mais  la  simplicité  des  mœurs  arabes 
les  transforme  généralement  en  dépôts  de  matériel.  L'une 
est  placée  en  D  au  Nord  de  Vapodyterium  entre  le  vestibule  et 
l'étuve;  une  autre  est  au  Midi,  en  E.  Une  troisième,  au  Nord- 
Ouest,  en  F,  présente  une  disposition  curieuse  :  une  entrée  sur 
plan  carré  précède  un  cabinet  barlong,  qui,  sur  une  face,  porte 
deux  colonnes  engagées,  sur  l'autre  deux  niches  rectangu- 
laires assez  profondes  qui  peuvent  servir  de  resserres-. 

Une  chose  frappe  tout  d'abord  lorsqu'on  examine  l'actuelle 
disposition  de  ce  bain  maure.  C'est  l'absence  complète  de  la 
salle  intermédiaire  entre  Y apodyterium  et  l'étuve,  de  la 
chambre  tiède,  succédanée  du  tepidarium  romain,  qui  était 
cependant  un  élément  invariable  du  hammam  maghribin 

TAlhambra  (?)  Il  est  remarquable  que  deux  marches  donnent  accès  au  bord 
de  cette  cuve,  comme  à  Valveus  des  anciens  bains  de  Pompeï  (Cf.  Daremberg 
etSaglio,  Dictionnaire  des  Anliquilés,  t.  1,  p.  656.) 

1.  «  Et  il  y  a  certaines  logettes  haussées  de  cinq  ou  six  marches,  Ifi  où  sont 
les  lieux  réputés  pour  se  dépouiller  et  étuver  ses  vêtements.  »  (Léon  l'Africain, 
Description  de  V Afrique,  loc.  cit.) 

2.  Aujourd'hui  ces  niches  sont  sans  emploi;  suivant  la  tradition,  elles 
auraient  été  destinées  à  ceux  qui,  pour  quelque  raison,  ne  voulaient  pas  faire 
connaître  leur  présence  dans  le  bain  (!).  En  fait,  c'étaient  très  probablement  de 
simples  vestiaires,  pour  les  clients  distingués  auxquels  on  réservait  l'accès 
particulier  du  cabinet  F. 

3.  Elle  existe  <à  l'Aihambra  ;  Laugierde  Tassy  et  Léon  l'Africain,  dans  leurs 
descriptions,  parlent,  l'un  d'une  «  chambre  intermédiaire  d'une  chaleur 
modérée»;  l'autre,  d'une  chambre  où  l'on  entre  en  sortant  de  la  chambre 
froide,  et  un  peu  plus  chaude  que  la  première.  A  Tlemcen,  la  chambre  tiède 
n'est  plus  en  usage  dans  aucun  hammam.  Chose  curieuse,  dans  un  bain  assez 
moderne,  situé  rue  de  Lamoricière,  la  chambre  tiède  existe  parfaitement  entre 


BAINS  DES  TEINTURIERS  167 

Nous  croyons  qu'à  l'origine  cette  chambre  tiède  existait  dans 
le  Hammâm  es-sebbdg hi a.  Vexcimeii  attentif  des  voussures,  la 
présence,  dans  le  mur  Ouest  de  la  partie  C/  de  Tétuve,  d'une 
trace  de  porte  nous  a  convaincu  que  le  bain  avait  primitive- 
ment la  disposition  suivante  :  le  vestibule  A  et  la  petite 
chambre  D  qui  lui  est  contiguë  formaient  une  seule  et  môme 
salle,  et  cette  salle  était  le  tepidariiim  :  on  pénétrait  à^Vapo- 
dyteriinn  dans  le  tepidariiim  par  la  porte  c  ou  parla  portes; 
puis  du  tepidarium  dans  1  etuve  par  la  porte  0,  aujourd'hui 
murée.  D'autre  part,  l'entrée  même  du  bain  se  trouvait  vrai- 
semblablement située  au  fond  de  la  chambre  E,  qu'aujourd'hui 
des  maisons  de  construction  récente  avoisinent  à  l'extérieur  ; 
cette  chambre  jouait  ainsi  le  rôle  de  vestibule.  Le  bain  avait 
encore  d'autres  dépendances.  Sur  la  ruelle,  en  G,  une  salle  basse 
et  non  voûtée  sert  aujourd'hui  encore  de  dépôt  de  combustible; 
au  dessus,  des  chambres  de  premier  étage  [macriyd)  auraient 
constitué  les  logements  du  personnel  dn  bain  ;  d'autre  part, 
du  mur  extérieur,  en  x  et  partent  des  amorces  de  voûtes, 
encore  parfaitement  visibles,  et  dont  les  berceaux  devaient 
couvrir,  en  avant  du  vestibule  actuel,  une  autre  salle  (conte- 
nant peut-être  des  latrines).  Enfin  des  chapiteaux,  maintenant 
sans  emploi,  conservés  dans  Vapodyterium^  indiquent  que  le 
Hammâm  es-sebbâghui  connut  jadis  des  proportions  plus  éten- 
dues, des  dépendances  plus  nombreuses  et  une  splendeur  plus 
grande. 

Toutes  les  salles  qui  composent  cet  édifice  étaient  éclairées 
par  des  trous  régulièrement  ménagés  dans  les  voûtes  et  où 

Vapodyterhim  et  l'étuve;  mais  elle  ne  reçoit  pas  sa  destination  primitive,  et 
sert  simplement  de  passage  et  de  lieu  de  débarras;  les  latrines  lui  sont 
contiguës  ;  cf.  aussi  infm.  Bains  de  Sîdi  Bou-Médine,  p.  281, 


168  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

s'adaptaient  des  conduits  en  poterie  grossière,  comme  on  en 
peut  encore  observer  à  TAlhambra,  sortes  de  tubes  émaillés 
de  vert  dont  la  section  forme  un  polygone  étoile.  Les  voûtes 
en  berceau  portaient  presque  toutes  des  garnis  de  plâtre. 
Dans  la  grande  salle  carrée  {apodyterium),  une  portion 
cylindrique  pénètre  perpendiculairement  le  milieu  des  côtés. 
La  coupole  ^  qui  occupe  le  centre  est  portée  par  douze  colonnes 
trapues  groupées  trois  par  trois  au  centre  du  carré.  Ces 
groupes  ont  pour  but  de  substituer  au  plan  carré  un  plan  poly- 
gonal composé  de  huit  arceaux  en  fer  à  cheval  outrepassé, 
sur  lesquels  repose  la  coupole.  La  colonne  d'angle,  de  même 
hauteur  que  les  autres,  porte  deux  petits  arcs  en  plein  cintre 
surhaussé  qui  la  réunissent  aux  colonnes  du  polygone  intérieur,  et 
permettent  d'établir  la  demi-voûte  d'arête  habituelle  au  qouhhas 
tlemceniennes.  Un  troisième  arc,  enjambant  la  galerie  du  pour- 
tour, en  supporte  les  berceaux.  Seize  arceaux  convergents 
constituent  les  grandes  cannelures  de  la  coupole,  qui,  comme  le 
reste  de  l'édifice,  était  réguUèrement  criblée  de  jours  en  étoile. 
Au  dehors,  les  voûtes  s'accusent,  comme  à  l'Alhambra,  non  par 

des  toits,  mais  par  des  dômes  informes  revêtus  d'une  épaisse 
croûte  de  mortier  et  de  plâtre . 

La  disposition  de  la  salle  carrée  est  très  analogue  à 

celle  des  vieux  bains  de  Palma  de  Majorque,  qui  devait  jouer 
exactement  le  même  rôle-.  Dans  le  monument  baléare,  cepen- 
dant, les  douze  colonnes  établissent  immédiatement  le  plan 

1.  Notre  photographie,  prise  clans  Vapodylerium^  montre  au  premier  plan 
la  vasque  et  le  bassin  de  pierre,  plus  loin  trois  colonnes  d'angle  et  la  demi- 
voûte  d'arête  sur  laquelle  est  établie  la  coupole  ;  au  fond,  à  gauche,  les  nattes 
et  couvertures  disposées  pour  le  repos  des  baigneurs  (les  jours  qui  éclairent 
cette  partie  n'existaient  pas  primitivement);  à  droite,  longeant  le  comptoir  du 
patron  de  bains,  le  couloir  menant  au  vestibule  actuel  A. 

2.  Cf.  Giraultde  Prangey,  Essaisur  Varchitecture  des  Arabes^  p.  58  et  Pl.  II. 


Pi.  VII 


BAINS  DES  TEINTURIERS  d69 

circulaire,  sans  qu'il  y  ait  transition  par  un  plan  polygonal 
intermédiaire. 

Les  chapiteaux  de  pierre  sont  d'un  style  très  archaïque. 
Sculptés  dans  un  cuhe  de  0*^,32  de  côté,  ils  s'adaptent  sans 
ressaut  et  sans  astragale  au  fût  des  colonnes  monolithes. 
Bien  que  la  couronne  d'acanthes  épannelées  qui  les  entoure 
ne  porte  pas  de  fente  inférieure,  la  disposition  de  leurs  volutes 
angulaires  les  rattache  au  type  secondaire  Ces  volutes  ne 
sont  pas  parallèles  à  la  diagonale.  Elles  se  séparent  en  deux 
pour  garnir  les  quatre  faces,  qui  tendent  à  devenir  indépen- 
dantes les  unes  des  autres.  Les  impostes  qui  les  surmontent 
et  qui  leur  sont  à  peu  près  égales  comme  hauteur,  semblent 
moins  faites  pour  les  couronner  que  pour  ménager  l'encorbel- 
lement des  arcs.  Elles  sont  taillées  et  divisées  suivant  le  plan 
de  ces  arcs  et  rappellent  les  dispositions  adoptées  pour  celles 
des  nefs  de  Cordoue. 


1.  Introduction,  fig.  6. 


V 


MOSQUÉE  DE  SÎDI  BEL-HASSEN 

MUSÉE 

Cette  mosquée  occupe  une  place  d'honneur  dans  la  série  des 
monuments  tlemcenien s  ;  elle  a,  de  plus,  le  grand  avantage 
d'être  datée  avec  précision  par  deux  inscriptions  qu'elle  ren- 
ferme. La  première  est  gravée  en  beaux  caractères  andalous 
sur  une  plaque  d'onyx  vert,  encastrée  dans  la  paroi  Ouest  de  sa 
muraille.  Elle  a  été  publiée  et  traduite  par  Brosselard^.  Elle 
contient  le  texte  des  habous  de  la  mosquée,  et  indique  en  outre 
que  l'édifice  a  été  construit  en  696  (1296  de  l'ère  chrétienne), 
pour  l'émir  Abou-Amer  Ibrahim,  fils  du  sultan  Abou-Yahya 
Yarmorâsen  ben-Zeiyân,  après  son  décès.  L'autre,  qui  s'étale 
en  coufique  fort  orné  sur  deux  panneaux  déplâtre  sculpté,  aux 
deux  côtés  du  mihrdh  [fig .  30),  reproduit  exactement  le  même 

1.  Cette  mosquée,  après  avoir  servi  d'école  arabe  française,  a  été  récemment 
convertie  en  salle  du  musée.  Les  belles  mosaïques  de  faïence  à  décor  géomé- 
trique qu'on  peut  voir,  dans  notre  photographie,  appliquées  contre  les  murs, 
proviennent  du  palais  du  Méchouar.  —  Une  vue  extérieure  de  Fédifice  alors 
qu'il  était  aménagé  en  école,  des  vues  intérieures  et  un  plan  assez  peu  exact 
ont  été  publiés  avec  une  notice  par  Raguenet  {Petits  édifices  historiques, 
août  lR9o). 

2.  Cf.  Les  Inscriptions  araires  de  Tlemcen  {Revue  africaine,  février  1859), 
p.  162  et  suiv. 


MOSQUÉE  DE  SÎDI  BET.-HASSEN  171 

renseignement.  Cette  mosquée  date  donc  des  débuts  de  la 
dynastie  abd  el-wâdite,  exactement  du  règne  du  sultan  Abou-Saîd 
Otsmân  (1283-1303)  ^  L'émir  Abou-Amer,  fils  de  Yarmorâsen, 
dont  ces  inscriptions  contiennent  le  nom,  est  un  personnage 
historiquement  très  bien  connu.  Ibn-Khaldoun  nous  renseigne 
sur  son  rôle  politique,  et  ajoute  que,  dans  diverses  entreprises 
il  acquit  de  grandes  richesses-.  A  notre  avis,  la  curieuse  for- 
mule «  bâtie  pour  Témir  Abou-Amer  r^p/Y\s^  son  déch  »,  indique 
clairement  que  Tédifice  fut  élevé,  conformément  à  une  dispo- 
tion testamentaire  du  prince,  et  pour  lui  assurer  dans  l'autre 
vie  les  mérites  attachés  à  la  fondation  d'une  mosquée. 

Cependant  cette  mosquée  ne  porte  pas  son  nom.  C'est  que 
dans  l'orthodoxe  capitale  des  Benî-Zeiyân,  les  siècles  ont 
presque  constamment  donné  le  pas  à  la  gloire  rehgieuse  des 
savants  et  des  saints  sur  la  gloire  pohtique  des  monarques  et 
des  émirs  De  fréquentes  substitutions  de  noms  pour  les  édi- 
fices en  sont  résultées.  Quant  au  personnage  vénéré  dont 
aujourd'hui  l'oratoire  bâti  pour  l'émir  Abou-Amer  porte  le  nom, 
il  n'est  pas  connu  avec  certitude.  Les  textes  sont  naturelle- 
ment muets  sur  ces  changements  de  dénominations,  opérés 
parla  piété  populaire,  et  dont  l'évolution  a  dù  être  fort  lente. 
Brosselard  présume  qu'il  s'agit  d'Abou'l-Hasan  (Bel-Hassen) 
Ben-Yakhlef  et-Tenesi,  qui  fleurit  sous  le  règne  d'Abou-Saîd 
Otsmân^;  nous  nous  rallions  à  cette  opinion  très  plausible. 

Le  plan.  — Le  plan  général,  très  simple,  s'indique  â  l'exté- 

\.  i=!erait-ce  la  mosquée  «  située  en  face  de  Bâb  el-Bonoud  »  dont  Yahiya  ben- 
Khaldoun  mentionne  la  construction  précisément  en  \29C:,?  {<"omplémenf,  p.  34, 
in  pr/nc). 

2.  Cf.  Histoire  des  Berbères,  HT,  p.  366,  368.  399,  400. 

3.  Gomp.  Brosselard,  Tombeaux  des  émirs  Beni-Zeiyrhi ,  p.  13. 

4.  Bévue  africaine,  février  1859,  p.  166;  —  sur  ce  personnage  :  lUstoire  des 
Beni-Zeiyân,  p.  25;  —  le  Bostân  (notre  manuscrit,  p.  129). 


172  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

rieur  par  trois  toits  de  tuile  parallèles,  accostés  à  l'angle  Sud- 
Est  par  le  minaret.  A  Tintérieur,  deux  rangées  de  colonnes 
d'onyx,  réunies  entre  elles  par  des  arcades  en  fer  à  cheval, 
divisent  en  trois  nefs  la  salle  de  prière. 

Bien  qu'elle  ne  comporte  pas  les  dépendances  habituelles  de 
ce  genre  d'édifice,  la  cour^,  le  bassin,  les  portiques,  nous  avons 
peine  à  croire  que  le  plan  primitif  en  fut  très  différent  du  plan 
actuel.  Ses  proportions  mêmes  semblent  peu  conciliables  avec 
les  dispositions  ordinaires  des  mosquées  maghribines.  De  plus 
l'acte  de  habous  parle  de  six  boutiques  placées  contre  le  mur  Nord 
et  dont  la  porte  donne  du  même  côté.  Un  tel  voisinage  laisse 
peu  do  place  pour  une  porte  centrale  dans  l'axe  des  nefs.  — 
Selon  toute  apparence,  il  faut  y  voir,  plutôt  qu'un  temple  des- 
tiné à  recevoir  les  fidèles  d'un  quartier  commerçant,  un  petit 
oratoire  luxueux  (adjoint  peut-être  à  quelque  établissement 
préexistant-). 

Les  arcades,  au  nombre  de  six  et  les  quatre  murs  de  ce  petit 
monument  étaient  entièrement  revêtus  d'une  décoration  sculptée 
somptueuse  et  délicate,  maintenant  bien  attaquée  par  le  temps, 
victime  de  la  négligence  des  beys  et,  il  faut  bien  le  dire,  du 
vandahsme  des  premiers  occupants  français,  qui  le  choisirent 
comme  magasin  à  fourrages 

Le  mihrâb.  —  Le  mihrâb,  dont  l'ouverture  n'est  à  la  base 

1.  Une  courette  fort  simple  et  contenant  des  latrines  et  des  bassins  à  ablu- 
tions existait  autrefois  àTOuestde  l'édifice,  àTemplacement  aujourd'hui  occupé 
par  les  arrière-salles  du  musée. 

2.  Bargès,  qui  ne  la  visita  pas  intérieurement,  propose  de  Tidentifier  avec 
l'oratoire  de  la  Médersa  Yaqoubîya  {Tlemcen^  ancienne  capitale,  p.  387),  mais 
nous  savons  aujourd'hui  que  l'oratoire  de  la  Médersa  Yaqoubîya  était  la  mos- 
quée de  Sîdi-Brâhîm. 

3.  Cf.  Brosselard,  Revue  africaine,  février  1259,  p.  162.  —  Dans  son  article 
sur  Tlemcen,  paru  en  1893,  Ary  Renan  réclamait  la  restauration  entière  de 
«ce  petit  écrin,  la  mosquée  de  Belhacen»,  et  sa  transformation  en  musée. 


Pl.  VIII 


A.  Fontemoing,  Editeur,  Paris  .  l'hototypie  Berthaud 


MIHRÂB  DE  LA  MOSQUÉE  DE  SIDI  EELHASSEN 


MOSQUÉE  DE  SÎDI  BEL-HASSEN  1*3 

que  de  est  une  merveille  de  fantaisie  et  de  goût,  La 

petite  voûte  à  stalactites  de  la  niche  repose  sur  de  minces 
colonnettes,  engagées  aux  angles  du  plan  polygonal.  Les  colon- 
nettes  s'appuient  sur  la  corniche  qui  règne  à  la  naissance  de 
l'arc  d'ouverture.  Cet  arc  est  un  fer  à  cheval  plein  cintre  que 
soutiennent  deux  colonnes  d'onyx  engagées.  Un  admirable 
encadrement  Tentoure  qui,  revêtant  le  mur  à  partir  de  1™,60 
du  sol,  se  compose  de  la  manière  sui- 
vante : 

Une  première  bordure  circulaire  si- 
mulant des  claveaux  est  inscrite  entre 
l'arc  d'ouverture  et  un  second  arc  de 
cercle  plus  grand  dont  le  centre  est 
placé  au-dessus  du  premier.  Le  centre 
d'appareillage  des  claveaux  n'est  plus 
ici  placé  à  la  naissance  de  Tare,  mais 
au  milieu  de  la  ligne  des  centres.  Une 
deuxième  bordure  en  forme  de  cavet 
portant  une  inscription  cursive  encadre 
le  cintre  dans  un  rectangle  large  et 
forme  avec  lui  quatre  écoinçons  iné- 
gaux. Ces  écoinçons  sont  garnis  d'ara- 
besques ;  les  deux  plus  grands  (ceux 
de  la  partie  supérieure)  sont  ornés  à 
leur  centre  de  deux  boutons  spiralés, 
rappelant  certains  coquillages.  Une 
troisième    bordure    se    compose  de 

bandes  d'inscriptions  confiquesi  enlacées  d'arabesques  et  de 
carrés  à  décor  géométrique  marquant  les  angles.  Trois  fenêtres 


FiG.  2G. 

Décor  flanquant  les 
fenêtres  du  mihrâb. 


1.  Les  trois  derniers  versets  delà  sourate  VII,  habituels  sur  les  mihrâbs. 


l'74  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

en  plein  cintre  garnies  de  combinaisons  géométriqnes  repercées 
à  jour  forment  un  deuxième  étage,  qui  se  relie  au  premier  par 
deux  nouvelles  bordures  étroites  et  garnies  d'inscriptions  cur- 
sives. 

Les  mura.  —  Le  décor  des  arcs  de  la  colonnade  a  presque 
entièrement  disparu.  De  fausses  arcades  dentelées  assez  bien 
conservées  décorent  les  murs  ;  les  écoinçons  en  sont  revêtus 
de  motifs  à  répétition  inscrits  dans  des  losanges  [fig.  27),  ou 
d'arabesques  à  feuilles  lisses  et  larges.  De  petites  fenêtres  en 
plein  cintre  les  surmontent,  garnies  de  combinaisons  géomé- 


FiG.  27.  —  Décor  de  murs. 


triques;  un  décor  régulier  remplit  les  vides  [fig.  33  C);  des 
inscriptions  cursives  forment  bordure.  Une  frise  géométrique 
court  tout  autour  de  la  salle. 

Le  plafond.  —  Un  plafond  de  cèdre,  dont  il  ne  subsiste  que 
quelques  mètres,  garnissait  la  cliarpenterie  des  nefs.  Il  est 
d'un  travail  ingénieux  et  logique.  Nous  étudierons  à  Sîdi'l- 


MOSQUÉE  DE  SÎDI  BEL-HASSEN  115 

Halwi  un  spécimen  plus  complet  de  ce  mode  de  décoration. 

Le  style.  —  La  composition  des  panneaux,  celle  du  mihrâb 
surtout,  suit,  comme  on  le  voit,  la  formule  généralement  adop- 
tée, et  que  la  Grande  Mosquée  présente  déjà.  Cette  composi- 
tion est,  comme  le  plan  même  du  monument,  élégante  de  pro- 
portion et  clairement  distribuée.  Quant  aux  éléments  qui  rem- 
plissent les  surfaces,  ils  témoignent  d'un  art  savant  et  subtil, 
presque  complètement  libéré  de  toute  influence  byzantine, 
d'une  invention  pleine  de  souplesse  et  de  ressource.  Cet  ora- 
toire des  Beni-Zeiyân,  l'un  des  plus  anciens  monuments  de 
Tlemcen  et  l'ancêtre  de  presque  toutes  les  parties  subsistantes 
de  l'Alcazar  et  de  l'Alhambra,  porte  la  trace  d'une  culture 
artistique  qui  ne  sera  guère  dépassée.  Non  seulement  il  mérite 
d'être  étudié  en  lui-même,  comme  l'une  des  plus  séduisantes 
créations  de  l'art  musulman,  mais  il  offre  encore  à  l'archéo- 
logue un  exemple  important,  sans  remaniement,  et  de  date 
certaine,  des  détails  de  la  belle  époque  moresque.  C'est 
d'ailleurs  de  tous  les  monuments  de  Tlemcen  celui  qui  se  rap- 
proche le  plus  des  palais  espagnols  :  le  décor  épigraphique  et 
la  flore  établissent  leur  évidente  parenté  ^ 

L'arabesque  y  est  foisonnante  à  l'excès,  et  plus  peut-être 
que  dans  aucun  autre  monument  du  Maghrib  et  de  l'Andalou- 
sie. La  garniture  des  larges  bandes  de  la  cimaise  y  est  formée 
de  trois  niveaux  différents  de  motifs  épigraphiques  ou  de 
palmes;  mais  ces  trois  guipures  se  superposent  sans  se  mélan- 
ger ;  chacune  d'elles  conserve  d'un  bout  à  l'autre  son  caractère 
propre,  son  épaisseur  et  son  modelé,  et  l'inscription  coufîque 
qui  en  est  le  prétexte  reste  au  dessus  nette  et  lisible. 

1.  Cf.  suprà,  Introduction  (p.  37),  ce  qui  a  été  dit  des  ouvriers  demandés 
en  Espagne. 


176  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

Les  chapiteaux.  —  Les  chapiteaux  de  stuc,  plus  larges  que 
ceux  que  Ton  rencontre  généralement  à  l'Alhambra,  ne  sont 
pourtant  pas  sans  analogie  avec  eux,  avec  ceux  surtout  de 
la  cour  de  TAlberca  et  de  la  salle  qui  la  flanque  à  l'Ouest.  —  Ils 
sont  de  deux  modèles  différents  :  le  premier  [fig.  28),  décoré 
de  Finvariable  méandre  inférieur  et  d'enroulements  de  palmes 


Fig.  28.  —  Grand  chapiteau  supportant  les  arceaux  des  nefs 


lisses  entourant  une  coquille  centrale,  supporte  les  grands 
arceaux  de  la  nef;  le  second,  plus  petit,  où  les  feuilles  ciselées 
de  nervures  et  d'ornements  entourent,  outre  la  coquille  cen- 
trale, un  court  fragment  de  bandeau,  surmonte  les  colonnes 


MOSQUÉE  DE  SÎDI  BEL-HASSEN  117 

engagées  du  mihrâb.  Tous  deux  sont  d'un  style  touffu  et  infé- 
rieur, comme  composition,  à  ceux  que  produira  l'école  méri- 


FiG.  2t),  —  Coupole  du  mihràb. 


nide,  voire  même  aux  robustes  créations  qui  les  ont  précédées. 
La  proportion  est  saus  élégance,  l'ordonnance  confuse,  les 

12 


178  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

éléments  y  ont  des  valeurs  égales  et  monotones,  et  le  principe 
de  leurs  combinaisons,  malgré  des  reliefs  assez  habilement 
ménagés,  y  est  difficilement  lisible.  Ce  principe  n'est  qu'un 
développement  du  thème  primitif  :  rencontre  et  combinaison 
de  deux  gerbes  de  rinceaux,  l'une  s'échappant  de  la  palme 
enveloppante  des  angles,  l'autre  s'écartant  simplement  du 
centre,  ou  jaillissant  du  bandeau,  dont  nous  avons  essayé  plus 
haut  de  déterminer  l'origine,  La  coquille  qui  en  décore  l'axe, 
que  nous  retrouvons  plusieurs  fois  employée  dans  le  décor  de 
plâtre,  qui  réapparaît  même  dans  quelques  décors  mérinides, 
est  parmi  les  motifs  les  plus  usités  des  ornements  espagnols. 

La  coupole.  —  La  coupole  à  stalactites  part  d'un  plan  octo- 
gonal pour  arriver  à  une  coupolette  supérieure  à  seize  canne- 
lures. Elle  a  beaucoup  de  ressemblance  avec  celle  des  monu- 
ments de  Grenade  et  de  Séville,  mais  ne  fait  cependant  pas 
intervenir,  comme  la  plupart  de  ces  dernières,  le  rectangle 
recourbé.  L'étude  en  sera  facile,  grâce  au  relevé  géométral  que 
nous  donnons  d'après  Duthoit  ifig.  29)  et  à  la  vue  perspective 
d'un  des  angles  d'après  notre  croquis  [fig.  5). 

Elément  épigraphique.  —  On  trouvera  également  jointe  à 
cette  étude  la  reproduction  de  fragments  épigraphiques  [fig.  30). 
Le  coufiquey  est  d'un  style  très  ornemental,  voisin  des  exemples 
que  l'on  rencontre  à  l'Alhambra  et  à  l'Alcazar.  Les  formules 
de  bénédiction  y  sont  employées  comme  motifs  décoratifs  avec 
une  ingéniosité  qui  ne  sera  jamais  de^passée.  Parfois  elles 
forment  des  ornements  de  centre  et  se  mêlent  à  l'entrelacs  floral 
(écoinçonsj  [fig.  21^  33  B)  parfois  elles  .servent  en  se  répétant 
de  bordures  découpées  (arcades  près  du  mihrâb);  parfois  elles 
sont  le  point  de  départ  de  réseaux  divisant  les  surfaces  (cla- 
veaux, bordures  des  fenêtres  au  dessus  du  ndhrâb). 


(Les  deux  premières  lignes  sont  empruntées  au  cadre  de  uiihrâb,  les  deux  dernières 
à  l'inscription  dédicatoire  de  la  cimaise,) 


180  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

Élément  géométrique.  —  La  géométrie  joue  un  rôle  assez 
important  dans  le  décor.  Les  frises,  les  angles  de-bordure,  où 
l'on  rencontre  le  vieux  polygone  étoilé  à  huit  pointes  et  les  com- 
binaisons qu'il  engendre,  mais  où  apparaissent  aussi  les  rosaces 
à  seize  pointes,  les  petites  fenêtres  supérieures  surtout 
{fig.Si  et  32),  soit  complètement  ajourées,  soit  simulées  par 
des  tables  de  plâtre  décorées  de  réseaux  en  relief  et  oii  les 

surfaces  peintes  al- 
ternent avec  les  noirs 
des  défoncements,  les 
fins  quadrillages  re- 
percés remplaçant  le 
croisement  régulier 
des  rubans  de  la 
Grande  Mosquée  à 
l'en  tour  des  pan- 
neaux, tels  senties ju- 
dicieux emplois  de  la 
combinaison  géomé- 
trique, auxquels  vient 
s'ajouter  le  décor 
mosaïque  du  minaret. 

FiG.  31.  —  Garniture  de  fenêtre  Elément  floral.  — 

Le  décor  lierai  est 

celui  par  qui  la  parenté  de  notre  petite  mosquée  avec  les  monu- 
ments andalous  se  décèle  de  la  manière  la  plus  frappante. 
L'élément  invariablement  employé  n'est  encore  ici  que  la 

1.  Le  même  dessin  géométrique  se  rencontre  déjà  dans  une  claustra  de  la 
Grande  Mosquée  au-dessus  du  mihrâb.  L'axe  vertical  en  est  alors  la  ligne 
poiutillée  indiquée  dans  la  figure. 


MOSQUÉE  DE  SÎDI  BEL-HASSEN  181 

palme  simple  ou  double;  mais,  au  lieu  de  se  présenter,  découpée 
par  des  nervures  comme  à  la  Grande  Mosquée,  ou  lisse  comme 
dans  les  monuments  mérinides,  elle  est  souvent  ornée  de  rem- 
plissages variés,  de  divisions,  sans  rapport  avec  ses  divisions 
naturelles,  et  dont  les  décors  espagnols  offrent  à  chaque  pas 
des  exemples. 

Nous  présentons  ici  [fiq.  33)  trois  spécimens  de  ces  palmes  à 
ornements.  C'est 


d'abord  (F)  une  palme 
divisée  par  des  re- 
coupements depalmes 
secondaires  s'échap- 
pant  le  plus  souvent 
de  la  nervure  princi- 
pale ;  une  autre  (D) 
porte  une  succession 
régulière  de  petites 
dents  en  triangle  qui, 
suivant  généralement 
le  bord  extérieur, 
indiquent  le  souvenir 
des  découpures  de  la 
feuille.  Une  troisième 
(E)  qui  se  rencontre 
déjà  à  Sainte-Marie- 
la-Blanche  de  Tolède, 

est  revêtue  de  rinceaux  dont  Télément  principal  semble 
être  le  trèfle  à  trois  ou  quatre  feuilles  arrondies  (un  examen 
un  peu  attentif  de  la  flore  de  Cordoue  en  montrerait, 
croyons-nous,  l'origine).  Une  quatrième  palme  assez  souvent 


FiG.  32. 


Garniture  de  fenêtre. 


Fio.  33.  —  A,  décor'd'un  trumeau;  B,[motif  coufique  d'un''écoinçon;  C,  motif 
garaissant  les  murs  ;  DEF,  exemple  de  palmes. 


MOSQUÉE  DE  SÎDI  HEI^-IIASSEX 

employée  n'est  qu'une  interprétation  ornementale  de  la  feuille 
de  la  Grande  Mosquée.  Cette  dernière  feuille,  déformation 
évidente  de  l'acanthe  byzantine,  se  rencontre  aussi,  mais  très 
réduite  et  servant  toujours  de  remplissage  [figf.  27).  Quant  à 
la  feuille  lisse,  sans  occuper  la  place  que  lui  réservent  les  dé- 
corateurs mérinides,  elle  joue  cependant  un  rôle  fort  hono- 
rable à  côté  des  feuilles  à  décor  mentionnées  plus  haut 
{fig.  26,27,33). 

Le  minaret,  —  Le  minaret  est  d'une  hauteur  médiocre,  mais 
d'unejolie  proportion .  Comme 
son  ancêtre  de  la  Grande 
Mosquée,  il  ne  se  décore  que 
d'un  grand  réseau  d'arcades 
à  festons  soutenues  par  deux 
pilastres  embryonnaires  et 
deux  colonnettes  engagées, 
d'une  galerie  supérieure  for- 
mée de  trois  arcades  lobées 
semblablement  posées  sur 
des  colonnettes.  Le  décor 
céramique  en  trois  tons 
(vert,  brun,  blanc)  est  formé 
de  combinaisons  très  simples 


Fio.  34.  —  Chapiteau  en  mosaïque 
de  faïence  (au   tiers  de  rexécution). 


qui  semblent  caractéristiques 

des  minarets  de  cette  époque  et  dont  la  base  est  le  damier  à 
losanges.  On  y  trouve  aussi  des  fragments  incrustés  dans  le 
réseau  de  brique.  Enfin  les  éléments  les  plus  curieux  de  cette 
décoration  sont  les  seize  petits  chapiteaux  qui  soutiennent  les 
arcs  [fig.  34);  ils  sont  revêtus  de  mosaïque  de  faïence,  mode- 
lant et  dessinant  l'astragale,  le  méandre,  les  volutes  et  même 


184 


LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 


la  ligature  médiane  ;  ils  constituent  un  décor  logique  d'un  char- 
mant effet  et  l'un  des  seuls  exemples  de  céramique  habillant 
des  reliefs  que  TOccident  nous  ait  laissés 

1.  Nous  devons  la  communication  du  dessin  géométral  que  nous  en  don- 
nons à  Si  Mohammed-Ben-Kalfate,  qui  a  su  rendre  au  petit  minaret  de  Bel- 
Hassen  sa  parure  céramique,  très  endommagée  par  le  temps. 


MOSQUÉE  D'OULAD  EL-IMÀM 


VI 


MOSQUÉE  D'0ULAD-EL-I1V[AM< 


La  mosquée  d'Oulâd-El-Imâm  n'est  datée  par  aucune  ins- 
cription. Mais  nous  n'en  connaissons  pas  moins  Fépoque  approxi- 
mative de  sa  construction  première.  Des  textes  nous  ren- 
seignent à  cet  égard.  Elle  fut  édifiée  par  Abou-Hammou  P% 
comme  annexe  du  premier  collège  tlemcenien  dont  Fhistoire 
ait  gardé  le  souvenir  [El-Mêdersa  el-qadîmdy^ ,  on  peut,  selon 
toute  probabilité,  placer  sa  construction  aux  environs  de 
l'année  710.  Elle  aurait  été  spécialement  fondée,  pour  deux 
frères,  professeurs,  nommés  l'un  Abou-Zeid  Abd-er-Rahmân  et 
l'autre  Abou-Mousa  Isa.  Ces  deux  personnages,  originaires 
de  Brekch,  auprès  de  Tenès,  s'étant  fixés  à  Tlemcen,  y 
devinrent  les  conseillers  écoutés  des  princes  abd-el-wâdites. 
Yahya-ben-Khaldoun  nous  apprend  «  qu'Abou-Hammou  leur  fit 
l'accueil  le  plus  distingué  et  leur  fit  construire,  près  de  Bâb- 
Kechchout,  en  dedans  des  remparts  de  la  ville,  le  collège  qui 

1.  Notre  photographie  montre  l'élégant  minaret  du  quartier  Qouloughli  ;  à 
droite,  les  trois  pignons  indiquent  les  trois  nefs  qui  composent  à  elles  seules 
le  modeste  oratoire. 

2.  Cf.  Tlemcen^  ancienne  capitale^  p.  326  et  suiv. 


186  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

porte  leur  nom^  »  Cette  dénomination  de  médersa  Oulâd 
el-Imdm  (collège  des  fils  de  riniâm),  donnée  à  l'établissement 
concurremment  avec  celle  de  médersa  qadima  (vieux  collège), 
s'explique  par  ce  fait  que  le  père  des  deux  savants  était 
imâm  de  Brekch,  leur  ville  natale.  Aboud-Zeid  mourut  en 
1342,  et  Abou-Mousa  en  1347,  sous  la  domination  mérinide. 
Ils  avaient  su  s'attirer  la  considération  et  la  faveur  des  nou- 
veaux maîtres  de  Tlemcen.  La  tradition  veut  qu'ils  aient  été 
enterrés  à  l'intérieur  du  collège  qui  porte  leur  nom  2. 

Brosselard  a  cru  retrouver  des  tables  de  habous  de  la  mos- 
quée et  de  la  médersa  d'Oulâd-El-Imam^  ;  mais  il  semble  bien 
qu'il  se  soit  trompé.  Les  inscriptions  auxquelles  nous  faisons 
allusion  sont,  à  notre  avis,  des  tables  de  la  médersa  Yaqoubîja, 
et  non  de  la  médersa  d'Oulâd-El-Imâm.  Nous  exposerons,  en 
étudiant  la  mosquée  de  Sîdi  Brahîm,  les  raisons  sur  lesquelles 
nous  fondons  cette  opinion  personnelle,  en  contradiction  avec 
celle  de  notre  devancier. 

La  médersa  d'Oulâd-El-Imâm  a  complètement  disparu 
aujourd'hui.  Elle  devait  occuper  le  terrain  situé  au  bord  et  à 
rOuest  de  la  mosquée.  Cette  dernière  seule  à  survécu;  elle  est 
fort  délabrée,  mais  vaut  mieux  cependant  que  ce  qu'en  ont 
dit  ceux  qui  l'ont  étudiée  avant  nous.  Postérieure  d'une  quin- 
zaine d'années  à  la  mosquée  de  Sidi  Bel-Hassen,  la  mosquée 
d'Oulâd-El-Imâm  se  rattache  à  la  même  période  de  l'art 
maghribin  et  témoigne,  dans  sa  ruine  actuelle,  d'une  inspira- 
tion analogue,  pleine  de  science  et  de  goût. 

1.  Cf.  Complément  de  VUïstoire  des  Beni-Zeiyân,  p.  58  ;  on  y  trouve  une 
biographie  des  deux  personnages  en  question;  —  cf.  aussi  Histoire  des  Ber- 
bères, m,  386,  412  ;  IV,  223;  —  et  Boston  (notre  manuscrit,  p.  321  et  suiv.). 

2.  Cf.  Complément  de  VRistoire  des  Beni-Zeiyân,  p.  65. 

3.  Cf.  les  Inscriptions  arabes  de  Tlemcen  {Bévue  africaine,  février  1859, 
p.  169  et  suiv.). 


MOSQUÉE  D'0ULy\D-EL-IMÂM  187 

Comme  à  Sîdi  Bel-Hassen  il  n'y  eut  vraisemblablement 
jamais  ici  ni  çahn,  ni  porte  monumentale  adjoints  à  la  salle  de 
prière,  et  le  plan  a  dû  peu  varier.  Cependant  des  remaniements 
importants,  dont  nous  indiquerons  plus  loin  les  signes  presque 
indiscutables,  ont  pu  en  modifier,  à  une  époque  voisine  de  sa 
fondation  les  dispositions  premières.  La  seule  entrée  est  sur  le 
flanc  Nord  delà  salle.  Cette  disposition  est  toute  récente;  Bar- 
gès  vit  encore  la  porte  donnant  sur  Tenclos  qui  avoisine  la 
mosquée  au  Couchant,  en  face  du  mihrâb^  Quatre  arceaux  en 
plein  cintre  s'appujant  sur  le  mur  du  mihrâb,  sur  le  mur  opposé 
et  sur  deux  pieds  droits  médians  divisent  la  salle  en  trois  nefs 
irrégulières  et  dépourvues  de  tout  caractère  artistique.  Une 
colonne  d'onyx  dont  telle  ne  fut  point  sans  doute  la  destination 
primitive  est  engagée  dans  l'angle  Nord-Ouest  près  de  la  porte 
qui  s'ouvre  sur  Tescalier  du  minaret.  Seul  le  décor  très  ruiné 
du  mihrâb  et  le  haut  du  mur  opposé  trahissent  l'ancienne  splen- 
deur de  ce  petit  édifice. 

Le  mihrâb,  que  trois  petites  fenêtres  en  plein  cintre  sur- 
montent, suivant  la  classique  disposition,  montre  les  restes 
d'un  encadrement  dont  la  composition  de  plâtre,  très  fine,  très 
riche  et  très  serrée  rappelle  la  belle  création  d'Abou-Saîd 
Otsmân.  L'intérieur  de  la  niche,  couverte  d'une  coupole  à  sta- 
lactites se  terminant  par  une  coupolette  à  seize  cannelures,  est 
établie  sur  l'habituel  plan  octogonal.  Mais  elle  présente  cette 
particularité  que  deux  arcatures  à  colonnettes  s'y  superposent 
pour  porter  l'encorbellement:  celle  d'en  haut,  qui  disparait  pour 
le  spectateur  placé  dans  les  nefs,  bordée  de  découpages  ana- 
logues à  ceux  de  Sidi  Bel-Hassen,  celle  d'en  bas  bordée  par  la 

1.  Cf.  la  description  sommaire  qu'il  donne  de  ce  petit  monument  dans 
Tlemcen,  ancienne  capitale  de  ce  nom,  p.  327. 


188  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

disposition  de  palmes  dont  Sîdi  Bou-Médine  nous  offrira  un 
exemple. 

De  l'examen  de  cette  superposition,  de  la  présence 
d'un  cintre  de  maçonnerie  inemployé,  supérieur  au  cintre  actuel, 
il  résulte  que  toute  une  partie  du  mihrâb  a  été  abaissée  à 
une  époque  quelconque.  Si  on  observe,  d'autre  part,  que  le 
niveau  tout  entier  de  la  mosquée  est  en  contre  bas  des  ter- 
rains avoisinants,  on  s'explique  cet  abaissement  du  mihrâb. 

Mais  comment  expliquer  le  besoin  lui-même  d'agrandir  un 
tel  monument  en  hauteur  et  l'idée  d'en  descendre  le  niveau 
plutôt  que  d'en  surélever  les  combles?  Seul  le  respect  pour 
l'œuvre  d'un  âge  disparu,  joint  au  désir  d'augmenter  la  magni- 
ficence d'une  fondation  pieuse,  nous  semblent  pouvoir  motiver 
une  telle  accommodation.  Comme  on  le  sait,  en  effet,  les  mos- 
quées de  cette  époque  ne  comportent  qu'une  décoration  de  char- 
pentes et  de  plâtre  dans  les  parties  hautes  ;  en  abaissant  le 
sol,  on  laissait  cette  décoration  intacte. 

Restait  cependant  le  mihrâb,  dont  cet  abaissement  entraî- 
nait un  grave  changement  de  proportion.  Comment  faire  pour 
lui  conserver  l'harmonieux  rapport  de  ses  dimensions  pre- 
mières, sans  attaquer  un  cadre  dont  on  ne  savait  plus  créer 
l'équivalent,  qui  restait  comme  une  œuvre  inimitable  de  vieux 
artistes  disparus?  La  forte  cohésion  des  plâtres  arabes  en  don- 
nait le  moyen.  Ce  cadre,  détaché  pièce  par  pièce  du  mur  auquel 
il  adhérait,  et  un  nouveau  cintre  semblable  au  premier,  établi  à 
la  même  distance  du  sol,  c'est-à-dire  0°',82  en  dessous  de 
Tancien  niveau,  on  réappliqua  la  bordure  circulaire  à  claveaux 
les  écoinçons,  le  cavet  à  inscription  cursive,  les  trois  bandes 

1.  Voir  pour  la  composition  de  ce  cadre  la  Pl.  VIII  et  la  description  typique 
qui  la  commente,  p.  173. 


MOSQUÉE  d'oULÂD-EL-IMÂM  189 

d'inscriptions  coufiques  avec  les  carrés  de  leurs  angles;  puis,  dans 
le  vide  laissé  entre  le  revêtement  et  la  garniture  des  fenêtres 
supérieures,  on  établit  un  panneau  nouveau  de  0°',82  de  haut, 
décoré  tant  bien  que  mal  suivant  le  goût  du  jour.  Cette  déco- 
ration [fig.  35)  n'est  d'ailleurs  point  d'un  mauvais  style  ;  elle  est 
formée  d'entrelacs  lloraux  analogues  à  ceux  des  petits  cintres  du 
portail  de  Sîdi  Bou-Médine  ou  de  certains  revêtements  de 
l'Alhambra;  mais  ce  rapprochement  avec  les  fermes  et  délicats 


FiG.  35.  —  Décor  du  panneau  intercalé  (Cadre  du  mihràb). 

ornements  du  petit  mihrâb,  tout  ruiné  qu'il  se  présente  à  nous, 
ne  lui  est  pas  favorable  :  la  ligne  est  un  peu  molle  et  Tenlace- 
ment  sans  tenue  ;  de  plus  il  est  de  ces  garnitures  à  réi)étition 
sans  axe  et  sans  arrêts  que  la  bonne  époque  n'emploie  que 
pour  les  grandes  surfaces  et  qui  n'intervient  jamais  dans  la 


i90  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

composition  d'un  motif  central,  tel  qu'un  cadre  de  mihrâb. 

La  mosquée  n'est  postérieure  que  de  (quatorze  ans  à  celle  de 
Sîdi  Bel-Hassen  ;  les  mêmes  caractères  généraux  s'y  retrouvent  : 
l'écriture  coufique  y  est  sensiblement  du  même  style  ;  le  même 
rôle  y  est  donné  aux  monogrammes  et  aux  sentences  ;  on  y 
retrouve  la  coquille,  et  la  palme  à  rinceaux  de  feuilles  arron- 
dies y  court  semblablement  dans  l'inscription  du  cadre  rectan- 
gulaire. 

A  quelle  époque  faut-il  attribuer  la  réfection  du  miliràb  ?  Le 
style  du  rectangle  et  des  arcades  simulées  dans  la  niche  semble 
appartenir,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  au  milieu  du  xiv"  siècle.  Peut- 
être  faut-il  attribuer  les  modifications  que  nous  venons  de  signa- 
ler au  plus  glorieux  des  zeiyânides,  le  restaurateur  Abou-Ham- 
niou  II  ;  peut-être  cependant  faut-il  en  reculer  la  date  jusqu'au 
règne  d'Abou'l-Abbàs  Ahmed.  A  cet  égard,  les  textes  et  la  tra- 
dition sont  également  muets.  Quoi  qu'il  en  soit  de  l'époque  de 
ces  remaniements,  on  doit  rendre  justice  aux  artistes  qui  l'exécu- 
tèrent, et  reconnaitre  que,  tout  en  sachant  encore  eux-mêmes 
fort  bien  tracer  un  entrelacs  et  modeler  le  plâtre,  ils  eurent 
le  respect  d'une  manifestation  d'art  plus  parfaite,  et  se 
gardèrent  d'en  détruire  le  charme  par  une  indiscrète  restaura- 
tion. 

Le  minaret  qui  accompagne  cette  salle  de  prière  est  élégant 
et  pourvu  d'une  bonne  décoration  céramique  en  trois  tons,  vert, 
brun  et  blanc.  Le  blanc  est  d'une  très  jolie  tonalité  verdâtre,  qui 
contribue  beaucoup  à  l'harmonie  générale.  La  base  des  combi- 
naisons employées  est,  comme  à  Sîdi  Bol-Hassen,  le  damier  à 
losanges.  Un  premier  panneau  est  formé  d'une  arcade  feston- 
née portant  des  écoinçons  de  mosaïque  verts  et  blancs.  Un 
second  panneau  de  deux  arcades  lobées  est  entouré  d'un  cadre  à 


MOSQUÉE  d'oULÂD-EL-IMÂM  l9l 

décor  vert,  blanc  et  brun;  c'est  le  seul  exemple  que  ùous  con- 
naissions de  ce  genre  de  décor.  Une  bande  semblable  à  celle 
de  Sîdi  Bel-Hassen  forme  ceinture  à  la  base  de  la  galerie  supé- 
rieure. Quatre  nierions  ornent  les  angles  de  la  tour,  que  cou- 
ronne un  campanile  très  simple. 


vu 


EL-MANSOURAH 


A  environ  5  kilomètres  Ouest  de  Tlemcen,  la  route  de 
Tlemcen  à  Maghnia  traverse  un  très  vaste  ensemble  de  ruines, 
périmètre  de  murailles,  mosquée,  qasbali.  Ce  sont  les  débris 
de  la  ville  mérinide  de  Mansourah.  Cette  cité  éphémère  — 
elle  vécut  soixante  ans  à  peine  —  eut  son  origine  dans  un 
siège  mémorable  que  Tlemcen  soutint  à  la  fin  du  xiif  siècle  et 
au  commencement  du  xiy\  Il  nous  paraît  bon,  avant  d'en  décrire 
et  d'en  étudier  les  ruines,  de  rappeler  brièvement  son  histoire. 

En  698,  le  sultan  mérinide  Abou-Yaqoub,  à  la  tète  d'une 
nombreuse  armée,  vint  s'établir  dans  la  grande  plaine  qui 
s'étend  entre  Tlemcen  et  le  col  du  Juif.  Il  dressa  son  camp  à 
l'endroit  connu  sous  le  nom  de  <(  Rendez-vous  d'Ibn-Çaïqal ^  ». 
A  plusieurs  reprises  déjà,  en  689,  en  695,  en  697,  il  avait 
menacé  la  capitale  abd-el-wâdite.  Les  fortes  murailles  de  la 
ville  lui  avaient  opposé  une  résistance  insurmontable.  Cette 
fois,  il  résolut  d'en  venir  à  bout  par  la  famine,  la  bloqua  étroi- 
tement, l'emprisonna  dans  un  ensemble  d'ouvrages  de  circon- 

1.  Cf.  Complément  de  V Histoire  des  Beni-Zeiy an ^  p.  35;  les  exemplaires  de 
la  Bacjhyal  er-Rouwâd,  que  nous  avons  consultés,  portent  «  le  hameau  d'ibn 
Çaïqal  ». 


p:l-mansourah  193 

vallations,  et  reçut  la  soumission  de  tout  le  pays  environnant. 
Tlemcen  était  réduite  à  ses  propres  ressources  et  ne  pouvait 
rien  attendre  du  dehors  :  «  Un  esprit,  un  être  invisible,  dit 
Ibn-Khaldoun,  aurait  eu  delà  peine  à  pénétrer  dans  la  ville.  » 
Elle  ne  se  rendait  pas  cependant,  et  le  siège  devait  se  pro- 
longer huit  ans.  A  Tapproche  do  l'hiver,  le  sultan  mérinide  se 
fit  bâtir  une  demeure  royale  dans  son  camp;  en  face,  il  jeta 
les  fondements  d'une  mosquée  pour  lui  et  son  armée  ;  autour, 
des  habitations  de  soldats,  de  fonctionnaires  royaux  s'élevèrent, 
et  le  tout  fut  défendu  par  une  muraille.  Cette  ville  improvisée 
reçut  le  nom  de  El-Mahalla  El-Mançoura^  «  le  camp  victo- 
rieux ».  Deux  ans  après,  son  importance  s'étant  accrue,  le 
sultan  la  fît  ceindre  d'un  vaste  périmètre  de  murs,  et  la  cité 
mérinide,  dressée  en  face  de  la  vieille  capitale  abd-el-wâdite 
assiégée,  s'appela  alors  «  Tlemcen-la-Neuve  ».  «  Ce  fut  en 
l'an  702,  dit  Ibn-Khaldoun,  que  le  sultan  fît  bâtir  l'enceinte 
de  murs,  et  qu'il  forma  ainsi  une  ville  admirable,  tant  par  son 
étendue  et  sa  nombreuse  population  que  par  l'activité  de  son 
commerce  et  la  solidité  de  ses  fortications.  Elle  renfermait 
des  bains,  des  caravansérails,  ainsi  qu'une  mosquée  où  l'on 
célébrait  la  prière  du  vendredi,  et  dont  le  minaret  était  d'une 
hauteur  extraordinaire.  Cette  ville  reçut  de  son  fondateur  le 
nom  de  El-Mançoura.  De  jour  en  jour,  elle  vit  sa  prospérité 
augmenter,  ses  marchés  regorger  de  denrées  et  do  négociants 
venus  de  tous  les  pays.  Aussi  prit-elle  bientôt  le  premier  rang 
parnn  les  villes  du  Maghrib  i.  »  —  Pendant  ce  temps  la  ville 
investie  souffrait  de  toutes  les  horreurs  de  la  famine.  Nous  ne 
nous  étendrons  pas  sur  les  récits  très  détaillés  que  nous  ont 

1.  Cf.,  sur  toute  cette  partie  de  Ttiistoire  de  Tlemcen,  Histoire  des  Ber- 
bères, m,  p.  141  et  suiv. 

13 


194  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

laissés  les  auteurs  arabes  de  cette  période  dramatique  de 
l'histoire  tlemcenienne  ^  Il  suffira  de  dire  que,  quatre  ans 
plus  tard,  Tlemcen,  à  la  dernière  extrémité,  ayant  perdu 
nombre  de  ses  défenseurs,  allait  succomber,  lorsque  le  poi- 
gnard dïm  assassin  la  sauva.  Abou-Yaqoub  fut  tué  à  Man- 
sourah  par  un  de  ses  esclaves.  Son  petit-fils  Abou-Tsâbit  Omar, 
impatient  de  s'assurer  la  possession  du  trône  qui  lui  était  con- 
testée, se  hâta  de  lever  le  siège  et  de  regagner  Fâs^.  Avant 
de  partir,  il  conclut  la  paix  avec  le  sultan  abd-el-wâdite  Abou- 
Hammou  ;  une  clause  du  traité  réglait  le  sort  de  «  Tlemcen-la- 
Neuve  ».  Suivant  Yahja  ben-Khaldoun,  elle  demeurait,  aux 
portes  de  la  capitale  abd-el-wâdite,  vassale  des  Mérinides  ; 
les  souverains  de  Tlemcen  devaient  la  respecter  et  laisser  s'y 
établir  ceux  qui  le  désireraient.  Ce  récit  n'est  pas  en  complet 
accord  avec  ce  que  dit  Abd-er-Rahmân  ben-Khaldoun  de  l'aban- 
don de  Mansourah  par  les  Mérinides  ;  cet  auteur  prétend  que 
Abou-Tsâbit  Omar  chargea  un  de  ses  vizirs  de  présider  à 
l'évacuation  de  la  place,  que  les  habitants  la  quittèrent  succes- 
sivement classe  par  classe,  et  qu'en  se  retirant  le  vizir  laissa 
Mansourah  complètement  vide  '^. 

Cette  histoire  de  fondation  de  ville  à  remplacement  d'un 
camp,  si  étrange  qu'elle  paraisse,  n'est  pas  un  fait  isolé  dans 
les  annales  des  peuples  musulmans.  Dès  les  premiers  âges  de 

1.  On  trouvera  les  principaux  épisodes  du  siège  de  Tlemcen  parfaitement 
racontés  ap.  Brosselard,  Revue  africaine.,  juin  1859,  p.  323  et  suiv.  ;  —  aussi 
Toynbeaux  des  Emirs  Beni-Zeiyân,  p.  32,  33. 

2.  Une  bataille  entre  Abou-Tsâbit  Omar,  et  son  concurrent  Abou-Sâlim, 
faillit  même  être  livrée  sous  les  murs  de  Mansourab.  Le  corps  d'Abou-Yaqoub 
aurait  d'abord  été  enterré  à  Mansourah,  puis  plus  tard  transporté  à  Cbella 
(Cf.  Histoire  des  Berbères,  IV,  p.  169  et  suiv.). 

3.  Cf.  Bargès,  Tlemcen,  ancienne  capitale,  p.  256  ;  Histoire  des  Berbères,  IV, 
p.  173. 


EL-MANSOURAH  d95 

rislam,  Fosiàt  (le  vieux  Caire)  n'aurait,  suivant  une  tradition 
constante,  pas  eu  une  autre  origine.  Tagrârt  elle-même,  l'an- 
cêtre de  la  Tlemcen  moderne,  s'éleva  à  la  place  où  les  Almo- 
ravides,  assiégeant  Agadir,  avaient  dressé  leurs  tentes.  Deux 
exemples  fournis  par  l'histoire  du  Maghrib,  au  siècle  même  qui 
vit  naître  Mansourah,  doivent  tout  particulièrement  être  rap- 
pelés ici.  En  726,  Ibn-Ali  El-Kordi,  général  d'Abou-Tâchfin, 
faisant  le  siège  de  Bougie,  choisit  un  emplacement  nommé 
Soûq  El-Khemîs,  y  rassembla  des  ouvriers,  les  fit  aider  par 
ses  propres  soldats  et,  dans  l'espace  de  quarante  jours,  acheva 
la  construction  d'une  nouvelle  ville,  qui  reçut  le  nom  de  Tem- 
zezdekt.  En  733,  le  futur  restaurateur  de  Mansourah,  Abou'l- 
Hasen  le  Mérinide,  investissant  Sidjilmessa,  employa  une 
foule  d'ouvriers  à  construire  une  ville  sous  les  murs  de  la 
place  ^  Pour  s'expHquer  ces  singulières  fondations,  il  faut  con- 
sidérer que,  d'une  part,  la  composition  des  armées  maghri- 
bines,  au  moyen  âge,  en  rendait  l'entreprise  utile,  que, 
de  l'autre,  la  commodité  des  matériaux  employés  en  faci- 
litait l'exécution.  Une  armée  mérinide  ou  abd-el-wâdite 
peut  en  quelque  sorte  apparaître  comme  une  réunion 
de  smalas.  Dans  beaucoup  de  contingents,  les  combat- 
tants marchaient  accompagnés  de  leurs  familles.  Une  popu- 
lation de  marchands,  de  fournisseurs  divers  venait  encore 
s'adjoindre  à  cette  foule  disparate;  et  dans  un  siège  qui  devait 
durer  plusieurs  années,  l'on  comprendra  que  la  construction 
d'abris  fixes,  à  l'endroit  où  avait  été  dressé  le  camp,  appa- 
raissait comme  une  nécessité  de  premier  ordre-.  Ces  abris, 
véritables  gourbis  de  plâtre,  de  terre  prise  sur  place  et  battue 

1.  Cf.  Histoire  des  Berbères,  111,  p.  405;  IV,  p.  213. 

2.  Déjà,  dans  une  expédition  avortée  contre  Tlemcen,  en  697  (1297),  Yousef 


196  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

en  pisé,  pouvaient  couvrir,  en  des  temps  extraordinairement 
courts,  de  vastes  espaces,  et  leur  groupement  prenait  l'aspect 
d'une  véritable  ville  improvisée.  Au  reste,  ils  disparaissaient 
plus  rapidement  encore.  Temzezdekt,  dont  le  nom  a  été  cité 
plus  haut,  fut  renversée  en  une  heure  par  Abou-Yahya  Abou- 
Bakr.  Mansourah  elle-même,  après  l'évacuation  d'Abou-Tsâbit 
Omar  en  706,  fut  si  sérieusement  ruinée  par  les  Abd-el- 
Wâdites  que,  sept  ans  après,  le  Mérinide  Abou-Saîd,  revenant 
assiéger  Tlemcen,  n  y  établit  pas  tout  d'abord  son  camp  K  Ary 
Renan  a  très  bien  vu,  selon  nous,  le  caractère  de  la  Mansourah 
primitive,  et  l'a  justement  comparée  à  la  première  Cairouan  : 
«  L'assiégeant  eut  tout  juste  le  loisir  de  bâtir  l'admirable  péri- 
mètre de  murailles  qui  existe  encore,  d  j  élever  une  mosquée 
et  quelques  palais.  Le  reste  de  l'espace  dut  être  occupé  par 
un  vaste  camp,  des  marchés  en  plein  air,  des  tentes,  des  abris 
légers,  qui  étaient  d'une  construction  rapide  et  dont  la  des- 
truction avait  lieu  en  un  jour^.  »  Selon  toute  vraisemblance, 
les  choses  durent  bien  se  passer  ainsi  ;  mais  l'imagination  popu- 
laire ne  se  contenta  pas  de  cette  réalité  trop  modeste,  et  fît 
de  Mansourah  une  cité  merveilleuse  sortie  en  une  nuit  de  terre 
sur  le  geste  d'un  sultan  orgueilleux-'''.  A  notre  avis,  Ibn-Khal- 
doun  lui-même,  dans  sa  brillante  description  de  Tlemcen-la- 
Neuve,  que  nous  avons  donnée  plus  haut,  s'est  laissé  fortement 

le  Mérinide  commença  à  construire  des  logements  pour  ses  troupes  [Histoire 
des  Berbères,  III,  ST.'i). 

1.  Il  l'établit  au  melab  (hippodrome),  situé  beaucoup  plus  près  de  la  ville, 
non  loin,  selon  les  renseignements  fournis  par  les  textes,  de  l'endroit  où 
s'élève  aujourd'hui  la  qoubba  de  Baba-Safîr. 

2.  Cf.  Gazette  des  Beaux-Arts,  1091,  I,  p.  371. 

3.  Elle  attribua  au  Mérinide  le  surnom  de  «  sultan  noir  »,  donna  aux  chevaux 
de  son  armée  des  fers  d'or,  cloués  de  clous  d'argent.  Cette  légende  du  «  sultan 
noir  »  a  été  étudiée  d'une  façon  complète  par  Basset,  ap.  Nedromali  et  les 
Traras,  p.  20i  à  212. 


EL-MANSOURAH  197 

influencer  par  cette  conception  populaire.  Nous  ne  croyons 
pas  que  Abou-Yaqoub,  le  jour  où  il  fit  battre  et  mettre  en 
place  le  premier  bloc  de  pisé  pour  son  palais  d'hivernage  de 
Mansourah,  eut  le  dessein  arrêté  de  construire  une  ville  nou- 
velle. Le  récit  des  historiens  permet  de  distinguer  plusieurs 
phases  dans  le  développement,  si  rapide  qu'il  fut,  de  la  cité 
mérinide.  Jusqu'en  702,  elle  n'est  qu'un  camp^  «  le  camp  vic- 
torieux »,  avec  une  mosquée  et  qnelques  édifices  importants 
destinés  à  abriter  le  sultan  et  les  chefs  mérinides  contre  les 
rigueurs  de  l'hiver  tlemcenien.  A  cette  époque,  par  la  cons- 
truction d'un  mur  d'enceinte  considérable,  elle  devient  une 
ville  et  prend  le  nom  de  «  Tlemcen-la-Neuve  ».  Cet  accroisse- 
ment subit  d'importance  du  camp  mérinide  peut  très  bien  être 
expliqué  par  une  cause  économique  :  Tlemcen,  siège  d'un 
immense  trafic,  point  de  départ  et  d'arrivée  de  nom])reuses 
caravanes,  est  subitement  fermée  au  négoce  par  un  blocus 
étroit.  Il  est  tout  naturel  que,  pendant  les  années  que  dura  le 
siège,  Mansourah,  heureusement  située,  libre  d'accès,  se  soit 
substituée,  comme  grand  marché  du  Maghrib  central,  à  la 
vieille  capitale  abd-el-wâdite  ;  et  cette  soudaine  prospérité 
commerciale,  mise  à  profit  par  un  monarque  ambitieux,  trans- 
forme le  camp  de  la  veille  en  une  véritable  cité. 

La  mosquée,  dont  le  minaret  ruiné  domine  la  route  de  Maghnia, 
le  périmètre  des  murailles  nous  offrent-ils  des  monuments  de  la 
Mansourah  primitive  ?  Malgré  Taffirmation  catégorique  des  his- 
toriens, le  fait  demeure  au  moins  douteux.  Tout  d'abord,  nous 
savons  que  l'enceinte  démantelée  par  les  Abd-el-Wâdites  fut 
réparée  trente  ans  plus  tard,  pendant  ou  après  le  second  siège  de 
Tlemcen  par  Abou'l-Hasen.  Quelle  fut,  au  juste,  l'importance 
du  démantèlement  et,  par  suite,  de  la  restauration?  On  ne  sau- 


19^  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

rait  guère  le  dire.  D'autre  part,  il  est  remarquable  qu'une  ins- 
cription gravée  sur  le  cadre  de  pierre  du  portail  du  minaret, 
si  elle  attribue  la  fondation  de  la  mosquée  à  Abou-Yaqoub, 
qualifie  ce  monarque  de  «  défunt  '  »  ;  et,  par  là  même,  elle 
montre  que  la  partie  de  l'édifice  qui  la  porte  fut,  sinon  cons- 
truite, du  moins  sérieusement  retravaillée  à  une  époque  posté- 
rieure. Cette  époque  ne  peut  être  que  celle  d'Abou'l-Hasen,  le 
conquérant  de  Tlemcen.  Le  fait  que,  dans  sa  courte  existence, 
Mansourah  a  été  le  camp  de  deux  princes  appartenant  à  la 
même  dynastie,  qu'elle  les  a  vus  travailler  tous  deux  à  ses 
édifices,  a  provoqué  une  confusion  fort  explicable  dans  les 
récits  de  ceux  qui  ont  retracé  son  curieux  développement  -  ;  et, 
il  n'est  en  somme  pas  facile  de  démêler,  dans  cet  ensemble  de 
ruines,  ce  qui  appartient  à  la  fondation  d' Abou-Yaqoub  ou  à  la 
restauration  d'Abou'l-Hasen.  Nous  arrivons  maintenant  à  la 
deuxième  période  de  l'histoire  de  Mansourah. 

D'après  les  conventions  passées  entre  Abou-Tsâbit  Omar,  et 
l'Abd-el-wâdite  Abou-Hammou,  Mansourah  devait  être  respec- 
tée après  le  départ  des  Mérinides.  Cette  clause  du  traité  ne 
dut  être  observée  que  pendant  quelques  années.  Aussitôt  que 
la  bonne  harmonie  se  rompit  de  nouveau  entre  les  sultans  de 
Tlemcen  et  ceux  de  Fâs,  Mansourah  fut  systématiquement 
démolie  par  les  premiers'^;  les  ouvrages  de  fortification,  qui 
pouvaient  fournir  un  point  d'appui  redoutable  à  l'assaillant,  au 
cas  d'un  nouveau  siège  de  Tlemcen,  durent  particulièrement 

\.  Cf.  Brosselard,  les  Inscriptions  arabes  de  Tlemcen,  ap.  Revue  africaine, 
juin  1859,  p.  335,  336. 

2.  C'est  ainsi  que  Shaw  en  attribue  la  construction  première  à  Abou'l-Hasen 
(traduction  Mac  Carthy,  p.  244  ;  —  Cf.  la  discussion  de  Bargès,  qui  relève 
Terreur  de  cet  auteur  ap.  Tlemcen,  ancienne  capitale,  p.  255). 

3.  Cî.  Histoire  des  Berbères,  ly,  lis  ;  —  Histoire  des  Beni-Zeiijân,  p.  38. 


EL-MANSOURAH  199 

avoir  à  souffrir  de  la  part  des  monarques  abd-el-wâdites  ;  et  de 
fait,  lorsque,  en  735,  Abou'l-Hasenpetit-fîlsd'Abou-Yaqoub  vint 
renouveler  contre  la  capitale  abd-el-wâdite  l'entreprise  de  son 
aïeul,  son  premier  soin  fut  de  relever  ce  qui  avait  été  jeté  à 
terre  des  constructions  de  Mansourah^  monarque,  entré  en 
vainqueur  à  Tlemcen,  en  737,  n'abandonna  pas  son  camp  pour 
sa  nouvelle  conquête.  Il  fît  de  Mansourah  la  ville  officielle,  le 
siège  du  gouvernement  mérinide  sur  le  Maghrib  central  et 
revint  personnellement  s'y  installer  aussitôt  après  la  prise  de 
la  capitale  abd-el-wâdite.  Ce  sultan  semble  même  avoir  eu  une 
vive  prédilection  pour  la  cité  nouvelle  fondée  par  son  aïeul.  Il 
y  résida  presque  continuellement  jusqu'à  ces  entreprises  mal- 
heureuses en  Ifriqîj-a,  vers  748.  A  cet  effet,  il  s'y  fît  construire 
un  palais,  le  palais  de  la  Victoire,  avec  de  vastes  dépen- 
dances, des  jardins,  des  pièces  d'eau.  Le  tout  devait  former 
une  véritable  qasbah,  oii  un  trésor  considérable  était  amassé  2. 
C'est  à  ce  prince  qu'il  faut  vraisemblablement  attribuer  la  créa- 
tion du  quartier  oriental  de  la  ville,  dont  les  restes  offrent 
encore  un  ensemble  assez  important  de  ruines.  D'autre  part 
nous  avons  dit  qu'il  retravailla,  selon  toute  vraisemblance,  à  la 
grande  mosquée. 

Les  somptueux  ouvrages  d'onyx,  dalles,  colonnes,  chapiteaux, 
bassins  à  ablutions,  qui  ont  été  retrouvés  dans  les  ruines  de 
cet  édifice,  datent  bien  plutôt  de  son  époque  que  de  celle 
d'Abou-Yaqoùb.  Il  fit  de  grands  efforts  pour  donner  à  Man- 
sourah le  caractère  d'une  véritable  cité  et  en  môme  temps 

1.  Tous  les  historiens  arabes  disent  qu'AbouH-Hasen  hnlit  Mansourah,  ce 
qui  semble  indiquer  une  restauration  complète  de  la  ville  (Cf.  Histoire  des 
Berbères,  IV,  p.  221  ;  Histoire  des  Deni-Zeiynn,  p.  53  ;  —  Complément,  p.  71). 

2.  Cf.  Histoire  des  Berbères,  IV,  213,  in  fine; —  sur  le  palais  de  la  Victoire, 
Brosselard,  Revue  africaine,  juin  1859,  p.  337,  338. 


200 


LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 


qu'il  augmentait  le  nombre  et  Timportance  de  ses  monuments, 
il  se  préoccupait  d'y  attirer  une  population  fixe^.  De  fait,  Man- 
sourah  est  parfaitement  qualifiée  de  ville ^  dans  des  textes  de 
son  époque  2.  On  caractériserait  assez  bien  le  développement  de 
Tlemcen-la-Neuve,  dans  sa  très  courte  existence,  en  disant 
qu'il  fut  spontané  bien  plus  que  voulu  à  l'époque  d'Abou- 
Yaqoub,  et  essentiellement  voulu  à  l'époque  d'Abou'i-Hasen. 
Cette  œuvre  quasi  artificielle,  très  propre  à  flatter  les  goûts 
bâtisseurs  du  monarque  qui  l'avait  entreprise,  ne  pouvait 
guère  au  reste  lui  survivre.  Déjà  le  successeur  d'Abou'l-Hasen, 
Abou-Inân  Fâres,  rappelé  vers  le  Maghrib  occidental  par  les 
événements  politiques,  abandonna  la  résidence  de  Tlemcen-la- 
Neuve.  Le  palais  de  la  Victoire  n'a  plus  d'hôte  royal  ;  peut- 
être  même  est-il,  avant  son  complet  achèvement,  dépouillé  de 
quelques-unes  de  ses  colonnes  au  profit  des  nouvelles  construc- 
tions d'Abou-Inân  (cf.  inf.^  p.  292  et  ss.).  La  restauration  des 
Beni-Zeiyân  devait  consommer  la  ruine  de  Mansourah. 

Les  descendants  de  Yarmorâsen,  en  remontant  sur  le  trône, 
frappèrent  la  cité  mérinide  d'un  arrêt  de  mort.  Systématique- 
ment, ils  ruinèrent  cette  ville  voisine  rivale  de  leur  capitale, 
qui  aurait  perpétué  le  souvenir  de  l'abaissement  de  leur  dynas- 
tie. Le  démantèlement  des  murs,  la  destruction  du  palais  de 
la  Victoire,  probablement  aussi  de  la  mosquée,  fut  en  principe 

1.  «Le  chîkh  Sîdi  Lahsen  racontait  que  sa  mère,  d'origine  raasmoudienne, 
était  venue  s'établir  dans  la  région  de  Tlemcen,  à  la  suite  du  sultan  Abou'l- 
Hasen.  Elle  habitait  la  ville  que  ce  sultan  avait  fait  construire  pendant  le 
siège,  et  qui  portait  le  nom  de  INIansourab  ;  le  chîkh  ajoutait  que,  lorsqu'il  se 
promenait,  enfant,  avec  sa  mère  dans  les  ruines  de  Mansourah,  elle  lui  disait  : 
«C'est  ici,  mon  fils,  qu'était  située  la  maison  où  nous  demeurions  à  l'époque 
où  cette  ville  était  encore  habitée.  »  (Cf.  Bostân,  notre  manuscrit,  p.  170  ;  — 
Complément  de  l'Histoire  des  Beni-Zeiyân,  p.  322.) 

2.  Par  exemple,  dans  le  babous  de  Sîdi  Bou-Médine  (Cf.  Brosselard,  les  Ins- 
criptions  arabes  de  Tlemcen,  ap.  Revue  africaine^  août  1859,  p.  415). 


o' 

3 
o_ 

w 


O 


o 
o 

te 


EL-MANSOURAH  201 

l'œuvre  de  la  main  des  hommes.  Le  temps  ne  fît  que  racliever 
en  amenant  les  restes  de  Tlemcen-la-Neuve  au  point  de  dégra- 
dation oii  nousles  voyons  aujourd'hui.  La  charrue  fut  passée  snr 
son  sol.  Dès  l'époque  de  Tenesi,  elle  était  redeveniie,  sur  une 
grande  partie  de  sa  superficie,  à  l'état  de  champs  cultivés  L 
En  outre,  Mansourah  fut  exploitée,  aux  âges  postérieurs, 
comme  une  véritable  carrière  de  marbre  taillé.  La  qoubba  de 
Sîdi  Bou-Médine,  la  mosquée  du  Méchouar,  la  Grande  Mos- 
quée, probablement  aussi  la  qoubba  de  Sîdi  Brâhîm  reçurent 
leur  part  des  dalles,  des  colonnes,  des  chapiteaux  d'onyx  de  la 
mosquée  de  Mansourah,  et  du  palais  de  la  Victoire.  Il  n'est  pas 
jusqu'à  l'église  catholique  qui,  de  nos  jours,  ne  se  soit  enrichie 
des  dépouilles  de  la  cité  mérinide  :  la  cuve  des  fonts  baptis- 
maux a  été  taillée  dans  un  bloc  d'onyx  vert  provenant  du 
temple  musulman  fondé  par  Abou-Yaqoub. 

A.  —  Enceinte  de  Mansourah.  —  Ruines  de  la  Qasbah 

V enceinte.  —  Une  muraille  de  pisé  entourait  Mansourah  -. 
Elle  avait  1°',50  d'épaisseur  à  sa  base  et  se  rétrécissait  au 
sommet  pour  former,  à  l'intérieur  de  la  ville,  un  chemin  de 
ronde  continu.  Des  créneaux  la  surmontaient.  Comme  l'enceinte 
de  Tlemcen,  elle  était  flanquée  sur  tout  son  pourtour,  d'après 

1.  Cf.  Histoire  des  Beiii-Zeiydn,  p.  53;  Complément  de  rilistoive  des  Beni- 
Zeiyân^  p.  33. 

2.  On  trouvera  des  descriptions  de  Mansourah  ap.  Bargès,  Tlemcen  capi- 
tale, p.  249  etsuiv.  ;  —  Brosselard,  les  Inscriptions  arabes  de  Tlemcen  {Revue 
africaine,  juin  1859);  —  de  Lorral,  Tlemcen  (Tour  du  Monde,  1875),  p.  301  et 
suiv.  —  Notre  vue  panoramique  est  prise  de  la  route  de  Sebdou.  On  distingue  au 
second  plan  à  droite  les  maisons  du  village  français,  à  gauche  la  face  pos- 
térieure du  minaret. 


•202  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCKN 

la  coutume  byzantine,  d'environ  quatre-vingts  tours  carrées  ou 
barlongues,  ayant  sur  la  courtine  un  assez  faible  commande- 
ment. L'espace  compris  entre  ces  tours  flanquantes  était 
assez  variable.  Comme  la  déclivité  du  terrain  était  très  sen- 
sible, des  rampes,  réunissant  les  tronçons  du  chemin  de 
ronde,  rachetaient  les  différences  de  niveau  ^ 


FiG.  36.  —  Construction  d'une  tour  de  flanquement. 

Il  n'y  a  pas  trace  de  mur  avancé  ;  il  est  difficile  de 
croire  à  l'existence  d'un  fossé  faisant  le  tour  de  la  ville; 


1.  Comp,  une  restauration  de  la  citadelle  byzantine  de  Haïdra,  ap.  Gagnât 
etSaladin,  Voyage  en  Tunisie  {Tour  du  Monde,  1886,  II,  p.  229.) 


EL-MANSOURx'^H  â03 

seule  la  face  orientale  semble  utiliser  un  escarpement  naturel. 
Sur  cette  même  face,  qui  regarde  Tlemcen,  nous  avons  noté 
un  arrière-mur  très  épais  suivant  l'enceinte  principale,  à 
quelques  mètres  seulement  en  arrière,  et  s'en  rapprochant 
parfois.  Peut-être  est-ce  là  un  vestige  d'un  mur  primitif,  rasé 
après  la  première  disparition  des  Mérinides. 

Les  tours  barlongues,  qui  étaient  les  plus  nombreuses,  étaient 
accolées  à  Textérieur  du  mur.  Elles  avaient  7  mètres  de 
façade  et  3™, 75  de  côté.  Un  certain  nombre  d'entre  elles  pré- 
sentent la  trace  des  dispositions  intérieures  suivantes  [fig .  36). 
Un  mur  médian,  perpendiculaire  à  la  courtine,  s'élevant  à  une 
hauteur  variable,  porte  deux  voûtes  en  berceau  qui  recouvrent 
ainsi  deux  petites  salles  sensiblement  carrées.  Ce  procédé,  en 
usage  dans  les  bâtiments  civils  romains  et  auquel  on  a  donné 
le  nom  de  construction  cellulaire^  avait  pour  but,  moins  d'amé- 
nager deux  salles  de  rez-de-chaussée,  que  d'assurer  la  solidité 
des  tours  et  d'établir  un  étage  supérieur  capable  de  supporter 
la  lourde  charge  des  combattants  et  des  munitions.  La  plupart 
d'entre  elles  ne  laissent  pas  supposer  l'existence  de  porte  infé- 
rieure donnant  dans  la  ville.  Le  seul  accès  possible  de  la  plate- 
forme était  le  chemin  de  ronde  des  courtines.  Peut-être,  dans 
certains  cas,  quelques  marches  seulement  permettaient-elles 
de  monter  de  ce  chemin  de  ronde  à  celui  qui  couronnait  les 
tours.  Parfois  aussi  les  tours  ayant  un  commandement  plus 
sensible  sur  les  courtines,  et  le  premier  étage  étant  établi 
seulement  aux  deux  tiers  de  la  tour,  avait-on  recours  à  la 
disposition  que  la  vieille  enceinte  de  Séville  permet  encore 
d'observer.  Dans  une  des  tours  flanquantes  de  cette  enceinte, 
un  escaher  de  quelques  marches,  s'élevant  du  chemin  de  ronde 
et  suivi  par  le  crénelage,  donne  accès  dans  une  salle  voûtée 


204  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

par  une  porte  cintrée,  percée  à  la  gorge  de  la  tour  (le  mur  y 
étant  en  briques  et  plus  mince  que  le  mur  extérieur)  ;  un  esca- 
lier accolé  à  la  paroi  intérieure  monte  de  cette  salle  à  la 
terrasse  du  sommet.  Une  disposition  analogue  se  devine 
dans  une  tour  de  Tenceinte  d'Agadir.  Telle  pouvait  être  celle 
de  bon  nombre  de  tours  flanquantes  de  Mansourah,  que  le  che- 
min de  ronde  y  tint  lieu  ou  non  de  terrasse  supérieure. 

Los  tours  carrées,  de  7  mètres  de  côté  et  plus  hautes  que 
les  précédentes,  sont  en  petit  nombre.  Ce  senties  tours  placées 
aux  angles  des  murs  :  elles  sont  alors  pénétrées  par  eux  et  pré- 
sentent intérieurement  les  traces  d'une  salle  basse  voûtée  et 
parfois  d'un  escalier  intérieur  (tour  E),  établissant  une  commu- 
nication entre  le  chemin  de  ronde  et  l'intérieur  de  la  place. 

Ce  sont  aussi  quatre  tours  rapprochées  par  paires  (deux  se 
trouvent  vers  le  miheu  de  la  face  Sud,  deux  vers  le  milieu 
de  la  face  Nord).  Elles  nous  semblent  ainsi  placées  pour 
accoster  deux  des  portes  de  la  ville.  Les  tours  H  et  B  pré- 
sentent à  Tintérieur  des  dispositions  identiques.  Une  porte 
basse  subsistant  à  l'angle  dans  la  tour  B,  et  découpée  sui- 
vant un  arc  surbaissé,  y  donne  accès.  Une  rampe  étabUe  sur 
neuf  portions  de  voûtes  en  berceau  permettait  d'arriver  au 
chemin  de  ronde.  Cette  rampe  devait  s'appuyer  sur  un  noyau 
central,  qui  a  complètement  disparu.  Dans  la  tour  C,  d'exté- 
rieur semblable,  nous  n'avons  pu  retrouver  ces  dispositions 
intérieures.  Mansourah  avait  donc  deux  portes,  une  au  Nord  et 
Tautre  au  Sud.  Elle  en  avait  vraisemblablement  deux  autres  à 
l'Est  et  à  l'Ouest,  aux  endroits  même  où  passe  actuellement  la 
route  de  Tlemcen  à  Maghnia.  Un  pan  de  tour  carrée  subsiste  à 
l'Ouest.  A  TEst,  les  vestiges  de  deux  murs  perpendiculaires, 
intérieurs  au  mur  d'enceinte  et  dont  l'un  porte  à  son  sommet 


EL-MANSOURAH  205 

un  départ  de  voûte  en  brique,  semblent  indiquer  Texisience 

J 


FiG.  37.  —  Plan  de  Mansourah. 

d'une  entrée  monumentale.  Elle  était  flanquée  de  deux  corps 


206  LES  MONUMEÎsTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

de  bâtiments  rectangulaires  protégeant  un  passage  de  14  mètres 
de  long  et  d'une  largeur  difficilement  appréciable.  A  quelques 
mètres  de  cette  entrée  dans  Tenceinte  de  la  ville,  on  trouve 
un  pont  en  brique  qui,  datant  des  Mérinides,  précise  le  point 
où  passait  la  route.  Ce  pont,  très  bien  construit,  porte  un  para- 
pet de  pisé  ;  sa  voûte  n'a  pas  moins  de  35  mètres  de  longueur. 
Le  carrefour,  qui  s'étalait  au  dessus,  était  entièrement  revêtu 
d'un  pavage  horizontal  portant  sur  un  lit  de  pisé  extrêmement 
dur. 

IJ intérieur  de  la  ville.  —  Si  nous  remontons  le  cours  du 
ruisseau  qui  y  passe  et  qui,  descendant  des  hauteurs  de  Lalla 
Setti,  va  couper  la  muraille  Sud  au  tiers  oriental  de  sa  longueur, 
nous  avons  sur  notre  droite  un  chemin  qui  conduit  non  loin  de 
la  porte  du  Sud.  Ce  chemin,  qui  fut  longtemps  la  route  de 
Sebdou,  était  muni  d'un  pavage  irrégulier  qui,  encore  visible  sur 
une  bonne  partie  de  son  parcours,  rappelle  assez  exactement 
ment  celui  qu'on  observe  dans  les  grandes  viJles  marocaines 
(Cf.  Pl.  XI).  Il  a  près  de  5  mètres  de  large;  les  pierres 
sont  de  nature,  de  forme  et  de  dimensions  très  variables.  Un 
canal  de  pisé,  peut-être  primitivement  recouvert,  le  suit  pen- 
dant un  certain  temps.  Des  pans  de  mur  également  en  pisé 
subsistent,  à  gauche  dominant  la  vallée  du  ruisseau,  à  droite 
s'élevant  dans  les  champs  qui  avoisinent  le  village  actuel.  Ils 
indiquent  l'existence  d'un  quartier  oriental  assez  compact  et 
assez  peuplé.  Il  est  malheureusement  difficile  de  préciser  la 
destination  primitive  des  groupes  de  ruines  qu'on  y  trouve. 

A  quelque  distance  adroite,  une  maison  transformée  en  ferme 
présente  une  cour  intérieure  flanquée,  sur  trois  faces,  de  salles 
s'ouvrant  chacune  par  deux  arcs  trapus  sans  élégance,  mais 
sohdement  étabhs.  Une  conduite  d'eau,  datant  probablement  de 


Fl.  XI 


ontemoing,  Editeur,  Paris 


Phototypie  Berthaud 


CHEMIN  PAVÉ  A  MANSOURAH 


EL-MANSOURAH  207 

l'occupation  mérinide,  alimente  encore  une  citerne  octogonale 
placée  à  l'extérieur  des  bâtiments,  peut-être  fontaine  publique, 
peut-être  entourée  par  le  prolongement  d'un  mur  qu'on  ren- 
contre plus  bas  et  destinée  à  l'usage  exclusif  des  maîtres  du 
logis. 

Au  Nord  de  ce  bâtiment,  à  l'angle  Sud-Est  du  village  actuel, 
on  rencontre  un  ensemble  de  ruines  couvrant  environ  un  demi- 
hectare  de  terre.  Des  fouilles  occasionnées  par  les  travaux 
agricoles  et  quelques  recherches  entreprises  par  Brosselard, 
ont  permis  d'en  déterminer  sinon  le  plan,  du  moins  la  desti- 
nation primitive.  —  Là  s'élevait  le  palais  de  la  Victoire,  qu'Abou'l- 
Hasen  Ali  fit  construire  en  l'an  745,  huit  ans  après  la  prise  de 
Tlemcen  - . 

Ainsi  que  la  plupart  des  Qasbahs  d'Espagne  et  du  Maghrib, 
la  Qasbah  des  sultans  mérinides,  à  la  fois  résidence  royale  et 
citadelle,  était  placée  sur  une  éminence  naturelle,  que  des 
terrassements  avaient  vraisemblablement  surélevée  et  taillée 
à  pic  du  côté  du  Nord.  Une  tour  en  ruines  s'avançant  sur 
l'escarpement  paraît  en  défendre  les  abords. 

Deux  bassins  rectangulaires  devaient  en  orner  les  cours.  Le 
premier,  près  de  Tescarpement  septentrional,  a  été  en  partie 
comblé,  et  il  est  difficile  d'en  connaître  la  superficie.  Le  second, 
situé  au  Sud-Ouest  du  premier,  mais  dans  une  direction 
parallèle,  avait  environ  9  mètres  de  large  sur  35  mètres  de 
long.  La  surface  creusée  était  donc  sensiblement  égale  à  celle 
de  l'Alberca  de  Grenade.  Des  tuyaux  de  poterie  l'alimentaient. 
Le  fond  en  était  revêtu  de  carreaux  de  faïence,  que  fit  enlever, 
il  y  a  une  dizaine  d'années,  le  propriétaire  actuel  du  terrain. 

1.  Cf.  Brosselard,  les  Inscriptions  arabes  de  Tlemcen,  ap.  Revue  africaine^ 
juin  1859. 


208  LES   MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

Sur  sa  face  orientale  cette  piscine  était  sans  doute  bordée  par 
une  galerie  couverte  ;  neuf  intailles  destinées  à  recevoir  des 
colonnes  s'y  remarquent  encore  et  des  fûts  d'onyx  ont  été 
retrouvés  non  loin  de  là.  Un  mur  de  pisé  court  à  quelque 
distance  au  Sud.  Il  se  continue  vers  l'Est  par  un  quadrilatère, 
salle  hypostyle  ou  patio,  dont  tout  un  côté  a  disparu  et  qui  est 
placé  dans  l'axe  même  du  premier  bassin.  Le  mur  Sud,  qui  a 
18  mètres,  porte  la  trace  de  quatre  chapiteaux  engagés.  Un 
escalier  montait,  croyons-nous,  le  long  de  la  face  Est,  qui 
est,  en  outre,  percée  d'une  porte.  Dans  Taxe  de  cette  salle  et 
du  premier  bassin,  on  remarque  encore  plusieurs  espaces  en- 
clos de  pisé.  Une  suite  de  murailles  courant  du  Sud  au  Nord 
semble  former  la  limite  orientale  de  cet  ensemble  de  construc- 
tions. 

C'est  dans  ces  ruines  que  fut  découvert  le  chapiteau  du 
musée  de  la  ville  qui,  semblable  à  un  des  chapiteaux  de  la 
Qoubba  de  Sîdi  Bou-Médine,  porte  comme  lui  l'inscription  sui- 
vante: «  Louange  à  Dieu,  maître  de  l'univers  !  La  vie  à  venir 
est  à  ceux  qui  le  craignent.  —  La  construction  de  cette  de- 
meure fortunée,  palais  de  la  Victoire,  a  été  ordonnée  par  le 
serviteur  de  Dieu,  Ali,  émir  des  Musulmans,  fils  de  notre  maître 
l'émir  des  Musulmans  Abou-Saîd,  fils  de  Yaqoub,  fils  d'Abd-el- 
Haqq.  Elle  a  été  achevée  en  l'année  sept  cent  quarante-cinq 
(745).  Dieu  nous  fasse  connaître  ce  que  cette  année  renferme 
de  bien  » 

Il  est  presque  impossible  de  coordonner  avec  quelque  certi- 
tude ces  renseignements,  fournis  par  l'examen  direct  des  lieux  ; 
d'autre  part,  des  fouilles  méthodiques  semblent  bien  tardives. 

1.  Cf.  Brosselard,  Revue  africaine,  juin  1859,  p.  337. 


EL-MANSOURAH  209 

Nous  Favons  vu,  le  défrichement  du  sol  de  la  ville  ménuide 
était  commencé  avant  même  qu'un  siècle  fût  passé  sur  les 
monuments  qui  avaient  fait  sa  gloire  ^  Seules,  quelques  rues, 
quelques  travaux  d'irrigation  toujours  utilisables,  quelques 
murs  de  palais  plus  malaisés  à  abattre,  la  mosquée  enfin  durent 
être  respectés  par  les  nouveaux  occupants.  L'agglomération 
des  demeures  particulières  dut  disparaître  bien  vite  sans 
laisser  nulle  trace. 

Le  quartier  sud-oriental  est  celui  où  les  ruines  sont  les  plus 
nombreuses  et  les  plus  importantes  :  il  y  avait  sans  doute  là 
un  quartier  officiel  groupé  autour  du  palais  royal.  En  tenant 
compte  des  habitudes  arabes,  on  peut  môme  voir,  dans  ce  terrain 
retranché  derrière  le  lit  du  ruisseau,  l'emplacement  choisi  par 
le  sultan  mérinide  pour  y  dresser  sa  tente.  Au  Nord  de  la  route 
de  Tlemcen,  aucune  ruine  n'a  subsisté,  hormis  celles  d\ui 
canal  solidement  construit  en  pisé,  quelques  fragments  de 
marbre  ou  de  mosaïque  s'y  rencontrent  encore  sous  la 
charrue  et  la  pioche.  On  aurait  tort  d'en  conclure  que  cette 
région  était  déserte  ;  elle  fut  peut-être  spécialement  réservée 
aux  marchands  et  aux  artisans  qui  vinrent,  à  la  suite  des 
armées  conquérantes,  s'établir  dans  Tlemcen-la-Neuve. 

B.  —  Travaux  d'investissement 

A  cette  époque  de  l'histoire  de  Tlemcen,  à  la  construction 
des  remparts  de  Mansourah,  camp  retranché  des  armées  méri- 
nides,  se  rattache  un  des  problèmes  les  plus  difficiles  à  éclaircir 
de  ces  recherches  archéologiques.  Nous  voulons  parler  des 

1.  Gonf.  suprà,  p.  20U-2()i. 

14 


210  LËS  MONUMËNTS  ARAËËS  DE  TLËMCEN 

travaux  d'investissement  :  postes  avancés,  fossés  et  murs  de 
contrevallation,  grâce  auxquels  les  sultans  marocains  purent, 
à  plusieurs  reprises,  isoler  la  capitale  abd-el-wâdite,  et  venir 
à  bout  de  ses  défenseurs.  Alors  que  les  textes  sont  unanimes 
à  relater  leur  existence,  que  certains  mêmes  nous  ren- 
seignent avec  précision  sur  les  dispositions  adoptées  et  les 
services  qu'on  en  attendait,  il  est  curieux  de  constater  que 
l'examen  direct  des  lieux  n'en  révèle  aucune  trace  et  que,  de 
toutes  les  constructions  stratégiques  qui  entourent  Tlemcen, 
deux  ou  trois  seulement  peuvent  raisonnablement  être  attribués 
aux  assiégeants. 

Les  travaux  d'investissement  devaient  former,  pour  les 
Byzantins  et  pour  les  Arabes,  une  des  parties  essentielles  de  la 
polyorcétique.  A  Tlemcen,  il  semble  bien  que,  dès  le  premier 
blocus,  les  sultans  mérinides  y  aient  eu  recours.  Ibn-Klialdoun 
leur  assigne  un  double  but.  Le  premier  est  d'isoler  la  ville  du 
monde  extérieur  et  d'empêcber  les  tribus  alliées  ou  sujettes 
d'y  faire  parvenir  les  ravitaillements  et  les  renforts.  Le  second 
n'apparaît  que  plus  tard,  lors  du  troisième  siège  dont  Abou'l- 
Hasen  voulait  précipiter  l'issue.  C'est  d'opposer  sur  tout  le 
périmètre  aux  défenseurs  des  murailles  des  adversaires  à  poste 
fixe  qui  les  occupent  et  les  retiennent,  en  même  temps  qu'ils 
couvrent  sur  un  i)oint  précis  une  attaque  plus  vive  tentée  par 
des  troupes  mobiles. 

Dès  le  mois  de  Chabân  de  l'année  698  (1299),  Abou-Yaqoub 
entoure  la  ville  d'un  mur  de  contrevallation,  bordé  en  dedans 
d'un  fossé  très  profond.  Il  établit  des  corps  de  garde  aux 
portes  et  aux  autres  ouvertures  do  cette  enceinte  ^ 


1.  Cf.  ITisfoire  (les  Berbères,  IV,  p.  141. 


EL-MANSOUllAfl  ^11 

Il  va  sans  dire  que  l'un  des  premiers  soins  des  tlemceniens 
après  la  disparition  des  troupes  mérinides  dut  être  de  faire 
disparaître  ces  ouvrages  menaçants.  Il  est  douteux,  nous 
l'avons  vu,  qu'ils  aient  rempli  à  l'égard  de  Mansourah  les  clauses 
du  traité  qui  les  forçaient  à  la  conserver.  Semblable  engage- 
ment ne  les  liait  pas  vis-à-vis  des  constructions  stratégiques 
de  leurs  ennemis;  il  est  donc  plus  douteux  encore  qu'ils  les 
aient  laissé  subsister,  alors  qu'ils  réparaient  leurs  propres  mu- 
railles et  raffermissaient  à  l'extérieur  leur  puissance  morale 
par  des  campagnes  fructueuses  et  des  alliances. 

Vingt-liuit  ans  après,  Abou'l-Hasen  dut  vraisemblablement 
recommencer  de  nouveaux  ouvrages.  Ibn-Khaldoun  nous  donne 
à  diverses  reprises  des  renseignements  certains  sur  leurs  disposi- 
tions et  leur  but.  Non  seulement  il  nous  dit  que  Tlemcen,  fut 
entouré  d'une  circonvallation  et  d'un  fossé  profond,  «  de  sorte 
qu'un  esprit  môme  aurait  eu  delà  peine  ày  entrer  »,  non  seulement 
il  ajoute  qu' Abou'l-Hasen  en  faisait  lui-même  le  tour  chaque  matin 
pour  réparer  les  brèches  et  surveiller  les  postes,  mais  encore  il 
précise  que  ce  mur  d'enceinte  abritait  des  catapultes  et  autres 
machines  de  guerre,  qu'il  était  en  avant  flanqué  de  tours,  dont 
chacune  avait  en  face  d'elle  une  tour  de  la  ville.  «  Du  haut  de 
ces  édifices,  nous  dit-il,  les  archers  mérinides  lancèrent  des 
traits  sur  les  archers  abd-el-wâdites  et  les  obligèrent  à  s'oc- 
cuper uniquement  de  leur  propre  sûreté,  pendant  que  les 
assiégeants  bâtissaient  d'autres  tours  plus  rapprochées  de  la 
ville  et  assez  élevées  pour  en  donjiner  les  remparts.  De  cette 
manière  ils  poussèrent  en  avant  jusqu'à  ce  que  leurs  dernièies 
tours  couronnèrent  la  contrescarpe  de  la  place.  Les  coml'at- 
tants  se  trouvèrent  enfin  tellement  rapprochés  qu'ils  purent  se 
battre  du  haut  de  leurs  tours  à  coups  d'épée.  On  fît  alors 


212  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

avancer  des  catapultes,  et  on  les  tira  sur  la  ville  avec  un  effet 
prodigieux^  ». 

Nous  ne  rechercherons  pas  ici  les  difficultés  presque  insur- 
montables que  présentait,  sur  beaucoup  de  points  du  périmètre, 
la  manœuvre  si  soigneusement  décrite  par  ce  passage  de  l'his- 
torien.  Ces  tours  de  la  ville,  que  «  dominaient  »  les  tours  assié- 
geantes, faisaient  sans  doute  partie  de  l'avant-mur  qui  règne 
au  bas  des  escarpements,  ou  en  suit  intérieurement  la  crête. 
Ces  derniers  travaux,  forcément  hâtifs,  durent  être  d'ailleurs 
les  premiers  à  disparaître,  lors  de  la  restauration  zeiyânide. 
Quant  au  grand  mur  muni  de  portes  et  de  fossés  qui  envelop- 
pait la  ville  dans  un  cercle  plus  large,  il  dut  subir  le  même 
sort.  Jamais,  en  tout  cas,  nous  n'avons  cru  pouvoir  le  recon- 
naître dans  une  des  doubles  ou  triples  enceintes  dont  les  tron- 
çons subsistent  encore.  Non  seulement,  en  effet,  ces  enceintes 
dominent  un  fossé  ou  un  vallonnement  naturel  extérieur  à  la 
ville,  mais  encore  toutes  les  tours  qui  les  flanquent  regardent 
la  campagne,  et  le  chemin  de  ronde,  lorsqu'il  subsiste,  suit 
intérieurement  le  crénelage. 

Les  seuls  ouvrages  militaires  qui  se  puissent  attribuer  aux 
assiégeants  sont,  ou  de  rares  tours  isolées  dans  la  campagne, 
qui  purent  devenir  par  la  suite  pour  les  assiégés  des  postes 
avancés  utiles,  ou  des  travaux  ayant  pour  but  moins  l'investis- 
sement de  Tlemcen  que  la  défense  et  Tembellissement  de  Man- 
sourah,  et  que  leur  éloignement  rendait  peu  dangereux. 

Au  nombre  des  premiers,  il  faut  peut-être  signaler  quelques 
tours  en  avant  d'Agadir,  une  tour  dans  la  plaine  au  Nord  de 
Tlemcen,  non  loin  du  chemin  d'Aïn  el-Hout,  enfin  et  surtout 

1.  Histoire  des  Berbères,  IV,  p.  221,  222;  cf.  Complément  de  VHistoire  des 
Beni-Ze/ydn,  p.  71. 


EL-MANSOURAH  213 

deux  tours  carrées  dominant  la  ville  au  Sud  sur  un  massif 
rocheux  taillé  à  pic;  l'une,  qui  a  4°", 50  de  côté,  est  élevée  au 
bord  du  plateau;  l'autre,  qui  a  5  mètres,  est  placée  un  peu  en 
arrière  ^  La  position  stratégique  qu'elles  occupent  était  une 
des  plus  menaçantes  pour  les  assiégés.  Ce  plateau,  l'endroit 
appelé  Es-Sakhratein  et  les  pentes  de  Lalla-Setti,  devaient 
être  des  postes  de  choix  pour  l'établissement  des  armées  enne- 
mies. C'était  là  qu'Abd-el-Moumin  avait  étabh  son  camp;  avec 
les  guerres  mérinides,  la  banlieue  Sud-Ouest  de  la  ville  dut  se 
couvrir  d'ouvrages  militaires  de  toutes  sortes. 

C'est  aussi  dans  cette  région  que  se  plaçaient  deux  enclos 
dont  les  auteurs  arabes  ont  conservé  le  souvenir  et  que,  pour 
mémoire,  nous  mentionnerons  ici.  Nous  voulons  parler  du 
Moçalla  et  du  Mel'ab. 

Le  MeTab^  hippodrome,  était  situé  au  bas  de  la  côte  qui  des- 
cend de  Lalla-Setti,  à  peu  près  à  mi-chemin  de  Tlemcen  et 
de  Mansourah.  Une  pièce  de  vers  du  poète  Mohammed  Ben- 
Yousef-el-Qaïsi  l'Andalou  indique  clairement  cette  position. 
«  En  montant  sur  la  hauteur  voisine  d'El-Fouwara,  tu  aper- 
cevras à  tes  pieds  la  noble  Tlemcen.  Lorsque,  dans  la  soirée, 
le  soleil  s'incline  vers  TOccident,  descends  lentement  vers  le 
Moçalla.  Passe  en  revue  du  regard  les  nombreux  cavaliers  qui 
sillonnent  le  vaste  hippodrome,  car,  chaque  après-dînée, 
des  bandes  de  chevaux  courent  sur  cette  large  espla- 
nade 2.  » 

C'est  là  qu'Abou-Saîd  étabht  son  camp  lorsqu'il  vint  mettre 

1.  Ce  sont  hordj  El-Menâr  et  bordj  Ez-Zâwiya  (Cf.  Brosselard,  Revue  afri- 
caine, juin  1859,  p.  339). 

2.  Cf.  Complément  de  VHistoire  des  Beni-Zeiyân,  p.  550-551  ;  nous  a\ons 
modifié  la  traduction  de  Bargès  d'après  le  manuscrit  de  la  Bagliyat  er-Rouwad 
de  la  Médersa  de  Tlemcen. 


214  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

le  siège  devant  Tlemcen,  en  714  ^  C'est  également  à  la  Qoub- 
bat  el-Mel'ab  qu'Abou-lnân  s'avança  à  la  tête  d'nn  cortège 
splendide  ponr  faire  reconnaître  an  penple  sa  suzeraineté 

Le  Moçalla  éiait  plus  rapproché  de  la  ville  nouvelle.  Des 
ruines  importantes  en  sont  parvenues  jusqu'à  nous.  C'est  un 
quadrilatère  de  murs  assez  élevés,  percés  de  portes.  11  y  en  a 
deux  à  TEst,  deux  à  TOuest.  Au  Nord,  l'enceinte  a  dû  être 
entamée  par  un  effondrement  du  terrain.  11  était  également 
muni  de  deux  portes.  Ces  portes,  très  en  ruines,  indiquent  la 
trace  d'une  bonne  décoration  de  briques  et  de  mosaïque  à 
émail  vert.  Au  Sud,  dans  l'axe  du  monument,  est  bâtie  une 
habitation  moderne  qui  interrompt  le  mur.  Elle  marque  pro- 
bablement la  place  d'une  arcade  ou  d'une  abside  quelconque 
indiquant  la  qibla,  l'orientation  étant  la  même  que  celle  de  la 
grande  mosquée  de  Mansourah.  Les  moçalla  sont,  en  effet,  des 
oratoires  découverts  à  quelque  distance  des  grandes  agglomé- 
rations, et  oh  les  Musulmans,  aux  deux  fêtes  principales  de 
Tannée,  se  réunissent  pour  prier Ces  lieux  de  prière 
semblent  construits  de  préférence  dans  les  endroits  élevés. 
Tunis  avait  un  vieux  moçalla  d'où  l'on  découvrait  la  plaine  de 
Sidjoun^. 

Directement  au-dessous  du  Moçalla,  à  gauche  de  la  route 
actuelle  de  Tlemcen  à  Maghnia,  et  à  500  mètres  en  avant  de 
l'enceinte  de  Mansourah,  s'élève  une  belle  porte  en  briques, 
haute  de  9  mètres  et  ayant  4°", 50  d'ouverture.  Les  deux  cintres 

\.  Cf.  Histoire  des  Berbères,  IV,  p.  190. 

2.  Ibid.,  p.  273. 

3.  Brosselard  {Revue  africaine,  juin  1859,  p.  338)  considère  les  ruines  du 
Moçalla  comme  celle  d'un  ancien  ouvrage  militaire.  La  tradition  et  Texamen 
de  Tédifice  et  de  son  orientation  indiquent  nettement  la  destination  que  nous 
lui  attribuons  ici. 

4.  Cf.  Histoire  des  Berbères,  IV,  p.  277. 


EL-MANSOURAH  21^ 

qui  Teucadrent  sont  réunis  entre  eux  par  un  plafonnage  formé 
de  rondins.  La  courbe,  en  fer  à  cheval  et  légèrement  brisée, 
est  formée  de  deux  arcs  de  cercles  seulement,  sans  déforma- 
tion inférieure.  Ces  arcs,  ])ien  appareillés,  reposent  sur  deux 
corbeaux  en  pierre.  Les  faces  ne  seml)lent  pas  avoir  comporté 
d'autres  ornements  que  les  simples  défoncements  produits  par 
la  disposition  des  briques,  qui  entourent  chaque  cintre  d'écoin- 
çons  et  de  plates-bandes.  Les  parois  en  étaient  d'ailleurs 
revêtues  de  plâtre,  comme  tous  les  murs  d'enceinte,  et  le 
décor  pouvait  s'en  compléter  d'une  double  couronne  de  mer- 
Ions,  ainsi  qu'en  porte  l'arcade  qui  précède  Sîdil-Halwi. 

Quel  pouvait  être  le  but  de  ce  petit  édifice?  Certains  archéo- 
logues y  ont  vu  un  arc  de  triomphe  élevé  par  les  sultans  méri- 
nides  ;  d'autres,  l'une  des  portes  du  premier  mur  de  circon- 
vallation  dont  Abou-Yaqoub  enserra  la  ville  abd-el-wâdite  ^ . 
Le  nom  de  Porte  de  l'Armée  (Bâb-el-Khemîs)-,  qu'on  lui  donne, 
est  assez  peu  explicite.  Nous  avons  peine  à  croire  qu'elle  fit 
partie  des  travaux  d'investissement,  car  le  mur  qui  en  partait, 
et  dont  nous  pouvons  encore  suivre  la  trace  vers  le  Sud,  après 
avoir  été  presque  rejoindre  le  Moçalla,  loin  de  se  rapprocher 
de  Tlemcen,  fait  un  coude  vers  l'enceinte  de  Mansourah.  Ce 
mur  est  simple,  sans  chemin  de  ronde  ni  créneau,  et  mesure 
à  peine  5  mètres  de  haut.  Ses  proportions  et  son  éloignement 
n'en  faisaient  pas  un  engin  bien  redoutable  pour  la  cité  assié- 
gée, ni  bien  sérieux  pour  la  sécurité  de  la  ville  nouvelle. 
Comme  travail  d'attaque  ou  de  défense,  il  répond  mal  au  soin 
artistique  que  semble  indiquer  la  porte  qui  l'interrompt.  D'autre 
part,  la  destination  purement  somptuaire  qu'on  a  voulu  assi- 

1.  Cf.  Brosselard,  loc.  cit., -p.  338;  —  de  Lorral,  p.  307. 

2   Cf.  Doîy,  Supplément  aux  diciionnaires  arabes,  1,  p.  404,  405. 


216  LES  MONrMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

gner  à  cette  porte  nous  paraît  peu  admissible,  et  nous  renon- 
çons à  résoudre,  quant  à  présent,  ce  problème  archéolo- 
gique . 

C.  —  Mosquée  de  Mansourah 

Des  fouilles  pratiquées  à  différentes  reprises  dans  Fenceinte 
de  la  mosquée  amenèrent  la  découverte  de  grandes  colonnes 
cylindriques  d'onyx,  de  chapiteaux  sculptés  d'un  très  beau 
style,  de  larges  vasques  à  ablutions  ;  elles  permirent  en 
même  temps  de  déterminer  assez  exactement  quel  aurait  été 
le  plan  primitif. 

Une  galerie  simple  longeant  le  mur  de  façade  et  deux  gale- 
ries à  trois  nefs  flanquaient  la  cour  intérieure,  qui  formait  un 
carré  parfait.  Les  arcades  qui  entouraient  la  cour  étaient  por- 
tées par  des  pieds  droits,  celles  qui  divisaient  les  nefs  laté- 
rales, par  des  colonnes.  Treize  nefs  divisaient  la  salle  de 
prière  ;  huit  rangées  de  colonnes  parallèles  au  mur  du  mihrâb 
la  coupaient  transversalement.  Une  coupole  précédait  le  mih- 
râb, et  deux  petites  portes,  placées  l'une  à  sa  droite,  l'autre  à 
sa  gauche,  donnaient  accès  dans  une  salle  des  morts  Deux 
portes  plus  larges,  flanquant  le  mihràb,  faisaient  communi- 
quer le  fond  de  la  mosquée  avec  l'extérieur.  Quatre  portes 
semblables  s'ouvraient  dans  chacun  des  murs  latéraux,  enfin 
deux  autres  se  trouvaient  sur  la  façade,  à  droite  et  à  gauche 
du  minaret.  Ces  portes,  dont  il  reste  peu  de  chose,  étaient,  au 
dire  de  l'abbé  Bargès,  toutes  construites  en  pierre  de  taille  et 

1.  Dans  notre  photographie,  le  grand  mur  de  pisé  indique  le  quadrilatère 
de  la  salle  des  morts,  enveloppant  en  son  centre  un  petit  mur  de  brique  qui 
dessine  le  mihrâb. 


EL-MANSOURAH  217 

solidement  cimentées.  Un  petit  canal  fait  encore  extérieiu^e- 
ment  le  tour  de  la  mosqnée,  à  qnelqnes  mètres  des  mnrs^ 

Le  plan,  comme  on  le  voit,  n'est  pas  sans  analogie  avec  ceux 
de  la  première  mosquée  de  Cordoue  et  delà  Grande  Mosquée  de 
Tlemcen.  La  principale  originalité  de  ce  plan,  c'est  la  position 
médiane  du  minaret,  qui  porte  à  sa  base  Tentrée  principale  de 
la  mosquée.  Ce  minaret  est  en  moellon  siliceux  de  grand  appa- 
reil. La  moitié  intérieure  s'est  écroulée,  l'autre  subsiste,  sou- 
tenue par  des  contreforts  à  redans  construits  par  l'administra- 
tion française  ~. 

Quatre  sj'stèmes  de  décoration  se  superposent  ici,  comme  sur 
la  façade  d'une  cathédrale.  Au  bas,  s'ouvre  la  porte  monumen- 
tale. L'encadrement  en  est  formé  de  quatre  défoncements  suc- 
cessifs :  le  premier  inscrit  l'ensemble  de  la  composition  dans 
un  rectangle  large  de  8  mètres.  11  est  garni  d'une  bordure  qui 
porte  en  caractères  andalous  l'inscription  dédicatoire,  et  de 
deux  écoinçons  chargés  d'arabesques,  et  ornés  en  leur  centre 
d'une  coquille  en  relief.  Le  deuxième  et  le  troisième  sont  deux 
arcs  dentelés.  Le  quatrième  est  une  restauration  moderne  : 
c'est  un  arc  sans  dentelures  dont  la  retombée  s'appuie  sur  deux 
colonnes  d'onyx.  Ce  portail,  qui  fait  une  base  splendide  à  la 
décoration  du  minaret,  évoque  par  ses  riches  arceaux  concen- 
triques le  souvenir  des  portails  romans  et  de  leurs  voussures. 
(Notons  que  les  deux  arceaux  subsistants  sont  en  plein  cintre, 
et  que  la  forme  du  fer  à  cheval  n'y  est  pas  sensible,  ce  qui 
augmente  encore  l'analogie-'). 

1.  Cette  description  est  faite  d'après  le  plan  relevé  par  Lefebvre,  architecte 
{Collection  des  Momunents  hisloiiques)  ;  Bargès  décrit  aussi  les  ruines  delà 
mosquée  de  Mansourah  ap.  Tlemcen,  ancienne  capitale,  p.  253,  254. 

2.  Ces  travaux  furent  exécutés,  en  1877,  sur  la  proposition  de  Duthoit. 

3.  Il  nous  semble  qu'une  très  grande  analogie  existe  entre  la  composition 


218  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

L'étage  qui  vient  au  dessus  est  garni  dans  toute  sa  longueur 
d'un  merveilleux  balcon  établi  sur  des  stalactites  malheureu- 
sement privées  des  colonnettes  engagées  qui  les  supportaient, 
et  d'une  arcade  découpée  en  festons.  Ceci  est  encore  une  par- 
ticularité du  monument  mérinide-.  Dans  les  exemples  d'ailleurs 
rares  de  minarets,  que  nous  aient  laissé  Tart  arabe  occidental 
de  cette  époque  et  des  époques  antérieures,  le  balcon  sur  pen- 
dentifs n'existe  pas  :  les  fenêtres  de  la  Giralda  ne  portent 
point  de  balcon  de  création  musulmane,  la  Kotoubîya  de  Marra- 
kech présente  au  môme  étage  une  fausse  arcade  festonnée 
sans  balcon.  Pour  en  retrouver  les  origines,  il  faut  examiner 
les  minarets  circulaires  ou  octogonaux  d'Egypte,  tels  que  ceux 
de  la  mosquée  El-Beibarsîya  ou  de  la  mosquée  El-Azhar. 

Ce  balcon  était,  à  Mansourah,  remplacé  sur  les  autres  faces 
de  la  tour  par  deux  défoncements  étroits  ornés  de  fenêtres  à 
arcades  lobées  surmontées  d'un  panneau  réticulé  :  motif  dont 
on  retrouve  à  la  même  place  l'analogue  dans  la  Giralda. 

Plus  haut,  la  décoration  se  continue  par  un  grand  panneau 
réticulé  reposant  sur  deux  arcades  ogivales  non  outrepassées, 
rappelant  ceux  de  la  Giralda  (dans  le  minaret  espagnol,  il  y  a 
deux  panneaux  semblables  l'un  au-dessus  de  l'autre).  Une 
division  médiane  reposant  sur  un  petit  arc  de  décharge  part 
du  bas  et  s'arrête  aux  trois  quarts  de  ce  panneau  ;  elle  est  percée 
de  fenêtres  étroites. 

(le  ce  portail  et  celle  d'une  porte  de  la  qasbah  de  Marrakech  donnée  par  La 
Martinière  dans  la  Grande  Encyclopédie  (article  Maroc),  mais  la  reproduction 
en  est  malheureusement  trop  réduite  pour  que  nous  puissions  rien  affirmer  à 
cet  égard.  —  M.  Ed.  Doutté  a  l'obligeance  de  nous  communiquer  une  photo- 
graphie de  l'entrée  principale  de  la  qasbah  de  Marrakech.  Son  examen  pré- 
cise pour  nous  l'analogie  de  composition  et  de  style  qui  existe  entre  ce  beau 
portail,  celui  de  la  mosquée  de  Mansourah  et  la  Puerta  del,  Vino. 


FiG.  38.  —  Fragment  du  balcon  du  Minaret. 
Vue  de  face  des  stalactites  et  profil  des  consoles  des  extrémités. 


220  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

L'étage  supérieur  est  formé,  comme  au  vieux  minaret  de  la 
mosquée  de  Cordoue  ^,  à  la  Girakla,  à  la  Kotoubîj^a  et  en  général 
à  tous  les  minarets  occidentaux,  d'une  fausse  galerie  dont  les 
arcs  brisés  et  les  fines  colonnettes  rappellent  les  arcatures 
gothiques  qui  décorent  la  façade  des  cathédrales. 

La  couronne  de  la  tour  est  tombée.  Il  n'est  rien  resté  des 
créneaux  de  la  plate-forme  et  de  l'édifice  terminal  que  surmon- 
tait, suivant  la  tradition,  des  boules  d'or  pesant  700  dinars. 
Cependant,  telle  qu'elle  nous  est  parvenue,  cette  grande  ruine, 
qui  mesure  encore  40  mètres  de  haut,  nous  apparaît  comme  un 
des  plus  magnifiques  spécimens  de  l'art  musulman. 

L'aspect  imposant  de  ses  proportions,  la  claire  ordonnance 
de  ses  masses  décoratives,  un  parti  pris  robuste  et  libre  dans 
la  facture  de  ses  détails,  tout  contribue  à  donner  à  ce  monu- 
ment une  place  à  part  dans  la  série  des  œuvres  de  l'art  magh- 
ribin.  La  belle  pierre  rose  de  grand  appareil  dont  il  est  bâti 
excluait  d'ailleurs  toute  mièvrerie  d'exécution.  Il  semble  même 
que  l'emploi  de  cette  matière  ait  fait  sortir  les  artistes  arabes 
de  leur  habituelle  timidité,  et  l'on  est  presque  tenté,  en  voyant 
le  minaret  de  Mansourah,  de  rejeter  sur  la  pauvreté  des  maté- 
riaux qu'ils  employèrent  le  plus  souvent,  le  reproche  que  nous 
leur  faisions  au  début  de  cette  étude,  de  ne  point  avoir  conçu 
l'aspect  monumental  et  la  vraie  grandeur  d'ensemble. 

Nous  avons  indiqué,  en  en  décrivant  l'ordonnance,  les  ana- 
logies qu'il  présentait  avec  ses  deux  ancêtres  du  Maroc  et 
d'Andalousie.  La  proportion  générale  en  est  sensiblement  la 
même,  la  silhouette  en  a  l'habituelle  rectitude  des  monuments 
arabes  d'Occident,  tout  l'intérêt  étant  concentré  sur  le  décor 


1.  Morales,  Antigûedades  de  Espana,  Cordoba,  p.  54. 


Pl.  XIII 


MINARET  DE  ¥IANSOURAH 


Pl.  XIV 


PORTAIL  DE  LA  MOSQUÉE  DE  MANSOURAH 


EL-MANSOURAH  221 

des  surfaces;  celui-ci  nous  semble  d'une  composition  plus  variée 
et  plus  originale.  Aux  réseaux,  aux  arcatures,  aux  fenêtres  qui 
forment  l'ornement  classique  des  minarets  viennent  s'ajouter  le 
portail  et  le  grand  balcon  qui  joue  ici  le  rôle  d'auvent  abritant 
une  entrée  principale.  L'arabesque  qui  enrichit  cette  base  est 
traitée  de  façon  toute  autre  que  les  ornements  du  haut.  Elle 
est  heureusement  proportionnée  à  l'emploi  qu'elle  remplit  et  à 
la  distance  de  vision  du  spectateur. 

Le  décor  floral,  de  même  que  le  décor  épigraphiqne  qui 
l'accompagne  se  découpe,  méplat,  sur  un  faible  défoncement. 
La  couleur  et  le  grain  de  la  pierre,  la  facture,  l'élément  même 
des  arabesques,  rappellent  très  exactement  la  Puerta  del  Vino 
de  Grenade,  qui  est  sensiblement  contemporaine  de  notre 
monument. 

Cet  aspect  a  d'ailleurs  été  bien  défiguré  par  le  temps:  les 
quatre  faces  de  la  tour  étaient,  au  moment  de  leur  splendeur, 
incrustées  d'émaux  dont  il  ne  subsiste  que  quelques  fragments. 
Réservant  les  reliefs  de  la  pierre  rose  pour  garnir  les  grandes 
surfaces,  l'artiste  arabe  s'en  était  servi  pour  enchâsser  dans 
les  bordures  des  plaques  de  faïence  découpées  qui  rétablis- 
saient le  plan  primitif.  Il  réalisait  ainsi,  sur  une  grande  éten- 
due, un  travail  analogue  à  celui  de  l'orfèvre  français  du 
xif  siècle  exécutant  un  émail  champlevé,  la  pierre  jouant 
sur  le  minaret  le  rôle  du  cuivre  dans  la  plaque  d'émail.  Les 
quelques  morceaux  qui  en  restent  dans  les  réseaux  latéraux  et 
dans  les  cintres  du  portail  portent  un  ton  vert  et  un  brun  de 
manganèse  très  profond  qui  prend,  sous  certains  aspects,  de 
beaux  reflets  bleuâtres. 

Nous  étudierons  à  Sidi'l-Hahvi  des  chapiteaux  semblables 
à  ceux  qui  décoraient  les  nefs  de  la  mosquée  (Cf.  infrà^  p.  294). 


222  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

Les  encorbellements  du  balcon  sont  divisés  en  sept  groupes 
retombant  sur  des  colonnettes  engagées.  Les  superpositions  de 
cinq  étages  de  coupolettes  y  alternent  avec  des  superpositions 
de  quatre.  Desblochets,  réunis  entre  eux  et  aux  deux  consoles 
des  extrémités,  devaient  supporter  une  plate-forme  de  bois. 

L'élément  fioral  des  sculptures  méplates  se  réduit  unique- 
ment k  la  palme  longue  et  lisse,  généralement  divisée  en  deux. 
Le  motif  en  relief  qui  marque  le  centre  des  écoinçons  rappelle 
beaucoup  la  }:almette  romaine  ;  nous  croyons  cependant  y 
voir,  ainsi  que  dans  les  coupolettes  côtelées  qui  interviennent 
dans  les  stalactites  du  balcon,  une  déformation  de  la  coquille 
telle  qu'elle  se  présente  à  Cordoue  ou  à  Sidi  Bel-Hassen  de 
Tlemcen. 

Le  décor  coufîque,  dont  on  trouvera  ici  un  fragment  {/ig.  38), 
présente,  avec  un  entrelacs  diagonal  analogue  à  celui  de  Bel- 
Hassen,  la  forme  du  cintre  dentelé  que  l'on  trouve  déjà  dans 
la  même  mosquée  et  dont  nous  étudierons  à  Sîdi  Bou-Médine 
de  très  ingénieuses  applications  ^ 

L'escalier  intérieur  de  pente  très  douce  tournait  autour 
d'un  noyau  creux  reposant  sur  le  portail;  partie  de  cet  escalier 
était  encore  debout  il  y  a  trente  ans  ;  on  n'avait  donc  pas  fait 
usage  du  plan  incliné  qui  se  retrouve  dans  les  grands  minarets 
du  Maghrib,  la  Kotoubiya  de  Marrâkecli  et  la  Giralda  de 
Séville. 

1.  Barges  [Tlemcen,  ancienne  cap/taie^  p.  253)  dit  (|ue  Tinscription  coufîque 
dti  portail  reproduit  la  profession  de  foi  uiusuluiane  ;  la  seule  inscription 
coufîque  que  nous  connaissions  à  la  tour  de  Mansourali  est,  plusieurs  fois 
répétée,  celle  ([ue  nous  donnons  ici.  Nous  la  lisons:  «  El-hamdou  Ullâh», 
«  Louange  à  Dieu  ». 


VllI 


SIDI  BOU-MÉDINE 


.4.  —  Le  bourg  d'El-Eubbàd 

Le  petit  bourg  d'El-Eiibbâd,  situé  sur  le  versaut  Nord  de  la 
montagne  du  Mefroiicli,  à  environ  2  kilomètres  Sud-Ouest  de 
Tlemcen,  est  signalé  par  tous  les  textes  comme  une  intéressante 
annexe  architecturale  de  cette  ville.  11  contient  en  effet  trois  ou 
quatre  monuments  fort  importants  ^  11  est  généralement  appelé 
par  les  Européens  SîdiBou-Médine,  du  nom  de  l'illustre  person- 
nage (Sidi  Bou-Médjen)  qui  y  est  enterré  et  lui  vaut  sa  gloire 
artistique;  même  parmi  les  indigènes,  rappellation  de  Sidi 
Bou-Médj  en  tend  aujourd'hui  à  prévaloir  sur  celle  plus  ancienne 
d'El-Eubbâd. 

Dans  les  dialectes  maghribins,  u  El-Eubbâd  »  est  le  pluriel 
de  «  Abed  »,  qui  signifie  «  homme  pieux  ».  Un  ribdt  ou  cloître 
musulman,  situé  non  loin  du  village  actuel,  et  mentionné  par 
les  textes  à  une  époque  relativement  ancienne,  aurait  porté  le 
nom  de  «  ribât  El-Eubbâd ~  »  (le  cloître  des  gens  pieux),  de  là, 

i.  Dans  notre  vue  d'ensemble,  prise  du  bois  d'oliviers  que  domine  El- 
Eubbàd  el-Fouqi,  on  distingue,  resserrés  dans  un  groupe,  en  avant  les  ruines 
du  petit  palais  (D),  plus  haut,  en  allant  de  gauche  à  droite,  la  coupole  des 
latrines  publiques  (F),  le  pavillon  de  tuile  couvrant  la  qoubba  de  Sidi  Bou- 
Médyen  (lî),  immédiatement  au  dessus,  le  portail  et  le  minaret  de  la  moscpée 
(G),  à  droite,  la  Médersa  (E)  avec  sa  porte  sombre  et  son  cadre  décoratif. 

Dans  le  récit  de  la  mort  de  Sîdi  Rou-Médyen,  la  rdbta  d'EUEubl)àd  (Cf. 


224 


LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 


par  la  suite,  la  dénomination  abrégée  d'El-Eubbâd,  appliquée 
à  cette  partie  de  la  banlieue  tlemcenienne.  Telle  est  Tétj- 
mologie  généralement  adoptée^  du  nom  d'El-Eubbàd,  et  il  faut 
reconnaître  qu'elle  est  assez  satisfaisante.  Cependant  nous  ne 
devons  pas  passer  sous  silence  qu'au  centre  du  village  actuel 
une  petite  qoul)ba  carrée  est  désignée  sous  le  nom  de  tombeau 
de  Sîdi'l-Eubbàd.  Elle  est  située  sur  un  tertre,  ombragée  par 
un  beau  mûrier,  et  entourée  de  tombes  fort  anciennes,  dispa- 
raissant dans  le  sol.  Elle  ne  renferme  aucune  inscription,  et 
nulle  mention  de  Sîdil-Eubbâd  ne  se  rencontre  à  notre  con- 
naissance dans  les  textes.  Mais  les  gens  de  Sîdi  Bou-Médine 
racontent  volontiers  que  Sîdil-Eubbâd  est  le  premier  venu 
des  «  liommes  de  Dieu  »  dans  leur  pays  si  riche  en  saints  à 
tous  les  âges,  qu'il  était  avant  Sîdi  Bou-Médyen,  le  maître 
(maoulà)  de  la  localité,  et  qu'il  lui  avait  donné  son  nom.  Nous 
enregistrons  cette  croyance  populaire,  recueillie  de  la  bouche 
même  de  vieux  Eubbâdois  à  simple  titre  de  curiosité.  En  fait, 
Sîdi'l-Eubbâd  semble  bien  un  de  ces  scuicti  ignoti^  dont  le 
Maghrib  est  la  terre  bénie,  et  qui  portent  des  désignations  fort 
vagues  rappelant  simplement  leurs  mérites  religieux  :  «  El- 
Abed»,  le  pieux,  ((  El-Imâm  »  l'imam,  etc^.  Correctement  il 

Bargès,  Vie  du  célèbre  Marabout  Cidi  Abou  Médien,  p.  63;  —  Brosselard, 
Revue  africaine,  décembre  1859,  p.  82;  Bostân,  notre  manuscrit,  p.  232)  ;  le 
fondateur  de  la  secte  almohade,  fit  une  retraite  dans  un  oratoire  (mesjid) 
situé  en  dehors  de  ïlemcen  et  qu'on  appelle  El-Eubbâd  (El-Marràkchi,  p.  131); 
c'est  vraisemblablement  du  ribât  d'El-Eubbàd  qu'il  est  question  ici  (Cf.  Bar- 
ges, Tlemcen,  ancienne  capitale,  p.  305-309). 

1.  Cf.  Bargès  (Tlemcen,  ancienne  capitale,  p.  312;  —  Brosselard  ap.  Revue 
africaine,  août  1859,  p.  401).  11  faut  rapprocher  ici  le  nom  d'El-Eubbàd  porté 
par  une  localité  de  la  banlieue  de  Fàs;  Léon  l'Africain  la  cite  sous  la  forme 
Hubbed  et  en  dit  :  «et  fut  bâti  par  un  hermite  qui,  par  le  populaire  de  Fez, 
était  estimé  saint»  [Description  deV Afrique,  IT,  p.  192). 

2.  Cf.  Basset,  introduction  de  Nedromah  elles  Traras:  —  Doutté,  les  Mara- 
bouts, p.  53  et  suiv.  ;  —  Goldziher,  Moh.  Studien,  II,  p.  353. 


siDI  BOU-MÉDINE  225 

devrait  peut-être  s'appeler  Sîdi'l-Abbâd,  «  Monseigneur  le  Très 
Pieux  ».  La  transformation  de  son  nom  en  celui  de  Sîdi'l-Eubbâd 
serait  alors  due  à  un  phénomène  d'étymologie  populaire,  et  ins- 
pirée précisément  par  le  désir  de  faire  de  ce  pieux  inconnu  le 
patron  éponyme  de  la  localité. 

Les  textes  du  xiif  siècle  distinguent  deux  quartiers  d'El- 
Eubbâd,  Eubbâd  es-Sefli  (inférieur)  et  Eubbâd  el-Fouqi  (supé- 
rieur) ^  Le  premier  est  aujourd'hui  complètement  ruiné.  L'em- 
placement, depuis  plusieurs  siècles  déjà,  en  est  occupé  par 
un  cimetière  parsemé  de  qoubbas,  de  débris  de  constructions-. 
On  y  remarque  notamment  une  ruine  isolée,  qui  se  dresse  sur 
le  bord  du  chemin  de  Tlemcen  à  El-Eubbâd  el-Fouqi.  C'est 
un  minaret  découronné  de  son  édifice  terminal  et  même  de 
l'arcature  supérieure,  qui  devait  précéder  la  plate-forme.  Un 
seul  réseau  de  briques  orne  chacune  de  ses  faces  ;  il  est  établi 
sur  deux  arcades  et  composé  de  lambrequins  à  losanges  extrê- 
mement simples,  sans  fleurons  ni  ornements  accessoires. 
Quelques  fragments  de  faïence  vert  clair  indiquent  la  trace 
d'un  filet  suivant  intérieurement  le  cadre  des  panneaux.  Une 
petite  porte  s'ouvrant  sur  la  face  Sud  et  l'amorce  d'un 
mur,  montrent  que  la  mosquée  dont  il  faisait  partie  pré- 
sentait une  disposition  et  une  orientation  semblable  à  celle 
de  la  mosquée  actuelle  de  Sîdi  Bou-Médine.  Au  xiii''  siècle, 
cette  mosquée  était  encore  debout,  et  entourée  d'habitations 
particulières.  La  table  de  hal)ous  de  la  mosquée  de  Sîdi  Bon- 

1 .  Par  exemple  le  habous  de  la  mosquée  de  Sîdi  Bou-Médine  {Revue  afri- 
caine, loc.  cit.,  p.  414,  416  et  402.) 

2.  Notre  photographie  montre  une  des  qoubbas  de  brique  et  les  pierres  funé-^ 
raires  qui  peuplent  maintenant  Eubbâd  es-Sefli;  au  second  plan,  à  droite,  le 
minaret  qui  en  a  conservé  le  nom,  et  les  ruines  de  pisé  qui  faisaient  sans 
doute  partie  de  la  mosquée. 

15 


226  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

Médine  (745  de  l'hégire)  mentionne  «  deux  maisons  sises  au 
Nord  delà  mosquée  d'Eubbâd  es-Sefli  ^  ».  Nous  croyons  que 
ce  quartier  inférieur,  aujourd'hui  disparu,  fut  le  noyau  primitif 
de  la  localité  d'El-Eubbâd.  11  devait  former  un  village  peu 
aggloméré,  coupé  de  jardins,  de  vergers,  assez  semblable  à  ce 
que  nous  offrent  aujourd'hui  les  petits  villages  arabes  d'Ou- 
zidân  et  d'Aïn-el-hout,  et  s'étendânt  sous  cette  forme  jusqu'aux 
environs  de  la  source  d'Ain  Wânzouta,  située  à  moitié  route 
à  peu  près  de  Tlemcen  au  village  actuel  d'Eubbâd  el-Fouqi. 
Tout  auprès  d'Aïn  Wânzouta,  à  gauche  du  chemin,  les  subs- 
tructions  d'une  petite  mosquée  sont  encore  parfaitement 
visibles  ;  le  mihrâb  y  est  très  reconnaissable.  Quatre  autres 
oratoires  d'Eubbâd  es-Sefli  peuvent  encore  être  parfaitement 
déterminés.  Dans  l'enceinte  ruinée  de  l'un  d'eux,  s'élève  la 
qoubba  du  chîkh  Senousi  (Cf.  infrà^  p.  340)  ;  un  autre,  dont 
plusieurs  arcades  sont  encore  debout,  est  généralement  désigné 
comme  la  qoubba  de  Sidi  Bou-Ishâq  et Tayyâr  (Cf.  infrà^  p.  282). 
Un  autre  était  la  mosquée  d'Eubbâd  es-Sefli  dont  le  minaret, 
encore  subsistant,  a  été  signalé  plus  haut.  Les  ruines  du  qua- 
trième, enfin,  sont  situées  non  loin  du  tombeau  de  Sîdi  Ali 
Ben-Meguîm,  sur  un  chemin  qui  descend  à  gauche  de  Sidi  Bou- 
Ishâq  et-Tayyâr.  Tous,  hormis  peut-être  la  mosquée  d'Eubbâd 
es-Sefli,  avaient  une  même  orientation  Est-Sud-Est.  Quant  à 
l'emplacement  du  vieux  ribât  d'El-Eubbâd,  nous  n'avons  pu  le 
déterminer.  Brosselard  fait  allusion  à  ses  ruines  2,  mais  n'in- 
dique nullement  oii  il  les  place.  Des  pans  de  murs,  et  même 
de  tours,  apparaissent  au  Sud-Ouest  du  village  actuel,  et  tout 
près  de  lui,  au  sommet  d'un  plateau  abrupt  ;  tout  près  encore 

1.  Cf.  Revue  Africaine,  loc.  cit.,  p.  414,  1.  15. 

2.  Revue  africaine,  loc.  cit.,  p.  402. 


SÎDI  BOU-MÉDINE  227 

de  la  Médersa,  au  cœur  d'Eubbâd  el-Fouqi,  Farcature  assez 
élégante  d'un  portail  monumental  se  montre,  incorporée  aujour- 
d'hui dans  une  demeure  particulière^;  faut-il  identifier  une  de 
ces  ruines  avec  le  ribât  qui  donna  au  pays  son  nom?  Nous  ne 
le  prétendons  pas,  et  la  tradition  est  muette  sur  ce  point. 
D'autre  part,  les  fortifications  de  Tlemcen,  à  l'époque  où  le 
village  d'Eubbâd  es-Setli  existait  encore,  s'avançaient  vers  le 
Nord-Est  à  200  mètres  de  la  limite  actuelle,  jusqu'au  Bit 
er-rîch  El-Eubbâd  es-Sefli  se  trouvait  ainsi  un  faubourg  fort 
peu  éloigné  de  la  ville. 

El-Eubbcâd  el-Fouqi,  disposé  en  étages  au  flanc  de  la  mon- 
tagne, à  l'Orient  d'Eubbâd  es-Sefli,  subsiste  seul  aujourd'hui. 
Son  emplacement  dut  être  primitivement  occupé  par  un  cime- 
tière. «  Nous  vivons  avec  les  morts  dans  nos  maisons  »,  disent 
volontiers  les  Eubbâdois.  De  fait,  les  tombes  se  rencontrent 
partout  dans  le  village,  parsèment  les  cours  intérieures  des 
maisons,  affleurent  sous  les  pas  au  niveau  des  ruelles  étroites. 
Ce  flanc  de  colline,  avant  de  porter  un  village,  devait  servir 
de  nécropole,  d'abord  aux  gens  du  ribdt  El-Eubhdd ^  puis  à  la 
foule  nombreuse  des  bons  musulmans  qui,  selon  la  coutume 
aussi  bien  sonnite  que  chiite,  venaient  chercher  pour  leur  som- 
meil éternel  la  bénédiction  attachée  au  voisinage  des  pieux 
ascètes.  La  montagne  d'El-Eubbâd,  disent  les  textes,  était 
déjà,  bien  avant  Sîdi  Bou-Médyen,  le  lieu  de  sépulture  des 
walîs,   des  piliers  de   la  foi^.  Suivant  ses  biographes,  ce 

1.  C'est  elle  qu'on  voit  nu  premier  pion  de  la  vue  de  la  mosquée  donnée  ap. 
Gazette  des  Beaux- Arts,  1894,  1,  p.  181. 

2.  Cf.  suprà,  p.  131. 

3.  Cf.  Bostoji,  notre  manuscrit,  p.  232 ;  Sîdi  Abd-es-Seicun  et-Tounsi,  qui 
repose  dans  la  qouhba  de  Sîdi  Bou-Médyen,  Sîdi  Abdallah  ben-Ali  passent 
pour  avoir  déjà  été  enterré,  avant  Sîdi  Bou-Médyen,  sur  la  colline  d  El-Eub- 


228  LES  MONUMENTS   /ARABES  DE  TLEMCEN 

dernier  personnage,  étant  en  route  pour  Tlemcen,  aperçut 
d'Aïn-Taqbalet  la  colline  d'El-Eubbâd,  et  s'écria  :  «  Qu'il  ferait 
bon  dormir  en  cette  terre  bénie  du  sommeil  éternel  »,  et 
c'est  en  accomplissement  de  ce  vœu  suprême  que  son  corps  fut 
transporté  et  enterré  à  la  place  qu'il  occupe  aujourd'hui. 

Ce  fut  précisément  l'inhumation  de  Sîdi  Rou-Médjen  dans 
cette  terre  bénie  qui  détermina,  d'après  nos  conjectures,  le 
peuplement  d'El-Eubbâd  el-Fouqi.  La  coupole  élevée  sur  le 
tombeau  du  pôle,  du  Secotirs  suprême^  dès  le  règne  de  l'Al- 
mohade  Mohammed-en-Nâcer  (fin  du  xif  siècle),  devint  très 
vite  le  but  de  visites  pieuses  d'un  bout  à  l'autre  du  Maghrib  ; 
et  les  alentours  du  tombeau  se  peuplèrent  des  habituelles 
annexes  qu'on  rencontre  auprès  des  lieux  de  pèlerinage.  Il  y 
eut  des  zâwijas  pour  héberger  les  étrangers,  des  demeures 
de  serviteurs  du  saint,  ou  de  dévots  qui  voulaient  s'assurer  les 
grâces  de  son  voisinage  ^  Peu  à  peu,  les  maisons  se  pressèrent 
au-dessus  des  tombes,  et  couvrirent  en  rangs  serrés  les  pre- 
mières pentes  de  la  montagne  ;  toutefois,  à  Tépoque  des  Méri- 
nides,  l'emplacement  sur  lequel  fut  bâtie  la  grande  mosquée 
d'El-Eubbâd  était  encore,  en  partie  au  moins,  un  jardin  2.  La 
construction  de  cette  mosquée  et  de  la  Médersa  voisine  accé- 
léra encore  l'accroissement  d'El-Eubbâd  el-Fouqi.  Dotée  d'édi- 
fices considérables,  cette  localité  devint  le  véritable  centre  de 
population,  au  détriment  d'El-Eubbâd  es-Sefli  qui,  dans  le  cours 
des  âges,  fut  abandonné  et  tomba  en  ruines.  Elle  eut  plusieurs 

bâd  (Cf.  Reviœ  africaine^  décembre  1259,  p.  89;  —  Tlemcen^  ancienne  capitale, 
p.  273,  274). 

1.  Ceci  est  à  rapprocher  de  l'origine  de  la  localité  égyptienne  de  Khànqâh, 
dont  le  nom  a  à  peu  près  la  même  signification  que  celui  d'El-Eubbâd  (Cf. 
van  Berchem,  Matériaux  pour  un  corpus,  p.  377,  378). 

2.  Cf.  Habous  de  la  mosquée  de  Sîdi  Bou-Médine,  ap.  Revue  africaine, 
août  1859,  p.  410. 


SIDI  BOU-MÉDINE  229 

mosquées,  ruinées  aujourcriiui;  lune,  notamment,  était  placée 
sous  le  patronage  de  Sîdi'l-Haouwâri,  le  grand  saint  d'Oran; 
l'autre,  d'un  saint  local,  Sidi  I3râliim  en-Naâr.  L'abondance 
de  l'eau  courante  y  facilita  rétablissement  de  diverses  indus- 
tries ;  elle  était  encore  florissante  au  xvi''  siècle,  et  nous 
croyons  utile  de  rapporter  ici  la  pittoresque  description  qu'en 
fait  Léon  l'Africain  :  «  Hubbed  est  une  petite  cité  comme  un 
bourg,  distante  de  Tlemcen  environ  un  mille  et  demi  du  côté 
du  midi,  édifiée  en  une  montagne,  bien  peuplée  et  fort  civile, 
et  garnie  de  plusieurs  artisans,  mêmement  de  teinturiers  de 
draps.  Là  se  voit  un  temple  et,  au  dedans,  un  sépulcre  d'un 
saint  bien  connu,  pour  lequel  voir  il  faut  descendre  plusieurs 
marches  de  degrés,  et  est  fort  vénéré  par  les  habitants  et 
voisins  de  cette  cité,  lesquels  y  dressent  leurs  vœux,  faisant 
plusieurs  aumônes  en  l'honneur  d'iceluy,  et  l'appellent  Sîdi 
Bon-Médian.  Il  y  a  encore  fort  beau  collège  et  hôpital  pour 
recevoir  les  étrangers,  qui  furent  bâtis  par  aucuns  rois  de 
Fez,  de  la  maison  de  Mérin,  comme  il  se  peut  voir  encore 
par  certaines  tables  de  marbre  sur  lesquelles  leurs  noms  sont 
gravés-.  » 

El-Eubbâd  déclina  avec  Tlemcen  sous  la  domination  turque. 
Il  eut  aussi  à  souffrir  de  la  conquête  française.  Aujourd'hui,  il 
forme  un  petit  bourg,  fort  aggloméré,  entouré  d'une  ceinture 
de  beaux  jardins.  Beaucoup  de  ses  maisons  menacent  ruine  ; 
d'autres  sont  tombées  complètement  et  n'ont  pas  été  relevées. 
On  n'y  trouve  plus  guère,  comme  industrie,  que  quelques  rares 
métiers  à  tisser.  Par  contre,  il  voit  toujours  des  pèlerins  mon- 
ter sa  ruelle  principale,  qui  conduit  droit  au  tombeau  de  Sîdi 

1.  Descriptio7i  de  r Afrique,  éd.  Schefer,  llï,  p.  32  ;  —  cf.  Marmol, 
V Afrique,  II,  p.  355. 


230  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

Boii-Médyen.  Mais  ils  y  séjournent  peu,  et  redescendent  géné- 
ralement à  Tlemcen  passer  la  nuit.  Le  cimetière  de  cette 
localité  la  domine  à  un  étage  supérieur  de  la  montagne, 
comme  Eubbâd  el-Fouqi  au  temps  où  il  était  champ  des  morts, 
dominait  Eubbâd  es-Setli  habité.  Comme  centre  de  population, 
ce  bourg  dépérit  visiblement,  et  il  ne  vit  plus  guère  que  du 
souvenir  de  sa  gloire  passée;  mais  celle  de  ses  monuments, 
restaurés  et  entretenus  par  les  soins  du  Comité  des  monuments 
historiques,  demeure  entière.  Il  est  temps  de  les  étudier. 


B.  —  QOUBBA  DE  SîDI  BOU-MÉDINE 


Ce  fut  certainement  là  le  noyau  primitif  autour  duquel 
vinrent  se  grouper  tous  les  monuments  d'Eubbâd  supérieur 
(mosquée,  palais,  bains  pubhcs  et  médersa).  Élevé  par  Moham- 
med en-Nâcer,  un  Almohade,  dans  les  dernières  années  du 
xif  siècle,  sur  l'emplacement  que  Sîdi  Bou-Médyen  avait  choisi 
pour  son  sommeil  éternel,  ce  tombeau  se  trouve  être  l'ancêtre 
de  tous  les  monuments  de  Tlemcen,  la  Grande  Mosquée  excep- 
tée ;  il  est  même  antérieur  d'une  trentaine  d'années  aux  pre- 
mières constructions  de  l'Alhambra  et  devrait  présenter  un 
spécimen  du  plus  grand  intérêt,  caractérisant  une  période  mal 
connue.  Malheureusement,  ce  qui  est  vrai  des  mosquées  de 
Tlemcen,  cette  unité  de  conception,  cette  homogénéité  de 
style,  que  les  générations  suivantes  respectent,  se  souciant 
peu  de  remanier  un  sanctuaire  existant  et  préférant  en  élever 
un  autre  qui  attestera  leur  piété,  n'est  plus  exact  pour  les 
tombeaux.  On  ne  déplace  pas  un  lieu  de  pèlerinage,  force  est 


SÎDI  BOU-MÊDINE  231 

au  nouveau  venu  de  marquer  le  culte  qu'il  lui  rend  en  ampli- 
fiant, en  embellissant  l'édifice  primitif ^  Que  pouvons-nous, 
dans  celui-ci,  attribuer  à  son  véritable  fondateur?  Que  sub- 
siste-t-il  qui  date  de  la  fin  du  xif  siècle?  Peut-être  le  plan 
général  de  la  qoubba  et  de  la  cour  qui  la  précède.  L'escalier, 
la  petite  nécropole  avoisinante,  sont  vraisemblablement  de 
création  plus  récente-.  Le  tombeau  d'un  ami  de  Dieu  devient 
le  centre  d'un  cimetière  de  prédilection  pour  les  générations 
suivantes.  Son  voisinage,  comme  «  l'égout  des  toits  »  des  églises 
chrétiennes  est  une  bénédiction  pour  les  morts.  Pour  ce  qui  est 


FiG.  39.  ~  Plan  de  la  qoubba  de  Sîdi  Bou-Médine. 


de  l'ornementation,  qui,  sans  modifier  le  plan  initial,  a  complè- 
tement changé  l'aspect  de  l'édifice,  elle  appartient  à  des  âges 
très  diff'érents.  Yarmorâsen  ben-Zeiyân  y  travailla;  Abou'l-Hasen 
Ali  le  Mérinide,  en  fondant  la  mosquée,  y  apporta  de  très  impor- 

1.  Comp.  pour  les  qoubbas  vénérées  du  Caire,  Van  Berchem,  Matériaux  pour 
un  Corpus,  p.  63  et  597. 

2.  Cependant  déjà  l'Almohade  es-Saîd  aurait  été  enterré  auprès  du  «  Secours 
suprême»  par  ordre  de  son  vainqueur  Yarmorâsen  {Histoire  des  Berbères,  III, 
p.  250)  ;  le  Zeiyânide  Abou'l-Abbâs  Ahmed  (f  866  de  Thégire)  y  aurait 
aussi  son  tombeau  {Complément  de  V Histoire  des  Beni-Zeiyân,  p.  349). 


232  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

tants  remaniements,  enfin  la  domination  turque  y  marqua  beau- 
coup plus  récemment  son  empreinte.  Un  incendie  l'ayant  assez 
gravement  endommagé,  il  subit,  à  la  fin  du  xviii''  siècle,  d'im- 
portantes restaurations.  C'est  même  à  ce  point  de  vue  un  des 
seuls  monuments  de  Tlemcen  où  l'on  puisse  reconnaître  la 
trace  de  cette  époque  de  décadence,  qui  couvrit  Alger  de  ses 
productions. 

La  qoubba  proprement  dite  est,  suivant  le  plan  consacré  en 
Orient  comme  en  Occident,  une  chambre  carrée  surmontée 
d'une  coupole  ^  Des  défoncements  à  arcade  en  fer  à  cheval 
occupent  les  quatre  murs  intérieurs  ;  ils  sont  percés  chacun  dans 
la  partie  supérieure  par  une  petite  fenêtre  terminée  en  accolade, 
et  garnie  de  treillis  géométriques  en  plâtre.  Des  fenêtres  plus 
petites  s'ouvrent  au  dessus.  Le  mur  occidental  est  percé  d'une 
porte  également  en  arc  brisé  outrepassé.  La  coupole  qui  couvre 
cette  chambre  est  établie  sur  douze  pans  décorés  de  vingt- 
quatre  petites  arcades  plein  cintre,  d'où  partent  une  combinai- 
son de  divisions  géométriques  aboutissant  à  une  étoile  de  vingt- 
quatre  pointes.  A  l'extérieur,  cette  coupole  s'indique  par  un  toit 
à  quatre  croupes  couvert  en  tuiles  vernissées  vertes. 

La  décoration  qui  garnit  le  cadre  de  la  porte  du  côté  de  la 
cour  est  l'œuvre  d'un  artiste  turc,  comme  l'atteste  l'inscription 
poétique  suivante  :  a  Louange  à  Dieu  !  Celui  qui  a  ordonné  l'em- 
beUissement  de  ce  caveau  béni,  consacré  à  la  sépulture  du 
Chîkh  Sîdi  Bou-Médyen  (Puissions-nous  avec  la  grâce  de 
Dieu  nous  le  rendre  favorable!)  est  le  serviteur  de  Dieu  le 

1.  On  trouvera  des  descriptions  de  la  qoubba  de  Sidi  Bou-Médine  ap.  Bar- 
gès,  Tlemcen,  ancienne  capitale,  ip.  269  et  suiv.  ;  —  Brosselard,  Bévue  africaine, 
décembre  1859,  p.  83  et  suiv.;  —  de  Lorral,  Tlemcen,  327,  328;  —  Ary  Renan, 
Gazette  des  Beaux-Arts,  1893,  1,  p.  178,  179. 


234  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

seigneur  Mohammed  Bey.  Que  Dieu  fortifie  son  pouvoir,  lui 
accorde  son  aide  protectrice  et  lui  donne  le  paradis  pour 
demeure  éternelle  !  Année  mil  deux  cent  huit.  —  Arrête  ton 
regard  sur  ces  perles  rares  et  précieuses  que  tu  vois  briller 
autour  d'un  cou  charmant.  Celui  qui  en  a  formé  le  collier  est 
un  jeune  amoureux;  son  nom  :  El  Hâchmi-ben-Çarmachîq ^  ». 

Cette  date  correspond  à  l'année  1793  de  l'ère  chrétienne. 
C'est  probablement  à  Çarmachîq  que  l'on  doit  attribuer  la 
décoration  intérieure;  elle  est  de  facture  empâtée  et  mala- 
droite, fortement  inspirée  des  décors  arabes,  combinaison  de 
losanges  festonnés  analogues  à  ceux  que  nous  rencontrerons  tout 
à  l'heure  à  la  Médersa,  mais  décorés  en  partie,  suivant  le  goût 
turc,  d'élément  floraux  disposés  sur  une  tige  droite.  La  coupole 
est  garnie  de  polygones  peints  en  (hfîérents  tons  (^fig.  40),  les 
plus  grands  décorés  de  motifs  floraux  ;  les  tons  employés  sont 
le  blanc,  le  rouge,  le  jaune,  l'orangé,  le  bleu  et  le  vert.  Des 
vitraux,  les  uns  assez  puissants,  bleus,  verts  clairs,  rouges,  qui 
semblent  colorés  dans  la  masse,  d'autres  d'un  ton  plus  douteux, 
orangés  et  vieux  rouges,  garnissaient  les  fenêtres.  Un  lambris- 
sage  en  faïence  revêt  tout  le  bas  ;  il  est  composé  de  carreaux 
de  0™,13,  les  uns  à  décor  en  deux  tons,  bleu  sur  blanc  rosé, 
les  autres  à  décor  polychrome  où  se  rencontrent  les  bleus,  le 
violet  de  manganèse,  le  vert  de  cuivre  et  le  jaune,  caractéris- 
tiques des  fabrications  italiennes  ^.  Un  pavement  de  date 
récente  garnit  toute  la  chambre  sépulcrale,  qui  contient, 
derrière  une  cloison  de  bois,  entourés  de  tentures,  d'étendards, 
d'œufs  d'autruches,  de  lustres,  de  cierges,  de  tableaux  votifs 

1.  Cf.  Brosselard,  Revue  africaine,  décembre  1859,  p.  87  et  suivantes;  — 
sur  Çarmachîq,  cf.  suprà,  p.  39. 

2.  Ils  datent  sûrement  de  l'époque  turque,  et  c'est  bien  à  tort  qu'Ary  Renan 
veut  les  faire  remonter  à  l'époque  de  Yarmorâsen. 


SÎDI  BOU-MÉDINE  235 

de  toute  nature,  les  deux  catafalques  de  Sîdi  Bou-Médjen  TAn- 
dalou  et  de  Sîdi  Abd-es-Selâm  le  Tunisien. 

Un  petit  cloître  carré,  sorte  d'atrium  tétrastyle,  précède  le 
tombeau.  Les  colonnes  d'onyx  en  sont  surmontées  d'arcades 
en  fer  à  cheval  plein  cintre.  Ces  colonnes  et  leurs  chapiteaux 
[fig.  41  et  44)  proviennent,  ainsi  que  l'indique  l'inscription 
relevée  sur  le  turban  de  deux  d'entre  eux,  du  palais  de  la  Victoire ^ 
qu'Abou'l-Hasen  avait  fait  élever  àMansourah.  Ils  sont  décorés, 
suivant  trois  mo- 
dèles différents,  et 
de  dimensions  va- 
riables. Dans  tous 
on  retrouve  une  por- 
tion  supérieure 
carrée  garnie  de 
reliefs  faibles,  et 
enveloppée  à  sa 
base  de  palmes  di- 
visées, qu'une  liga- 
ture médiane  réunit 
deux  par  deux,  et 
une  portion  cylin- 
drique où  courent  les  grands  méandres  infléchis  au  sommet. 
Deux  d'entre  eux  portent  des  bandeaux  couverts  d'inscriptions. 
Les  courbes  de  ces  bandeaux  sont  aplaties  et  ne  se  continuent 
pas  sur  les  différentes  faces  pour  former  un  cercle  unique; 

l.  «  La  construction  de  cette  demeure  fortunée,  palais  de  la  Victoire,  a  été 
ordonnée  par  le  serviteur  de  Dieu,  Ali,  Emir  des  musulmans,  fils  de  notre 
maître  TEmir  des  musulmans  Abou-Saîd  fils  de  Yaqoub,  fils  d'Abd-El-Haqq, 
en  745  »  (Cf.  Revue  africaine,  juin  1859,  p.  337). 


Fio.  41.  —  Chapiteau  d'onyx. 


236  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

trois  d'entre  eux  portent  des  enroulements  de  palmes  rappe- 
lant la  volute.  Le  chapiteau  de  l'angle  Sud-Est  est  une  réduction 
des  grands  chapiteaux  de  la  mosquée  de  Mansourah  [fig.  71). 

Le  pavement  est  composé  d'éléments  disparates,  la  plupart 
de  date  assez  récente,  quelques-uns  de  modèles  archaïques 
curieux.  Vers  l'angle  Nord-Est,  on  rencontre,  très  endommagés 
par  le  frottement,  de  petit  carreaux  de  6  à  10  centimètres,  à  faible 
relief,  estampés  et  couverts  d'un  émail  translucide  vert  ou  d'une 
ocre  verdâtre  [fitj.  42  et  43).  Il  nous  semble  difficile  d'en 
préciser  exactement  rorfgine,  mais  le  style  du  décor  floral 
qui  les  garnit  porte  la  marque  incontestable  de  l'inspiration 
turque.  On  en  retrouve  de  semblables  dans  quelques  parties 
du  çahn  de  la  mosquée  ^  et  le  musée  de  Tlemcen  en  possède 
de  nombreux  spécimens. 

Nous  signalerons  aussi,  près  du  pilier  Nord-Ouest  un  unique 
fragment  de  grand  carreau  émaillé  d'une  fabrication  très  défec- 
tueuse ;  le  décor  géométrique,  à  bandes  blanches  limitant 
des  polygones  diversement  colorés,  est  formé  d'émaux  tout 
semblables  aux  couvertes  de  la  mosaïque.  Des  filets,  simplement 
laissés  sans  couverte,  ont  pour  but  d'empêcher  le  mélange  des 
émaux.  Malgré  l'imperfection  ou  plutôt  à  cause  de  Timperfec- 
tion  même  de  rexécution  qui  provient  surtout  de  l'inégale 
fusibilité  des  émaux  employés,  ce  fragment  nous  semble  fort 
intéressant.  11  n'est  pas  le  seul  oii  se  puisse  noter  cette  ten- 
dance à  remplacer  la  mosaïque  des  belles  époques  par  le 
carreau  polychrome,  d'un  emploi  plus  facile.  On  trouvera  au 
Musée  de  Cluny  des  fragments  d'origine  espagnole  d'une  tech- 

\.  Ary  Renan  les  signale  ap.  Gazette  des  Beaux-Arts,  1893,  p.  179;  il  parle 
aussi  «  d'engobes  à  émail  ombrant  dessinant  de  rapricieux  méandres  obtenus 
en  deux  tons  par  de  patientes  réserves».  Nous  n'avons  rien  vu  de  semblable. 


SÎDI  BOU-MÉDINK 


237 


238  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

nique  plus  perfectionnée  :  Tun  où  le  céramiste  a  employé  un 
procédé  identique,  un  autre  où  un  émail  noir  fixe  forme  cloi- 
son entre  les  différents  émaux.  On  en  pourra  également  étudier 
un  au  musée  de  Tlemcen  où  les  couleurs  sont  enfermées  dans 
une  très  légère  dépression  préalablement  creusée  ou  estampée 
dans  le  carreau,  la  cloison  de  terre  formant  un  trait  clair 
alentour.  C'est  là,  comme  on  le  voit,  un  procédé  analogue  à 
celui  des  azulejos  d'Andalousie.  Eufîn  l'on  trouvera  sur  les 
marches  de  l'escalier  de  la  qoubba  un  décor  polygonal  peint 

sur  émail  stannifère 
cerné  de  traits  au  bleu 
de  cobalt.  Tel  est  pro- 
])ablement  le  dernier 
stade  de  cette  «  contre- 
façon »  du  décor  géo- 
métrique en  mosaïque 
de  faïence  ^ 

Près  du  puits  sacré  -, 
dont  la  margelle  d'onyx 
s'est  profondément  in- 
taillée au  lent  travail 
de  la  chaîne,  une  arcade 

FiG.  4i.  —  Chapiteau  tronyx. 

s'ouvre  qui  donne  accès 
à  différents  niveaux  dans  deux  petits  cimetières,  l'un  à 
ciel  ouvert,  l'antre  sorte  de  chambre  pavée,  et  à  un  esca- 
lier de  huit  marches  qui  monte  à  la  cour  extérieure 
de  la  mosquée.  Le  plafond  de  bois  qui  le  couvre,  ainsi  que 


1.  Cf.,  sur  cette  contrefaçon,  Introduction,  p.  78. 

2.  L'eau  passe  pour  avoir  des  vertus  miraculeuses.  Cf.,  pour  les  sources 
miraculeuses  dans  l'islam,  Goldziher,  Moh.  Studien,  p.  345  et  suiv. 


SÎDI  BOU-MÉDINE  239 

l'auvent  donnant  sur  la  cour,  que  lauvent  extérieur 
qui  protège  la  porte  sur  la  rue  du  village  et  la  porte  d'entrée 
du  sépulcre,  sont  revêtus  de  peintures  d'un  bon  effet  datant 
vraisemblablement  de  l'occupation  turque.  On  y  trouve  des 
combinaisons  géométriques  décorant  les  panneaux  ouïes  caissons 
centraux,  des  bordures  et  des  arcades  ornées  de  motifs  floraux 
[fig.  45)  qui,  retrouvés  sur  des  pierres  tombales  appartenant 


FiG.  4o.  —  Spécimens  des  décors  peints. 


aux  dernières  années  du  xviif  siècle  S  permettent  d'assigner 
une  date  certaine  à  cette  partie  du  monument.  A  la  même 
époque  encore  semblent  appartenir  les  deux  colonnettes  de  bois 
peint,  à  chapiteaux  corinthiens  qui,  aux  deux  côtés  de  la  porte 
extérieure  du  tombeau,  supportent  l'auvent. 

1.  Notamment  sur  celle  du  Caïd  Slîmàn  ben-Mohammed  El-Kourdi  (Cf.  Bros- 
sclard,  Revue  africaine,  décembre  1859,  p.  90). 


240 


LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 


C.  —  Mosquée  de  Sîdi  bou-Médine 


Le  porche.  —  Une  grande  arcade  en  fer  à  cheval,  déformée 
au  sommet  par  une  brisure  non  exprimée,  forme  le  cadre  somp- 
tueux du  porche  monumental  de  la  mosquée  ^  Onze  marches 
permettent  Taccès  du  niveau  de  ce  porche  et  font  à  cette  ar- 
cade une  base  majestueuse.  L'écartement  des  pieds  droits  est 
de  3  mètres  et  la  distance  du  sol  de  la  cour  au  haut  du 
cintre  dépasse  7  mètres.  Un  triple  feston  de  briques  divise 
le  cadre  en  deux  parties  :  Tune,  formée  par  une  hirge  bordure 
circulaire  pourtournant  le  cintre  et  prolongée  au-dessous  de  sa 
naissance,  pendant  plus  d'un  mètre;  Tautre  formée  par  deux 
écoinçons.  La  garniture  de  ce  cadre  est  faite  d'arabesques  en 
mosaïque  de  faïence  h  quatre  tons,  blanc,  brun,  vert  et  jaune  de 
fer,  et  bordée  par  un  filet  vert.  L'élément  qui  les  compose  est 
lapalme  double  formant  un  entrelacs,  régulièrement  répété,  sui- 
vant un  axe  médian  pour  le  tronçon  vertical  qui  orne  la  partie 
des  pieds  droits  [fig.  46),  suivant  des  axes  rayonnant  au  centre 
d'appareillage  pour  la  bordure  du  cintre.  Une  bande  courant 
au-dessus  de  cet  encadrement  rectangulaire  porte  sur  fond 
blanc,  en  beaux  caractères  andalous,  l'inscription  suivante  : 
((  Louange  au  Dieu  unique  :  l'érection  de  cette  mosquée  bénie  a 
été  ordonnée  par  notre  maître  le  sultan  serviteur  de  Dieu,  Ali, 
fîls  de  notre  seigneur  le  sultan  Abou-Said  Otsmân,  fils  de  notre 
maître  le  sultan  Abou-Yousef  Yaqoub,  filsd'Abd~el-Haqq,  —  que 

1.  Notre  vue  est  prise  des  terrasses  qui  rejoignent  la  maison  de  l'oukil  au 
tombeau  du  Saint 


Pl.  XVII 


PORTAIL  DE  LA  MOSQUÉE  DE  SIDI-BOU-MËDYEN 


SIDI  BOU-MÊDINE  241 

Dieu  le  fortifie  et  lui  accorde  son  secours  —  en  l'année  739  » 
(1339  de  Fère  chrétienne^). 

Un  décor  géométri€|ue  de  briques  incrustées  de  plaques 
d'émail  brun  et  de  filets  verts  constitue,  avec  ses  cinq 
rosaces  rayonnantes  autour  d'étoiles  à  huit  pointes,  une 
frise  robuste  à  ce  portail.  Un  auvent  de  tuiles  la  couronne, 
porté  par  une  série 
de  consolettes  gémi- 
nées. La  doiielle  de 
r arcade  porte  un 
revêtement  régulier 
blanc  jaune  et  brun. 
Sur  le  cavet  d'encor- 
bellement  se  lit 
l'inscription  suivante  : 
((  Fondé  par  notre 
maître  Abou'l-Hasen 
serviteur  de  Dieu, 
Ali».  La  bande  qui 
la  porte  est  formée 
de  six  plaques  de 
terre  cuite  primiti- 
vement vernissée  au 


FiG.  46.  —  Décor  en  mosaïque  de  faïence. 
(Garniture  des  pieds-droits.) 


brun  de  manganèse,  que  Ton  a  enlevé  au  burin  dans  les  fonds, 
de  manière  à  détacher  Tornement  sur  la  terre  rosée  [fig >  47).  Ce 
procédé  s'observe  dans  certains  monuments  d'Orient  et  duMaroc^. 


1.  Brosselard,  les  Inscriptions  arabes  de  Tlenicen  {Revue  africaine,  août  1859, 
p.  403);  à  l'époque  où  Bargès  visita  Tlemcen,  Tinscriplion  commémorative 
disparaissait  encore  sous  un  badigeon  de  chaux  datant  de  Fépoque  turque 
(Cf.  Tlemcen,  ancienne  capitale,  p.  291). 

2.  A  Tauris,  dans  un  monument,  Téniail  bleu  turquoise  a  ainsi  été  enlevé 

16 


âir2  LËS  MONUMENTS  AHABES  DE  TLEMCEN 

Les  degrés  de  l'escalier,  en  1)riqiies  posées  de  champ  ^, 
occupent  aux  deux  tiers  la  baie  profonde  du  porche.  Une 
petite  porte  s'ouvre  dans  chacun  des  murs  latéraux;  celle  de 
droite  donne  accès  dans  une  chambre  pouvant  servir  de  dor- 
toir à  des  pèlerins,  celle 
de  gauche  sur  un  escalier 
qui  monte  à  la  salle  d'école 
coranique.  Au  fond  s'ouvre 
la  porte  de  la  mosquée 
proprement  dite. 

La  décoration  de  plâtre 
ne  commence  qu'ai'", 70  du 
sol  ;  c'est  une  des  créations 
les  plus  heureuses  que  nous 
aient  laissées  les  gjpso- 
jdastes  maghribins.  Elle 
se  compose  à  droite  et  à 
gauche  de  deux  étages  de 
petits  panneaux  [fi(j.  48, 
57)  inscrits  dans  de  fines 
arcades;  elle  se  continue 

Décor  céramique  de  la  douelle  (Porche).  ll^ut  par  une  grande 

coupole  à  stalactites.  Une 
d)uble  bordure  la  limite  en  bas  et  forme  l'encadrement 
des  deux  petites  portes  ;  l'une  de  ces  bordures,  dont  on  trouvera 

(J.  Dieulaloy,  la  l'erse,  ap.  Tour  du  Monde,  1883,  I,  p.  30).  Aii  Louvre,  on 
peut  voir  un  revêtement  provenant  du  palais  de  Tanger,  dont  la  bordure 
est  épralement  en  brun  et  se  détache  sur  le  fond  de  terre. 

1.  On  peut  voir  un  escalier  semblable  à  la  Puerta  del  Sol  de  Tolède,  qui 
présente  de  Uë^  ingénieux  emplois  de  la  brique. 


Pl.  XVIII 


PORTAIL  DE  LA  MOSQUÉL  DE  61DI  BOU-MÉDYEN 


(Vu  du  ÇAHN) 


SÎDI  BOU-MÉDINE 


245 


Tin  fragment  reproduit  ici  (fig.  55),  porte  une  inscription 
coufîque  d'un  très  beau  style. 

De  massifs  vantaux  de  cèdre  revêtus  de  plaques  de  bronze 
repercé  séparent  ce  porche  de  la  mosquée  ^  Le  tambour  dans 
lequel  ils  s'ouvrent  porte  comme  frise  une  répétition  en  grands 
caractères  andalous  de  Tinscription  dédicatoire  du  portail  - 
[fig.  56  A). 

La  mosquée:  Plan^  di7nensions.  —  Deux  nouveaux  degrés 
permettent  d'accéder  au  sol  de  la  mosquée  proprement  dite. 
La  cour,  qui  mesure  10"", 20  de  longueur  sur  1™,35  de  large,  est 
entourée  de  portiques  à  une  seule  nef.  Les  deux  galeries  flan- 
quant le  tambour  sont  relevées  de  1°',75  au-dessus  du  niveau 
de  la  cour  et  portent  de  petites  balustrades  de  bois  ;  on  les  dit 
réservées  aux  femmes. 

Cinq  nefs  divisent  la  salle  de  prière,  large  de  19  mètres  et 
profonde  de  15,  par  des  arcatures  perpendiculaires  au  mur  du 
fond.  Ces  nefs  ont  une  largeur  de  3",  10;  la  nef  principale  a  3°", 50. 
Les  arcs  sont  portés,  comme  ceux  des  portiques  de  la  cour, 
par  des  pieds  droits-^;  une  coupole  précède  le  mihrâb.  Une 

1.  Notre  photographie  présente  au  premier  plan  le  pavage  du  çahn  en 
briques,  à  gauche  un  des  battants  de  la  porte  de  bronze  [fig.  58),  plus  loin  le 
pavage  de  tuiles  vernissées  du  porche,  formant  la  dernière  marche  de  l'esca- 
lier, le  beau  décor  de  plâtre  sculpté  garnissant  les  murs  et,  encadrant  la  petite 
porte  latérale  {fig.  48,  55;,  le  départ  des  stalactites  delà  voûte,  la  garniture  en 
mosaïque  de  faïence  du  cadre  intérieur  et  de  la  douelle  de  l'arcade  principale 
[fig.  47),  entîn  l'arrière-plan  montre,  de  l'autre  côté  de  la  cour,  l'auvent  abri- 
tant l'entrée  du  tombeau,  à  droite,  l  angle  de  la  qoubba. 

2.  Avec  quelques  variantes  :  «  Ceci  a  été  édifié  par  l'ordre  de  notre  maître, 
l'émir  des  musulmans,  le  serviteur  de  Dieu,  Ali,  fils  de  notre  maître,  émir  des 
musulmans  qui  a  livré  le  bon  combat  dans  le  sentier  de  Dieu  Abou-Saîd  Ots- 
mân,  fils  de  notre  maître  le  prince  des  musulmans,  qui  a  livré  le  bon  com- 
bat...»; elle  couvre  trois  des  faces  du  tambour  ;  sur  la  quatrième,  le  plâtre  est 
tombé. 

3.  Les  deux  piliers  de  droite  et  de  gauche  de  la  nef  centrale,  en  avant  du 
mihrâb,  portent  enchâssées  les  tables  des  habous  de  la  mosquée,  l'une  datant 


246  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

porte  placée  à  droite  donne  accès  dans  la  salle  des  morts. 
Quatre  fenêtres  éclairent  la  nef  transversale  du  fond,  en  plus 
des  ouvertures  qui  couronnent  le  mihrâb  et  font  pour  ainsi 
dire  partie  de  son  cadre,  deux  s'ouvrent  dans  les  murs  latéraux, 
deux  autres  dans  le  mur  du  fond  de  chaque  côté  du  mihrâb. 
Deux  grandes  portes  latérales  font  communiquer  la  salle  de 
prière  avec  l'extérieur. 

Les  nefs  sont,  ainsi  que  la  plupart  des  dépendances  de 
l'édifice,  couvertes  <le  plafonds  portant  des  revêtis  de  plâtre, 
formant  des  caissons  d'une  grande  variété  de  formes.  Les 
combles  et  les  toits  de  tuiles  qui  les  couvrent  ont  été  relevés. 


Fie.  50.  —  Fragment  de  plafond  à  caissons. 


par  l'Administration  française,  de  0"',75,  pour  isoler  les  plafonds, 
qui  étaient  gravement  endommagés  par  l'humidité.  L'auvent 
de  tuiles  sur  maçonnerie  qui  fait  le  tour  du  çahfi  marque  la 
place  du  toit  primitif.  Le  sommet  de  ces  plafonds  est  élevé  de 

de  l'époque  du  fondateur,  le  Mérinide  Abou'l-Hasen,  l'autre  du  temps  du 
Zeiyânide  Abou-Abdallah  Et-Tsâbiti  (commencement  du  xvr  sièclei  (Cf.  Bros- 
selard,  Revue  africaine^  août  1859,  p.  410-419; —  Hargès,  Tlemcen,  ancienne 
capitale,  p.  301  et  suiv.). 


ARCADES  DE  LA  SALLE  DE  PP.IÈRE 
(Mosquée  de  Sidi  Bou-Médyen) 


SÎDI  BOU-MÉDINE  247 

près  de  7  mètres  au-dessus  du  sol.  Les  arceaux,  dont  les  pieds 
droits  ont  2™, 65  d'écartement,  comptent  2°", 10  du  sommet  à 
la  naissance  du  cintre.  L'encorbellement  en  forme  de  cavet  a 
G'", 20  de  hauteur. 

La  salle  de  prière  se  trouve  établie  sur  une  tranchée  prati- 
quée dans  la  pente  rocheuse  de  la  colline  ;  un  passage  de 
4  mètres  environ  demeure  libre  dans  cette  tranchée,  à  l'Est, 
au  Sud  et  à  l'Ouest  de  la  salle  de  prière,  et  permet  de  circuler 
autour  de  l'édifice.  Des  côtés  de  l'Est  et  de  l'Ouest,  des  arceaux 
jetés  sur  ce  passage  jouaient  le  rôle  de  contreforts  extérieurs, 
et  peut-être  aussi  permettaient  Tétablissenient  de  treilles  ;  le 
passage  était  ainsi  transformé  en  un  petit  cloître  à  toit  de 
verdure,  analogue  à  celui  qu'on  trouve  à  l'Orient  delà  Grande 
Mosquée.  A  TOuest,  à  l'entrée  de  ce  cloître,  une  voûte  d'arête 
reliant  deux  arceaux  couvrait  la  sortie  de  la  porto  latérale 
de  la  salle  de  '])rière  ;  une  petite  chambre,  dépendance  de  la 
mosquée,  faisait  face  à  la  porte  et  était  adossée  à  la  masse 
rocheuse  qui  sert  de  base  à  la  Médersa.  Une  galerie  couverte 
faisait  suite  à  cette  chambre  sur  toute  la  longueur  du  passage, 
et  bordait  le  cloître  de  l'Ouest,  en  face  de  la  mosquée.  Des 
portes  en  arcades  largement  ouvertes  la  faisaient  directement 
communiquer  avec  le  cloître.  Avec  le  temps,  et  par  l'effet  de  la 
négligence  turque,  les  terres,  les  rochers  éboulés  avaient  par- 
tiellement obstrué  ce  passage  ménagé  autour  de  la  salle  de 
prière.  Les  arcades  des  contreforts  tombaient  en  ruine. 
L'administration  des  Monuments  historiques  apporta,  vers  1876, 
de  sérieux  remaniements  à  ce  cloître  extérieur  de  la  mosquée 
de  Bou-Médine.  Il  abattit  les  contreforts  du  côté  oriental, 
boucha  du  côté  occidental  les  portes  qui  ouvraient  la  galerie 
couverte,  déblaya  le  chemin,  et  par  des  travaux  de  soutènement 


248  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

empêcha  de  nouveaux  éboulements  de  la  paroi  rocheuse  qui 
domino  la  tranchée.  Le  passage  fut  rétabli  dans  un  état  assez 
analogue,  à  ces  quelques  modifications  près,  à  ce  qu'il  avait  dû 
être  primitivement.  Les  arcades  extérieures  deTOuest  existent 
donc  seules  aujourd'hui,  ainsi  que  la  voûte  d'arête  qui  couvre, 
de  ce  côté,  la  sortie  de  la  porte  latérale.  L'écartement  des 
arcades  y  est  de  3"',50  ^ 

Composition  du  décor.  —  Les  arcs  des  nefs  et  du  cloître, 
dont  la  brisure  n'est  qu'une  déformation  supérieure,  sont 
enveloppés  par  un  cercle  plus  grand,  dentelé  et  soutenu  par 
deux  colonnettes  engagées  [fig.  54).  Les  trumeaux  portent 


FiG.  51.  —  Frise  de  plâtre. 


des  motifs  à  répétition.  Quant  aux  écoinçons,  les  garnitures 
de  rinceau,  parées  en  leur  centre  de  disques  à  inscriptions 
cursives,  y  alternent  avec  un  décor  régulier  toujours  bâti  sur  le 
thème  du  réseau  formé  par  superposition  de  palmes. 

Le  mihrâb  est  composé  suivant  le  plan  déjà  décrit  ;  on  y 
trouve  le  cintre  à  claveaux,  les  écoinçons,  qui  y  portent  un 

1.  Un  dessin  du  cloître  extérieur  de  Sîdi  Bou-Médine  (partie  orientale  dis- 
parue?) figure  ap.  Piesse  et  Canal,  Tlemcen,  p.  17. 


SÎDI  BOU-MÉDINE  249 

motif  central  en  relief  semblable  à  cehii  de  Sîdi  Bel-Hassen,  les 
inscriptions  coufîques  du  cadre  et  de  la  cimaise  et  les  trois 
fenêtres  à  claires-voies  géométriques.  La  niche  porte  la  coupole 
à  stalactites  sur  les  arceaux  habituels.  La  coupole  qui  précède 
le  mihrâb  est  ajourée  et  garnie  de  vitraux  colorés,  jaunes, 
bleus,  verts  et  rouges.  Elle  se  relie  au  plan  carré  non  par 
rencorbellement  ordinaire,  mais  par  un  plan  horizontal  jeté  sur 
l'angle  et  décoré  d'un  défoncement  profond.  La  fragihté  de 
cette  coupole  a  dû  d'ailleurs  nécessiter  des  réparations  fré- 


FiG.  52.  —  Frise  de  plâtre. 


quentes  ;  le  stylo  des  reperçages  semble  de  très  basse  époque 
et  apparenté  au  style  turc  des  revêtements  de  la  qoubba. 

Ajoutons  enfin  que  les  murs  de  la  mosquée  sont  entièrement 
garnis  à  partir  de  l'",60,  d'un  décor  régulier  très  simple  et 
analogue  à  un  des  motifs  de  Sidi  Bel-Hassen,  et  que  des  frises 
géométriques  de  deux  types  différents  courent  au  haut  de 
tous  les  panneaux  (fig.  51  et  52). 

Chapiteaux.  —  Les  deux  seules  colonnes  d'onvx  de  la 
mosquée,  qui  portent  l'arc  du  mihrâb,  sont  munies  de  chapiteaux 
d'une  grande  élégance  de  forme  et  d'exécution  très  habile.  Ils 


250  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEX 

offrent  cette  différence  avec  les  chapiteaux  de  la  même  époque 
que  les  reliefs  en  sont  plus  forts,  les  profils  plus  souples  et 
plus  hardis,  la  silhouette  générale  plus  nettement  accusée.  Ils 
comportent  d'ailleurs  les  éléments  essentiels  des  types  primitifs; 


Fin.  53.  —  Chapiteau  du  mihràb. 


on  y  retrouve  l'astragale  spiralée,  le  méandre  à  crochet,  les 
palmes  et  les  volutes  d'angle,  le  turban  et  le  tasseau  qua- 
drangulaire  supérieur.  Le  tailloir,  très  large,  se  relie  directe- 


Pl.  XX 


A.  Fontemoing,  Editeur,  Paris  Phototypie  Bei 

MIHRÂB  DE  LA  MOSQUÉE  DE  SlDI  BOU-MÉDYEN 


SÎDI  ]K)U-MÉDINE  251 

ment  au  reste  du  chapiteau  ;  comme  lui,  il  est  recouvert  de  fins 
décors  en  relief  rehaussés  de  couleur.  La  courbe  des  crochets, 
l'importance  et  la  disposition  des  volutes,  dont  Taxe  est  per- 
pendiculaire aux  diagonales  du  tailloir,  rattachent  bien  plutôt 
ces  chapiteaux  mérinides  aux  vieux  types  du  xif  siècle  qu'à 
ceux  des  édifices  de  Mansourah.  Ils  se  distinguent  encore 
plus  nettement  des  chai)iteaux  de  TAlhambrapar  le  galbe  géné- 
ral, la  proportion  de  leurs  différentes  parties  et  la  compré- 
hension du  modelé.  C'est  donc  là  une  des  créations  les  plus 
originales  et  les  plus  heureuses  de  Tart  arabe  occidental.  Le 
style  des  ornements  superficiels  les  rattache,  d'ailleurs,  d'une 
manière  étroite  au  décor  du  reste  de  la  mosquée  et  l'inscription 
du  turban  leur  assigne  une  date  indiscutable.  <(  Ce  monument, 
dit  le  chapiteau  de  droite,  est  l'œuvre  qu'a  commandé  de  faire 
notre  maître  l'émir  des  musulmans  Abou'l-Hasen,  fils  de  notre 
maître  l'émir  des  musulmans  Abou-Yaqoub.  »  Et  le  chapiteau 
de  gauche  ajoute  :  «  Ce  qu'il  a  ambitionné,  c'est  de  se  rendre 
agréable  au  Dieu  tout-puissant,  et  il  espère  en  sa  récompense 
magnifique.  Que  Dieu,  à  cause  de  cette  œuvre,  daigne  lui 
réserver  ses  grâces  les  plus  efficaces  et  lui  donner  la  place  la 
plus  haute  ^.  » 

Il  convient  de  mentionner  également  ici  les  petits  chapiteaux 
de  plâtre  des  colonnettes  engagées  qui  font  partie  du  décor  des 
cintres  [fig.  54).  Ils  présentent  une  simplification  curieuse  et 
assez  fréquemment  employée  du  chapiteau  moresque.  Ils  se 
composent  d'un  méandre  inférieur  très  long  et  de  deux  palmes 
doubles  enveloppant  une  feuille  simple.  Leur  comparaison  avec 
un  chapiteau  beaucoup  plus  grand  (B)  du  Tocadorde  la  Reine  à 


1.  Cf.  Brosselard,  Revue  africaine,  1859.  p.  403, 


252  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

TAlhambra,  fera  connaître  les  dispositions  qu'ils  schématisent. 
On  pourra  aussi  en  rapprocher  un  ornement  de  plâtre  (A)  qui, 
dans  les  monuments  mérinides,  remplit  des  panneaux  entiers  et 

dont  on  chercherait  en 
'l^y ^^^^    Tanalogue  dans 
tous  les  autres  décors 
floraux. 

Les  stalactites.  —  La 
mosquée  de  Sîdi  Bou- 
Médine  présente,  avec 
la  voûte  de  son  porche, 
Texemple  le  plus  hnpor- 
tant  qui  soit  à  Tlemcen 
de  la  coupole  en  ruche 
d'abeilles.  Préparée  par 
rencorbellement  de 
quelques  coupolettes  qui 
s'isolent  de  la  masse 
supérieure  par  une  frise 
méplate,  elle  présente 
les  dispositions  ordi- 
naires de  ces  genres  de 
décor.  Elle  fait  inter- 
venir le  rectangle  dé- 
coré ;  mais  on  n'y  trouve 
pas  la  stalactite  propre- 
ment dite,  rattachée  par 
son  sommet  seulement 


FiG. 


—  Décor  des  cintres. 


à  la  construction  générale.  Elle  a  eu  fort  à  souffrir  des  passages 
à  la  chaux  qui  ont  empâté  la  ciselure  de  ses  arêtes  et  ont  fait 


SiDI  BOU-MÉDINE  253 

disparaître  en  partie  le  décor  gravé,  peut-être  peint,  qni  l'en- 
richissait. Cependant  elle  met  encore  dans  Tombre  chande  de 
la  baie  la  voûte  somptueuse  de  ses  facettes  où  se  jouent  les 
reflets  du  pavé. 

Décor  épigraphique.  —  L'élément  épigraphique  tient  une 
place  très  importante  dans  le  décor  de  plâtre.  Non  seulement 
récriture  cursive  forme  de  longues  et  minces  bordures  à  Fen- 
tour  de  presque  tous  les  panneaux^,  mais  encore  elle  s'étale 
en  de  plus  grandes  proportions  [ftg.  56,  A)  et  avec  un  carac- 
tère plus  décoratif  sur  le  tambour  d'entrée,  oii  elle  reproduit 
Tinscription  dédicatoire.  Un  rinceau  très  élégant  court  au- 
dessous  des  lettres  du  type  andalous,  dont  la  tournure  rappelle 
avec  beaucoup  de  bonheur  la  liberté  du  qalam. 

Le  coufîque  fleuri  y  est  représenté  par  plusieurs  exemples 
intéressants,  au  décor  du  mihrâb,  et  sur  les  murs  latéraux  du 
portail  où  il  se  môle  intimement  au  décor  floral,  formant  de 
larges  bandes  de  0™, 27  de  haut.  Ce  dernier  spécimen  est  un  des 
plus  beaux  décors  épigraphiques  que  nous  aient  laissés  les  artistes 
mérinides.  Nous  en  donnons  un  fragment  ici  {fi(j.  55).  Il  se 
compose  de  deux  lignes  superposées  :  la  ligne  d'en  haut,  en 
petits  caractères,  répète  deux  fois  la  formule  :  «  Louange  à 
Dieu  »  ;  la  ligne  du  bas,  en  caractères  plus  grands  et  plus  sobres, 
complète  par  la  mention  «pour  ses  bienfaits»,  une  seule  fois 

1.  Elle  reproduit  une  formule  fort  simple  et  extrêmement  fréquente  sur  les 
monuments  d'Andalousie  :  El-moulkoud-duîmou  lillah  El-izzoïil-qàimoa 
l'dlûk  :  «I/empire  durable  est  à  Dieu,  la  gloire  stable  est  à  Dieu»  (Amador  de 
los  Rios,  Inscr/pciones  de  Setulla^  p.  135,  2i(),  243,  etc.  ;  —  Almagro  Cardcnas, 
Inscripciones  de  Granada,  10,  149,  173,  etc.  ;  le  mur  oriental  de  la  mosquée 
de  la  Pécberie,  à  Alger,  est  aussi  orné  d'une  inscription  analogue  :  «  L'empire 
durable  est  à  Dieu  ;  l'opulence  stable  est  à  Dieu»,  non  comprise  par  l'auteur 
du  Corpus  des  inscriptions  arabes  de  l'Algérie,  I.  54).  A  Tlemcen,  elle  figure 
sur  tous  les  monuments  mérinides. 


LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 


siDI  BOU-MÉDINE  255 

exprimée  ;  et  ces  deux  lignes  sont  disposées  de  telle  sorte  que 
la  ligne  d'en  haut  sert  à  celle  du  bas  de  couronnement  régu- 
lier. Cette  variété  de  coufirjue  apparaît  déjà  à  Sîdi  Bel-Hassen 
en  de  courts  fragments.  L'Alhambra  en  présente  quelques 
exemples  importants  (cour  de  l'Alberca,  frise  de  la  cour  des 
Lions,  etc.);  enfin,  nous  devons  signaler  l'analogie  de  ce  motif 
décoratif  de  Bou-Médine  avec  un  de  ceux  du  patio  de  las  Don- 
cellas  à  TAlcazar  de  Séville,  qui  reproduit  dans  la  même  dis- 
position une  eulogie  à  peu  près  identique  ^  Les  artistes  méri- 
nides  firent  de  ces  groupements  scripturaux  de  très  ingénieuses 
applications  en  des  décors  étendus.  Ce  genre  de  coufique,  que 
nous  appellerions  volontiers  coufique  architectural^  se  distingue 
du  coufique  à  entrelacs  de  Sîdi  Bel-Hassen  et  d'Oulâd  el-Imâm 
par  l'introduction  de  formes  rappelant  Farcade  dentelée  et  les 
toits  à  deux  versants.  On  remarquera  aussi  le  fleuron  médian 
surmontant  les  Lams  ou  les  Alifs  et  qui  résulte  de  la  soudure 
de  palmes  aff*rontées  telles  qu'elles  se  présentent  à  Sîdi  Bel- 
Hassen  [fig.  30). 

Décor  géométrique .  —  Le  revêtement  de  plâtre  ne  réserve 
pas  une  grande  place  à  la  géométrie  :  les  claires-voies  et  les 
frises,  auxquelles  viennent  s'ajouter  les  plafonds  et  leurs  cais- 
sons, tels  sont  les  seuls  emplois  qu'on  en  observe.  Nous  ver- 
rons tout  à  l'heure  que  le  décor  de  bronze  et  la  céramique  y 
trouvent  au  contraire  d'abondantes  fornmles  décoratives. 

Décor  floral.  —  La  mosquée  de  Sîdi  Bou-Médine  marque  un 
nouvel  appauvrissement  de  la  llore  ornementale  arabe.  Il  n'y 
a  plus  ici  de  palmes  décorées,  comme  dans  les  édifices  de  la 
fin  du  xnf  siècle.  On  peut  dire  que  la  feuille  lisse,  divisée  en 

1.  Cf.  Amador  de  los  Rios,  hiscripciones  arabes  de  Sevillà,  n"  71,  p.  150, 
avec  une  planche  reproduisant  le  cartouche  dé  l'inscription. 


256 


LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 


FiG.  56.  —  Décors  de  plâtre. 
A.  Frise  du  tambour  d  entrée.  —  B.  Motif  garnissant  les  murs.  —  C.  Décor 
de  trumeau.  —  D.  Petite  bordure  (cadre  du  mihrâb). 


SIDI  BOU-MEDINR  257 

deux  lobes  inégaux  ou  sans  découpage  et  marquée  parfois  d'un 
sillon  angulaire  qui  en  désigne  l'origine,  est  devenue  l'unique 
élément  des  entrelacs  curvilignes.  Elle  est  le  plus  souvent 
assujettie  à  une  tige  très  longue  et  très  souple,  et  tend,  en 
s'amaigrissant,  à  s'assimiler  au  trait  de  l'écriture  ornementale. 
L'exemple  ci-joint  [fig.  57)  mettra  en  lumière  ces  rappro- 
chements curieux  et  les 


échanges  qu'ils  occa- 
sionnent. Parfois  une  liga- 
ture réunit  deux  feuilles, 
parfois  un  troisième  lobe 
inférieur,  se  détachant  de 
la  base  de  la  feuille, 
donne  lieu  à  une  soudure 
médiane.  Les  figures  48 
et  56  donnent  un  exemple 
de  cette  soudure  et  de  la 
réunion  qui  l'a  engendrée. 

A  côté  de  la  feuille 
lisse,  il  faut  mentionner  la 
feuille  courte  à  nervures, 
toujours  détachée  de  son 
pied,  et  servant  invariable- 
ment de  remplissage 


[fig.  51,  52).   Cependant,        Fig.  57.  —  Décor  en  plâtre  (Porche), 
si  le  nombre  des  éléments 

floraux  est  extrêmement  restreint,  si  les  formes  ini- 
tiales qui  décorent  les  surfaces  se  réduisent  à  deux  ou  trois,  il 
convient  d'admirer  d'autant  plus  les  ressources  de  l'imagination 
décorative,  qui  a  su  varier  les  combinaisons  au  point  d'écarter 

17 


â58  LES  MONtlMEKlrs  ÀRABES  DE  ÏLEMCÈM 

toute  monotonie  de  cette  répétition  incessante.  Tel  semble  être 
en  effet  le  but  des  gypsoplastes  maghribins,  et  nous  signalerons 
à  ce  propos  un  ingénieux  procédé  employé  par  eux  pour  intro- 
duire la  variété  dans  les  multiples  reproductions  dn  même  motif. 
On  peut  l'observer  aux  rosaces  (^^.  55),  qui,  dans  le  porche, 
marquent  l'angle  des  tronçons  coufiques  déjà  décrits.  Ce  pro- 
cédé, analogue  à  celui  qu'employèrent  les  miniaturistes  dans  le 
coloriage  des  manuscrits,  consiste  à  varier  un  même  dessin 
plusieurs  fois  répété,  par  le  reperçage,  dans  un  exemplaire,  de 
certaines  parties  que  l'on  a  réservées  dans  un  autre,  ce  qui 
déplace  les  noirs  et  change  complètement  l'effet  de  l'ornement. 

Les  portes  de  bronze  [fig.  58).  —  Suivant  l'abbé  Bargès,  les 
portes  de  bronze  avaient  été,  jusqu'à  2  mètres  du  sol,  dépouillées 
de  leurs  revêtements  par  des  soldats  français.  Une  habile  restau- 
ration leur  a  rendu  leur  splendide  aspect  primitif .  Des  tringles, 
se  croisant  suivant  de  grandes  rosaces  à  quatorze  pointes,  se 
détachent  sur  des  plaques  repercées  d'entrelacs  floraux.  De 
petits  fragments  soudés  servent  au  treillis  formé  par  ces 
entrelacs,  de  transparents  colorés.  La  jolie  légende  qui 
veut  que  ces  portes,  promises  au  sultan  mérinide  comme 
rançon  d'un  captif  chrétien,  et  confiées  au  flot,  soient  venues 
par  cette  voie  d'Espagne  jusqu'au  rivage  maghribin,  bien 
qu'elle  ne  porte  naturellement  pas  le  caractère  d'une  grande 
authenticité,  semble  attribuer  à  ce  travail  une  origine  étran- 
gère. Il  est  curieux,  en  effet,  de  constater  qu'à  part  le 
grand  lustre  et  la  couronne  de  la  Grande  Mosquée,  à  part 
quelques  pentures,  quelques  marteaux  de  porte  de  faible  dimen- 
sion, quelques  clous  assez  adroitement  ciselés,  on  ne  retrouve 
à  Tlemcen  aucun  spécimen  de  cet  art  qui  exige  une  longue 
pratique  et  une  grande  habileté  technique.  Si,  d'autre  part,  on 


Fk;.  58.  —  Portes  de  bronze. 
Schéma  de  la  combinaison  géométrique  ;  B,  Décor  des  tringles;  G,  Heurtoir; 
D  etD',  types  de  clous;  E  F  G  II,  spécimens  de  remplissages. 


260  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

examine  un  travail  espagnol  analogue,  la  Puerta  del  Pardon  de 
la  cathédrale  de  Cordoue  par  exemple,  on  trouve  ses  vantaux 
revêtus  d'une  combinaison  simple  de  parallélogrammes  à  six 
côtés,  décorés  de  motifs  estampés  dans  le  bronze.  Ces  motifs 
sont  de  styles  fort  hétérogènes  ;  on  y  rencontre  des  entrelacs 
arabes,  un  écusson  chrétien,  des  imitations  de  sentences  cou- 
fiques,  enfin  l'inscription  espagnole  :  «  Se reedificaronaho  .  » 
Cette  indication  épigraphique,  venant  à  Tappui  de  ce  que  dit 
Maqqari  des  vieilles  portes  de  la  mosquée  de  Cordoue  ^  établit 
peut-être  l'existence  antérieure  d'une  œuvre  se  rapprochant  des 
portes  actuelles  comme  composition,  sinon  semblable  comme 
exécution,  dont  les  portes  de  Sîdi  Bou-Médine  nous  donnent  une 
idée  assez  exacte,  et  dans  laquelle  l'estampage  pouvait  bien  être 
remplacé  par  le  reperçage  et  la  ciselure.  Le  rapprochement 
des  heurtoirs  qui  les  décorent  avec  ceux  de  la  mosquée  magh- 
ribine  (fig.  58  C)  indique  une  inspiration  très  proche  parente, 
et  probablement  une  origine  commune.  On  sait,  d'ailleurs,  par 
les  poignées  d'épées,  les  casques  et  les  boucliers  moresques, 
le  degré  de  perfection  auquel  les  artistes  d'Espagne  étaient 
parvenus  dans  Tart  de  ciseler  et  de  graver  les  métaux.  Il  se 
peut  que  les  panneaux  qui  nous  occupent  ne  soient  qu'une 
belle  œuvre  de  plus  sortie  de  leurs  mains  et  que  la  légende 
n'ait  pas  complètement  menti. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  disposition  géométrique  chère  aux 
artistes  de  Tlemcen,  le  style  des  remplissages,  qui  présentent 
une  grande  analogie  avec  le  décor  de  plâtre  avoisinant,  et  la 
parfaite  convenance  des  proportions  avec  le  reste  de  Fédifice 

1.  «  Elles  sont  toutes  recouvertes  de  cuivre  jaune  merveilleusement  tra- 
vaillé »  (^y/«/ec/e5  de  r histoire  d'Espagne,  i,  361,  in  fine)\  —  Cf.  Morales, 
Antigûedades  de  Espana,  au  chapitre  Cùrdoba,  p.  54  et  suiv. 


SÎDI  BOU-MÉDINE  261 

semblent  indiquer  que,  si  le  travail  ne  fut  pas  exécuté  sur  place, 
il  le  fut  du  moins  d'après  un  carton  soigneusement  établi  par 
le  décorateur  maghribini. 

Le  minaret.  —  S'élevant  au  dessus  de  l'ensemble  des 


FiG.  59.  —  Angle  de  corniche  au  pavillon  de  la  coupole. 


pavillons  qui  couvrent  les  nefs,  le  porche  et  les  coupoles 
[fig.  59),  le  minaret,  par  Félégance  de  ses  proportions,  la 
variété  introduite  dans  les  classiques  dispositions  de  ses  gar- 
nitures, enfin  la  richesse  du  revêtement  céramique  qui  en 
décore  le  sommet,  nous  apparaît  comme,  un  des  plus  jolis 
spécimens  subsistants  de  ce  genre  d'édifice. 

La  composition  en  est  très  simple.  Toute  la  base  étant  engagée 


1.  Le  revêtement  de  portes  en  bronze  se  rencontre,  au  reste,  dans  d'autres 
édifices  mérinides  (Cf.  Léon  l'Africain,  éd.  Schefer,  11,  p.  15,  in  priricipio). 


262  LES  MONUMEÎ^TS  ARABES  DE  TLEMCEN 

dans  les  dépendances  de  la  mosquée  (chambre  des  pèlerins), 
la  décoration  ne  commence  qu'au  tiers  de  sa  hauteur  totale 
avec  une  arcade  festonnée.  Elle  se  continue  par  un  réseau 


FiG.  60.  —  A  et  B.  Spécimens  de  réseaux  garnissant  les  pans  du  minaret.  — 
G.  Inscription  en  couficiue  quadrangulaire. 


d'arcs  entrecroisés.  Ces  deux  formes  consacrées  de  tous  les 
minarets  d'Espagne  et  du  Maglirib  affectent,  sur  les  différentes 
faces,  de  curieuses  modifications  [fig .  60  A  B).  L'arc  inférieur 


SiDI  BOU-MÉDINE  263 

qui  enveloppe  les  fenêtres  donnant  jour  à  l'escalier  présente, 
au  Nord,  une  intéressante  disposition  d'arcades  lobées  rayon- 
nantes, dont  on  retrouve  l'analogue  à  la  Kotoubîj^a  de  Mar- 
rakech. Le  réseau,  que  des  fragments  de  céramique  incrustés 
dans  la  maçonnerie  parsemaient  de  fleurons  brillants,  cloison- 
nait un  champ  revêtu  d'enduit  où  couraient  des  ornements 
peints  en  brun  rouge.  Quelques  morceaux,  visibles  à  la  base, 
permettent  de  supposer  quelle  pouvait  être  l'élégance  sobre 
d'un  panneau  ainsi  décoré. 

Il  convient  de  signaler,  sur  le  mur  de  la  mosquée  envelop- 
pant la  base  de  la  tour,  un  ornement  carré  [fig.  60  C) 
composé  de  morceaux  de  terre  émaillée  verte  incrustés  dans 
la  brique.  C'est  le  seul  exemple  tlemcenien  et  probablement 
un  des  rares  exemples  occidentaux  de  ce  genre  de  décoration 
épigraphique  si  fréquent  en  Orient  appelé  confique  quadr an- 
gulaire^. Nous  le  lisons  :  Bibarakati  Mohammed  «  Par  la 
bénédiction  de  Mohammed  ». 

Une  frise  en  mosaïque  de  faïence  composée,  pour  chaque 
côté,  de  quatre  rosaces  [fuj.  61)  ou  plutôt  de  trois  rosaces 
entières  accostées  de  deux  demi-rosaces  se  continuant  sur 
les  autres  faces,  remplace  au  sommet  la  fausse  galerie  habi- 
tuelle des  minarets  espagnols  et  maghribins.  L'entrelacs  des 
filets  blancs  limitant  les  surfaces  où  le  noir  domine,  mais  où 
se  rencontre  aussi  le  vert  et  le  jaune  de  fer,  forme  une  étoile 
à  vingt-quatre  pointes,  entourée  de  lignes  brisées  qui  l'ins- 
crivent  dans  un  carré. 

Il  nous  semble  difficile  de  déterminer  le  point  de  départ  d'une 
telle  substitution.  Peut-être  la  connaissance  plus  complète  des 

1.  Cf.  Bulletin  de  VInslilut  égyptien,  1881,  p.  100;  1890,  p.  61  ;  —  Van 
Berchem,  Matériaux  pour  un  a  Corpus»,  p.  139,  et  pl.  XXX,  n°  2. 


264  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

monuments  du  Maroc  nous  révèlera-t-elle  la  conception  voisine 
qui  donna  l'idée  de  ce  décor,  ou  même  les  premiers  essais 
qu'on  en  fit^  L'histoire  des  emplois  de  la  céramique  comme 


FiG.  61.  —  Grande  rosace  en  mosaïque  de  faïence. 


revêtement  extérieur  présente  encore  bien  des  lacunes.  Le 
grand  portail  de  Sîdi  Bou-Médine  montre  bien  que  les  artistes 

1.  Sur  la  reproduction  d  une  porte  de  Chella  (époque  mérinide),  qui  figure 
dans  la  Grande  Encyclopédie  à  Farticle  Maroc,  nous  croyons  discerner  un 
cadre  fait  de  grandes  rosaces  semblables  à  celles  de  Sîdi  Bou-Médine. 


SÎDI  BOU-MÉDINE  265 

mérillides  étaient  en  possession  d'une  technique  très  perfec- 
tionnée quand  ils  arrivèrent  à  Tlemcen.  Cette  virtuosité  les 
entraîna  sans  doute  à  remplacer,  sur  le  minaret,  un  élément 
consacré,  classique,  par  un  élément  nouveau,  moins  solide  et 
moins  logique  que  le  premier.  L'événement  a  prouvé,  en  effet, 
qu'un  revêtement  ainsi  exposé  aux  intempéries  et  non  main- 
tenu sur  les  côtés  par  des  cloisons  ou  des  rebords  saillants 
devait  se  désagréger  peu  à  peu  et  se  détacher  du  mur  qui  le 
portait.  Peut-être  le  minaret  qui  nous  occupe  fut-il  l'occasion 
d'une  tentative.  Mansourah  ne  comporte  point  de  décor  sem- 
blable ;  nous  le  retrouverons  au  minaret  de  Sîdi'l-Hahvi,  mais 
déjà  sensiblement  modifié  comme  composition. 

Une  rangée  de  merlons  couronne  le  corps  principal  de  la 
tour  ;  ils  portaient  eux-mêmes  un  décor  de  mosaïque  bien  atta- 
qué par  le  temps.  Enfin,  l'édifice  terminal  présente,  dans  l'en- 
cadrement de  son  petit  arc  dentelé,  un  joli  revêtement  céra- 
mique d'entrelacs  floraux  en  deux  tons  :  brun  sur  blanc. 

Trois  boules  de  cuivre,  dont  la  plus  grosse  est  dorée  et 
mesure  i'^^'oO  de  circonférence,  surmontent  ce  campanile.  La 
taille  imposante  de  ces  boules  et  l'aspect  brillant  de  l'une  d'elles 
ont  donné  lieu  à  diverses  légendes,  sur  leur  origine,  leur 
valeur  et  leur  miraculeuse  intangibilité,  qui  leur  attirent  le 
respect  des  âmes  simples,  tout  en  les  protégeant  contre  l'au- 
dace improbable  des  malfaiteurs. 


266 


LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 


D.  —  Petit  palais  d'El-Eubbâd 

Placées  en  contre-bas  de  la  qoubba,  formant  pour  ainsi  dire 
le  degré  inférieur  de  cette  superposition  d'édifices  qui  gra- 
vissent la  pente  du  Mefrouch,  se  trouvent  les  ruines  d'un  petit 
monument  civil  que  l'on  désigne,  dans  le  pays,  sous  le  nom  de 
«  Dâr  es-Soltân»,  maison  du  Sultan.  Cette  construction  date 
vraisemblablement  de  la  même  époque  que  la  mosquée  et  la 
Médersa  ;  c'est  sans  doute  là  un  des  embellissements  que  les 
princes  mérinides  apportèrent  à  leur  pèlerinage  préféré  ;  mais 
il  nous  semble  assez  difficile  de  préciser  quelle  put  en  être  la 
destination  primitive  ^ 

Il  se  compose  d'un  corps  de  logis  occidental  formé  d'un 
patio  A  muni  d'un  bassin  rectangulaire  et  bordé,  au  Nord  et  au 
Sud,  par  deux  portiques  couverts  donnant  accès  chacun  dans 
trois  chambres  :  deux  petites  à  droite  et  à  gauche,  une  grande 
très  allongée  au  fond.  Deux  autres  chambres  s'ouvrent  à  l'Est 
et  à  l'Ouest  du  patio ^  divisées,  ainsi  que  la  grande  chambre 
Sud,  par  des  arcatures  qui  ménagent,  aux  deux  bouts  de  la 
pièce,  des  sortes  d'alcôves  ou  de  retraits,  fréquents  dans  les 
habitations  arabes.  La  partie  méridionale  est  munie  de  latrines 
et  de  lavabos  ;  des  conduits,  pratiqués  dans  l'épaisseur  des 
murs  et  sous  le  pavement  des  salles,  y  amènent  l'eau-. 

1.  Il  n'est  fait  dans  les  textes  aucune  mention  de  cet  édifice;  il  était 
inconnu,  enfoui  sous  une  couche  de  terre  et  de  décombres,  jusqu'à  ce  que  des 
fouilles  faites,  en  1885,  1886,  par  le  Service  des  Monuments  historiques  en 
révélassent  l'existence. 

2.  Notre  photographie  montre  le  grand  patio  occidental  A;  au  premier  plan, 
le  bassin  rectangulaire,  à  droite  une  des  salles  latérales  avec  son  départ  de 


SÎDI  BOU-MÉDINE 


267 


268  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

Un  couloir  communiquant  avec  le  patio  donne  accès,  à 
gauche,  sur  un  escalier  B  qui  descend  à  deux  petites  chambres 
voûtées  ayant  toutes  deux  1™,70  sur  2°", 10?  à  une  troisième 
dont  l'accès  est  impossible.  Ces  petites  salles  étaient  vraisembla- 
blement affectées  à  l'installation  de  bains  de  vapeur;  on  y  voit 
encore  des  conduits  pour  les  fumigations.  Le  couloir  fait  aussi 
communiquer  le  patio  A  avec  un  second  corps  de  logis  très 
endommagé  et  ayant  nécessité  des  travaux  de  soutènement. 
Il  se  compose  d'une  cour  centrale  C  entourée  de  quatre  ou  cinq 
salles.  Un  escalier  flanquant  la  salle  placée  au  Sud  permettait 
de  monter  à  une  chambre  supérieure. 

Un  troisième  corps  de  logis  fait  suite  à  ce  corps  central; 
nous  y  trouvons  un  nouveau  patio  I)  plus  petit  que  le  premier, 
flanqué  de  trois  côtés  par  des  portiques  couverts,  du  côté  de  la 
plaine,  par  une  grande  chambie. 

Le  départ  d'une  voûte  flanquant  cette  dernière  salle  indique 
que  là  ne  s'arrêtait  pas  le  palais,  mais  qu'un  nouveau  corps  de 
logis  le  prolongeait  vers  l'Orient. 

Tel  qu'il  nous  est  parvenu,  ce  monument  présente  plus  d'une 
dizaine  de  chambres,  dont  quelques-unes  ont  près  de  12  mètres 
de  long  et  dont  pas  une  ne  dépasse  3  mètres  en  largeur. 
Presque  partout  subsistent  les  traces  d'une  ornementation 
somptueuse.  On  rencontre  des  pavements  de  mosaïque  de 
faïence  à  décor  géométrique  dans  plusieurs  endroits  du  grand 
patio.  Les  salles,  dont  la  construction  fait  intervenir  à  la  fois 
le  pisé  et  les  assises  de  briques,  sont  couvertes  par  des  voûtes 
en  berceau.  Elles  semblent  avoir  été  entièrement  revêtues 

berceau  et  des  restes  de  sa  décoration  de  plâtre  ;  au  fond,  précédant  l'entrée 
de  la  grande  chambre  adossée  à  la  colline,  la  galerie  couverte  avec  ses  arcs 
en  plein  cintre  et  ses  piles  carrées. 


SÎDI  BOU-MÉDINE  269 

d'arabesques  de  plâtre  d'un  style  très  fourni  et  très  élégant. 
L'échelle  en  est  beaucoup  plus  réduite  que  celle  des  décors  de 
la  mosquée  et  de  la  Médersa,  et  bien  appropriée  à  l'intérieur 
d'un  petit  édifice  privé.  Un  entrelacs  foisonnant  et  axé  suivant 
la  bissectrice  de  l'angle  supérieur  garnit  les  écoinçons  des 
arceaux.  Les  motifs  épigraphiques  ou  géométriques  ordinaires 
forment  les  frises  ;  les  grandes  surfaces  des  murs  et  des  pla- 
fonds portent  les  habituels  losanges  à  palmes  superposées. 
L'inscription  cursive  qui  court  en  bordure  reproduit  Teulogie 
constanmient  répétée  dans  les  monuments  mérinides  :  «  L'empire 
durable  est  à  Dieu,  la  gloire  stal)le  est  à  Dieu^  »  Les  arcades 
sont  bordées  par  des  motifs  réguliers  gaufrant  les  douelles 
(le  plis  horizontaux.  Ce  genre  de  décor,  qui  ne  se  rencontre 
presque  jamais  à  Tlemcen,  est  fréquent  dans  les  palais  espa- 
gnols ;  l'Alhambra  en  présente  de  très  analogues.  La  forme  des 
arcs  en  plein  cintre,  non  outrepassé,  accentue  cette  ressem- 
blance. 

L'emploi  de  cette  courbure,  le  décor  très  riche  des  arcades, 
l'existence  de  pavements  mosaïques,  l'affectation  évidemment 
civile  de  ce  i  etit  palais  lui  font  une  place  à  part  dans  la  série 
des  monuments  tlemceniens.  Faut-il  y  voir  la  résidence  spéciale 
d'un  sultan  mérinide,  sorte  de  maison  des  champs  oii  il  venait 
se  reposer  des  tracas  du  Gouvernement,  en  même  temps  qu'il 
y  pouvait  plus  à  loisir  vaquer  au  soin  de  sa  dévotion?  Ne 
faut-il  pas  y  voir  plutôt  un  petit  palais  destiné  aux  princes 
étrangers,  sorte  de  zâwiya  pour  les  pèlerins  de  distinction  ? 
L'état  de  délabrement  de  l'édifice  d'une  part,  le  silence  des 
textes  de  l'autre,  ne  permet  ici  que  des  conjectures. 


I.  Cf.  saprà,  p.  253,  note. 


Le^  Monuments  aëabës  de  tleMceN 


E.   —  MÉDERSA  DE  SiDI  BOU-MÊDINE 


La  Madrasa^  école  de  droit,  d'exégèse  coranique  et  de  théo- 
logie semble  bien,  en  Orient,  une  création  propre  delà  dynas- 
tie ayyoubide.  L'évolution  politique  de  cette  institution  et 
révolution  archéologique,  connexe,  du  genre  d'édifice  qu'elle  a 
fait  apparaître,  ont  été  clairement  esquissées  par  Yan  Berchemi. 
C'est  sensiblement  à  la  même  époque  que  se  montre,  dans 
l'Afrique  du  Nord,  la  Médersa,  qui  porte  le  même  nom  (déformé 
par  l'accentuation  particulière  des  dialectes  maghribins)  et 
répond  au  même  but.  La  fin  de  la  période  almohade,  le  début 
des  dynasties  mérinides  et  abd-el-wâdites  voient  se  multiplier 
les  fondations  de  ces  sortes  de  collèges  ~.  Ce  n'est  pas  à  dire 
qu'il  faille  décidément  considérer  la  Médersa  maghribine 
comme  une  imitation  de  la  Madrasa  égyptienne. 

Le  collège  maghribin  de  droit  et  de  théologie  peut  avoir 
son  prototype  dans  l'école  annexée  à  la  zdwiya.  Une  histoire 
un  peu  exacte  de  l'évolution  de  ce  dernier  mot  reste  à  faire. 
La  zdwiya^  dans  le  Maghrib,  apparaît  comme  une  institution 
sui  generis^  tenant  à  la  fois,  comme  on  l'a  dit,  de  l'université 
et  du  monastère    mais  qu'il  ne   faudrait  pas  assimiler  au 

1.  Cf.  Van  Bercheni,  Matériaux  pour  un  corpus,  p.  253  et  siiiv.  ;  ce  ne 
sont  que  des  emprunts  à  un  travail  général  sur  l'évolution  de  la  madrasa  que 
Tauteur  annonce  pour  l'avenir. 

2.  Cf.,  sur  les  collèges  abd-cl-vvàdites,  le  chapitre  xiv  de  Tlemcen,  capitale 
etc.;  —  sur  les  médersas  mérinides,  Kitàb  El-Istiqça,  II,  p.  21,  30,  54; 
—  aussi  l'édition  Schefer  de  Léon  l'Africain,  II,  p.  72,73,  438  et  439;—  sur  la 
médersa  de  Grenade,  Almagro  Cardenas,  Inscripciones  de  Granada,  p.  205  et 
suiv. 

3.  Cf.  Daumas,  la  Kabylie,  p.  60;  —  aussi  Devoulx,  Édifices  religieux  de 
Cancien  Alger,  p.  10  et  suiv. 


SlDÎ  BOU-MEDINÉ  â7l 

Khdngdh^  à  la  Tekkié^  au  couvent  de  derviches  de  l'Orient, 
produit  du  mysticisme  persan.  Les  textes  la  placent  fréquem- 
ment sur  le  même  rang  que  le  ribdt^  qui  lui,  nous  reporte, 
quant  à  son  origine,  jusqu'aux  premiers  siècles  de  l'islam ^ 
Zdwiya  et  ribdt  sont,  dans  le  Maghrib,  devenus  à  peu  près  syno- 
nymes, et  le  premier  terme  a  fini  par  supplanter  entièrement 
le  second,  au  point  de  subsister  seul  aujourd'hui-.  La  zdwiya 
est  un  lieu  de  réunion  de  dévots  qui  veulent  vivre  à  l'écart  du 
monde,  parfois  un  endroit  de  pèlerinage;  on  y  prie,  on  y  récite 
le  Coran,  on  y  fait  des  cours;  des  étrangers  de  passage  et  des 
étudiants  qui  y  font  séjour  trouvent  également  à  s'y  loger.  Ce 
sont  là  autant  de  manifestations  parallèles  de  la  vie  rehgieuse 
de  l'islam.  La  mêdersa  qui  fleurit  sous  les  monarques  de  Fâs 
et  de  Tlemcen,  successeurs  des  Almohades  tombés,  n'est 
peut-être  qu'une  «  officialisation  »  de  cette  école  de  zdwiya; 
dans  les  nouveaux  collèges,  dont  la  vanité  ou  la  piété  des  sul- 
tans maghribins  accroîtra  d'année  en  année  le  nombre,  les 
étudiants,  soumis  à  une  règle,  vivant  en  comnum  comme  les 
gens  de  zdwiya,  ne  seront  plus  entretenus  par  la  charité 
privée,  mais  toucheront  sur  les  revenus  royaux,  sur  ceux  des 
biens  que  la  munificence  royale  à  immobilisés  au  profit  de 
l'étabhssement,  leur  provision  de  farine,  d'huile,  de  charbon,  etc. 
C'est  le  chef  de  l'État  qui  accordera  l'admission  dans  le 
collège  fondé  par  lui^  et  à  une  époque  où  les  rouages  adminis- 
tratifs des  empires  maghribins  se  compliquent,  c'est  parmi  les 

1.  Sur  l'évolution  du  mot  ribàt  dans  le  Maghrib,  cf.  Doutté,  les  Marabouts^ 
p.  29  et  suiv. 

2.  Gomp.  révolution  des  termes  désignant  des  édifices  religieux  en  Égypte, 
ap.  Van  Berchem,  Matériaux  pour  un  Corpus^  I,  124,  note  1. 

3.  C'est  ce  qui  ressort  de  l'histoire  de  l'admission  de  Ben-Zekri  à  la  médersa 
de  Sîdi  Bou-Médine,  rapportée  ap.  Complément  de  Uiistoire  des  Benl-Zeiyân., 
p.  361. 


272  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

anciens  étudiants  des  médersas,  les  faqih  nourris  de  fortes 
études  musulmanes,  que  les  princes  choisiront  leurs  cadis,  leurs 
vizirs,  leurs  conseillers  écoutés'. 

Au  point  de  vue  architectural,  c'est  encore  à  \d.zâwiya  et  au 
ribât  que  fait  songer  la  disposition  de  l'édifice  de  la  médersa. 
Le  plan  cruciforme  qui  caractérise  essentiellement  la  madrasa 
égyptienne  parait  ici  tout  à  fait  inconnu  2  :  une  cour  carrée,  une 
grande  salle  au  fond,  à  la  fois  pour  les  cours  et  la  prière,  sur 
les  côtés  des  cellules  pour  les  pèlerins  et  les  étudiants,  telle 
est  la  disposition  classique  des  zdwiya^  telle  est  déjà  celle 
de  l'antique  ribât  de  Sousse'^;  telle  est  enfin  celle  de  la 
Médersa  niérinide  do  Sîdi  Bou-Médine,  qui  reste,  jusqu'au 
jour  oii  une  étude  exacte  aura  été  faite  des  grandes  médersas 
marocaines,  un  spécimen  unique  et  par  suite  fort  important 
des  collèges  maghribins  du  moyen  âge  ^. 

1.  D'autre  part,  cette  création  ne  paraît  pas  avoir  été  envisagée  avec  bien- 
veillance par  tous  :  un  auteur  du  viii''  siècle  de  l'hégire  se  plaint  que  la  cons- 
truction des  médersas  ait  fait  disparaître  la  science  {Boslân,  notre  manuscrit, 
p.  324). 

2.  Cf.,  sur  révolution  architecturale  de  Tédifice  de  la  madrasa  égyplienne, 
Van  Berchem,  Matériaux  pour  un  Corpus,  p.  533  et  suiv.  ;  —  l'emploi  du 
plan  cruciforme,  inspiré,  en  Egypte,  par  le  désir  de  permettre  dans  un  même 
édifice  renseignement  de  la  jurisprudence  suivant  les  quatre  écoles  ortho- 
doxes, n'a  pas  sa  raison  d'être  dans  le  Maghrib,  où  l'école  mâlikite  a  seule 
des  adeptes  au  moyen  âge. 

3.  Cf.,  sur  le  ribât  de  Sousse,  Houdas  et  Basset,  Épigraphie  tunisienne^ 
p.  12  et  suiv.;  —  dans  l'intérêt  de  l'archéologie  maghribine,  il  serait  à 
souhaiter  qu'une  étude  exacte  de  cet  important  monument  fût  vite  entre- 
prise. 

4.  Le  plan  de  la  médersa  de  Bou-Médine  doit  aussi  être  rapproché  de  celui 
de  la  mosquée  :  la  salie  du  fond  correspond  à  la  salle  de  prière,  la  cour  car- 
rée au  çahn,  les  rangées  de  cellules  des  deux  côtés  aux  cloîtres  latéraux 
intérieurs;  la  salle  du  fond  est  au  reste  pourvue  d'un  mihrâb,  comme  une 
salle  de  prière;  en  Egypte,  la  madrasa,  très  différente  dans  son  principe  de  la 
mosquée,  l'influence  peu  à  peu  et  arrive  à  se  confondre  avec  elle  ;  dans  le 
Maghrib,  il  se  peut  que  la  mosquée  ait,  dès  l'origine,  fait  sentir  son  influence 
sur  le  plan  de  la  Médersa. 


SiDI  BOU-MÉDINE 


274  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

Cette  médersa  de  Sîdi  Bou-Médiiie  est  postérieure  de  huit 
années  à  la  mosquée  ;  elle  fut,  comme  ce  dernier  monument, 
l'œuvre  d'Aboul-Hasen  le  Mérinide,  et  participa  aux  mêmes 
libéralités,  dont  la  liste  est  soigneusement  dressée  sur  la  table 
de  habous  mentionnée  précédemment  Elle  eut  des  professeurs 
célèbres,  le  Kliatîb  ibn  Merzouq,  le  chîkh  Senousi  ;  elle  abrita 
enfin  pendant  quelque  temps  dans  ses  murs  le  grand  Abd-er- 
Rahmân  Ibn-Khaldoun^. 

Située  sur  une  éminence,  à  TOuest  de  la  salle  de  prière  de 
la  mosquée,  et  séparée  de  cette  salle  par  le  passage  étroit  du 
cloître  extérieur,  elle  est  le  dernier  étage  de  cette  superposi- 
tion de  monuments  qui,  commençant  au  petit  palais,  s'échelonne 
sur  le  flanc  de  la  colline.  Un  grand  escalier  de  quinze  marches 
y  donne  accès.  Sur  la  terrasse  à  laquelle  on  parvient,  s'ouvre 
une  porte  monumentale  garnie  d'un  décor  en  faïence  élégant 
et  robuste  [fig.  6i).  Le  grand  cadre  qui  l'entoure  est  composé 
par  une  répétition  de  losanges  festonnés  analogues  à  ceux  des 
minarets.  Des  plaques  vernissées  brun  et  vert  s  y  incrustent 
dans  un  réseau  de  briques.  Deux  écoinçons  à  décor  géométrique 
en  mosaïque  sont  limités  par  ce  cadre  et  par  un  double  feston 
enveloppant  le  fer  à  cheval  de  l'entrée  ^. 

L'atrium  dans  lequel  on  pénètre  est  bordé  sur  ses  quatre 
faces  par  une  galerie  couverte  établissant  une  circulation  au 
premier  étage.  Seize  cellules  s'ouvrent  sur  ce  portique  et  sur 
une  arrière-cour  qui  flanque  à  l'Est  le  bâtiment  du  fond.  Douze 
autres  s'ouvrent  sur  la  galerie  du  premier  étage,  auquel  on 

1.  Cf.  Revue  africaine,  août  1859,  p.  410  et  suiv.;  —  Léon  rAfricain,  III, 
p.  32.  —  Histoire  des  Berbères,  I,  p.  48. 

2.  Cf.  Prolégo)nènes,  I,  LVI. 

3.  Elle  paraît  analogue  à  une  porte  de  Mequinez,  dont  une  reproduction 
figure  dans  la  Grande  Encyclopédie,  à  l'article  Maroc. 


XXII 


PORTAIL  DE  LA  MÉDERSA  DE  SIDI  BOU-MÉDYEN 


SÎDI  BOU-MEDINE  275 

accède  par  un  escalier  placé  à  gauche  de  la  porte  d'entrée. 
Ces  cellules,  demeures  des  tolbas  étudiant  à  la  Médersa,  sont 
disposées  sur  un  plan  presque  invariable.  Elles  ont  2°", 85  de 
largeur  et  2  mètres  de  profondeur.  La  porte  cintrée  en  fer  à 
cheval  brisé  a  O"",??  d'ouverture  ;  une  petite  fenêtre  percée 
au-dessus  de  cette  porte  éclaire  l'in- 
térieur. Une  niche  cintrée,  large  de 
0",37,  est  creusée  à  hauteur  d'appui 
pour  la  lampe  et  les  livres  de  l'étudiant. 

Un  couloir  couvert  par  de  petites 
voûtes  barlongues  se  trouve  à  droite 
de  l'entrée.  11  fait  communiquer  la 
cour  principale  avec  la  petite  cour 
des  latrines.  Ces  latrines  sont  d'une 
proportion  élégante  et  d'une  distri- 
bution logique.  Une  arcade  centrale 
abrite  un  bassin  ;  huit  logettes 
s'ouvrent  autour,  séparées  entre 
elles  par  des  murs  de  refend,  ne 
montant  pas  jusqu'au  haut.  Un 
canal  d'adduction  non  couvert  creusé 
dans  le  mur  du  fond  les  alimente 
d'eau  vive.  Le  plafond  est  formé  par 
des  voûtes  d'arête. 

Au  fond  de  la  cour  principale, 
ornée  de  vasques  rectangulaires 
s'élève  le  bâtiment  essentiel  de  la  médersa,  à  la  fois 
salle  de  cours  et  de  prière.  Il  est  carré  et  couvert  d'une  grande 
coupole  de  bois  s'indiquant  à  l'extérieur  par  l'habituel  toit  de 
tuiles  vertes.  Un  mihrâb  s'ouvre  dans  le  mur  du  fond.  Six 


FiG.   64.  —  Fragment 
du  cadre  du  portail. 


276  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

fenêtres  hautes  éclairent  cette  salle.  Elle  était  entièrement 
revêtue  d'une  somptueuse  décoration  de  plâtre  dont  seul  un 
deaii-pan  de  mur  a  subsisté. 

Elle  se  compose  d'une  frise  de  plâtre  à  décor  polygonal 


Losange  des  garnitures.  —  A.  Raccord  avec  le  cadre  supérieur. 


encadré  par  des  bandes  d'inscriptions  cursives,  d'arcades  et  de 
panneaux  garnis  d'arabesques.  Cette  ornementation  offre  natu- 
rellement beaucoup  d'analogie  avec  celle  de  la  mosquée,  qui 


SÎDI  BOU-MÉDINE  277 

M  est  antérieure  de  huit  années.  Les  motifs  géoiiiétriques 
d'angles  reproduisent  assez  exactement  les  rosaces  des  portes 
de  bronze  (fuj .  58);  mais  il  semble  que  rinfluencc  des  monu- 
ments andalous  s'y  fasse  plus  directement  sentir  par  l'accen- 
tuation donnée  aux  reliefs,  la  tournure  de  certains  ornements 
conventionnels  et  par  les  éléments  de  la  flore.  Le  losange  fes- 
tonné que  nous  reproduisons  ici  [fig .  65)  remplace  la  super- 
position de  palme  des  décors  tlemceniens  [ficj .  9,  H)  par  un 
profil  de  moulures  qui  rappelle  le  dé(^or  des  tympans  ajourés 
de  l'Alhambra  et  de  l'Alcazar.  Le  décor  floral  se  sert  de  la 
palme  à  œillets  et  à  nervures,  encore  munie  de  sa  tige.  On  y 
rencontre  aussi  la  palme  à  garniture  de  rinceaux  de  Sîdi  Bel- 
Hassen  et  des  palais  espagnols. 

Une  frise  de  bois  court  au-dessous  de  la  coupole  ;  elle  porte 
sculpté  en  caractères  andalous,  un  poème  en  l'honneur  du 
fondateur  : 

«  Louange  à  Dieu  maître  de  l'univers  ! 

«  Celui  qui  m'a  fondée,  afin  de  perpétuer  dans  mon  sein  la 
religion  de  l'islam,  est  le  prince  des  musulmans,  Abou'l-Hasen, 
dont  les  éminentes  qualités  sont  au-dessus  des  louanges  les 
plus  pompeuses  que  le  souffle  poétique  peut  inspirer  ;  —  Imam 
dont  les  mérites  ne  sauraient  se  décrire  si  l'on  songe  à  tous 
les  actes  qu'il  a  accomplis  en  vue  de  la  religion  ; — fils  d'Abou- 
Saîd,  possesseur  des  dignités  les  plus  hautes.  Il  a  réjoui  par 
ma  construction  les  yeux  des  hommes  ;  —  son  créateur  Ta 
nommé  Ali,  il  l'a  élevé,  en  effet,  au  rang  suprême,  et  lui  a 
donné  la  science  certaine  de  la  foi;  —  il  s'est  servi  de  lui  pour 
manifester  par  des  œuvres  pieuses  la  grandeur  de  la  religion, 
et  la  rehgion  sera  son  soutien.  —  Mois  de  Rabî  second  de 
l'année  sept  cent  quarante-sept. 


278  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

«  Puisse  son  bonheur  durer  toujours  !  Son  but  a  été  d'ouvrir 
un  asile  aux  sciences.  —  Que  Dieu  exauce  les  désirs  qu'il  forme 
pour  lui  complaire  et  qu'il  lui  soit  à  jamais  en  aide^  » 

La  coupole  circulaire,  dont  le  sommet  est  formé  de  plusieurs 
défoncements  successifs,  rayonne  autour  d'une  étoile  à  qua- 
rante-huit pointes.  Les  baguettes  cintrées  qui  la  composent, 
après  avoir  donné  lieu  à  plusieurs  combinaisons  géométriques, 
viennent  reposer  sur  quatre  portions  horizontales  également 
garnies  par  des  emmanchements  de  bois  formant  treilHs.  Elle 
paraît  dater  de  l'époque  turque. 

Les  gens  de  Bou-Médine  déclarèrent  à  Bargès  que  la 
Médersa  toute  entière  était  l'œuvre  du  bej  Mohammed  el- 
Kebîr  ;  ce  chef  y  fît  peut-être  exécuter  quelques  restaurations, 
en  même  temps  qu'il  confiait  à  Çarmachîq  la  réfection  de  la 
qoubba.  Mais,  au  moment  où  les  troupes  françaises  entrèrent 
à  Tlemcen,  la  Médersa  était  dans  un  état  d'extrême  délabre- 
ment, et  elle  ne  fut  restaurée  par  le  service  des  Monuments 
historiques  qu'à  une  date  assez  récente  2. 


F.  —  Maison  de  l'oukîl 

Suivant  une  tradition  que  nous  avons  recueillie  de  la  bouche 
de  vieux  Eubbâdois,  la  maison  actuelle  de  loukîl  de  Sîdi  Bou- 
Médine,  attenante  à  la  partie  Nord-Ouest  de  la  mosquée,  aurait 
été,  jusqu'à  la  fin  du  xviii'  siècle  unezâwiya  pour  les  pèlerins, 

1.  Cf.  Revue  africaine,  août  1859,  p.  408,  409. 

2.  Cf.  Bargès,  Tlemcen,  ancienne  capitale,  p.  310;  —  de  Lorral,  Tlemcen"» 
p.  328. 


SÎDI  BOU-MÉDINE  279 

et  aurait  connu  une  disposition  intérieure  toute  différente  ^  ; 
c'est  le  bey  Mohammed  el-Kebîr  qui  aurait  substitué  aux 
petites  cellules,  qui  occupent  d'ordinaire  les  côtés  de  la  cour 
des  zâwiya,  les  grandes  pièces  composant  aujourd'hui  le 
logement  de  Touldl  du  tombeau.  Le  service  des  Monuments 
historiques  y  a  beaucoup  retravaillé  à  des  dates  récentes,  et 
aujourd'hui  cet  édifice  n'offre  plus  le  caractère  que  d'une 
simple  mais  assez  élégante  demeure  arabe. 

La  porte  donne  sur  la  cour  qui  sépare  la  mosquée  du  tombeau. 
Un  vestibule  suivi  de  couloirs  formant  coude  protège  le  logis. 
L'atrium,  muni  d'un  petit  bassin  octogonal,  est  abrité  par  une 
treille.  Des  portiques  le  bordent  de  trois  côtés,  établissant  une 
circulation  au-dessus.  Les  chambres  donnent  sur  ces  portiques. 
Elles  sont,  comme  tous  les  appartements  tlemceniens,  peu  pro- 
fondes et  très  longues,  dépassant  à  peine  2  mètres  dans  un 
sens  et  atteignant  plus  de  10  mètres  dans  l'autre.  Les  extré- 
mités reçoivent  les  caisses,  les  couvertures,  les  coussins  qui 
constituent  la  partie  la  plus  importante  du  mobilier  arabe. 
C'est  dans  la  partie  médiane,  la  plus  voisine  de  la  porte,  que  se 
trouvent  les  défoncements  ménageant  dans  l'épaisseur  du  mur 
des  banquettes,  des  retraits,  des  niches  pour  les  bougies,  les 
livres,  les  objets  d'un  usage  journalier.  Le  plafond  de  ces 
chambres  devait  se  composer,  suivant  la  coutume,  de  rondins 
très  rapprochés  portant  sur  les  deux  longs  murs. 

Il  n'y  a  pas  de  logement  au  premier  étage,  mais  une  circu- 

1.  La  zâwiya  d'El-Eubbàd  est  citée  par  les  textes  (Cf.  Histoire  des  Ber- 
bères, IV,  2"Î2)  ;  c'est  vraisemblablement  cet  édifice  que  désigne  Marmol 
comme  «un  hôpital  pour  recevoir  les  étrangers»  (Léon  l'Africain,  III,  p.  32; 
—  Marmol,  V Afrique^  II,  p.  355).  Bargès  s'enquit  de  cet  établissement  et  ne 
put  obtenir  aucun  renseignement  de  ses  guides  {Tlemcen,  ancienne  capitale, 
p.  311). 


280  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

lation  déjà  mentionnée,  et  des  terrasses  à  différents  niveanx 
couvrant  les  chambres,  le  passage  d'entrée,  et  allant,  en  con- 
tournant la  conr,  rejoindre  la  coupole  dn  tombeau. 

De  Tautre  côté  du  couloir  voûté,  qui,  de  Textérieur,  donne 
passage  dans  la  cour  séparant  la  mosquée  du  tombeau,  l'on 
trouve  aujourd'hui  une  cour  avec  quelques  bâtiments  en  ruines. 
C'étaient,  d'après  les  renseignements  recueillis  par  nous,  des 
logements  annexes  de  la  zâwiya;  en  outre  un  escaher,  partant 
de  cette  cour  donne  accès  à  deux  petites  maçrîya  qui  sur- 
montent le  passage  voûté.  Elles  servent  encore  de  logement 
aux  rares  pèlerins  qui  veulent  passer  la  nuit  auprès  du  saint,  et 
sont  ainsi  les  derniers  restes  de  la  zâwiya  d'El-Eubbâd. 


G.  —  Latrines  et  bains  publics 

A  l'Orient  de  la  mosquée  et  séparés  d'elle  par  une  ruelle 
assez  large,  se  trouvent,  des  latrines  et  des  bains  publics.  Ce 
sont  les  lieux  de  purification  rituelle,  annexes  naturelles  du 
sanctuaire,  et  ils  datent  vraisemblablement  de  la  même  époque. 

Les  latrines,  qui  occupent  la  partie  Nord  de  ce  paté  de  con- 
structions, ont  leur  entrée  au  milieu  du  mur  Ouest,  sur  la  ruelle. 
Elles  ont  10°", 50  de  long  sur  8  mètres  de  large.  A  l'intérieur, 
un  carré  central  de  4°',50  est  surmonté  d'une  coupole.  Des 
demi-voûtes  d'arête  faisant,  comme  d'ordinaire,  passer  du  carré  à 
l'octogone,  permettent  l'étabhssement  de  ce  dôme  circulaire.  Le 
pourtour  est  occupé,  contre  le  mur  Est,  par  de  longs  bassins 
d'ablution,  alimentés  d'eau  courante,  contre  les  murs  Nord  et 
Sud  et  des  deux  côtés  de  la  porte  par  des  logettes  cabinets 


SÎDI  BOU-MÉDINE  281 

d'aisance,  suivant  Thabituelle  disposition  des  édifices  de  ce 
genre.  Les  plafonds  et  la  coupole  sont  percés  de  jours  et  ornés 
de  frustes  caissons  géométriques,  rosaces  et  polygones  étoiles. 

Les  bains  publics  ont  également  leur  entrée  sur  la  ruelle. 
Elle  donne  par  un  court  passage  coudé  dans  une  salle  couverte 
d'un  dôme.  Cette  salle,  le  classique  apodyterhim^  a  6  mètres 
de  long  sur  8  de  large  et  se  trouve  contiguë  au  mur  Sud  des 
latrines.  Elle  est  extrêmement  simple,  et  nul  relief  n'orne  sa 
coupole  percée  de  jours.  Par  une  large  porte  ouverte  au  Sud- 
Est  de  Vapodyterhim^  on  pénètre  dans  une  première  salle, 


=1 


FiG.  GG,  —  Plan  des  latrines  publiques. 


puis  de  là  dans  une  seconde,  parallèle  à  la  première  et  située  à 
l'Est,  et  enfin  dans  une  troisième  parallèle  aux  deux  premières. 
Ces  trois  salles  ont  une  même  longueur  de  8  mètres.  La  troi- 
sième seule  a  conservé  son  affectation  primitive  d'étuve.  Les 
deux  premières,  munies  de  bassins  et  de  piscines,  ne  servent 
plus  que  de  débarras.  Mais  elles  étaient  assurément  destinées, 
la  première  à  jouer  le  rôle  de  frigidarhim,  et  la  deuxième  celui 
de  tepidarium.  Des  voûtes  en  berceau,  traversées  par  des 
tubes  en  poteries  couvrent  ces  trois  salles  parallèles. 


282 


LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 


H.  —  Marabout  de  sîdi  bou-ishaq  et-tayyAr 


Les  ruines  énigmatiques  de  ce  petit  monument  occupent  un 
tertre  près  d'une  source,  à  gauche  et  aux  trois  quarts  de  la 
route  qui,  à  travers  d'anciens  cimetières,  conduit  à  Sîdi 
Bou-Médine.  On  peut  les  considérer  comme  une  annexe  de 
ce  village.  Elles  remonient  vraisemblablement  au  début 
du  xiv°  siècle  et  Tédifice  dont  elles  sont  les  restes  dut 
faire  partie  d'Eubbâd  es-Sefli.  Ces  ruines  se  composent  d'abord 
de  quatre  arcades  en  briques,  groupées  de  manière  à  former 
un  quadrilatère.  Une  cinquième  arcade  s'appuyant  au  pilier 

Sud-Est    du  quadrilatère, 
^^^^  i  indique    l'existence  anté- 

e  d'un  second  quadri- 

Source  ■ 

latère  prolongeant  à  l'Est 
le  premier;  des  substructions 
de  murs  dessinent  encore 
le  carré  sur  les  trois  autres 
faces.  D'autre  part,  une 
amorce  d'arcade  parfaite- 
ment visible  au  milieu  de 
la  face  Ouest  du  pilier  Sud- 
Ouest  fait  supposer  qu'un  troisième  quadrilatère  prolongeait 
vers  l'Ouest  le  monument.  Enfin,  à  l'extrémité  Est  de  la 
cinquième  arcade,  maintenant  isolée,  un  mur  de  3  mètres  part 
transversalement  dans  la  direction  du  Sud.  Un  pignon 
presque  intact  le  surmonte,  et  une  porte  basse  le  perce; 


FiG.  67.  —  Plan  du  marabout  de 
Sîdi  Bou-Ishâq  et-Tayyâr. 


SÎDI  BOTJ-MÉDINE  283 

Tarcade  brisée  de  cette  porte  est  décorée  sur  la  face  exté- 
rieure par  une  succession  de  très  jolies  découpures  à  festons 
et  à  lambrequins  indiquant  une  bonne  époque  de  Tart  mo- 
resque; les  arcades  du  monument,  qui  ont  l'orientation  Est- 
Ouest,  sont  brisées  ;  celles  qui  ont  l'orientation  Sud-Nord  sont 
en  plein  cintre. 

L'eau  d'une  fontaine,  adjacente  aux  ruines  des  substructions 
qui  dessinent  le  quadrilatère  oriental,  s'écoule  dans  des  bassins 
de  pierre  grossièrement  creusés. 

Quelle  put  être  la  destination  primitive  de  ce  petit  édifice, 
qui  passe,  d'après  la  tradition,  pour  contenir  les  restes  de  Sîdi- 
Bou-Ishâq  et-Tajyâr  ^  Fut-il  tombeau  ou  oratoire?  La  présence 
de  pierres  tumulaires  dans  le  quadrilatère,  qu'une  coupole 
pouvait  recouvrir  semblerait  s'accorder  avec  cette  tradition. 
Mais  le  niveau  assez  élevé  qu'occupent  aujourd'hui  les  chdhed 
dont  nous  parlons  ne  permet  pas  de  supposer  qu'ils  soient  ceux 
du  saint  en  l'honneur  de  qui  fut  élevé  le  monument.  On  peut 
affirmer,  dans  tous  les  cas,  qu'il  y  eut  là  une  de  ses  superpo- 
sitions de  sépultures  dont  les  exemples  sont  si  fréquents. 
Mais,  l'importance  des  dépendances  pourrait  faire  voir  dans 
ces  ruines  les  restes  d'un  petit  oratoire-;  les  tombes,  aujour- 

1.  Le  Bostân  (notre  manuscrit,  p.  112),  dit  de  ce  personnage  «  Ibrâhîm  le 
secours  suprême,  c'est-à-dire  Abou-Ishâq  et-Tayyâr,  est  un  des  plus  grands 
saints.  11  mourut  avant  la  fm  du  \iv  siècle  de  THégire.  Son  tombeau  à  El- 
Eubbàd  est  fort  visité  et  bien  connu  par  ce  fait  que  les  vœux  formés  auprès 
de  lui  sont  exaucés.  »  Le  nom  (ÏEt-Tayyâr  «  le  volant  »  aurait  été  donné  à  ce 
personnage  parce  qu'il  avait  la  faculté  surnaturelle  de  voler  en  l'air  (Cf.  Gold- 
zitier,  Mo/iam.  Studien,  II,  p.  294).  D'autre  part,  Brosselard  {Revue  africaine, 
août  1859,  p.  413,  note  2),  le  confond  mal  à  propos  avec  Abou-lshàq-Ibràhîm- 
et-Tenesi  mort  sous  le  règne  d'Abou-Saîd  Otsmân  et  sur  lequel  on  peut  con- 
sulter Histoire  des  Beni-Zeiyân  (p.  23  et  suiv.). 

2.  Le  Bostân  cite  une  mosquée  de  Sîdi't-ïayyâr  mais  sans  autre  indication 
(uotre  manuscrit,  p.  189). 


284  LES  MONUMENTS?  ARABES  DE  TLEMCEN 

d'hui.  apparentes,  occuperaient  le  sol  d\me  ancienne. mosquée  K 
Les  substructions  du  mur  oriental  du  deuxième  quadrilatère 
offrent  une  échancrure  fort  visible  ;  ne  marquerait-elle  pas  rem- 
placement d'un  ancien  mihrâb,  orienté  à  TEst-Sud-Est  comme 
ceux  des  anciennes  chapelles  d'Eubbcâd  es-Sefli?  D'autre  part, 
Duthoit  dit  que  Tare  oriental  (il  désigne  vraisemblablement  par 
là  la  petite  porte  basse  du  mur  transversal  à  pignon)  faisait 
communiquer  la  salle  couverte  avec  une  cour.  La  position  de 
la  fontaine,  affectée  primitivement  aux  ablations,  se  trouverait 
ainsi  expliquée. 

Mentionnons,  enfin,  la  présence,  dans  un  champ  situé  à 
quelques  mètres  au  Sud-Est  de  cet  édifice,  de  ruines  en  pisé 
qui  nous  révèlent  l'existence  à  cette  place  d'un  bâtiment  assez 
considérable. 

Des  fouilles  seules,  en  amenant  la  découverte  de  débris  ou 
d'inscriptions,  pourraient  fixer  définitivement  sur  le  plan  et 
l'emploi  primitif  de  ce  petit  monument. 

1.  Comp.  Doutté,  ap.  Journal  asiatique,  1902,  p.  180. 


MOSQUÉE  DE  SIDI'  LHALWI 
(Côté  Sud) 


Pl.  XXIV 


MOSQUÉE  DE  SIDI'  LHALWI 
(Côté  Nord) 


IX 


MOSQUÉE  DE  SIDI  L-HALW! 


La  légende  du  saint  tlenicenien  Sîdi'l-Halwi  a  été  ra- 
contée par  Brosselard  dans  un  récit  plein  de  pittoresque  et 
de  vie^.  Nous  ne  le  reproduirons  pas  ici.  Aujourd'hui  la  tombe 
du  walî  s'élève  à  100  mètres  à  peine  de  l'angle  Sud-Est  de 
l'enceinte  de  la  ville  ;  c'est  un  modeste  édicule  carré  ;  recou- 
vert d'un  toit  de  tuiles  et  ombragé  d'un  gros  caroubier.  A  ses 
pieds,  au  bas  de  la  colline,  se  dresse  l'oratoire  que  les  Méri- 
nides  élevèrent  à  la  gloire  du  saint  personnage,  et  autour  se 
groupe  le  petit  village  qui  porte  son  nom.  D'autre  part,  les 
textes  font  fréquemment  mention  d'une  zâwija  et  d'une  mé- 
dersa  attenantes  à  la  mosquée  de  Sîdi'l-Halwi-;  mais  ils  sont 
muets  sur  la  date  et  sur  l'auteur  de  ces  fondations,  dont  rien 
au  reste  ne  subsiste  plus  aujourd'hui. 

Postérieure  d'environ  quatorze  ans  à  la  mosquée  de  Sidi 
Bou-Médine,  placée  comme  elle  sur  une  pente  assez  forte  et 
s'encastrant  dans  une  tranchée  creusée  de  main  d'homme,  la 

1.  Cf.  Revue  africaine^  février  1860,  p.  161  et  suiv.  ;  —  cf.  aussi  Tlcmcen^ 
uncienne  capitale^  p.  413  et  suiv. 

2.  Boslân  (notre  manuscrit),  p.  46,  64,  67,  68,  74,  etc.;  dans  son  dernier  état, 
la  porte  de  la  ville  qui  dominait  le  village  de  Sîdi'l-Halwi  était  fréquemment 
dénommée  Bàb-ez-Zà\viya» 


286  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

mosquée  de  Sîdi'l-Halwi  est  élevée  sur  un  plan  analogue  et 
presque  dans  les  mêmes  proportions.  Une  sorte  d'arc  de 
triomphe  couronné  de  nierions  marque  l'entrée  du  terre-plein 
qui  s'étend  devant  la  façade.  Un  perron  extérieur  de  six 
marches  précède  la  porte  principale  placée  dans  le  grand  axe 
du  monument.  Le  minaret  s'élève  à  l'angle  de  cette  façade  en 
saillie  sur  le  côté  Ouest. 

Le  portail,  s'il  n'a  pas  le  grand  aspect  décoratif  du  porche 
de  Sidi  Bou-Médine,  emprunte  cependant  un  caractère  d'élé- 
gance classique  à  son  sobre  cadre  de  céramique,  malheureuse- 
ment bien  endommagé  aujourd'hui,  ainsi  qu'au  bel  auvent 
sculpté  qui  le  couronne  encore.  Il  ne  reste  rien  des  faïences 
qui  décoraient  le  cintre.  Il  était  sans  doute  revêtu,  comme 
celui  de  Sîdi  Bou-Médine,  d'arcades  dentelées  et  d'écoinçons  à 
arabesques  géométriques  et  florales  L  Les  parties  subsistantes 
ne  commencent  qu'avec  le  cadre  rectangulaire.  Partant  à  la 
hauteur  de  l'encorbellement  de  l'arc  en  fer  à  cheval,  il  est 
formé  d'entrelacs  et  de  rosaces  géométriques  en  mosaïques  de 
faïence,  blanc,  vert,  brun,  bleu  et  jaune.  Une  bande  mince  le 
surmonte  où  court  l'inscription  dédicatoire  en  caractères  anda- 
loLis.  La  voici  telle  que  l'a  relevée  Brosselard:  «Louange  à 
Dieu  unique  !  Celui  qui  a  fait  élever  cette  mosquée  bénie  est 
notre  maître  le  Sultan...  fils  de  notre  maître  le  Sultan  Abou'l- 
Hasen  AH,  fils  de  notre  maître  le  Sultan  Abou...  Otsmân,  fils 
de  notre  maître  Abou-Yousef  Yaqoub  ben  Abd-el-Haqq.  Que 
Dieu  fortifie  son  bras  victorieux.  —  Année  sept  cent  cinquante- 
quatre  (754)  "^.  »  Deux  lacunes  produites  par  l'écaillage  des 

1.  Un  projet  de  restauration  de  ce  portail  a  été  exposé  au  Salon  de  1899,  par 
M.  Rattier,  architecte. 

2.  Cf.  Revue  africaine,  août  1860,  p.  322. 


MOSQUÉE  DE  SÎDI'l-HALWI  287 

émaux  ne  gênent  heureusement  pas  Tarchéologue  dans  l'attri- 
bution du  monument.  La  date  de  fondation  suffit  pour  Tattri- 
buer  au  sultan  mérinide  Fâres  (749-759  =  1348-1358). 

Une  frise  plus  large  règne  au-dessus  formée  de  quatre  rosaces 
octogonales  découpées  dans  l'émail  noir  et  incrustées  dans  le 
réseau  de  la  maçonnerie.  Elles  sont  semblables  à  celles  de 


FiG.  68.  —  Console  de  Fauvent  et  détails  des  palmes. 


Sîdi  Bou-Médine,  mais  s'en  distinguent  cependant  par  Tabsence 
de  filets  verts.  Une  branche  du  cadre  du  bas  vient  rattacher 
cette  frise  au  reste  de  la  composition.  Deux  saillants,  par- 
tant de  fond  et  décorés  aussi  de  rosaces,  montent  jusqu'aux 
blochets  sculptés   qui  soutiennent  l'extrémité  de  l'auvent. 


288  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

Celui-ci  s'avance,  en  outre,  sur  treize  consoles  d'un  travail 
délicat,  qui  s'appuient  elles-mêmes  sur  une  bande  ornée  d'un 
motif  d'un  faible  relief  et  portant  en  son  milieu  une  inscrip- 
tion coufîque^  De  semblables  motifs  se  rencontrent  dans  les 
monuments  espagnols  du  même  âge  :  la  grande  porte  de 
l'Alcazar,  la  porte  extérieure  de  la  mosquée  à  l'Alhambra,  et 
celle  de  la  cour  de  l'Alberca  en  offrent  des  exemples  ;  mais 
jamais,  peut-être,  l'imagination  des  artistes  arabes  n'avait  tiré 
meilleur  parti  de  cette  formule  décorative. 

Le  çahn  a  10™, 10  de  long  et  10°", 60  de  large.  Il  est  bordé 
de  nefs  simples  portées  sur  des  pieds  droits.  La  salle  de  prière, 
qui  a  13°", 68  sur  17°", 50,  est  divisée  par  cinq  nefs  ayant  cha- 
cune 3  mètres  de  large,  à  l'exception  de  la  nef  médiane,  qui  a 
3°", 35.  Les  quatre  travées  d'arcades  intérieures  sont  portées 
par  deux  rangs  de  colonnes  d'onyx,  dont  la  hauteur,  y  compris 
le  chapiteau,  est  de  2  mètres.  Une  travée  transversale  coupe 
les  nefs,  parallèlement  au  mur  du  mihràb.  La  disposition  des 
fenêtres  du  fond,  celle  de  la  chambre  des  morts,  celle  des 
grandes  portes  latérales  reproduisent  l'ordonnance  de  Sidi  Bou- 
Médine.  Les  arcs  sont  des  ogives  en  fer  à  cheval.  Leur  bri- 
sure est  plus  sensible  que  celle  des  arcs  de  Sîdi  Bou-Médine. 
Celui  qui  ferme  la  nef  médiane  est  très  écrasé. 

Toutes  les  nefs  sont  couvertes  par  des  plafonds  de  bois  à 
assemblage  apparent.  La  coupole,  qui  d'ordinaire  précède  le 
mihràb,  est  remplacée  par  un  plafond  carré  plus  élevé  que  les 
autres  et  s'accuse  extérieurement  par  un  toit  de  tuile  à  quatre 
croupes  ayant  un  assez  fort  commandement  sur  les  toits  des 

1.  La  même  qui  rè^^ne  à  l'intérieur  de  la  mosquée,  tout  autour  du  plafond 
(Cf.  infrà,  fi(j.  74). 


49 


290  LES  MONUMENTS  AÎIABES  DE  TLEMCEN 

nefs^  Le  cadre  du  milirâb  a  perdu  toute  décoration.  Les  arca- 
tures  reposant  sur  les  colonnes  en  sont  dépourvues  aussi;  seuls 
les  cintres  du  cloître  et  les  arcs  transversaux  qui  s'appuient 
sur  les  pieds  droits  portent  un  beau  revêtement  de  bordures 
circulaires,  d'écoinçons  et  de  frises.  La  voûte  du  mihrâb  est  à 
stalactites;  l'arc  repose  sur  deux  colonnes  d'onyx,  dont  les 
chapiteaux,  copiés  sur  ceux  qui,  à  Sîdi  Bou-Médine,  remplissent 
le  même  emploi,  portent  un  turban  où  Ton  peut  lire  les  deux 
inscriptions  suivantes  :  Chapiteau  de  droite  :  «  Mosquée  du  tom- 
beau, du  chîkh  aimé  de  Dieu,  et  l'élu  de  sa  grâce  El-Halwi, 
que  la  miséricorde  divine  soit  avec  lui  !  »  Chapiteau  de  gauche  : 
«  L'ordre  d'édifier  cette  mosquée  bénie  est  émané  du  serviteur 
de  Dieu,  celui  qui  met  sa  confiance  dans  le  Très-Haut,  Fâres, 
prince  des  croyants  »  Ils  offrent  ces  particularités  d'avoir  été 
privés  de  leurs  volutes  angulaires,  soit  par  un  vandalisme 
inexplicable,  soit  par  la  chute  accidentelle  d'un  pan  de  mur 
voisin,  et  d'être  de  plus  des  chapiteaux  dégagés  et  complets 
dont  les  faces  postérieures  sont  en  partie  enfoncées  dans  le 
mur. 

Les  chapiteaux  des  nefs  sont  d'un  modèle  unique  et  d'un  très 
beau  style.  Les  colonnes,  d'un  admirable  onyx,  translucide  et 
veiné,  sont  un  peu  courtes,  mais  soigneusement  taillées,  et  les 
chapiteaux  s'y  adaptent  parfaitement.  Sur  les  deux  premières, 
Brosselard,  après  avoir  fait  gratter  le  badigeon  de  plâtre  qui 
les  recouvrait,  put  lire  l'inscription  suivante  :  «  Fait  par 
Ahmed,  fils  de  Mohammed  El-Lamti  dans  le  mois  lA  de  l'année 

1.  Notre  photographie  (Pl.  XXV),  prise  par  derrière  et  au-dessus  de  lauiosquée, 
montre  la  disposition  des  toits  de  ces  nefs.  Le  pavillon  précédant  le  mihrâb, 
les  deux  toits  en  pyramide  qui  le  flanquent,  les  toits  des  nefs,  réunis  au  fond 
parle  toit  de  la  première  nef  du  çahn,  enfin,  à  droite,  le  toit  du  portail. 

2.  Cf.  Brosselard,  Revue  africaine,  août  1860,  p.  326. 


FiG.  70.  —  Cadran  solaire. 


292  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

IVMZ  »  (onzièmo  mois  de  raiinoe  747,  d'après  le  coraput  en 
lettres  usité  dans  le  Maglirib^j.  Mais  il  eut  tort,  à  notre  avis, 
de  conclure  que  cette  mention  s'appliquait  aux  colonnes  elles- 
mêmes.  Sur  Tune  d'elles,  en  effet,  nous  avons  remarqué  un 
cadran  solaire  dont  les  légendes  sont  exactement  du  même 
caractère  et  do  la  même  main  que  l'inscription  dont  nous  par- 
lons, et  pour  nous,  il  n'est  pas  douteux  que  la  signature  d'El- 
Lamti  s'applique,  non  à  la  colonne  elle-même,  mais  au  cadran 
solaire  ;  l'ensendde  constitue  à  nos  yeux  un  curieux  spécimen 
de  ce  caractère  carré  qui  se  montre  sur  les  instruments 
d'astronomie  jusqu'à  une  époque  relativement  récente,  et  qu'on 
a  assez  justement  dénonnné  coufîque  astronomique-.  Nous  en 
donnons  ici  le  fac-similé  [fïg .  70).  Brosselard  remarque,  en 
outre,  que  la  mosquée  de  Sidi'l-Halwi  ne  date  que  de  754, 
que  l'inscription  en  question  lui  est  donc  antérieure  de  sept 
années,  et  il  en  conclut  que  les  colonnes  qui  la  portent  devaient 
primitivement  avoir  une  affectation  différente.  Il  rappelle  que 
c'est  en  745  qu'Abou'l-Hasen  fit  commencer  le  palais  de  la 
Victoire  à  Mansourali,  et  conclut  que  ces  colonnes,  primitive- 
ment destinées  à  l'achèvement  ou  à  l'agrandissement  de  ce 
palais,  et  n'ayant  pu  y  être  employées,  furent  utilisées  par  le 
fils  d'Abou'l-Hasen  pour  l'embellissement  de  la  mosquée  qu'il 
faisait  bâtir Cette  hypothèse  nous  parait  fort  plausible  et, 

1.  Cf.  Revue  africaine,  août  1860,  p.  323,  324. 

2.  Cf.,  sur  le  coufîque  astronomique  (\\xe\Q\\ie[C)\s  aussi  appelé  coufîque  e/e, 
Vo.n  'QevchQin,  Notes  d'arcJiéologie,  11,  p.  16;  —  Matériaux  pour  un  Corpus, 
p.  179  et  pl.  V,  n°  3  ;  —  Delpliin,  l'Astronomie  au  Maroc,  où  Fauteur  révèle 
la  présence  du  caractère  carré  sur  des  instruments  d  astronomie  jusqu'à  une 
époque  moderne;  par  contre,  le  cadran  solaire  de  Cairouan,  daté  de  1258  de 
l'hégire  (1830),  est  en  caractères  arrondis  (Cf.  Hondas  et  Basset,  Épigraphie 
tunisienne,  p.  23). 

3.  Cf.  Bévue  africaine,  août  1360,  p.  324. 


MOSQUÉE  DE  SiDi'L-IIAL WI  293 

dans  le  même  sens,  nous  ajouterons  quelques  remarques  : 
d'abord  que  le  cadran  solaire  se  trouve  actuellement  placé 
dans  un  endroit  que  le  soleil  n'éclaire  jamais  ;  c'est  donc  que 
les  colonnes  qui  le  portent  ne  sont  pas  là  où  elles  devaient 
primitivement  être  ;  qu'en  outre,  un  cadran  solaire  ne  pouvant, 


FiG.  71.  —  Chapiteau. 


dans  nn  édifice,  occuper  qu'une  place  spécialement  déterminée, 
on  doit  penser  que  ces  colonnes  ne  furent  pas  seulement  des- 
tinées   à    l'embellissement   d'un  portique    en  projet,  mais 


294  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

qu'elles  y  furent  vraisemblablement  mises  en  place  et  ne 
furent  enleA^ées  que  dans  la  suite. 

Les  chapiteaux  de  ces  colonnes  sont  semblables  à  ceux 
qu'on  a  retrouvés  dans  l'intérieur  de  la  mosquée  de  Man- 
sourah  et  à  deux  des  spécimens  du  tombeau  de  Sîdi  Bou- 
Médine  qui,  nous  l'avons  vu,  ont  la  même  provenance. 
Des  décors  légers  y  séparent  les  méandres  ;  le  turban  sans 
inscription  apparaît  dans  un  triangle  limité  par  la  superposi- 
tion de  palmes  doubles  qui,  dans  le  revêtement  de  plâtre, 
constitue  le  losange  si  souvent  employé;  des  palmes  partant 
de  l'angle,  comme  dans  l'exemple  reproduit  plus  haut  [fig.  54), 
remplacent  les  volutes  primitives.  Ce  faible  relief  est  admira- 
blement adapté  à  la  forme  et  k  la  matière.  Lorsqu'on  leur 
compare  les  chapiteaux  de  la  mosquée  de  Sîdi  Bel-Hassen,  on 
est  tenté  de  juger  le  monument,  qu'éleva  un  demi-siècle  avant 
Abou-Saîd  Otsmân  ben-Zeiyân,  œuvre  de  décadence,  et  ces 
indices  d'un  art  plus  robuste  et  plus  pur,  que  les  Mérinides 
auraient  apporté  avec  eux,  nous  font  regretter  davantage 
l'ignorance  où  nous  sommes  des  merveilles  semblables  que  le 
Maroc  doit  contenir. 

Quand  eut  lieu  l'érection  de  ces  colonnes  et  l'abandon  des 
résidences  de  Mansourah?  A  côté  de  ce  petit  problème  chro- 
nologique s'en  pose  un  autre  dont  la  solution  est  peut-être 
connexe  à  celle  du  premier.  D'où  vient  qu'ici  les  arcades  que 
soutiennent  les  colonnes  sont  sans  ornements,  alors  que  le 
décor  très  riche  des  autres  parois,  les  assemblages  des  plafonds, 
les  chapiteaux  du  mihrâb,  tout  dénonce  le  soin  qu'apporta  le 
sultan  mérinide  à  l'édification  de  ce  temple?  Faut-il  voir  dans 
ces  colonnes  un  apport  ultérieur  à  cette  édification,  apport  qui 
aurait  nécessité  une  réfection  totale  des  arcades?  Ces  surfaces 


MOSQUÉE  DE  SÎDI'l-HALWI  295 

ne  durent-elles  pas,  soit  pour  un  effet  voulu,  soit  par  suite 
d'une  interruption  prématurée  des  travaux,  se  passer  toujours 
d'ornement?  Le  décor  primitif  tomba-t-il,  ainsi  que  celui  qui, 
nous  n'en  doutons  pas,  encadrait  le  mihrâb,  désagrégé  par 
l'humidité,  victime  de  l'imprévoyance  de  l'édilité  turque?  Cette 
dernière  explication  doit  sans  doute  être  préférée.  De  senib]al)les 
dégradations  ne  sont  pas  rares.  Nous  en  avons  vu  des  exemples 
à  Sîdi  Bel-Hassen  et  à  la  Médersa  de  Sîdi  Bou-Médine;  et,  au 


FiG.  72.  —  Décor  de  plâtre.  Bordure  de  cintre. 


reste,  le  mauvais  état  de  conservation  du  portail  de  Sîdi'l- 
Halwi  montre  que  ce  monument  eut  particulièrement  à  souffrir. 
Le  goût  des  intérieurs  frustes  est,  d'autre  part,  peu  conforme 
aux  habitudes  arabes.  Le  sultan  Fâres  ne  mourut,  étranglé 
des  mains  de  son  ministre,  que  cinq  ans  après  Tédification 


296  LES  MOiNUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

de  la  mosquée.  C'était  plus  qu'il  n'en  fallait  pour  achever  les 
travaux. 

Enfin,  l'hypothèse  d'une  restauration  importante  des 
arcades  laisserait  supposer  la  réfection  des  plafonds  qu'elles 
supportaient.  Or  ces  plafonds,  par  l'élégance  de  leur  forme, 
l'ingéniosité  de  leur  composition,  portent  la  marque  indiscu- 
table d'une  très  bonne  époque  d'art. 

Il  semble  donc  fort  probable  que  colonnes  et  chapiteaux 
furent  incorporées  à  la  mosquée  de  Sîdi'l-Halwi  au  jour  même 
de  sa  fondation.  Il  en  résulte  que  Ton  ne  peut  guère  assigner 
aux  demeures  royales  de  Mansourah  qu'un  maximum  de  sept 

ans  d'existence.  Du 
temps  même  des  Mé- 
rinides,  elles  furent 
abandonnées,  et  les 
fragments  qui  les 
meublaient  dispersés 
dans  des  construc- 
tions nouvelles.  C'est 
peut-être  à  cette 
même  époque  que  la 
cour  du  tombeau  de 
Sîdi  Bou-Médine  en 
reçut  sa  part. 
Une  planche  sculptée 
forme  frise  [fig.  74).  L'inscription  coufîque  qui  la  décore  est 
ainsi  conçue  :  FA-Ghibta  el-Mottasila  wall-Baraka  el-Kâmila 
ivas-Sadda:  u  La  prospérité  continue,  la  bénédiction  parfaite  et 
la  félicité.  »  Elle  figure  également  au  dessous  des  consoles 
du  portail,  et  des  eulogies  analogues  sont  fort  communes 


MOSQUÉE  DE  SÎDI'l-HALWI  297 

dans  les  monuments  andaloiis'.  Le  style  en  est  forme,  assez 
proche  de  celui  des  inscriptions  sur  plâtre  de  Bou-Mckline, 
mais  plus  fruste  et  plus  large,  comme  il  convient  à  une  matière 
moins  délicate  et  plus  rebelle  que  le  plâtre,  et  à  un  ornement 
destiné  à  être  placé  assez  haut. 

Des  tirants,  gravés  de  petits  motifs  simples,  sont  engagés 
dans  les  murs  parallèles  au-dessous  de  cette  frise.  La  charpente 
primitive,  composé  ^  d'arbalétriers  réunis  par  des  entraits 
retroussés,  est  revêtue  d'un  faux  solivage  composé  d'entrecroi- 


FiG.  74.  —  Fritse  de  bois  à  inscription. 


sements  apparents  de  baguettes  plates  en  cèdre,  se  coupant  à 
angle  droit  ou  diagonalement-,  s'assemblant  à  mi-bois  et  à 
tenonf^  et  mortaises.  Quelques  baguettes  tournées,  quelques 
plaques  de  bois  enclavées  dans  ces  assemblages  ou  en  complé- 

1.  A  i'Alhanibra,  cf.  Aluiegro  Cardenas,  p.  r!3,  125,  1(19,  etc.;  A  rAlcazar  de 
Séville,  cf.  Aiiiador  de  los  Rios,  131,  147,  230. 

2.  Voir  ap.  Conslantin  Ulide,  naudenkmacler  in  Spanien  uiid  Poilugal^ 
Berlin,  1892,  p.  27,  un  rapprochement  curieux  des  treillis  formés  par  ces 
pièces  de  bois  avec  le  treillis  des  huttes  Kirgis  étudiées  par  Dieulafoy. 


FiG.  15.  —  A,  B,  garnitures  des  plafonds.  —  G, 'entrait. 


FiG.  76.  —  A,  B,  garniture  des  plafonds.  —  C,  arête.  —  D,  spécimen  d'emmanchement. 


300  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

tant  l'apparence,  quelques  motifs  peints  en  blanc  et  noir  sur 
les  planches  qui  forment  le  fond  des  caissons  polygonaux,  de 
sobres  gravures  sur  les  pièces  de  bois  complètent  Tornemen- 
tation.  Ce  genre  de  décor,  d'une  logique  plus  mensongère 
que  réelle,  qui  fait  appel  à  des  artifices  de  construction  indignes 
d'une  menuiserie  bien  comprise,  se  trouve  assez  fréquemment 
employé  dans  les  édifices  du  Maglirib  et  de  l'Espagne.  Le 
monument  de  Tolède  connu  sous  le  nom  de  Tailler  del  Moro, 
quelques  maisons  de  Grenade  et  du  Maroc,  la  mosquée  de  Sîdi 
Bel-Hassen  en  présentent  des  exemples  ^ .  Celui  que  nous  étudions 
ici  en  est  un  des  plus  ingénieux. 

Le  Minaret .  —  Le  minaret  accolé  au  mur  occidental 
rappelle  beaucoup  celui  de  Sîdi  Bou-Médine.  Comme  la  base  en 
est  dégagée,  la  décoration  de  ses  faces  se  prolonge  plus  bas 
que  le  bord  chi  toit  de  la  mosquée.  Ses  faces  Nord  et  Sud 
présentent  un  premier  défoncement  rectangulaire  orné  par 
une  double  arcature  à  lambrequins  et  ménageant  deux  écoin- 
çons  à  décor  étoilé  en  mosaïque  de  faïence.  Un  second  défon- 
cement, reproduit  sur  les  quatre  faces,  est  occupé  par  une  arcade 
festonnée  semblable  à  celle  de  Sîdi  Bou-Médine.  Elle  est 
encore  accostée  d'écoinçons  à  combinaison  géométrique.  Des 
cadres  céramiques  entourent  ces  deux  défoncements.  Un  grand 
réseau  à  lambrequins  décoré  de  fleurons  règne  au  dessus.  Enfin, 
on  voit  encore,  sur  une  des  faces,  les  vestiges  d'une  frise  ana- 
logue à  celle  du  minaret  d'El-Eubbâd,  mais  qui  s'en  différencie 

1.  Léon  l'Africain  parle  d'une  médei'sa  mérinide  de  P'às  dont  «le  couvert 
est  fait  en  beau  compartiment  de  menuiserie  très  excellente  et  bien  ornée». 
Description  de  V Afrique,  11,  p.  74.  — Aux  xy%  xvr  et  xvii"  siècles  le  goût  des 
plafonds  de  menuiserie  arabe  était  encore  très  marqué  en  Espagne.  Citons  k 
ce  propos  un  traité  :  «  Compendio  del  arle  de  Carpinleria  »  public  par  Diego 
Lopez  Arenas,  à  Séville  en  1G32. 


MOSQCÉE  DE  SÎDi'l-HALWI  301 

cependant  en  ce  que  les  (juatre  rosaces  qui  la  composent,  ne  se 
sectionnent  pas  aux  angles  et  se  déploient  en  entier  sur  toute 
la  largeur.  L'édifice  terminal,  très  ondonniiagé,  portait  aussi  un 
réseau  de  briques  incrustées. 

Latrines  piibliqiies.  —  En  face  du  minaret  s  ouvre  la  porte 
de  latrines  publiques  a])ritée  par  un  joli  auvent  analogue  à 
celui  de  la  mosquée  et  qui,  quoique  très  abîmé,  permet  d'étu- 
dier plus  aisément  les  motifs  sculptés. 

On  y  retrouve  la  frise  coufique  reproduisant  Tinscriptiou 
de  la  mosquée.  Directement  sur  cette  frise  portent  les  neufs 
blochets  faits  de  planches  simples  posées  de  clianq3  et  les 
blocliets  extrêmes  de  trois  planches  jointives  simulant  une 
poutre  de  fort  équarrissage.  La  couverture  de  brique  repose 
directement  sur  ces  blochets. 

Le  décor  de  bois  qu'on  y  trouve,  quoique  mettant  en  anivre 
les  mêmes  éléments  que  le  décor  de  plâtre,  leur  donne  une 
interprétation  un  peu  différente.  Nous  avons  noté  [fig.  68) 
deux  fleurons  faisant  partie  de  l'ornementation;  l'un  se  compose 
des  palmes  striées  qui  persistèrent  dans  les  ])as-reliefs  de  bois, 
l'autre  garnit  la  même  surface  d'ind)ricalions  également  l)ien 
appropriées  à  ce  genre  de  technique.  Ce  dernier  motif,  dont 
l'origine  est  déjà  visible  à  la  Grande  Mos({uée  de  Tlemcen 
(cf.  p.  156),  semble  un  équivalent  décoratif  du  premier:  il  joue 
toujours  le  même  rôle. 

Les  dispositions  intérieures  sont  sensiblement  les  mêmes 
qu'à  Sidi  Bou-Médine,  elles  s'indi(iuent  extérieurement  par  un 
dôme  à  douze  pans,  percé  de  jours  à  cheval  sur  les  angles, 
s'élevant  du  milieu  d'un  monument  rectangulaire.  Ce  dôme  est 
intérieurement  orné  de  poljgoncb  étoilés  et  de  rosaces,  mode- 
lés dans  le  plâtre. 


X 


MOSQUÉE  ET  QOUBBA  DE  SÎDI  BRÀHIM 


Les  édifices  connus  anjoui^riuii  sous  les  noms  de  mosquée 
et  de  qoubha  de  Sîdi  Brâliîm  nous  offrent  les  derniers  restes 
d'une  vaste  fondation  due  au  restaurateur  de  la  dynastie 
zeijânide,  Abou-Hammou  Mousa  II.  A  un  mausolée  élevé  en 
l'honneur  de  ses  oncles  Abou-Saîd,  Abou-Tsâbit  et  de  son  père 
Abou-Yaqoub,  ce  prince  annexa,  suivant  une  pratique  dont 
l'Egypte  offre  de  nombreux  exemples^,  une  zàwiya,  une  mé- 
dersa  et  un  oratoire.  Le  tout,  réuni  dans  une  même  enceinte, 
entouré  de  jardins,  était  connu  sous  le  nom  de  Médersa  Yaqou- 
bîya  (du  nom  (F Abou-Yaqoub)  et  couvrait  remplacement  com- 
pris entre  les  rues  actuelles  de  Sîdi  Brâhîm,  Ximenës  etHaedo^. 
Des  biens  nombreux  furent  immobilisés  au  profit  de  l'établisse- 
ment; des  tables  de  marbre  publiées  par  Brosselard,  comme 

1.  Par  exemple,  les  inadrasas-mausolées  de  Malik  Achraf  Inâl  et  de  Malik 
Achraf  Qàit-Bey  (Cf.  Franx-Paclia,  die  Baukunst.  des  Islatr.,  p.  114;  —  Gayet, 
rArt  arabe^  p.  203  et  suiv.  ;  —  Van  Berchem,  Matériaux  pour  un  Corpus,  394 
et  suiv.  ;  431  et  suiv.). 

2.  Cf.  Bargès,  Complément  de  riiisloire  des  Beni-Zeiyân,  p.  159,  160;  — 
Tlemcen^  ancienne  capitale,  p.  334,  335  ;  l'extrait  de  la  Baghyat-er-Rouwàd  cité 
dans  ce  dernier  ouvrage  et  où  il  est  question  «d'un  oratoire  avec  un  minaret 
incrusté  de  faïence»,  n'a  été  retrouvé  par  nous  dans  aucun  des  manuscrits  que 
nous  avons  consultés. 


MOSQUEE  ET  QOUBBA  DE  SÎDI  BRAHÎM 


303 


concernant  la  médersa  (rOnlàd-el-Imàm,  nons  fournissent  sûre- 
ment la  liste  des  habons  de  la  Médersa  Yaqonbîja^  Dans  la 
suite,  les  abords  de  la  mosquée  et  de  la  médersa  devinrent  un 
cimetière  royal;  puis,  à  l'époque  turque,  la  médersa  tomba  en 
ruines;  la  mosquée  et  la  qoubba  subsistèrent  seules  et,  par  un 
de  ces  changements  de  désignalions  fréquents  dans  l'Afrique 
du  Nord,  prirent  le  nom  du  saint  Sidi  Brâhim  el-Maçmoudi  qui, 
quatre-vingts  ans  après  la  fondation,  avait  été  enseveli  dans 
l'enceinte  de  la  médersa Les  ruines  de  la  médersa  n'ont  été 
déblayées  qu'à  une  époque  récente.  Bargès,  en  1846,  vit 
encore  dans  le  voisinage  de  la  mosquée  un  portail  monumental 
en  briques,  portant  les  trois  premiers  versets  de  la  Soura  «la 
Victoire »  Il  ne  songea  pas,  au  reste,  à  identifier  les  restes 
d'édifice  qu'il  avait  sous  les  yeux  avec  la  médersa  Yaqou- 
bîja 

1.  Revue  africaine,  février  1859,  p.  169  et  suiv.  ;  ces  tables  de  marbre 
datées  de  763  et  de  765  sont  relatives  à  la  zâwiya,  à  la  médersa,  à  la  mosquée 
qui  avoisinent  le  tombeau  du  père  d'Abou-Hammou  II;  il  n'y  a  donc  pas  de 
doute  possible  ;  en  outre,  dans  un  des  manuscrits  de  la  Baghyat-er-Rouwàd. 
nous  relevons  le  passage  suivant,  sûrement  interpolé  par  un  copiste,  mais 
qui  n'en  fournit  pas  moins  d'intéressants  renseignements  :  «  En  763,  Abou- 
Hammou  commença  à  construire  la  zàwiya  et  la  médersa,  connue  sous  le  nom 
de  médersa  Yaqoubîya,  du  nom  de  son  père  Abou-Yaqoub.  Il  immobilisa  à 
son  profit  de  nombreux  immeubles,  comme  il  est  mentionné  sur  deux  tables 
de  marbre  placées  à  la  porte  de  la  médersa;  aujourd'hui  on  connaît  cette  fon- 
dation sous  le  nom  de  tombeau  du  wali  Sîdi  Ibrahim  El-Maçmoudi;  elle  est 
le  lieu  de  sépulture  de  nombreux  saints,  de  savants  et  de  sultans». 

2.  Cf.  Tombeaux  des  Émirs  Beui-Zeii/ân,  p.  13  et  suiv.  ;  Brosselard  y  raconte 
comment,  dans  les  fouilles  qu'il  pratiqua  sur  cet  emplacement,  il  découvrit 
les  tombeaux  d'une  partie  des  Beni-Zeiyàn;  sur  la  vie  de  Sidi  Bràhîm  El- 
Maçmoudi  (f  804  =  1401),  cf.  Comple'ment  de  V Histoire  des  Beni-Zeiydn,  p.  259 
et  suiv.  ;  et  Extrait  de  la  Takmilet  ed-Dibâdj,  ap.  Annales  de  la  Sociélé  archéo- 
logique de  Constantine,  1855. 

3.  Cf.  Tlemcen,  ancienne  capitale,  etc.,  p.  391. 

4.  Il  voulait  que  la  médersa  Yaqoubîya  eût  été  attenante  à  la  mosquée  de 
Bel-Hassen  (op.  laud.,  p.  337). 


LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 


A.  —  Mosquée  de  Sîdi  BrAhîm 


Le  plan  de  la  mosquée  est  copié  sur  le  plan  classique  des 
monuments  de  la  belle  époque  mérinide.  Les  dispositions  archi- 
tectoniques  sont  les  mémos.  La  porte  principale  est  au  Nord; 
deux  autres  portes  latérales  ouvrent  la  première  travée  de  la 
salle  de  prières,  l'une  à  TEst,  l'autre  à  l'Ouest.  Elles  n'ont  rien 
de  monumental.  L'arcature  qui  borde  le  çahn  porte  sur  tout 
son  pourtour  l'auvent  établi  sur  des  consolettes  de  maçonnerie. 
La  salle  de  prière  est  composée  de  cinq  nefs  formées  par  deux 
rangées  de  pieds  droits,  soutenant  des  arcades  brisées  sans 
aucun  décor.  Elle  a  19  mètres  de  large  sur  15  mètres  de  pro- 
fondeur. Les  nefs  extrêmes  de  droite  et  de  gauche  sont  cou- 
vertes de  voûtes  d'arête. 

Le  mihrfd)  est  précédé  d'une  coupole,  décoré  de  grandes 
cannelures  convergentes  semblables  à  celles  que  présente  la 
Grande  Mosquée.  Trois  fausses  fenêtres  le  surmontent.  La 
petite  coupole  intérieure  est  à  huit  pans  et  sans  ornements. 
Le  cadre  du  mihrâb,  où  l'on  remarque  le  croissant  turc,  est 
garni  de  plaques  de  faïence,  à  fond  lustré  variant  de  l'ocre 
claire  au  rouge  sombre,  et  à  dessins  lloraux  bleus,  jaunes, 
blanc  et  vert.  Le  lustre  du  fond  rappelle  les  produits  de 
Gubbio  et  de  Pessaro  ;  on  en  trouve  d'analogues  à  Alger  sur 
les  monuments  datant  de  l'époque  turque.  Le  mihrâb  est 
flanqué  de  deux  ouvertures,  l'une  à  droite  où  s'enfonce  le  min- 
bar,  l'antre  à  gauche  qui  donnait  entrée  dans  la  salle  de 


MOSQUÉE  ET  QOUBBA  DE  SÎDI  BRAHÎM  305 

prêche  maintenant  disparue  ^  Cette  dernière  est  fermée  par 
une  porte  assez  élégante  dont  le  battant  et  le  cadre  sont  gar- 
nis de  petits  panneaux,  de  cordelières,  de  feuillages  avec  fleu- 
rons dans  le  goût  turc,  de  pentures  de  cuivre  fort  minces  sur 
transparents  d'étoffe,  enfin  d'une  inscription  en  caractères 
maghribins.  Celle-ci  nous  indique  que  les  sculptures  sur  bois 
furent  exécutées  dix-huit  jours  avant  la  fin  du  mois  de  Rejeb 
1247  par  Sâlim  Bou-Djenân  Ben-I^erfara.  Le  minbar,  de  facture 
semblable,  porte  la  date  de  Chabân  1247  et  le  nom  de  Moham- 
med Ben-Hasen  Ben-Ferfara.  Cette  date  (1831-1832)  nous 


FiG.  77.  —  Carreaux  de  faïence  à  reflets  métalliques. 


reporte  à  la  fin  de  l'époque  turque.  Le  nom  de  Ben-Ferfara 
était  porté  par  deux  artistes  cousins,  dont  les  vieux  Tlemce- 
niens  ont  gardé  le  souvenir  et  qui  travaillèrent  pour  le  compte 
d'Abd-El-Kâder  Les  œuvres  qu'ils  nous  ont  laissées,  d'une  exé- 
cution assez  maladroite,  se  rattachent,  à  cinq  siècles  de  distance, 

1.  Elle  a  été  abattue  lorsque  le  passage  qui  fait  communiquer  la  rue  Xime- 
nès  avec  la  rue  de  Sîdi  Bràhîm  derrière  la  mosquée  a  été  élargi. 

2.  Cf.  suprà^  Intr.,  p.  39  ;  —  et  Tombeaux  des  Émirs  Beni-Zeiydn,  p.  50,  note  1. 

"20 


306  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

à  l'école  qui  sculpta  la  maqçoiira  de  la  Grande  Mosquée,  l'au- 
vent et  la  frise  de  Sîdi'l-Halwi.  Le  bois  y  est  traité  comme  le 
plâtre;  le  décor  sans  modelé  sensible  se  découpe  sur  un  fail)le 
défoncement. 

La  mosquée  de  Sidi  13râliîm,  primitivement  simple  oratoire 
annexe  d'une  médersa,  devint  avec  le  temps  mosquée-cathé- 
drale ;  elle  était  le  lieu  de  réunion,  pour  la  prière  solennelle 
du  vendredi,  des  qouloughli,  qui  habitaient  les  quartiers  voisins. 
Elle  a  donc  une  sedda  fort  simple.  Aujourd'hui  encore,  on  y  dit 
la  Khotba,  et  Wmy  fait  la  prière  en  commun. 

Dans  le  çahn,  deux  bassins  servent  aux  ablutions  :  l'un  porte 
une  vasque  dont  le  pied  est  une  colonnette  d'onyx  avec  chapi- 
teau d'un  type  assez  archaïque  ;  Brosselard  réussit  à  y  déchif- 
frer à  la  loupe  le  nom  d'Abou-Hammou  ;  mais,  depuis  trente 
ans,  Feau  a  coulé  dessus  nuit  et  jour,  et  nous  n'avons  pu 
aujourd'hui  rien  y  lire  K  Diverses  bases,  divers  chapiteaux  épars 
dans  le  çaJin  proviennent  apparemment  des  édifices  disparus, 
dont  la  mosquée  n'était  qu'une  annexe. 

Le  minaret,  placé  à  l'angle  Nord-Ouest  du  monument  et  en 
saillie,  sur  la  face  Ouest,  est  de  hauteur  moyenne,  assez  trapu, 
de  proportions  peu  élégantes.  Son  décor  est  fort  simple.  C'est 
d'abord  sur  les  quatre  faces,  au  tiers  environ  de  la  hauteur,  une 
arcature  à  grands  lobes  encadrée  dans  un  panneau  de  briques  ; 
une  bande  de  faïence  de  10  centimètres  de  largeur  environ, 
et  formée  de  qlrdti  -  blancs,  bruns,  verts  et  jaunes  disposés  en 
damier,  surmonte  ce  premier  étage  de  décoration.  Un  grand 
l)anneaude  treillis  à  lambrequins  dont  l'entrecroisement  s'appuie 
sur  quatre  colonneites  vient  au  dessus;  des  fleurons  de  faïence 

■  1.  Cf.  Jo7nbeau.r  des  Émirs  Beni-Ze'njân,  p.  12, 
2.  en  Suprà,  Inlr-,p,  80-81. 


MOSQUÉE  ET  QOUBBA  DE  SiDI  BRÀHiM  307 

verte  incrustée  dans  la  brique  en  relèvent  la  couleur  générale. 
Enfin  l'étage  supérieur  est  formé  d'un  panneau  de  quatre 
arcades  fort  frustes,  se  détachant  sur  un  fond  de  mosaïque  en 
damier  de  qirâti  blanc,  brun  et  jaune.  Des  nierions  crénélent  la 
plate-forme.  L'édifice  terminal  ne  porte  ancun  ornement.  L'en- 
semble donne  une  impression  de  rudesse  et  d'inhabileté  ;  et 
cette  œuvre  de  décadence,  si  l'on  ne  connaissait  sa  date,  pour- 
rait passer  pour  une  œuvre  de  début. 


B.   —  QoT  BBA  DE  SÎDI  BrÀHÎM 


Elle  est  située  sur  un  petit  tertre  à  quelques  mètres  à  l'Ouest 
de  la  mosquée.  L'entrée,  au  Nord,  donne  snr  une  coiu'  carrée 
de  5°", 65  de  côté;  sur  les  quatre  faces,  des  galeries  couvertes 
entourent  cette  cour,  établies  sur  des  arcs  en  fer  à  cheval 
brisé  qiu  retombent  sur  quatre  colonnes  trapues  de  1",15  de 
hauteur  et  de  1"',55  de  circonférence.  Selon  toute  apparence, 
ces  colonnes,  simples  fûts  cylindriques  en  onyx  bien  poli,  pro- 
viennent des  ruines  de  Mansourah  et  ont  été  coupées  en  deux. 

La  qoubba  qid  fait  suite  est  une  chambre  carrée  de  dimen- 
sions identiques  à  celles  de  la  cour.  Le  cadre  de  la  porte  a  dû 
recevoir,  à  une  époque  assez  récente,  un  remaniement  complet. 
Le  haut  en  est,  du  côté  de  la  cour,  inscrit  dans  un  panneau 
revêtu  de  faïence. 

A  l'intérieur,  la  chambre  sépulcrale  est,  sur  chacune  de  ses 
faces,  défoncée  par  une  arcade  en  fer  à  cheval  déformée  au 
sommet  suivant  une  brisure  à  peine  sensible.  Des  arabes({ues 
garnissent  les  écoinçons  qui  flanquent  ces  arcades  ;  au  centre 


308  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

de  chacun  d'eux  se  trouve  une  coquille  circulaire  à  cannelures 
rayonnantes.  Une  inscription  cursive  borde  les  rectangles 
d'encadrement  et  les  panneaux  qui  les  séparent  ;  elle  porte  un 
texte  coranique  que  de  maladroites  restaurations  ont  en  partie 
défiguré  ^  Les  panneaux  intercalaires  sont  garnis  de  décors 
géométriques  ménageant  au  polygone  de  départ  deux  genres 


FiG.  78.  —  Décor  de  plâtre,  garniture  des  murs. 


de  motifs  défoncés  :  un  motif  ornemental  et  des  sentences  en 
lettres  cursives.  Ces  sentences  courtes  sont  du  genre  des 
phrases  sacramentelles  El-izzou  lillâh^  la  majesté  est  à  Dieu  ; 

1.  Ce  sont  les  derniers  versets  de  la  Soura  V,  «  la  Table  ». 


MOSQUÉE  ET  QOUBBA  DE  SÎDI  BRÂHÎM  309 

El-Amrou  lillâhX^  commandement  est  à  Dieu.  Un  lambris  [fig.SO) 
de  0°',82de  haut,  en  mosaïque  de  faïence,  blanc,  brun,  jaune  et 
vert  garnit  la  base  des  murs.  Une  frise  court  au-dessus  des 
panneaux:  c'est  le  décor  géométrique  habituel  de  cette  partie 
du  revêtement;  ]e  polygone  étoilé,  qui  occupe  les  centres,  porte 
un  motif  ornemental  alternant  avec  un  motif  coufique.  Au 
dessus  règne  un  fond  où  se  trouvent  des  décors  à  répétition 
copiés  sur  ceux  de  Sîdi  Bel-Hassen  et  de  Sîdi  Bou-Médine.  A 
cette  hauteur,  deux  petites  fenêtres  en  plein  cintre  garnies  de 
claires-voies  à  combinaisons  géométriques  percent  chaque  mur. 

La  coupole  à  huit  pans,  sans  aucun  décor,  est  établie  sur  les 
demi-voûtes  d'arête  ordinaires  des  qoubbas  tlemceniennes. 

Cette  qoubba  présente  un  des  seuls  spécimens  qui  nous  soit 
parvenu  de  l'art  de  la  restauration  zeiyânide  après  le  départ 
définitif  des  Mérinides.  Moins  que  les  autres  qoubbas  elle  eut 
à  subir  des  restaurations  durant  le  cours  des  siècles  qui  sui- 
virent. L'élégant  revêtement  de  plâtre  dont  l'avait  doté  son 
fondateur  nous  est  vraisemblablement  parvenu  intact.  Seules 
les  plaques  de  faïence  qui  décorent  la  porte  sont  des  apports 
ultérieurs  ;  elles  sont  de  tout  point  semblables  à  celles  du 
mihrâb  de  la  mosquée. 

Le  styie.  —  Le  décor  de  plâtre  présente  une  grande  variété 
de  formes  en  même  temps  qu'il  témoigne  d'un  appauvrissement 
évident  du  style  et  de  la  technique.  L'épigraphie  fait  une  grande 
place  à  récriture  cursive  ;  le  coufique  ne  s'y  rencontre  plus  en 
inscriptions  d'une  certaine  étendue  ;  il  n'existe  plus  qu'à  l'état 
de  motif  purement  ornemental  de  faible  dimension. 

La  géométrie  y  joue  un  rôle  assez  important  :  c'est  ici  le 
premier  et  le  seul  exemple  que  présentent  les  monuments 
tlemceniens  de  décor  géométrique  employé  dans  les  grandes 


UO  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

surfaces  et  formant  rornemeiit  principal  d'un  revêtement.  Le 
thème  n'est  pas  non  plus  du  genre  de  ceux  que  nous  avons 
rencontrés  dans  les  monuments  déjà  étudiés.  C'est  [fig.  78) 
une  combinaison  de  rosaces  à  douze  pointes  sur  plan  trigone. 
Semblable  ornement  se  remarque  à  Grenade,  à  l'Alhambra  et 

à  l'extérieur  du  couvent  de  Zafra 
près  du  Daro.  Quant  à  la  composi- 
tion des  lambris,  si  elle  n'est  point 
de  celles  que  Ton  rencontre  ordi- 
nairement dans  les  revêtements  de 
mosaïque,  elle  fait,  du  moins,  inter- 
venir l'étoile  à  huit  pointes,  qui  est 
fréquente  dans  les  décors  de  plâtre. 
Ces  lambris  sont  les  seuls  spécimens 
de  cet  emploi  de  la  faïence  que  nous 
possédions  encore.  Il  en  existait 
d'autres,  et  de  plus  beaux,  à  la  mé- 
dersa  Tàchfînîya  et  probablement  au 
Méchouar.  Ces  deux  édifices  étant 
démolis,  nous  n'en  pouvons  voir  que 
des  fragments  conservés  au  Musée 
de  la  ville. 

La  flore  est  très  simple.  A  part 
la  coquille  circulaire  des  écoinçons 
et  une  petite  fleur  à  six  pétales 
présentées  de  face  et  d'un  dessin 
naïf  dans  les  arabesques  de  ces  mêmes  écoinçons,  l'élément 
unique  est  la  palme  ordinaire  des  décors  mérinides,  mais 
perdant  de  plus  en  plus  le  caractère  qui  la  rattachait  au 
règne  végétal  :  elle  n'est  jamais  gravée  de  nervures  intérieures, 


Fig.  79.  —  Décor  de  plâtre 
à  ornement  coufique. 


MOSQUÉE  ET  QOUBBA  DE  SiDI  HKÀlliM  oU 

le  limbe  et  le  pétiole  se  confondent  ;  elle  s'assimile  de  pltis  en 
pins  an  irait  de  Técrilnre. 

11  est,  en  somme,  facile  de  constater  dans  tonte  cette  orne- 
mentation, en  même  temps  (pi'nne  assez  grande  prodigalité  de 
thèmes  différents,  qnehpies-nns  textnellement  emprnntés  anx 
monnments  antérienrs,  un  appanvrissement  dn  stjde  qni  révèle 
une  époqne  de  décadence  ;  la  courbe  s'abâtardit,  le  relief 
devient  nniforme,  tont  modelé  disparaît. 


Fie  80.  —  Lam])ris  en  mosaïque  de  faïence. 


Si  le  décor  de  plâtre  présente  nn  aspect  panvre  et  monotone, 
la  part  donnée  à  la  décoration  peinte  semble  en  revanche  })ien 
pins  grande.  Ce  ne  sont  plus  ici  seulement  des  tons  simples 
couvrant  les  fonds,  ce  sont  des  petits  motifs  qni  meublent  les 
espaces  vides  devenus  pins  importants  alors  que  les  ornements 


312  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

sculptés  se  rétrécissaient.  Nous  avons  relevé  [fig.  78)  un 
exemple  de  ces  «  garnitures  »,  c'est  un  décor  vermiculé  noir 
analogue  à  ceux  qui  décorent  les  plafonds  de  Sîdi'l-Halwi  et 
à  ceux  qu'employèrent  les  céramistes  espagnols.  Ajoutons  qu'un 
ton  rouge  dans  le  trait  des  entrelacs,  un  ton  bleu  dans  le  fond 
des  polygones  étoilés  complètent  heureusement  la  polychro- 
mie des  panneaux. 


XI 


MOSQUÉE  DU  MÉCHOUAR 


Nous  avons  rapporté,  en  nous  occupant  de  l'enceinte  du 
Méchouar,  à  quelles  circonstances  se  rattachait  la  fondation  de 
la  mosquée  qu'il  contenait.  Ge  fut,  d'après  Ibn-Khaldoun,  Abou 
Hammou  Mousa  V  qui  en  posa  les  premières  fondations.  Elle 
devrait  donc  être  sensiblement  contemporaine  de  la  mosquée 
Oulâd-el-Imâm.  Nous  n'avons  cependant  pas  cru  devoir  la 
rapprocher  chronologiquement  de  l'étude  consacrée  à  ce  petit 
oratoire.  Nous  ne  croyons  en  effet  avoir  devant  les  yeux  que 
peu  de  chose  de  la  création  abd-el-wâdite  primitive.  Ce 
temple,  faisant  partie  d'une  citadelle  souvent  attaquée,  dépen- 
dant d'une  résidence  royale,  dut  subir,  au  cours  des  guerres 
et  des  révolutions,  des  dommages  et  des  restaurations  nom- 
breuses. La  salle  de  prière  dut  même  être  réédifiéc  pendant 
l'occupation  turque,  le  décor  détruit,  le  plan  complètement 
bouleversé,  le  sol  surélevé  ^  Sa  transformation  en  magasin 
annexe  de  l'hôpital  militaire,  puis  en  chapelle  catholique, 
acheva  de  lui  enlever  tout  intérêt  artistique. 

1.  Elle  reçut  des  colonnes  provenant  de  Mansourah,  telle,  par  exemple,  celle 
conservée  au  Musée  de  la  ville  et  portant  sur  le  fût  une  inscription  pieuse 
publiée  par  Brosselard  {Revue  africaine,  mai  1860,  p.  242  et  suiv.). 


314  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  ÏLEMCEN 

Le  minaret  est  de  style  plus  pur,  et  s'il  a  reçu,  dans  le  cou- 
rant du  XI v"  siècle,  peut-être  à  l'époque  de  la  restauration 
zeiyânide,  de  notables  embellissements,  la  proportion,  la  com- 
position générale,  la  disposition  essentielle  ont  dû  s'en  conserver 
à  peu  près  intactes  :  un  rapprochement  avec  le  minaret  d'Oulâd- 
el-Imâm  indique  bien  une  inspiration  analogue.  • 

Deux  de  ces  faces  ont  encore  une  partie  de  leur  décoration; 
celle  du  Sud  est  bien  conservée.  — -  Deux  panneaux  s'y  super- 
posent; celui  du  bas,  carré,  est  garni  par  une  arcade  soutenant 
une  rangée  de  losanges  à  lambrequins,  présentant  les  fleurons 
habituels  et  des  incrustations  en  terre  vernissée  brun  et  vert. 
Le  panneau  supérieur,  percé  en  son  centre  d'une  fenêtre  étroite, 
porte  une  arcade  double  dentelée  semblable  à  celle  qui  décore 
le  premier  panneau  d'Oulâd-el-lmâm.  La  garniture  des  écoinçons 
est  en  mosaïque  de  faïence  brun  et  blanc  [ficj.  81  D)  ;  elle  offre 
cette  particularité  de  ne  faire  intervenir  qu'une  seule  forme  de 
découpure.  On  remarque  une  combinaison  identique  dans  la  salle 
de  repos  des  bains  de  l'Alhambra,  qui  date  de  Mohammed  Y 
(L354-1391).  N'y  aurait-il  pas  là  l'indice  d'une  réfection  datant 
de  la  restauration  zeiyânide  ?  Une  particularité  plus  signifîcatire 
peut  préciser  la  date  de  retouches  plus  importantes. 

Le  cadre  de  mosaïque  qui,  comme  à  Bel-Hassen  et  à  Oulâd- 
el-Imàm,  enveloppait  ces  panneaux  défoncés,  se  trouve  remplacé 
par  un  cadre  de  faïences  à  reflet  métallique  portant  des  orne- 
ments ou  des  inscriptions.  L'émail  stannifère  qui  les  couvre  est 
d'un  blanc  fumé  présentant  des  taches  verdâtres  et  sillonné  de 
grandes  craquelures  ;  les  intempéries  Font  même,  en  certains 
endroits,  complètement  écaillé.  Le  lustre,  qui  est  la  seule 
couleur  employée,  est  de  valeur  et  de  ton  variables.  Parfois 
semé  de  taches  ocreuses,  il  va  du  vert  clair  au  rouge  violacé 


MOSQUÉE  DU  MÉCHOUAR  315 

«ombre.  Ce  décor  est  tracé  avec  ])eaucoiip  de  franchise  et 
d'habileté  ;  la  peinture  en  est  maigre  et  parfois  transparente. 

Les  plaques  d'ornements  on 1 0"' ,24  sur  0™,  1 8  ;  elles  sont  de  deux 
modèles  (C,  C'),  suivant  la  direction  de  la  bordure  à  laquelle  elles 
appartiennent.  Le  motif  reproduit  est,  en  traits  de  0'",02,  l'en- 
trecroisement de  lambrequins  formant  des  losanges  curvilignes 
déjà  maintes  fois  observé  ;  les  raccords  des  bandes  verticales  et 
horizontales  sont  assez  mal  faits.  Il  n'y  a  pas  de  plaques  d'angle  ; 
le  motif  et  les  deux  traits  qui  hii  servent  de  bordure  ne  se 
retournent  pas.  Ils  sont  coupés  avec  l'extrémité  des  rangées. 
*  Les  plaqnes  à  inscriptions,  an  nombre  de  huit,  ont  G*", 39  sur 
0",13.  L'émail  est  le  même  que  celui  des  premières.  Elles 
portent  des  bordures  faites  de  deux  traits  inégaux,  une  garni- 
ture de  rinceaux  et  enfin  des  caractères  andalous  se  détachant 
sur  un  fond  vermiculé,  assez  fin,  probablement  tracé  au  qalam; 
nous  en  donnons  ici  un  spécimen  (B). 

La  réunion  des  mots  qu'on  y  lit  n'a  paru  à  Brosselard  présenter 
aucun  sens  plausible,  et  il  considère  cette  inscription  de  la 
mosquée  du  Méchouar  comme  une  énigme  indéchiffrable  ^  Nous 
ne  sommes  pas  de  son  avis.  Tout  d'abord,  les  plaques  des  gar- 
nitures latérales  [fig,  81 A  nous  paraissent  porter  l'eulogie  bien 
connue  :  El-yoïmvi  wal-iqbdl  «  le  bonheur  et  le  succès  ».  C'est 
une  formule  très  fréquente  dans  la  décoration  épigraphique  des 
monuments  andalous-.  Nous  l'avons  lu  nous-mêmes  sur  le  vase 
de  l'Alhambra,  sur  des  poteries  hispano-moresques,  et  elle  figure 
encore  sur  une  couronne  en  cuivre  ciselé  provenant  du  minaret 

1.  Cf.  Revue  africaine,  mai  1860,  p.  248  et  suiv. 

2.  Parfois  avec  addition  de  Waholough  El-ârnâl  «  et  la  réalisation  des 
désirs»  ou  de  was-sa'd  fi  ikmâl,  «etla  prospérité  parfaite»  (Cf.  Almegro  Gar- 
denas,  Inscrlpciones  de  Granada,  11,  37,  58,  etc.;  —  Amador  de  los  Rios,  Ins- 
cripciones  de  Sevilla,  134,  135,  140,  etc.) 


316  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

de  la  Grande  Mosquée  de  Tlemcen,  que  nous  avons  signalée 
plus  haut.  D'autre  part,  il  suffît  de  renverser  Tordre  des  deux 
plaques  de  céramique  qui  forment  la  seconde  moitié  de  la  bor- 
dure supérieure  pour  obtenir  une  autre  formule  andalouse,  très 


R'  A' 


FiG.  81.  —  Décor  céramique  au  minaret  de  Méchouar. 


courante  à  Séville,  àGrenatle^,  et  qui  est  la  suivante  :  Ya  tsiqati 
y  a  amali  antal-rajâ  antdl-wali  ikhtim  bikhairin  amali. 
((  0  ma  confiance,  ô  mon  espérance,  c'est  toi  l'espoir,  c'est  toi 

1.  Cf.  Amador  de  losRios,  op.  laud.,  135,  158,  174,  etc.  — Almegro  Gardenas, 
op.  laud.,  37,176,  186,  etc. 


MOSQUÉE  DU  MÉCHOUAR  317 

le  protecteur;  scelle  mes  actions  par  le  bien.  »  Le  caractère 
est  d'une  élégance  un  peu  molle  ;  les  lettres  s'y  enchevêtrent 
et  s'y  lient  mal  à  propos  [fig.  81  A'  et  A'^);  ces  plaques  ont 
tout  le  caractère  de  produits  d'une  fabrication  courante. 

La  nature  des  émaux,  la  présence  du  losange  peint,  imitation 
servile  du  décor  classique  des  extérieurs,  l'absence  de  tout 
motif  qui  ne  soit  de  pure  origine  ujoresque,  la  forme  des 
palmes  polylobées,  tout  nous  fait  supposer  que  nous  avons 
sous  les  yeux  un  produit  assez  ancien  des  ateliers  espagnols 
fabriquant  les  faïences  à  rellet.  (On  sait  que  le  premier  ren- 
seignement que  nous  ayons  sur  ces  ateliers  est  fourni  par  Ibn 
Batoutah,  et  remonte  au  milieu  du  xiv"  siècle^).  Nous  ne 
saurions  leur  attribuer  une  origine  plus  précise.  En  l'ab- 
sence du  bleu,  qui  semble  constant  dans  les  pièces  sorties 
de  Malaga,  nous  y  verrions  plutôt  Toeuvre  d'une  fabrique  du 
royaume  de  Valence,  peut-être  Manisès,  dont  les  plaques  de 
revêtements  apparaissent  connue  une  sorte  de  spécialité.  Quoi 
qu'il  en  soit,  le  fait  que,  dans  cette  mosquée  d'une  résidence 
royale,  deux  de  ces  plaques  ont  été  mises  en  place  au  rebours 
de  leur  ordre  naturel,  nous  semble  indiquer  que  nous  sommes 
en  présence  d'une  ornementation  ajoutée  à  une  époque  de 
décadence  oii  l'inscription  était,  pour  ceux  qui  l'ajustaient, 
parfaitement  illisible. 

1.  Ibn-Batoutah,  IV,  p.  307. 


Xll 


MOSQUÉE  DE  SÎDI  SENOUSI 


Elle  est  située  dans  la  rue  de  Mascara,  ancienne  rue  des 
Bourreliers  (Souq-el-Berada'în),  à  l'entrée  de  l'impasse  appelée 
Derb  el-Msoufa  à  laquelle  une  voûte  donne  accès  ^.  L'origi- 
nalité de  ce  petit  monument  consiste  en  ce  que  sa  salle  de 
prière  occupe  im  premier  étage.  Un  escalier  sous  la  voûte 
permet  de  monter  à  cette  salle  pauvre,  nue,  et  à  laquelle  des 
restaurations  de  très  basse  époque  ont  dû  achever  d'enlever 
tout  caractère. 

Elle  se  compose  de  deux  parties  gauchement  soudées  entre 
elles.  La  première  forme  deux  petites  nefs  dont  les  pieds 
droits  sont  réunis  par  des  arcs  brisés  en  fer  à  cheval.  Une 
corniche  à  doucino  (mouhu^e  qui,  nous  l'avons  vu,  ne  fut  jamais 
employée  par  les  arcliitectes  maghribins  pendant  la  belle  période 
de  leur  art)  couronne  les  nefs.  Une  charpente  apparente,  et 
des  tirants  géminés  en  forment  le  plafond.  De  petites  fenêtres 

1.  Ses  haboiis  ont  été  publiés  par  Brosselard  ap.  Hevue  africaine,  sep- 
tembre 1861  ;  elle  porte  le  nom  du  grand  théologien  tlcmcenien,  Sidi  Senousi 
(Cf.  infrà,  p.  340);  mais  la  mosquée  du  Derb  el-Mesoufa  est  citée  par  les  textes 
avant  sa  mort  {Bosiâîi,  notre  manuscrit,  p.  155)  et  la  tradition  veut  qu'il  ail 
aimé  à  y  venir  prier  (Revue  africaine,  avril  1859,  p.  246;  septembre  1861, 

p.  :m). 


MOSQUÉE  DE  sioi  SENOUSI  319 

doiiiiaiit  sur  la  rue  éclaircut  riiitérieur.  La  salle  se  prolonge 
par  une  seconde  partie  irrégulière  dont  tout  caractère  artis- 
tique est  absent.  Un  niihrâb  en  plein  cintre  perce  le  mur  du 
fond  oii  s'ouvre  égrdement  une  petite  galerie  à  ciel  ouvert 
donnant  sur  le  Derb  el-Msoufa. 

La  partie  la  plus  intéressante  de  cette  mosquée  est  le  mina- 
ret qui  la  surmonte.  Le  style  n'en  est  pas  pur,  mais  les  pro- 
portions sont  élégantes.  Trois  étages  d'arcatures  dentelées  ou 
entrelacées  s'y  superposent.  Une  frise  formée  de  cordons  de 
])riques  complète  cette  ornementation.  Notons  sur  l'une  des 
faces  quelques  plaques  de  faïence  stannifère  à  décor  bleu  et 
jaune  incrustées  dans  l'un  des  cadres  d'arcade,  seul  exemple 
de  ce  genre  que  nous  ajons  observé  connue  décor  extérieur 
de  minaret  tlemcenieu. 


XI  II 


MOSQUÉE  DE  SÎDI  LAHSEN 


Cette  mosquée,  située  hors  de  Tlemcen,  à  200  mètres  envi- 
ron à  l'angle  Nord-Est  de  l'enceinte  actuelle,  groupe  autour 
d'elle  un  petit  village.  Elle  est  consacrée  à  la  mémoire  du 
l)ieux  Sîdi  Lahsen  ben-Makhlouf  er-Râchidi  mort  en  857 
(f  1453),  et  date  vraisemblablement  de  l'époque  du  sultan 
Aboul-Abbàs  Ahmed  ^  Cette  mosquée  est  en  ruines,  comme 
la  plupart  des  maisons  du  village  qui  l'entoure  (Cf.  Pl.  XXVI). 
Les  toits  qui  la  couvraient  se  sont  effondrés  et  la  poussée 
des  plantes  en  a  disjoint  le  pavage.  Cependant,  elle  méritait 
mieux  que  cet  état  d'abandon.  Elle  faisait  partie  d'un  ensemble 
de  monuments  assez  intéressants  par  leur  valeur  d'art  et  les 
souvenirs  qu'ils  perpétuaient.  Elle-même  présente  les  traces 
de  dispositions  architecturales  curieuses. 

Elle  se  compose  de  deux  parties  :  une  cour  rectangulaire 
pavée  est  bordée  au  Nord  et  au  Sud  par  deux  galeries  cou- 
vertes. Elles  s'ouvrent  sur  la  cour  par  une  large  arcade  en 
plein  cintre 

1.  Cf.,  sur  la  vie  de  Sîdi  Lahsen  Er-Râchidi,  Complément  de  V Histoire  des 
Beni-Zeiyân,  p.  321  à  346;  —  aussi  Tombeaux  des  Émirs  des  Beni-Zeiyân, 
p.  89. 


MOSQUÉE  DE  SÎDI  LHASEN  321 

Une  élégante  vasque  de  grès  quatrilobée  servait  aux  ablu- 
tions rituelles.  Dans  le  pavage  qui  l'entoure  on  remarque  un 
petit  carreau  à  décor  estampé  couvert  d'un  émail  vert  [fig.  S2) 
analogue  à  ceux  qu'on  observe  à  Sîdi  Bou-Médine  (Cf.  supra] 


Fig.  82.  —  Carreau  de  pavement  dans  la  cour  de  la  mosquée  de  Sidi  Lahsen, 


p.  236)  et  qui  semble  indiquer  une  restauration  du  même  temps, 

et  de  la  même  origine. 

Un  mur  sépare  la  cour  de  la  salle  de  prière.  La  porte 

d'entrée  de  cette  salle,  qu'abrite  un  auvent  sur  consoles  gémi- 

n 


322  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

nées  en  maçonnerie,  est  percée  dans  ce  mur,  perpendiculaire  au 
mur  du  mihrâb. 

Une  restauration  qui  doit  dater  de  l'époque  turque  a  rem- 
placé les  nefs  parallèles  au  mur  d'entrée  par  des  travées 
parallèles  au  mur  du  fond.  La  trace  des  vieilles  charpentes, 
encore  visible  sur  la  paroi  du  minaret,  indique  nettement 
cette  disposition  primitive.  De  plus,  les  deux  arcatures 
actuelles,  composées  chacune  d'un  grand  arc  plein  cintre  flan- 
qué de  deux  arcs  plus  petits  forment  par  leur  réunion  une 
grande  nef  médiane  et  deux  bas  côtés.  Cette  ordonnance, 
est  assez  habituelle  aux  mosquées  turques  ;  on  la  remarque  à 
la  mosquée  du  Méchouar.  Le  mihrâb,  très  peu  profond 
s'encadre  dans  un  arc  brisé. 

Le  minaret,  à  Textrémité  orientale  du  mur  du  mihrâb,  est  ici 
encore  la  partie  la  plus  intéressante  et  la  mieux  conservée. 
Par  le  style  de  ses  ornements  et  par  les  émau^  qui  y  sont 
employés,  on  croirait  pouvoir  l'attribuer  à  une  époque  assez 
ancienne  :  le  grand  réseau  qui  en  décore  les  faces  est  établi 
sur  des  colonnettes  monolithes  dont  les  chapiteaux  à  cros- 
settes  rappellent  ceux  des  plus  vieux  minarets  tlemceniens. 
Des  colonnettes  monoUthes  supportent  également  les  arcades 
dentelées  de  la  galerie  supérieure.  Des  plaques  taillées  dans 
l'émail  vert  garnissent  le  réseau  losangé  du  campanile.  Enfin, 
une  bande  sobre  de  faïence  verte  et  jaune  complète  le  décor 
de  ce  petit  monument. 

La  porte  de  la  mosquée  donne  sur  une  ruelle  qui  constitue 
la  principale  entrée  du  village.  De  l'autre  côté  de  la  ruelle, 
en  face  de  la  mosquée,  on  trouve  la  chambre  sépulcrale  fort 
simple  de  Sîdi  Lahsen;  des  peintures  à  décor  floral  sur  bois, 
datant  de  Tépoque  turque,  couvrent  le  petit  auvent,  qui  en 


MOSQUÉE  DE  SÎDI  LHASEN  323 

abrite  la  porte.  A  l'entrée  de  la  ruelle  on  remarque  les  ruines 
d\m  édifice  soigneusement  construit  en  pierre,  et  où  plu- 
sieurs arcades  sont  encore  visibles  ;  c'était,  suivant  les  rensei- 
gnements à  nous  fournis  par  de  vieux  habitants,  les  latrines 
de  la  mosquée  ;  une  fontaine  publique  y  était  adjointe,  et  au 
premier  étage  une  marriya  où  était  installée  une  école  cora- 
nique 

1.  Les  textes  parlent,  en  outre,  d'une  tnédersa  de  Sidi  Lahsen  {bostdn,  notre 
manuscrit,  p.  27,  28);  il  nous  a  été  impossible  d'en  déterminer  remplace- 
ment. 


XIV 


MOSQUÉE  DE  SIDI  YEDDOUN 


C'est  une  petite  mosquée  d'époque  turque.  A  l'extérieur 
elle  offre  un  minaret  très  simple  flanquant  sa  face  Nord. 

Une  porte  en  fer  à  cheval  brisé  que  surmonte  un  auvent  sur 
consolettes  donne  accès  dans  la  salle  de  prières.  Trois  travées 
la  coupent  parallèlement  au  mur  du  mihrâb.  Elles  se  com- 
posent de  deux  arcs  brisés  et  d'un  arc  en  plein  cintre  que 
surmontent  des  charpentes  assez  bien  conditionnées. 

Un  tombeau  occupe  le  fond.  Il  est  entouré  par  une  clôture 
en  bois  sculpté  et  décorée  dans  le  goût  turc. 


XV 


MOSQUÉE  DE  LALLA  GHARIBA 


Voici  encore  un  petit  temple  dont  le  point  de  départ  est  un 
tombeau.  Il  ne  comporte  qu'une  salle  très  pauvre. 

L'unique  travée,  parallèle  au  mihrâb  se  compose  de  trois 
arcs  ;  l'arc  médian  est  en  plein  cintre  ;  les  deux  autres  sont 
brisés. 

La  niche  du  mihrâb,  de  très  faible  profondeur,  s'ouvre  par 
une  petite  arcade  plein  cintre.  Le  tombeau  de  la  sainte  est 
placé  dans  un  renfoncement  du  mur  opposé  au  mihrâb^. 

Le  minaret  n'est  qu'une  tour  couverte  par  un  toit  de  tuile  à 
quatre  croupes,  accolée  à  la  salle  de  prière  et  s'élevant  peu  au- 
dessus  d'elle.  Une  seule  fenêtre  percée  dans  cette  tour  permet 
au  moueddin  d'appeler  les  fidèles  à  la  prière. 

1.  Cf.  Sur  la  légende  de  Lalla  Gharîba,  sur  sa  mosquée  et  les  inscriptions  de 
habous  qu'elle  contient,  Revue  africaine^  mai  1862,  p.  167  et  suiv. 


XVI 


MOSQUÉE  DE  SÎDFL-BENNA 


Une  cour  carrée,  flanquée,  comme  celle  de  Sîdi  Lahsen,  de 
deux  portiques  latéraux,  précède  la  salle  de  prières.  Celle-ci, 
divisée  par  trois  travées  portant  des  arceaux  en  fer  à  cheval 
brisé,  a  subi  des  restaurations  très  récentes. 

Le  minaret  orné  d'arcatures  simples  est  peint  en  rouge 
comme  l'était  celui  du  Méchouar. 

Brosselard  en  attribue  la  construction  au  xv^  siècle  K 

1.  Cf.  Revue  africaine,  décembre  1861.  p.  32.  note  1. 


XVII 


MOSQUÉE  DE  LALLA  ROUYA 


De  la  courette,  qu'ombrage  une  treille  portée  par  un  arceau 
de  maçonnerie,  monte  un  escalier  qui  conduit  à  la  terrasse 
du  minaret,  tour  carrée  sans  ornement  et  sans  édifice 
terminal. 

La  salle  de  prière  présente  cette  particularité  d'être  élevée 
sur  un  plan  de  qoubba  bien  plutôt  que  sur  le  plan  habituel  des 
mosquées.  Une  coupole  à  douze  pans  en  occupe  le  centre,  les 
arcs  brisés  qui  la  portent  retombent  sur  quatre  pieds  droits 
formant  à  la  base  un  tambour  carré  de  3  mètres  de  côté.  Deux 
nefs  couvertes  par  des  plafonds  à  lambris  la  flanquent  à 
droite  et  à  gauche.  En  avant  du  mihrâb  dont  la  niche  est  très 
faiblement  enfoncée,  règne  une  nef  transversale.  Celle-ci  est 
couverte  par  une  voûte  d'aréte  formée,  d'après  un  modèle  déjà 
observé^,  d'une  voûte  en  berceau  coupée  par  un  seul  demi- 
cylindre  placé  dans  l'axe  du  mihrâb.  A  l'extérieur,  la  coupole 
s'indique  par  un  toit  pointu  à  huit  croupes.  Un  toit  à  deux 
versants  abrite  le  reste  de  l'édifice  2. 

1.  Cf.  suprà,  p.  168. 

2.  Les  tables  de  habous  de  Lalla  Rouya  ont  été  publiées  par  Brosselard,  ap. 
Revue  africaine,  mai  1862. 


XVIII 


MOSQUÉE  BÂB-ZIR 


Placée  au  Nord-Est  de  la  ville,  près  des  remparts,  non  loin 
de  l'emplacement  qu'occupait  une  des  anciennes  portes  de 
Tagrârt,  cette  mosquée,  en  très  mauvais  état,  en  remplace 
vraisemblablement  une  autre  beaucoup  plus  vieille  et  plus 
riche,  dont  les  historiens  nous  ont  conservé  le  souvenir,  et 
dont  nous  pouvons  retrouver  un  vestige  dans  la  mosquée 
actuelle.  C'est  là,  nous  dit  Yahja-Ibn-Khaldoun,  qu'un  saint  de 
Tlemcen  appelé  Abou-Mohammed  Abdallah,  fils  d'Abd-el- 
Wâhid,  présidait  à  la  prière. 

Deux  arcatures  divisent  la  salle  de  prière  en  trois  nefs  per- 
pendiculaires au  mihrâb.  Celle  de  droite  est  portée  par  trois 
colonnes  de  forme  irrégulière,  celle  de  gauche  par  deux  pieds 
droits  et  une  colonne  engagée  surmontée  d'un  chapiteau  très 
archaïque.  Ce  chapiteau  appartient  peut-être  à  l'édifice  pri- 
mitif. Il  se  rapproche  beaucoup  des  chapiteaux  antiques  des 
vieilles  nefs  de  Cordoue  et  aussi  d'un  chapiteau  que  nous  avons 
sigaalé  dans  la  partie  antérieure  de  la  grande  mosquée  de 
Tlemcen  (Cf.  supra,  p.  149  note  1).  Le  galbe  général  en  est  un 
tronc  de  cône  renversé  ;  il  porte  deux  couronnes  de  feuilles  en 


MOSQUÉE  BÂB-ZIR  329 

imbrication,  sans  découpures,  niais  ornées  d'une  nervure  prin- 
cipale très  apparente  ;  plusieurs  palmes  minces  s'en  échappent 
et  vont  se  réunir  en  un  fleuron  médian  qui  empiète  sur  un 
tailloir  trapézoïde  semblable  aux  vieux  impostes  byzantins. 

Le  petit  minaret  très  simple  est  décoré  de  trois  étages 
d'arcades  dentelées.  Deux  bandes  de  tuiles  vertes  en  complètent 
le  revêtement. 


XIX 


LES  QOUBBâS 


Le  culte  des  saints  est  apparu  d'assez  bonne  heure  dans 
l'Islam.  Les  populations  musulmanes  du  Maghrib  particulière- 
ment lui  ont  fait  une  place  capitale  dans  leur  vie  religieuse  K 
Les  tombeaux  des  personnages  vénérés  sont  devenus  les  habi- 
tuels sanctuaires  vers  lesquels  se  tourne,  au  moins  autant  que 
vers  les  mosquées,  la  piété  de  nombreux  fidèles.  Les  femmes 
surtout,  dans  l'Afrique  du  Nord,  n'ont  guère  d'autre  religion 
que  la  vénération  des  saints,  d'autre  culte  que  la  visite  pieuse 
de  leurs  tombeaux  et  l'accomplissement  des  actes  quasi-rituels, 
sacrifices,  combustion  de  bougies  et  de  benjoin,  aspersions 
d'eau  de  rose,  dont  l'ensemble  constitue  la  ziydra.  Comme  l'a 
remarqué  Edmond  Doutté,  la  densité  de  ces  sanctuaires,  les  uns 
strictement  locaux,  les  autres  célèbres  dans  tout  le  Maghrib, 
va  en  augmentant  au  fur  et  à  mesure  qu'on  s'avance  davan- 
tage vers  l'Ouest    La  campagne  voisine  de  Tlemcen  est  parti- 

1.  L'ouvrage  capital  pour  le  culte  des  saints  dans  l'Islam  est  le  mémoire  de 
Goldziher,  die  Heiligenverehrung  un  Islam  ap.  Moham.  Studien^  II,  p.  275-378  ; 
pour  le  Maghrib  particulièrement,  il  faut  consulter  Doutté,  les  Marabouts 
(extrait  de  Revue  d'hislore  des  Religions,  1900; . 

2.  Cf.  Doutté,  les  Marabouts,  p.  7  et  8. 


LES  QOUBBAS  331 

ciilièrement  riche  en  tombeaux  vénérés.  Chose  curieuse,  un 
seul  d'entre  eux  est  attribué  par  la  tradition  à  un  personnage 
de  sang  royal,  celui  delà  Sultane  à  Sîdi  Yaqoùb.  Tous  les  autres 
contiennent  les  restes  d'ascètes,  de  savants,  de  faiseurs  de 
miracles,  nullement  d'anciens  maîtres  du  pays.  «  Tlemcen, 
dit  Brosselard,  qui  a  conservé  et  entretenu  avec  une  sorte 
d'idolâtrie,  à  travers  les  âges,  les  sépulcres  blanchis  de  ses 
marabouts,  a  perdu  jusqu'à  la  trace  des  tombeaux  de  ses  rois  » 
La  banlieue  tlemcenienne  tout  entière  est  parsemée  de  tom- 
beaux de  saints.  On  en  trouve  non  seulement  dans  les  cime- 
tières anciens  ou  nouveaux  de  la  ville,  mais  un  peu  partout 
dans  la  campagne,  en  pleins  champs,  au  bord  des  chemins, 
dans  les  vergers.  Néanmoins,  il  est  à  noter  que  trois  sortes 
d'endroits  semblent  pour  ces  sanctuaires  des  emplacements  de 
prédilection. 

Tout  d'abord,  le  voisinage  immédiat  des  portes  de  villes  est 
généralement  occupé  par  des  tombes  de  personnages  très 
vénérés  ~.  Les  cimetières  dans  l'Islam  ont  fréquemment  été 
placés  aux  portes  des  villes  ;  la  tombe  d'un  marabout,  conservée 
par  la  piété  populaire  peut  marquer  l'emplacement  d'un  ancien 
champ  des  morts,  abandonné  depuis  plusieurs  siècles.  Il  peut 
arriver  aussi  qu'un  saint  personnage  ait  été  inhumé  à  la  porte 
d'une  ville,  sans  qu'aucun  cimetière  existât  antérieurement  à 
cette  place,  pour  assurer  à  cette  porte  la  bénédiction  d'un  pieux 
voisinage.  Le  marabout  est  alors  une  sorte  de  génie  protec- 
teur de  la  localité  ;  la  garde  de  l'entrée,  voisine  de  son  tombeau, 

1.  Tombeaux  des  Emirs  Beni-Zeii/ân^  p.  7. 

2.  Les  exemples  sont  innombrables  ;  c'est  ainsi  que  deux  portes  de  Damas 
se  disputaient  l'honneur  de  posséder  le  tombeau  de  Bilâl,  le  moueddin  du  pro- 
phète {Tahdih  el-asmâ,  p.  178  ;  —  cf.  id.,  p.  134,  592;  —  Maqqari,  Analectes 
de  Vhistoire  d'Espagne^  I,  p.  480,  in  princ.^  etc.). 


332  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

est  confiée  à  son  pouvoir  tutélaire.  Il  doit  en  écarter  Tennemi 
et  empêcher  le  malheur  de  pénétrer  par  elle  au  cœur  de  la 
cité  :  ((  Le  sultan  de  Tunis,  arrivé  devant  Tlemcen,  dit  le  Bostân, 
tint  conseil  avec  ses  vizirs  :  «  Par  où,  dit-il,  entrerai-je  dans 
la  ville?  —  Par  où  il  vous  plaira,  répondirent-ils.  —  Combien 
la  ville  a-t-elle  de  portes  ?  »  —  Ils  lui  en  indiquèrent  le  nombre. 
—  Alors  il  demanda  :  «  Quel  est  le  ivaiî  qui  protège  Bâb-el- 
Jiàd? —  C'est,  lui  répondirent-ils,  Sidi  Bou-Médyen.  —  Et  Bâb- 
el-Aqba?  —  Sidi  Ahmed  ed-Dâoudi.  —  Et  Bâb-ez-Zâwiva  ?  — 
Sîdi'l-Halwi.  —  Et  Bâb-el-Qermâdm,  qui  la  protège  ?  —  Aucun 
walî.  —  Eh  bien  donc,  leur  dit-il,  c'est  par  cette  porte-là  que 
j'entrerai.  »  Et  la  légende  ajoute  qu'il  fallut  que  le  ivali  encore 
vivant  Sidi  Aljdallah  ben-Mancour  prit  Bàb  el-Qermâdîn  sous 
sa  protection,  pour  empêcher  la  perte  de  Tlemcen  K  De  même, 
une  porte  du  vieil  Agadir  avait  pour  saint  protecteur  le  très 
ancien  Sîdi  Walib  enterré  auprès  d'elle  -  ;  et  l'entrée  occiden- 
tale de  Tlemcen,  Bâb-Kechchout  était  flanquée  intérieurement 
du  tombeau  de  Sîdi  Mamar  l)en-Alija  et  extérieurement  du 
tombeau  de  Sîdi  Boudjemâ^.  Au  cours  des  âges,  il  arrive  fré- 
quemment que  la  porte  perd  son  ancien  nom,  et  prend  celui 
de  son  patron  vénéré.  Bâb-Wahb  est  mentionnée  à  une  époque 
déjà  ancienne.  Bâb-el-Aqba,  Bâb-AH,  Bâb-Kechchout,  dans 
leur  dernier  état,  étaient  couramment  désignées  sous  les 
noms  de  Bâb-ed-Dâoudi,  Bâb-el-Halwi,  Bâb  Sîdi-Boudjemâ. 
Parfois  il  a  pu  arriver  aussi  que  des  inhumations  postérieures 
faites  dans  le  voisinage  immédiat  du  saint,  et  «  pour  recher- 

1.  Cf.  Bostân,  notre  ms.,  p.  274  et  suiv.  ;  —  comp.  Revue  africaine,  jan- 
vier 1862,  p.  13. 

2.  Cf.  suprà,  p.  14. 

3.  Cf.  Sur  ce  dernier  personnage  et  son  tombeau,  Brosselard  ap.  Revue  afri- 
caine, mai  1860,  p.  252-258. 


LES  QOUBBAS  333 

cher  sa  bénédiction  »  [tabarrouk)  fissent  apparaître  de  petits 
cimetières  aux  portes  des  villes,  dans  des  endroits  jusque-là 
non  affectés  aux  sépultures.  Il  est  naturellement  assez  difficile 
de  discerner  en  l'espèce  quel  est  Tantécédent  et  quel  est  le 
conséquent  des  deux  faits,  inhumation  du  saint,  et  groupement 
des  sépultures  dans  les  parages  de  son  tond^eau.  Toujours  est-il 
qu'à  Tlemcen,  deux  des  cimetières  les  plus  anciens  sont  situés 
dans  le  voisinage  immédiat  des  qcmhbas  de  vieux  saints  locaux  : 
la  petite  nécropole  dont  les  tombeaux  de  Sidi  Wahab  et  de  Sidi 
Yaqoub  sont  le  centre,  et  le  terrain  semé  de  tombes  qui  entoure 
le  sanctuaire  de  Sîdi'd-Dâoudi.  C'est  à  ces  deux  endroits,  à 
notre  avis,  que  des  fouilles  auraient  le  plus  de  chance  de 
mettre  au  jour  d'anciennes  inscriptions  funéraires. 

En  deuxième  lieu,  les  hauteurs  sont  encore  des  endroits 
souvent  affectés  à  la  sépulture  des  saints  maghribins.  De  la 
colline  ou  de  la  montagne  où  il  est  inhumé,  le  marabout,  comme 
une  vigie,  surveille  le  pays  qu'il  a  à  ses  pieds  et  le  protège. 
Ceux  qui  cheminent  dans  la  plaine  se  sentent  sous  sa  garde 
aussi  longtemps  qu'ils  aperçoivent  sa  blanche  qoubba.  A 
Tlemcen,  Lalla-Setti,  «  celle  qui  regarde  sur  le  pays  »,  comme 
l'appellent  les  chansons  locales,  est  inhumée  sur  le  plateau 
rocheux  qui,  au  Sud-Ouest,  domine  la  ville  ^  Sîdi  Bou-Médyen 
a  son  tombeau  vénéré  sur  le  versant  Nord  de  la  pente  du 
Méfrouch.  A  Aïn-el-hout,  Sîdi  Abdallah  ben-Mançour,  le  patron 
de  la  localité,  est  également  inhumé  à  mi-llanc  de  colline. 
Enfin  le  grand  saint  musuhnan  Sîdi  Abd-el-Qader  El-Jilàni  auquel 
ses  nombreux  sanctuaires,  situés  pour  la  plupart  sur  des  émi- 


1.  Cf.  Sur  cette  sainte,  Tlemcen  ancienne  capitale,  p.  131,  132,  309;  —  de 
Lorral,  Tlemcen,  p.  309,  310. 


334  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

nences,  a  fait  donner  le  nom  d'  <(  oiseau  des  vigies  *  »,  a  éga 
lement  un  maqdm  (monument  commémoratif  2)  haut  placé,  à 
très  peu  de  distance  de  Tlemcen. 

On  rencontre  enfin,  très  fréquemment,  des  tombeaux  de 
saints  dans  le  voisinage  immédiat  des  mosquées.  On  enterre 
volontiers  les  ascètes  et  les  savants  auprès  des  oratoires  qu'ils 
ont  fréquentés  pendant  leur  vie.  Tel  fut  le  cas  de  Sîdi  Moham- 
med ben-Merzouq  qui  fut  inhumé  par  Tordre  de  Yarmorâsen 
près  de  F  angle  Sud-Ouest  de  la  Grande  Mosquée.  De  l'autre 
côté  de  l'édifice,  la  petite  chambre  sépulcrale  de  Sîdi  Bel-Hasen 
El-Ghomâri  s'ouvre  sur  la  face  occidentale  de  l'hospice  d'incu- 
rables qui  porte  le  nom  de  ce  saint  personnage.  Mentionnons 
encore  parmi  beaucoup  d'autres  Sîdi  Abdallah  ben-El-Balad  qui 
fut,  disent  les  textes,  enterré  auprès  du  inesjid  es-çdlih  à  El- 
Eubbâd. 

Un  autre  cas  également  fréquent  est  celui  où  la  mosquée 
est  élevée  après  l'inhumation  du  saint  auprès  de  son  tombeau, 
devenu  un  lieu  de  pieux  pèlerinage.  L'anathème  que  la  tradi- 
tion fait  porter  au  Prophète  lui-même  contre  ceux  qui  prennent 
pour  oratoires  les  tombeaux  des  saints  et  des  hommes  ver- 
tueux n'a  rien  pu  dans  le  cours  des  siècles  contre  cette  ten- 
dance naturelle  de  la  religiosité  humaine  ''.  Son  tombeau  même 
à  Médine  est  maintenant  à  l'intérieur  d'une  mosquée^,  et  dans 

1.  Cf.  Doutté,  les  Marabouts^  p.  65. 

2.  Comp.,  sur  le  sens  de  ce  mot,  Van  Berrhem,  Matériaux  pour  un  corpus^ 
p.  H5,  note  2. 

3.  La  discussion  à  laquelle  cette  tradition  a  donné  lieu  se  trouve  ap.  Qastal- 
lâni,  Commentaire  sur  Bokhari  (édition  de  Boulaq,  1304  de  l'hégire),  II,  p.  437, 
438  ;  on  pourra  consulter  aussi  Goldziher,  Le  culte  des  ancêtres  et  le  culte  des 
morts  ap.  Revue  dliistoire  des  Religions^  1884,  II,  356-357. 

4.  Cf.  Qastallàni,  op.  cit..,  II,  p.  430;  —  et  Burton,  A  pilgrimage  to  Mecca 
and  Medina,  II,  p.  75 


LES  QOUBBAS  335 

le  Maghrib  les  exemples  de  cette  pieuse  hérésie  sont  particu- 
lièrement fréquents.  Citons  à  Tleracen  la  mosquée  de  Sîdi  Bou- 
Médine  qu'une  cour  étroite  sépare  seule  de  la  qoubba  du  saint, 
la  mosquée  de  Sidi  Lahsen  er-Rcâchidi  voisine  de  la  chambre 
sépulcrale  de  ce  personnage,  la  mosquée  de  Sidi'l-Halwi  domi- 
née par  le  tombeau  du  saint  éponyme,  enfin  les  cas  de  Lalla- 
Gharîbaet  de  SîdiYeddoun,  enterrés  sous  les  voûtes  même  des 
oratoires  qui  portent  leur  nom. 

Les  tombeaux  vénérés  sont  d'importance  et  de  genres  très 
divers.  Les  uns  sont  le  résultat  de  la  collaboration  spontanée 
de  nombreux  fidèles.  D'autres  sont  des  œuvres  plus  officielles, 
fondations  de  princes  ou  de  gouverneurs.  Certains  n'ont  que 
des  murs  en  pierres  sèches  blanchis  à  la  chaux  par  les  mains 
pieuses  des  femmes  qui,  chaque  vendredi,  vont  leur  rendre 
visite;  ce  sont  les  hawîta.  D'autres,  maçonnés  mais  à  ciel 
ouvert,  offrent  des  enceintes  circulaires  ou  rectangulaires, 
souvent  ornées  aux  quatre  angles  de  merlons  grossièrement 
découpés,  ce  sont  les  haouch  ^  Les  plus  importants  enfin 
affectent  la  forme  consacrée  de  la  qouhba  et  en  portent  le 
nom. 

Cette  forme  est  aussi  fréquente  dans  les  tombeaux  d'Orient  ^. 
Au  Caire  les  toiirba^  ou  sépulcres,  sont  recouverts  de  coupoles 
pointues.  A  Tlemcen  les  dômes  en  sont  sphériques  ou  polygo- 
naux. La  forme  ovoïde  appartient  plutôt  au  Maghrib  oriental. 
Le  dôme  est  parfois  enduit  de  plâtre,  parfois  couvert  d'un 

1.  Cf.  Basset,  Nedromah  et  les  Traras,  p.  38,  note  1  ;  —  Haouch  en  Egypte 
«  enclos  funéraire  d'une  famille  »  (Van  Berchem,  Matériaux  pour  U7i  Corpus^ 
271,  note  2). 

2.  Cf.  Van  Berchem,  Notes  cfarchéolor/ie,  I,  73,  74  ;  —  La  qoubba  apparaît 
comme  un  dérivé  de  la  kalybe  syro-byzantine  (Cf.  de  Vogué,  Syrie  centrale^  T, 
p.  41  et  suiv.). 


336  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

toit  de  tuile,  comme  la  qoubba  qui,  dans  les  mosquées,  précède 
le  mihrâb.  Cette  forme  traditionnelle  a  très  peu  varié  à  tra- 
vers les  âges.  De  plus,  Tornementation  intérieure  des  qoubbas, 
comme  nous  l'avons  indiqué  pour  la  plus  riche  d'entre  elles, 
celle  de  Sîdi  Bou-Médine,  a  été  sans  cesse  remaniée  par  les 
générations  successives  ^  Il  s'ensuit  que  les  plus  vénérées  sont 
celles  dont  l'état  primitif  est  le  plus  méconnaissable.  L'adop- 
tion dans  la  construction  de  formules  consacrées  d'une  part, 
les  restaurations  constantes  et  parfois  indiscernables  de  l'autre, 
font  que  la  grande  majorité  de  ces  édifices  n'offre  qu'un  très 
médiocre  intérêt  archéologique.  Aussi  nous  bornerons-nous  à 
étudier  quelques-unes  seulement  des  innombrables  qoubbas 
tlemceniennes. 


LES  TOMBEAUX  DE  SÎDI  YAQOUB 


Le  cimetière  connu  sous  le  nom  de  Sîdi  Yaqoub  occupe,  à 
quelque  distance  à  l'Est  de  la  ville,  un  bois  de  vieux  et 
robustes  thérébinthes,  sur  un  plateau  en  saillie  qui  domine  le 
cours  de  loued  Metchkâna;  des  débris  de  vieux  remparts 
suivent  le  bord  de  rescarpement.  En  réalité,  les  tombes 
anciennes  qui  en  bossèlent  le  sol  ont  du  se  grouper  autour  du 
tombeau  de  Sîdi  Wahhâb  placé,  comme  nous  l'avons  vu,  auprès 
d'une  porte  du  vieil  Agadir. 

La  Qoubba  de  Sîdi  Wahhâb  ^  peut  donc  passer  pour  le  plus 

1.  Cf.  suprà,  p.  230  et  suiv.  ;  on  comparera  à  ce  que  raconte  VIsliqça  de  la 
réédification  des  qoubbas  de  Idris  et  de  Idris  II  à  Tépoque  de  Moulâï  Ismâïl 
{Isliqça,  IV,  p.  46  et  47). 

2.  Cf.,  sur  ce  personnage,  auprù,  p.  11. 


LES  QOUBBAS  337 

ancien  des  sanctuaires  qui  peuplent  cette  terre  sacrée;  c'est 
aujourd'hui  encore  le  plus  populaire  et  le  plus  fréquenté.  Il 
s'ensuit,  que  les  embellissements  ont  dû  peu  Tépargner.  Jus- 
qu'à quel  point  le  plan  primitif  a-t-il  été  modifié?  De  quand 
date  Tordonnance  actuelle?  Ne  s'est-on  borné  qu'à  l'entretenir 
par  le  périodique  passage  à  la  chaux?  11^ est  difficile  de  rien 
affirmer  à  son  sujet.  L'enfoncement  très  visible  du  sol,  à  l'en- 
droit qu'occupe  l'édicule,  montre  qu'on  a  conservé  le  niveau 
des  premières  constructions.  Trois  élégantes  arcades  en  for  à 
cheval  brisé,  portées  sur  des  pieds-droits  et  dont  les  écoincons 
sont  décorés  d'ajours  géométriques,  s'ouvrent  sur  la  façade. 
Un  toit  abrite  l'entrée,  flanquée  de  deux  petites  galeries  suré- 
levées. La  chambre  sépulcrale  est  couverte  par  une  coupole 
octogonale  étabhe  sur  les  demi-voûtes  d'arète  habituelles.  A 
l'extérieur,  cette  coupole  s'indique  par  un  dôme. 

Également  beaucoup  en  dessous  du  niveau  actuel,  se  trouve 
le  tombeau  de  Sîdi  Yaqoub,  simple  quadrilatère  à  ciel  ouvert 
de  petits  murs  en  pierre,  ornés  aux  angles  de  merlons.  Un 
autre  mur,  plus  vieux,  et  maintenant  ruiné,  l'entoure  à  U",50 
de  distance.  Il  ofi"re  cette  particularité  que  dans  la  face  méri- 
dionale s'ouvre  la  niche  d'un  mihrâb,  orienté  en  plein  Sud,  et 
qui  révèle  la  présence  d'un  ancien  oratoire  ^ 

1.  Le  Bostân,  qui  consacre  une  notice  à  l'iiistoire  légendaire  de  ce  person- 
nage, l'appelle  du  nom  sous  lequel  il  est  encore  connu  à  ïlenicen,  Sîdi  Ya(ioub 
et-Tifrisi.  D'autre  part,  réi)itaphe  qui  existe  dans  son  kaouck  le  nomme  Abou- 
Yaqoub  Yousef-ben-Abdallali  (Cf.  Complément  de  Ihisloire  des  Beni-Ze'njân, 
p.  96).  Celte  épitaphc  sera  proclialnenient  publiée  par  M.  Bel  dans  sa  traduc- 
tion de  la  BagliyaL-er-Rouwâd.  11  aurait  vécu  à  l'époque  de  l'abd-el-wàdite 
Abou-Tàchfin  ^^  Peut-être  le  mihràb  ruiné  qu'on  remarque  dans  le  mur  Sud 
de  la  deuxième  enceinte  de  son  tombeau  faisait-il  partie  d'une  mosquée  où  il 
enseignait  d'ordinaire  et  où  il  fut  enterré  («  il  enseignait  aux  hommes  et  au 
jinn  dans  sa  mosquée  »  Bosldn,  notte  manuscrit,  p.  :i99,  600).  —  Cf.  encore, 
sur  Sidi  Yaqoub,  Doutté,  les  Mavaoouts,  p.  69;  de  Lorral,  ïlemcen  (p.  318  ,  où 


338  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

Au  milieu  de  ce  cimetière  s'élëveiit  les  ruines  d'un  autre  mo- 
nument funéraire  (Pl.  XX VII)  ;  c'est  Celui  que  Ton  désigne  sous 
le  nom  de  tombeau  de  la  sultane  ».  Sur  la  foi  de  ce  nom,  et 
d'une  tradition  populaire  qui  désignait  le  cimetière  de  Sîdi 
Yaqoiib,  comme  recelant  des  tombes  royales,  Brosselard  en- 
treprit à  l'intérieur  de  ces  ruines  des  fouilles  ^  qui  amenèrent 
la  découverte  d'inscriptions  sur  pierre.  L'une  était  l'épi- 
taphe  d'une  petite  princesse,  arrière-petite  fille  de  Yarmorâsen 
morte  en  4412  (815  de  l'hégire).  Il  pensa  que  l'inhunia- 
tion  d'une  enfant  justifiait  mal  .  l'importance  de  ce  tom- 
beau, et  la  consécration  des  souvenirs  populaires.  Les  fouilles 
poursuivies  mirent  au  jour  un  fragment  d'épitaphe  plus  ancienne, 
malheureusement  sans  nom,  mais  dont  le  texte  se  rapportait 
évidemment  à  une  femme  de  sang  royal.  «  Il  est  certain^  dit- 
il,  qu'elle  mourut  antérieurement  à  l'année  815  de  l'hégire 
(1412)  et  que  le  monument  élevé  en  son  honneur  existait  à 
cette  date,  puisque  la  petite  princesse  dont  l'épitaphe  a  été 
relatée  plus  haut  put  y  être  enterrée  2.  »  L'examen  archéolo- 
lique  du  monument  vient  corroborer  cette  ingénieuse  supposi- 
tion. Les  trois  quarts  à  peine  sont  parvenus  jusqu'à  fious. 
Maintenant  en  contre-bas  du  terrain  avoisinant,  il  était  établi 
sur  plan  octogonal  et  formé  d'arcades,  découpées  chacime  en 
neuf  grands  lobes.  La  coupole  à  huit  pans  reposait  directement 
sur  les  arcs,  et  n'était  vraisemblablement  pas  abritée  par  un 
un  toit.  Peut-être  une  enceinte  moins  élevée  isolait-elle 
l'édicule.  C'est  le  seul  exemple  que  nous  ayons  de  qoubba  sur 
plan  octogonal.  Les  monuments  établis  sur  arcades  ouvertes  ne 

la  sépulture  de  Sîdi  Ya(]oub  est  confondue  avec  celle  de  Sîdi  Wahhàb  (fig.  31D), 
et  W.  Marçais,  Algerian  Jeiva  dans  Jewish  Ehcydopedia, 

1.  Cf.  Tombeaux  dès  émirs  Bêni-Zeif/ân,  p.  9. 

2.  Cf.  Id.,  p.  140  et  siiiv. 


<: 
< 

o 


LES  QOtBBAS  330 

se  rencontrent  guère  que  dans  le  cimetière  d'Eubbàd  es-Sefli, 
qui,  nous  Tavons  vu,  fut  TEubbàd  primitif .  Déplus,  la  présence 
de  cintres  lobés,  dont  à  Tlemcen  la  Grande  Mosquée  seule 
nous  offre  des  exemples,  permet  d'attribuer  à  cette  ruine  un 
âge  assez  reculé,  peu  éloigné  de  la  deuxième  moitié  du 
xu*'  siècle. 


QOUBlîA  DE  SiDl'D-DÂOrm 


Placée  à  quelques  mètres  de  la  vieille  route  de  Safsaf  sur 
une  petite  éminence,  la  Qoubba  de  Sîdi'd-Dâoudi  occupe  un 
espace  rectangulaire.  L'entrée  tournée  vers  les  ruines  de  Bàb 
el-Aqba  est  un  cintre  en  fer  à  cheval  brisé  qu'entoure  une 
fausse  arcade  à  double  feston,  semblable  à  celle  des  mosquées 
mérinides.  Un  auvent  de  tuiles,  porté  sur  des  coiïsolettés 
géminées  en  maçonnerie^  surmonte  ce  cadre,  complétant 
l'analogie  qu'il  offre  avec  celui  des  entrées  latérales  de  Sîdi'l- 
Halwi,  par  exemple.  A  l'intérieur  trois  galeries  flanquent  le 
plan  carré  de  la  coupole  au  Nord,  au  Sud  et  à  l'Ouest.  11  n'y 
en  a  pas  à  l'Est;  mais  le  mur  qui,  de  ce  côté,  forme  le  fond  de 
la  chambre  sépulcrale  est  défoncé  par  une  fausse  arcade  sem- 
blable à  celle  des  qoubbas  de  Sidi  Bou-Médine  et  de  Sîdi 
Brâhîm.  Les  piliers  supportent  des  arcs  brisés  ;  les  gale- 
ries sont  éclairées  par  six  fenêtres  munies  de  barreaux.  La 
coupole  à  douze  pans  est  percée  à  sa  base  de  quatre  autres 
petites  fenêtres.  Cette  coupole  est  visible  à  réxtéï*ieur.  Un 
épi  de  terre  vernissée  verte  en  surmonte  le  sommet  ^ 

1.  Cf.,  sur  Sîdi'd-Dàoudi,  patron  de  ïlemcen,  avant  Sîdi  Bou-Médyen,  suprà 
p.  14  ;  une  vue  de  sa  qoubba,  ap..  Piesse  et  Canal,  Tlemcen^  p.  12. 


■340 


LES  MONUxAIENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 


QOUBBA  DE  SiDI  SENOUSI 


Le  tombeau  du  grand  théologien  Molianuned  es-Senousi  ' , 
s'élève  à  l'extréniité  orientale  du  cimetière  musulman  actuel, 
sur  un  tertre  ({ui  domine  un  chemin  de  traverse  montant  à 
Sidi  Bou-Médine.  Il  occupe  l'emplacement  d'une  ancienne  mos- 
quée, dont  le  mihrâb,  orienté  à  TEst,  est  encore  parfaitement 
visible.  Le  nnu'  actuel  de  la  qoubba  est  bâti  dans  ralignement 
même  du  mur  occidental  de  cet  oratoire  ruiné,  et  leurs  axes 
coïncident.  Au  Nord,  au  Sud  et  à  l'Est,  les  murs  ruinés  de  la 
mosquée,  forment  enceinte  autour  du  tombeau  du  saint,  et  de 
la  petite  nécropole  qui  se  presse  à  ses  pieds.  Des  nierions 
grossiers,  de  date  assez  récente,  ornent  de  place  eu  place  les 
débris  de  ces  nuirs. 

La  qoubba  s'ouvre  au  Nord;  une  treille  en  ombrage 
l'entrée.  Le  tombeau  lui-même  est  intérieurement  des  j)lus 
sinqjles  ;  le  catafalque  de  Sîdi  Senousi  et  celui  de  son  frère 
utérin  Sidi  Ali  et-TelloulL-,  occupent  le  centre  de  la  coupole, 
établie  sur  quatre  trompes  d'angle.  Extérieurement  la  coupole 
est  recouverte  d'un  toit  de  tuiles  vertes  à  quatre  croupes. 

1.  Cf.,  sur  ce  personnage,  mort  en  1490  (895  de  1  hégire),  Revue  africaine^ 
avril  1859  (avec  Tépitaphe  qui  figure  à  l'intérieur  du  tombeau),  p.  245  et  suiv.; 
juillet  1861  ;  —  Journal  asia/if/ue,  février  1864,  p.  175;  octobre  185 i,  p.  109:  — 
Complément  de  Vliisloire  des  Heni-Zeujân,  p.  366  et  suiv. 

2.  Cf.  Revue  afi-ica'me^  avril  1859,  p.  248. 


X 

X 


CD 
CD 

o 

■9 

co 
Q 

<: 
m 
m 

o 
a 


LES  QOUBBAS 


341 


QOUBBAS  d'aÏN-EL-HOUT 

Le  petit  village  d'Aïn-el-hout,  situé  à  8  kilomètres  environ 
au  Nord  de  Tlemcen,  est  entièrement  peuplé  de  marabouts  qui 
ont  la  prétention  de  descendre  de  Soleïmân  ben-Abdallah,  frère 
dldrîs^  La  localité  renferme  les  tombeaux  de  plusieurs  saints 
vénérés,  ancêtres  des  marabouts  actuels .  Deux  seulement  ont 
quelque  importance  au  point  de  vue  architectural,  et  encore 
sont-ils  d'âge  assez  récent;  des  inscriptions  qu'ils  contiennent 
montrent  que  sous  leur  forme  actuelle,  ils  datent  du 
xviii'  siècle  2. 


A.  —  QOUBBA  DE  SÎDI  ABDALLAH  BEN-MANÇOUR 

Elle  est  située  sur  le  flanc  de  la  colline,  qui,  à  l'Ouest, 
domine  le  village.  C'est  un  bâtiment  carré  de  10  mètres  de 
côté.  Sur  la  face  Est,  tournée  vers  le  village,  un  petit  perron 
de  quatre  marches  donne  accès  à  une  porte  basse,  dont  un 
double  feston  de  brique  enveloppe  l'arcature  brisée.  Un  petit 
auvent,  couvert  de  tuiles,  et  reposant  sur  de  frustes  conso- 
lettes  géminées  abrite  cette  entrée. 

1.  Cf.  sur  Aïn-el-hout  :  Guide-Joanne  de  V Algérie,  p.  123;  — Barges,  Tlem- 
cen, ancienne  capitale,  etc.,  p.  240,  Doutté,  les  Aïssaouas  à  Tlemcen,  p.  8, 

2.  Revue  africaine,  janvier  1862,  p.  16,  17,  18. 

3.  Le  Boslân  (notre  manuscrit,  p.  212-281)  consacre  une  longue  notice  à  ce 
personnage  de  la  fin  du  xv  siècle;  on  pourra  aussi  consulter  sur  lui  Bevu^ 
africaine,  janvier  1862,  p.  11-16;  —  Tom()eanx  des  émirs  Beni-Zeiyân,  p.  114  et 
suiv.  ;  —  Complément  de  l'Histoire  des  Beni-Zeiyân,  p.  407,  408. 


3i2  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

A  rintérioLir,  le  milieu  de  rédicule  est  occupé  par  une  cou- 
pole établie  suivant  l'habituel  procédé  sur  dcmi-voùtes 
d'arête,  et  reposant  sur  quatre  arcades  brisées.  Le  cata- 
falque du  saint,  entouré  d'une  grille  de  fer  toute  moderne, 
occupe  le  centre,  pavé  de  mauvaise  faïence.  L'espace  denieuré 
libre  entre  les  arcades  et  les  murs  extérieurs,  et  qui  permet 
de  circuler  autour  du  catafalque,  est  recouvert  par  des  voûtes 
d'arête*.  Huit  petites  fenêtres,  munies  de  verres  de  couleur, 
éclairent  Fintérieur  de  la  qoubba  ;  elles  sont  garnies  de 
claires-voies  en  polygones  étoilés.  Diverses  excavations 
pratiquées  dans  le  mup  permettent  de  déposer  de  menus 
objets;  un  mihrâb  fort  simple  est  creusé  dans  la  face  Sud, 
faisant  saillie  à  l'extérieur.  La  présence  d'un  mihrâb  dans  une 
qoubba  est  exceptionnelle  à  Tlemcen.  Elle  est  fréquente,  au 
contraire  en  Orient;  il  est  bon  de  rappeler  et  à  cet  égard,  que 
la  qoubba  de  Sîdi  Abdallah  bei)-]^apçour  c)ate  de  l'époque 
turque. 

Le  sommet  de  la  coupole  est  visible  de  l'extérieur.  Un  épi 
de  terr^  vernissée  le  surmonte. 

/>.  —  Qoubba  de  sîdi  mohammed  ben-ali 

La  qoubba  de  Sîdi  Mohammed  ben-Ali- est  située  à  200  inètres 
environ  au  Nord  du  tombeau  de  Sîdi  Abdallah  ben-Mançour,  et 

1,  Cette  disposition  de  coupole,  e;iitourée  d'nne  circulation,  apparente 
cette  qoubba  turque  à  la  qoubba  de  Sîdi'd-Daoudi  et  à  Isl  mosquée  de  Lalla- 
^iouya. 

2.  Cf.,  si^r  ce  personnage  qui  a,ppartient  à  la  lin  du  x\^r  siècle,  Bévue  afri- 
caine, p.  16  et  sjLiiv.  ;  —  Walsin-Esterhazy,  De  (a  dqrnination  turque  çlmfi 
Vancienne  province  d'Alger^  p.  187  et  suiv. 


LES  QOUBBAS  343 

à  la  même  hautem^  au  flanc  de  la  colline  (Pl.  XXX).  Un  palmier 
la  domine  à  TEs-t.  L'entrée,  fort  simple,  est  située  au  Sud  ;  elle 
donne  accès  dans  un  couloir  de  S'^jSO  de  long,  qui  conduit  vers 
l'Ouest  à  une  cour  de  7^^,80  de  long  sur  6'',40de  large.  Cette  cour 
est  entourée  par  un  portique  formé  de  quatre  arcades  brisées 
portées  sur  des  colonnes  basses  et  frustes.  Le  pourtour 
est  grossièrement  recouvert  de  rondins  de  bois,  d'un  lit  de 
roseaux,  et  par-dessus,  d'une  terrasse.  Un  mihrâb  creuse  le  mur 
du  Sud^  ;  et  dans  celui  du  Nord  s'ouvre  la  porte  de  la  qoubba. 
On  remarque  dans  le  pavage  de  la  cour,  quelques  jolis 
carreaux  estampés  à  couverte  brune,  verte  ou  jaune. 

La  qoubba  est  haute,  mais  fort  simple.  Elle  a  6°", 40  de  côté. 
Un  catafalque  en  occupe  le  centre.  Les  murs  sont  défoncés 
sur  les  faces  Nord,  Est  et  Ouest  de  fausses  arcades  brisées.  Un 
pavillon  de  tuiles  vertes  recouvre  la  coupole  sphérique-. 

Extérieurement,  adossée  au  mur  Ouest  de  la  qoubba  et  au 
mur  Nord  du  couloir,  une  petite  chambre  basse  de  3"", 50  de 
large,  servait  autrefois,  paraît-il,  d'école  coranique.  La  porte 
est  située  à  l'Est;  un  autre  porte,  percée  dans  son  mur  Sud  et 
aujourd'hui  bouchée,  la  faisait  communiquer  avec  le  couloir  qui 
donne  accès  dans  la  cour.  Elle  est  recouverte  de  rondins  de 
bois,  de  roseaux,  et  d'une  terrasse  ;  au-dessus  d'elle  est  cons- 
truite, une  ghorfa^  chambre  de  premier  étage  de  2  mètres  de 
profondeur  et  de  3"", 50  de  largeur,  ayant  sa  porte  au  Sud.  11 
ne  subsiste  plus  aucun  escalier  qui  permette  d'y  monter.  Des 
amorces  de  murs  sur  les  côtés  Nord  et  Ouest  de  la  qoubba 
montrent  que  le  tombeau  de  Sîdi  Mohammed  ben-Ali  eut,  jadis, 

1.  Cf.  suprà,  p.  342. 

2.  Cette  disposition  de  chambre  sépulcrale  à  murs  défoncés,  précédée  de 
l'atrium  tétrastyle,  apparente  cette  qoubba  aux  qoubbas  déjà  étudiées  de 
Sîdi  Bou-Médine  et  de  Sidi  Brâhîm. 


344  LES  MONUMENTS  ARABES  DE  TLEMCEN 

cVautres  dépendances  encore.  Un  mnr  d'enceinte,  anjonrd'hui 
ruiné,  entourait  cet  ensemble  d'édifices.  Enfin  à  20  mètres 
environ  en  avant,  du  côté  de  l'Est,  on  peut  voir  les  restes 
d'une  citerne  voûtée,  rectangulaire,  actuellement  transformée 
en  étable. 


INDEX  DES  NOMS  PROPRES 


A 

Abd  el-Kader,  131,  305. 
Abd  el-Malik,  86. 

Abd  kl-Moumin,  15,  92  n.  1,  141-142, 
213. 

Abd  el-Wàd,  17-18.  Voir  Benî-Zeiyân. 
Abd-er-Rahmàn  m,  30,  76. 
Abderi  (El),  19. 
Aboi-Abdallah,  10. 
Abou-Abdallah  ben-Khemîs,  8. 
Abou-Abdallafi  Et-Tâbiti,  245  n.  3. 
Abou-Abdallah   Mohammed   ben-Jafar,  j 
92. 

Abou-Ab-der-Rahmân,  129. 
Abou-Amer-IbrAhîm,  170-171. 
Abou-Hammou  I",  20,  34,  130,  159,  185, 
198,  313. 

Abou-Hammou  II,  24-25,  190,  202,  306. 
Abou  INÀn-Fàrès,  200,  287,  290,  295. 
Abou'l-Abbàs  Ahmed,  21,  25-26,  130,  137, 

159,  190,  231  n.  2,  320. 
Abou'l-Hasen  Am,  22-23,  129,  193,  197, 

198-199,  200,   207-208,  210-211,  231, 

235,  240-241,  244  n.  2  et  3,  251,  274, 

275. 

Abou'l-Hasen  Ali  ben  Abd-er  ahman  ben 
Ali,  140. 

Abou'l-Hasen  Ben-en-Ne.ijArîva,  19, 143 
Abou'l-Mohàdjîr,  11. 
ABOu'L-WALÎn,  34. 

Abou-Malik  {fils  d' Abou'l-Hasen  Ali), 
129. 

Abou-Mohammed  Abdallah,  329. 


Abol-Mousa  Isa,  185-186. 
Abou-Obaïd,  8. 
Abou-Qorra,  11. 
Abou-Saîd,  302. 

Abou-Saîd  Otsmàn,  20,  171,  196. 

Abou-Sàlim,  194  n.  2. 

Abou-Tàchfîn,  8,  20,  21,  25,  34,  129, 

159,  195,  337. 
Abou-TsAbit,  302. 
Abou-Tsâbit  Omar,  194,  196,  198. 
Abou-Yahya  Abou-Bakr,  196. 
Abou-Yaqoub  le  Mérinide,  191-192,  193, 

197-198,  199-200,  210,  215. 
Abou-Yaqoub   le  Zeîyanide,   202,  202 

n.  2;  —  Médersa  Yaqoubîya,  172  n.  2, 

186,  302,  303. 
Abou-ZakAria,  118. 
Abou-Zeid  Abd-er-RahmAn,  185-186, 
Abou-ZeiyAn  (MoulAï),  143. 
ACHÎB,  13. 

AgAdir,  10  à  16,  19,  115-116,  117-118, 
121-122,  124,  132,  134,  195,  204,  212, 
336;  —  Mosquée  d\  82,  136-137,  138, 
140,  160, 

Aghlebite,  69. 

Ahmed  ben  Touloun,  au  Caire  [mos- 
quée d';,  29. 

Ahmed  el-Lamti,  38,  290,  292. 

AÏN-EL-HouT,  28,  212,  226,  333,  344. 

Aïn-Taqbalet,  55,  228. 

Aïn-WAnzouta,  132  n.  226. 

Alcazar,  32,  34,  79  n.  3,  90,  100,  175, 
178,  277,  288,  297  n.  1,  316;  —  Genil, 
126  ;  —  Patio  de  las  Doncellas,  255, 


346 


INDEX  DES  NOMS  PROPRES 


Alexa.ndhie,  29. 

Alger,  27,  92,  232,  304;  —  Grande 
Mosquée  d\  21,  46,  50  n.  2;  —  Moçalla, 
48  n. 

Alhambra,  32  n.  1,  33-34,  55  n.  1,  63, 
69  70,  90,  92,  96,  100,  105,  175,  189, 
230,  251,  269,  277,  297  n.  1,  310,  316; 

—  Salle  des  Abencéi'ages,  54  n<.  1  ; 

—  Bains  de  l\  83  n.,  163,  164  n., 
165-166,  168,  314;  —  Alberca,  176, 
178,  207,  255,  288  ;  —  Puerta  del  F/no, 
221;  —  Mosquée,  288;  —  Salle  du 
Jugement,  83,  100  ;  —  Cour  des  Lions, 
255  ;  —  Tocador  de  la  Reine,  251  ;  — 
Vase  de  l\  315. 

Ali  Bex-Yahya  el-Salaksini,  137. 
Ali  ben-Yousef,  141-142. 
Ali  el-Koudi  {Ibn),  195. 
Almohaoe,  16,  28. 

ALM0R4VIDE,  15-16,  28,  33  n.  1,  141, 
195. 

Almunecar,  119. 

Amh  {mosquée  d'),  29,  40,  44,  (52. 
Aroudj,  127. 
AyvoupiTES,  65,  91. 
AzHAR  (El),  218. 

B 

Bàb-Abi-Qorra,  115,  134. 
Bàb-Ali,  117  n.  3. 
Baba-Safîr  (qoubba),  196  n.  1. 
BAb-el-Aqba  {ou  Bâbd'-Sîdi  Daoudi,  ou 

Bdb-Agâdir),   14,    115-116,  117-H8, 

122-123,  130  n.  4,  332,  339. 
Bàb-el-Bonoui),  117  n.  3,  171  n.  1. 
Bàb-el-Hadîd,  117  n.  3,  134. 
Bàb-el-HammAm,  115. 
Bàb-el-Giâd,   117,   130  n.  4,  132,  135 

n.  2,  332. 
Bàb-el-Khemîs,  214-215,  216. 
Bâb-el-Khoukha,  115. 
Bàb-el-Qermàdîn,  116-117,  119,  124-125, 

134,  332. 
BAb-er-Rbeut,  135. 
BAb-er-RowAh,  124. 
Bàb-es-Çarf,  117  n.  3. 


Bàb-es-SAgA,  134. 
BAb-es-Selm,  86. 
BAb-er-Souîqa,  135. 
Bàb-et-Tsouîtsa,  131  n.,  134. 
Bàb-ez-Zà\viya  {ou  Bdb  Sîdïl-llalwi), 

117,  134-135,  285  n.  2,  332. 
Bàb-Kechciiouï  {ou  Bdb  el-.lorlila  ou 

Bdb  Sîdi  Bou-Jenm),  116  117,  125- 

126,  134,  185,  332. 
Bàb-IlAn,  117  n.  3. 
Bàb-Sour-el-HammAm,  134. 
Bàb-TaqarqAret,  135. 
Bàb-Waiib,  115,  132. 
Bàb-Zîr,  133,  149  n.>,  328-329. 
Bagdad,  30. 

Barcelone,  31. 

Barges  {Vahbé),  1,  2,  3,  28,  198,  217, 

241  n.  1,  279  n.,  303. 
Batoutah  {Ibn),  317. 
Beibarsîya  {mosquée  El),  218. 
Bekri  {El),  115. 
Bel-Abbès  {route  de),  131-132. 
Benî-Ghanya,  16-17. 
Benî-KhAzer,  13. 
Benî-MerIn  (Voir  Mérinide). 
Benî-Yala,  13. 

Benî-ZeiyAn,  10  n.  1,  12,  18,  22,  28, 

127,  143,  303  n.  1. 
BilAl  {tombeau  de),  331  n. 
Bît-er-Rîch,  131-132,  227. 
BologgIn  ez-Zîri,  13. 
BostAn,  283  n.,  332. 
Bougie,  195. 

Bkekch  {priîs  Tenès),  185-186. 
Brosselard,  2,  207,  226,  283  n.  1,  286, 
290,  292,  306,  315,  331,  338. 

C 

Çaïqal  {rendez-vous  d'Ibn),  191. 

Caire  {monuments  du),  29-30,  62,  98, 
158  n.,  231  n.  1,  335;  —  Enceintes  du, 
119-120;  —  Fostdt,  29,  195. 

Gairouan,  84,  196,  292  n.  2,  157  n.  1  ; 
Seiyidat  el-Jami,  88. 

Çarmachiq,  39,  234,  278. 

Carthage,  50  n  1. 


INDEX  DES  NOMS  PROPRES 


347 


Chella,  194,  n.  2,  264  n. 

Cluxy  {7nusee),  21  n.  2,  23G. 

CoNSTAXTiNOr-LE,  Byzance^  30-31. 

CoHOGUE  {mosquée  dfj,  31-32,  40,  45  n.  4, 
57,  63,  65-66,  69-70,  n.,  75-76,  78,  86, 
97,  102,  109,  144,  148-149,  150,  152- 
153,  156,  169,  181,  217,220,  222,  328; 
Chapelle  de  Villa-Viciosa,  32,  44,70; 

—  Vuerla  del-Pardon^  259;  —  En- 
ceinte de,  119-120. 

Chisto  DR  LA  Luz  {église  del)  31,  57, 
78,  86. 

Cuba  {palais  de  la),  32,  66,  155. 
D 

Damas  {mosquée  de),  30;  —  Portes  à, 
321,  n. 

Dana  {basilique  de),  62  n.  2. 
Dàr-abî-Fihr,  21. 
Dàp.-el-Moulk,  21. 

Dàr-es-Soltàn.  Voir  Palais  <^rEL-EuB- 

BÀD. 

Dàr-es-Sorour,  21. 
Delphin,  292  n.  2. 
Derb  Msoufa,  26,  218.  319. 
Djebel  Terni,  7. 
DouTTÉ,  33  n.,  330. 

DUTHOIT,  3. 

EuBBÀD  (El),  7,  223  à  230  ;  —  Es-Sefti, 
43,  57  n.  1,  83,  225-226,  227-228,  282, 
284,  339  ;  —  El-Fouqi,  223,  225,  227- 
228,  229-230;  —  Palais  d\  27,  35,  100, 
266  à  269;  —  Zâwiyad\Tl9,  n.,  280; 

—  Mesjid  es-Çâli/i,  334. 
El-Eubbàd  près  Fus,  224,  n.  1. 

F 

Fàs,  12,  16  n.  3,  17--18  ;  —  Fontaines  à, 
50  n.  ;  —  Maisons  à,  81  ;  —  Bains  à, 
165  n.  2  ;  —  Médersa  à,  300  n. 

Fatimite,  65,  69,  88,  91. 

Ferachbad  {édicule  de),  57  n.  1. 


Ferfara  {hen),  39,  305. 
Ftrouz-Abài)  (palais  de),  62. 
FouwÀKA  (El),  313. 

G 

GiRALOA,  32-33  n.,  36,  46  n.  2,  78,  98, 

101,  218,  220,  222. 
GiRAULT  DE  Pranc.ey,  4,  31  n.  2,  32. 
Grenade    (monuments  de),   28,  31-32, 

149,  Voir  (Alhambra)  ;  —  Enceinte, 

119;  —  Alt)a>/ci7i,  120;  —  Maisons  à, 

300. 
Gubbio,  304. 

Il 

IIàdj-ben-Abol-Jemâa  (El),  8. 
Haedo  (rue).  203. 
TIafcide,  24. 

Haïdba  (citadelle  d),  202,  n. 
Hàkem  (mosquée  du  Chî/xh),  62. 
IIamdoun-el-Qaisi,  34. 
Haouqal  (Ibn-),  13,  115. 
Hasan  (bey),  130. 
Hassan  (tour  de^,  33,  36. 
Hassan  (mosquée  de),  74. 
Hennaya  (route  d'),  127. 

I 

IbràiiIm  i:r,-MiLL\Ni,  28. 
ÏDRÎs  1"%  11,  13,  |36,  336  n,  1. 
Tdrîs  h,  12,  136,  336  p.  1. 
Ifriqîya,  199. 
lMÀ>fA,  127. 

J 

Jàhil  (Ibn),  128  n. 

Jérusalem,  30;  —  Mosquée  à,  .30  n.  4. 
K 

Kaba,  29. 

Kalaoun  (mosquée  de),  74. 


348  INDEX  DES  Ni 

KllADRA  {FA),  17. 
KuAFADJA  [Ibn),  8. 

Khalooun  {Ibn),  10-11,  17,  22,  29,  118. 

129,  171,  196,  210-211,  274,  31.3. 
Rhaldoun  {Yahya,  7,  22,  117,  .329. 
Khànqâh,  228  n.  1. 
Khâridjisme,  11. 
Khavernaq,  7. 
Khidhr,  11  n.  2. 

KoTOUBÎYA,  33,  36,  46,  98,  218,  220,  2'-^.3. 
L 

Lalla  Gharîba  {mosquée  de),  325,  335. 
Lalla  Rouya  {mosquée  de),  327,  342 n.  1. 
Lalla  Setti,  127,  206,  213,  333. 
Laugier  de  Tassy,  165  n.  1,  166  n.  3. 
Léon  L'Africain.  8,  26,  128  n.,  130,  165 

n.  2,  166  n.,  229,  300  n. 
Louvre  {musée),  32  n.  1,  242  n. 

M 

ALvGiiNiA  {roule  de),  127,  192,  197,  204, 
214. 

Maghràwa,  13,  33  n.  1. 
Malaga,  79,  317. 

Malik  Achraf  Qàit-Bey,  302  n.  1. 
Malik  Achraf-Inal,  302  n.  1. 
Malik  Nàcer  [madrasa  de),  30  n.  2. 
Mameluck,  65. 

Maxçour  {VAlmohade  El-),  33  n.,  36  n.  2. 
Manisès,  79,  317. 

Mansourah,  7,  11  n.  1,  15,  20,  22,  127- 
128,  192  à  201,  209,  211,  213;  — 
Enceinte  de,  119-120,  20J  à  206,  214- 
215;  —  Qasbah,  35,  83,  199-200,  207 
à  209,  235;  —  Mosquée  de,  39  n.  2, 
42-43,  68,  74-75,  91-92,  149,  192,  196- 
197-198,  201,  216  à  222,  236,  251,  265, 
294,  296,  307,  313  n. 

Maqqari,  259. 

Marmol,  128  n.,  130,  279  n. 

Marrakech,  12,  18;  Porte  à,  75;  — 
Médersa  mérinide  à,  81  ;  —  Qasbah 
de,  218  n.  ;  —  Sahrîdj  de,  126. 

Mascara  {mosquée  de),  39. 


OMS  PROPRES 

Mascara  {?-ue  de),  318, 
Mazdali,  14. 
Mechhed  Ali,  79. 

Méchouar,  19,  22,  26-27,  35,  37,  83-84, 
129-130,  131,  135,  158,  170  n.  1,  310; 
—  Mosquée  du,  20,  201 ,  313  à  317,  322, 
326. 
Médéaii,  130. 

Mkdeksa  el-Qadîma   {El)  {ou  Médersa 

Oulâd  el-lmâm),  185-186. 
Médine,  30  n.  1,  334. 
Mekinez  {porte  à),  75. 
Melab,  196  n.  1,  213;  —  Koubbat-El,  214. 
Merd.]  {El),  132  n. 

Mérinide,  17,  22-23,  24  25,  28,  123  n.  2, 

285,  294,  309. 
Metcmkàna  {Oued),  118,  122,  128,  336. 
Metîd,ia,  17. 

MiSTRA  {basilique  de),  104  n 
xMoçalla,  313-314. 
MoGiiiRA  {El),  32  n.  1. 
Mohammed  V,  314. 

Mohammed  ben  Abd-er-Rahmân  et-Tlim- 

sAni,  42  n. 
Mohammed  Bey,  28,  234,  278-279. 
Mohammed  ech-Chîkh,  34. 
Mohammed  en-Nàcer,  228,  230. 
Mohammed  ben  Yousefel-Qaïsi,  132  n.  213. 
]\IoïsE  11,  n.  2. 
Moma  {El),  \-2\. 

MosorÉE  DE  Tlemcen  {Grande),  15-16, 
17-18,  19,  28,  33,  36,  43-44,  46  n.  2, 
47  n  5,  48-49,  50,  63,  70,  84  n.  1, 
88-89,  91-92,  95,  105,  107,  110,  137, 
139  à  161,  175,  180,  183,  201,  217, 
230,  258,  301, 304,306,316,328,334,339. 
Mostafa  el-Manzali,  28. 

N 

Nedromah,  38,  88,  157  n.  1. 

O 

Oqba  ben-Nàfi,  11,  30;  —  Voir  Sidi 

Okba. 
Omeyyade,  12-13,  30. 


INDEX  DES 

Oran,  16-17,  27. 

OuLÀD  el-Imàm,  20,  27,  43,  o4  n.  1,  DO, 

92,  185  à  191,  255,  313-314. 
OuzÎDÀîN',  226. 

1* 

Palma  {bains  de),  168. 

Pkcheiue  {mosquée  de  la),  40   n.  1, 

253  n. 
Peduo  {don),  34. 
Pesaho,  304. 
PlESSE,  3. 
POMAHIA,  10. 

PowpEï  {bains  de),  166  n. 
PuEivjA  DEL  Sol,  à  Tolède,  63,  98,  212 
n.  1. 

Pu  Y  {caUlédrale  du],  91  n. 

Q 

Qàciiàx,  79  n.  2. 
Qàitbey  {mosquée),  62. 
Qaçu-Adjiça,  17. 
Qaçk-el-QadÎ-M,  15,  19,  143,  145. 
Qala  [El),  128. 

Qahawîyix,  à  Fds,  33,  43  n.  1  ;  —  45 

n.  3,  46,  157  n.  1. 
QcuAQECii  {Bordj),  132,  135. 

U 

Rauî  l'Évèque,  30. 
Ravekne,  31. 

Uenan  {Anfj,  3,  77-78,   196,  234  n.  2, 

236  n. 
Rhodes,  79. 
RoçAFA  {Er),  7. 
Rôda  {Miqyds  de),  86. 
Romain  111  {C empereur),  70. 

S 

Safsaf,  7,  123,  137. 
Sahara,  17. 

Sahkîdj  el-Kebîk  {ou  cjrond  bassin,  21, 
125-126,  127. 


NOMS  PROPRES  349 

Saln te-Maiue-la-Rlakcue,  7^,  105,  108, 
181. 

SAfNTE  -  SOIMIIE    DE    CoNSTANïINOPLE,  41, 
104. 

Saint-Jeax-dWcue  {ér/lise  à),  30  n.  2. 
Sal\t-Jean-de-Damas,  30. 
Saint-La uiiENT  {près  Rome),  70. 
Sakhkatkl\  (Es),  16,  128,  213. 
Sbeitla  [temple  de),  59  n.  1. 
Sebdou  {roule  de),  201  n.  2,  206. 
Sedîh  {Es),  7. 
Seld.joucide,  77. 

Séville  {enceinle  de),  119-120,  203;  — 
Mosquée  de,  45;  —  San  Marcos,  101  ; 

—  Voir  Alcazar  et  Giralda. 
Sfax  {église  de),  30. 
Shaw,  198. 

Sicile,  93,  110.  Voir  Cuba  et  Zisa. 
SîDi  Abdallah  ben-Ali,  227  n.  3. 
SîDi  Abdallah  ben-el-Ralad,  334. 
Sîdi  Abdallah   ben-Mançouh,  28,  332- 

333,  342. 
Sîdi  Abd  el-Qadeu  el-Jîlàni,  333. 
SIdi  Abd  es-Selam-et-Tounsi,  227  n.  3, 
235. 

Sîdi  Ahmed  Rel-Hase.\  el-Ghomàhi,  143, 

160.  162-163  n.  \,  354. 
Sîdi  Ahmed  ed-Dàoldi,  332,  339,  342 
n.  \. 

Sîdi  Ali-ben-Meglîm,  226. 
Sîdi  Ali-et-Tellouti,  340. 
Sîdi  bel-Hasen,  20,  43.  49,  83,  90,  92, 
108-109,  110,  153,  170  à  184,  186-1S7, 
190-191,  222,  249,  255,  277,  294-295, 
300,  309,  314. 
SiDi  Bûu  IsHÀQ  et-Tayyàh,  43,  226,  282- 

283,  284. 
SÎDI  BOU-IzÀi{  {bordj),  134. 
SÎDI  bou-Mëdyen,  2,  14,  2J3,  227-228, 

230,  332-333,  339. 
SÎDI  bou-Médine  {village  et  monuments 
de).  22-23,  135-137.  Voir  El-Eubbdd, 
Qoubba  de,  17.  28,  39,  78,  84,  201, 
208,  223  n.,  230  à  239,  294,  321,  336; 

—  Mosquée  de,  38-39,  42-43,  45,  50, 
65,  68,  84,  91  o.  1,  92,  100,  104,  109- 
110,  137,  153,  158,  188-189,  200  n.  2 


359 


INDEX  DES  NOMS  PROPRES^ 


223  n.,  225  n.  1,  236,  240  à  265,  269, 

286-287,  288,  296-297,  3U0-301,  309, 
,  335,  340,  343  n.  2;  —  Médersa  de, 
'  100,  223  n.,  227,  247,  269-270  à  278, 

295;  —  Bains  de,  167  n. 
SÎDi  Bràhîm,  25,  43,  81,  83-84,  172  n.  2, 

186,  201-202,  312,  339,  343  n.  2. 
SÎDi  Bràhîm  ex-Nàai'.,  229. 
SÎDi  d'  Dàouui,  14.  Voir  Bdb  el  Aqba. 
SÎDi  Lahsen  {C/iîkh),  26,  133  n.  2,  200 

n.  1,  320;  —  Village  et  mosquée,  26, 

135,  320  à  323,  326,  335. 
Sîdi'l-Benaà,  326. 

Sîui'l-Halwi,  22,  27,  :'8,  42-43,  48,  50, 
61,  90,  92,  137,  215,  221-222  n.,  265, 
285  à  301,  306,  312,  332,  335,  339. 

Sîdi'l-Haouwaui,  229. 

SÎDi  Mamar  ben-Ahya,  332. 

SîDi  Mohammed  ben-àli,  28,  342-343, 
3i4. 

Si'di  Mohammed  hen-Merzolq,  10,  18,  143, 
3a4. 

SiDi  Oqba,  30,  44  n.  3,  45,  69,  74,  94, 
96  n.,  97  n.,  144-145,  158  n. 

SiDi  Senousi  {Chikli),  9,  26,  49,  137  n.  2, 
226,  274,  240;  —  Mosquée,  26,  318- 
319. 

SiDi  Wahb  ou  Wahhab,  H,  14,  336. 
Siui  Yaqolb,  14,  132,  133,  371,  336  à 
339. 

8ii)i  Yedooun,  224-335. 
SlU.lILMESSA,  195. 
SiD.ioux  {près  Tunis),  214. 
soleïman  ben-moiiammed  el-kordi,  239. 
Solejman  ben-Abdallah,  12,  341. 
Souq-el-Khemîs.  195. 
SoussE  {enceinte  de),  86;  —  )'ibdt  de, 
272. 

SuzE  {Acropole  de),  35,  n.  5,  77. 
Syrie,  119,  124  n. 

T 

Tàchfàn-ben-Ali,  16,141. 

Tàchfînîya  (Médersa)  10,   21,   26,  83, 

310. 
Tafna,  7. 


Tagrârt,  15-16,  116-117,  118  n.  2,  133, 
195. 

Tailler  del  Moro,  300. 
Tanger,  241  n.  2. 
Tahragone  (cloître  à),  86. 
ïauris,  241  n.  2. 
Taza,  157. 

Tekich  (Mosquée),  62. 
Tell  el-Yahoudi  {palais  de),  77. 
Temzezdekt  {près  d'Oujda),  128  n. 
Temzezdekt  {près  de  Bougie),  195-196. 
Tenesi  {Aboul  Hasen  ben-\aklef  et-),  91, 

130,  136,  171. 
Tenesi  {Abou-Ishâq  Ibrahim   et-),  283 

n.  1. 
Tétouans,  88. 

TlARET,  12. 

Tixmàl  {Mosquée  de)  34  n.,  66  n.  1. 
TouMERT  (Ibn),  141. 

Tunis,  24,  84;  —  Sultan  de,  332;  — 

Moçalla  à,  214. 
Tunisie,  332. 

Ù 

Urgub  {Edifice  à),  62  n.  2 

V 

Valence,  79,  317. 
Van  Bercuem,  270. 
Venise,  31. 

VouLTE-CuiLHAC  {cathédrale  de  la),  191. 
W 

Walîd  (£7),  30,  76. 

X 

XiMENÉs  (rue)  302,  305  n.  1. 

Y 

Yaqoîbi  {El),  13,  115,  121. 

Yaqoubîva  (Médersa).  Voir  Abou  Yaqoub. 

Yaqout,  16. 


INDEX  DES  NOMS  PROPRES 


Yahmoràsen,  12,  17-18,  19-20,  118,  124, 
130,  133  n.  1,  137,  142,  157,  159,170. 
231,  234,  n.  2.  334,  338. 

YOUSOUF  BEN-TÀCHl'ÎX,  14. 

z 

Zafha  {couvent  de),  310. 


Zafràni  [bordj),  134. 
Zahua  (Palais  de),  30. 
Zkkki  [ben),  271  n. 
Zenata,  13. 
Zekoa,  17. 

ZlOHBA,  13. 

ZiSA,  32,  G6. 


TABLE  DES  PLANCHES  HORS  TEXTE 


Pages 

124. 

1. 

Yieille  enceinte  de  llemcen  (Bab  EI-Qermadin). 

131. 

11. 

Yieille  enceinte  de  llemcen  (cote  Sud). 

136. 

111. 

-  Minaret  d'Agadir. 

140. 

IV. 

Yue  d'ensemble  de  la  Grande  Mosquée  (côté  Sud). 

144. 

Y. 

•  Çabn  de  la  Grande  Mosquée. 

146. 

Yl. 

Mihrâb  de  la  Grande  Mosquée. 

168. 

AMI 
Vil. 

Intérieur  du  Bain  des  Teinturiers. 

\12. 

\  111. 

Mihràb  de  la  mosquée  de  Sîdi  Bel-Hasen. 

185. 

IX. 

Mosquée  d  Oulad  ei-Imam. 

201. 

X. 

Enceinte  de  Mausourah  (côté  Ouest). 

206. 

XL 

Chemin  pavé  à  Mausourah. 

216. 

XII. 

Ruines  du  Mihrâb  de  la  mosquée  de  Mausourah. 

220. 

XIII. 

Minaret  de  Mausourah. 

220. 

XIV. 

Portail  de  la  mosquée  de  Mausourah. 

223. 

XV. 

El-Eubbàd. 

225. 

XVI. 

El-Eubbàd  es-Setli. 

240. 

XYII. 

Portail  de  la  mosquée  de  Sidi  Bou-Médine, 

244. 

XVlil. 

Portail  (le  la  mosquée  de  Sidi  Bou-Médine  (Yue  du  Çahn). 

246. 

XIX. 

Arcades  de  la  salle  de  prière  (mosquée  de  Sîdi  Bou-Médine). 

251. 

XX. 

Mihràb  de  la  mosquée  de  Sîdi  Bou-Médine. 

266. 

XXI. 

Petit  palais  d'El-Eubbàd  (Grand  patio). 

274. 

XXII. 

Portail  de  la  médersa  de  Sîdi  Bou-Médine. 

282. 

XXIII. 

Marabout  de  Sidi  Bou-Ishàq  et-Tayyâr. 

285. 

XXIY. 

Mosquée  de  Sidi'l-Halwi  (côté  Nord). 

285. 

X\Y. 

Mosquée  de  Sidi'l-Halwi  (côté  Sud). 

320 

XXVI. 

Mosquée  et  Yillage  de  Sîdi  Lahsen. 

338. 

XXVII. 

Tombeau  de  la  Sultane  à  Sidi  Yaqoub. 

340. 

XXVI 11. 

Qoubba  de  Sîdi  Senousi. 

340. 

XXIX. 

Qoubba  de  Sidi  Abdallah  ben-Mançour. 

340. 

XXX. 

Qoubba  de  Sîdi  Mohammed  ben-Ali. 

TABLE  DES  ILLUSTRATIONS 

INSÉRÉES  DANS  LE  TEXTE 


FiGiTRES.  Pages. 

1.  —  Construction  dune  qoubba   58 

2.  —  Angle  d'un  comble  de  qoubba  (ép0(iue  lur(iue)....   00 

3.  —  Tracé  d'un  arc    64 

4.  —  Tracé  d'un  arc   64 

0.  —  Vue  perspective  d'une  voûte  à  stalactites   67 

6.  —  Origines  du  chapiteau  tlemcenien   71 

7.  —  Spécimens  d'écriture  monumentale   87 

8.  —  Fragment  de  l'inscription  dédicatoire  de  la  Grande  Mosipiée   92 

9.  —  L'entrelacs  curviligne  architectural   99 

10.  —  L'entrelacs  curviligne  floral.  —  Diagrammes  de  constructions..  103 

11.  —  Rinceau  byzantin   105 

12.  —  L'entrelacs  curviligne  floral.  —  Spécimens  de  palmes   106 

13.  —  Plan  de  Tlemcen   114 

14.  —  Plan  de  la  Grande  Mosquée   144 

15.  —  Voussoirs  sculptés  du  mihrcàb   147 

16.  —  Vue  perspective  des  cliarpentes  de  la  nef  centrale   148 

17.  —  Grand  chapiteau   149 

18.  —  Petit  chapiteau  du  mihrâb  et  détail  d'une  volute   150 

19.  —  Vue  perspective  d'un  pan  de  la  coupole   151 

20.  —  Frise  d'acanthe  au-dessus  du  mihrâb   152 

21.  —  Inscription  coufique  (mihrâb  de  la  Grande  Mos({uée)   154 

22.  —  Fragment  du  décor  garnissant  une  des  fenêtres  (intérieur  du 

mihrâb)   155 

23.  —  Décor  de  la  couronne  de  cuivre  (minaret)   157 

24.  —  Inscription  de  la  Maqçoura   158 

25.  —  Plan  du  bain  des  Teinturiers   164 

26.  —  Décor  tlanquant  les  fenêtres  du  mihrâb  (mosquée  de  Sidi  Hel- 

Hassen)   173 

27.  —  Décor  des  murs   174 

28.  —  Grand  chapiteau  supportant  les  arceaux  des  nefs   176 

29.  —  Coupole  du  mihrâb   177 

23 


354 


TABLE  DES  ILLUSTRATIONS 


Figures.  Pag-es. 

30.  —  Fragments  d'inscriptions  coufiques   179 

31.  —  Garniture  d'une  fenêtre   180 

32.  —  Garuiture  d'une  fenêtre   181 

33.  —  Décors  de  plâtre   182 

34.  —  Chapiteau  en  mosaïque  de  faïence   183 

35.  —  Décor  du  panneau  intercalé  (cadre  du  mihràb  de  la  Mosquée 

d'Oulfàd  el-lmâm)   189 

36.  —  Construction  d'une  tour  de  ilanquement  (enceinte  de  Mansourah).  202 

37.  —  Plan  de  Mansourati   205 

38.  —  Fragment  du  balcon  du  minaret.  —  Vue  de  face  des  stalactites  et 

profil  des  consoles  des  extrémités   219 

39.  —  Plan  de  la  qoubba  de  Sîdi  Bou-Médine   231 

40.  —  Décor  de  la  coupole   233 

41.  —  Chapiteau  d'onyx   235 

42  et  43.  —  Carreaux  estampés  de  pavement   237 

44.  —  Chapiteaux  d'onyx   238 

45.  —  Spécimens  des  décors  peints   239 

46.  —  Décor  en  mosaïque  de  faïence  (mosquée  de  Sidi  Bou-Médme). . .  24i 

47.  —  Décor  céramique  de  la  douelle  (porche)   242 

48.  —  Décor  de  plâtre.  —  Trois  motifs  garnissant  les  murs  du  porche. . .  243 

49.  —  Plan  de  la  mosquée  de  Sîdi  Bou-MécUne   244 

50.  —  Fragment  de  plafond  à  caissons   246 

51.  —  Frise  de  plâtre   248 

52.  —  Frise  de  plâtre   249 

53.  —  Chapiteau  du  mihràb..   250 

54.  —  Décor  des  cintres   252 

55.  -  Motif  d'angle  et  inscription  coufique  (Porche)   254 

56.  —  Décors  de  plâtre   256 

57.  —  Décor  de  plâtre  (porche)   257 

58.  —  Portes  de  bronze   259 

59.  —  Angle  de  corniche  au  pavillon  de  la  coupole   261 

60.  —  Spécimens  de  réseau  garnissant  les  pans  du  minaret.  —  Inscrip- 

tion en  coufique  quadrangulaire   252 

61.  —  Grande  rosace  en  mosaïque  de  faïence     264 

62.  —  Plan  du  petit  palais   267 

63.  —  Plan  de  la  Médersa   273 

64.  —  Fragment  du  cadre  du  portail   275 

'65.  —  Décor  de  plâtre   276 

66.  —  Plan  des  latrines  publiques   281 

67.  —  Plan  du  marabout  de  Sidi  Bou-lshâq  et-Tayyàr   282 

68.  —  Console  de  l'auvent  (mosquée  de  Sidi'l-Halwi)   287 

69.  —  Plan  de  la  mosquée  de  Sîdi'l-Halwi   289 

~0.  —  Cadran  solaire   291 

71.  —  Chapiteau   293 

72.  —  Décor  de  plâtre.  —  Bordure  de  cintre   295 

73.  —  Décor  de  plâtre   296 


TABLE  DES  ILLUSTRATIONS  355 

Figures.  Pages. 

74.  —  Frise  de  bois  à  inscription   297 

75.  —  Garniture  des  plafonds   298 

76.  —  Garniture  des  plafonds   299 

77.  —  Carreaux  de  faïence  à  reflets  métalliques  (mosquée  de  Sîdi-Bràhîm)  30o 

78.  —  Décor  de  plâtre,  garniture  des  murs   308 

79.  —  Décor  de  plâtre  à  ornement  coufique   310 

80.  —  Lambris  en  mosaïque  de  faïence   311 

81.  —  Décor  céramique  au  minaret  du  Méchouar   316 


82.  —  Carreau  de  pavement  dans  la  cour  de  la  mosquée  de  Sîdi  Lahsen.  321 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Chapitres.  Pages. 

Préface   i 

Introduction   7 

I.  —  Enceinte  de  Tlemcen.  —  Le  grand  bassin.  —  Le  Méchouar. 

—  Agadir   113 

IL  —  Minaret  d'Agadir   136 

m,  —  Grande  Mosquée   140 

IV.  —  Bain  des  Teinturiers   162 

V.  —  Mosquée  de  Sîdi  Bel-Hassen  (Musée)   160 

VI.  —  Mosquée  d'Oulâd  el-lmàm   185 

VIL  —  ELMansourah   192 

A.  —  Enceinte  de  Mansourah.  —  Ruines  de  la  kasbah   201 

B.  —  Travaux  d'investissement   209 

G.  —  Mosquée  de  Mansourah   216 

VIIL  —  Sidi  Bou-Médine   222 

A.  —  Le  bourg  d'El-Eubbàd   222 

B.  —  Qoubba  de  Sidi  Bou-Médine   230 

G.  —  Mosquée  de  Sîdi  Bou-Médine   240 

D.  —  Petit  Palais  d'El-Eubbâd   266 

E.  —  Médersa  de  Sidi  Bou-Médine   270 

F.  —  Maison  de  l'Oukil   278 

G.  —  Latrines  et  bains  publics   280 

H.  —  Marabout  de  Sidi  Bou-Ishâq  et-Tayyâr   282 

IX.  —  Mosquée  de  Sîdi'l-Halwi   285 

X.  —  Mosquée  et  Qoubba  de  Sidi  Brâhîm   302 

A.  —  Mosquée  de  Sîdi  Bràhîm   304 

B.  —  Qoubba  de  Sîdi  Bràhîm   307 

XL  —  Mosquée  du  Méchouar.,   313 

XII.  —  Mosquée  de  Sîdi  Senousi   318 

XII I.  —  Mosquée  de  Sîdi  Lahsen   320 

XIV.  —  Mosquée  de  Sîdi  Yeddoun   324 

XV.  —  Mosquée  de  Lalla  Gharîba   325 

XVl.  —  Mosquée  de  Sîdi'l-Benna. ,                                  ..........  .  326 


358 


TABLE  DES  MATIERES 


Chapitres.  Pa^es 

XVn.  —  Mosquée  de  Lalla  Rouya   321 

XVIII.  —  Mosquée  Bâb-Zîr   328 

XIX.  —  Les  Qoubbas   330 

Les  tombeaux  de  Sidi  Yaqoub   336 

Qoubba  de  Sîdi  d-Daoudi   339 

Qoubba  de  Sîdi  Senousi   340 

Qoubbas  d'Ain  el-Hout   34I 

A.  —  Qoubba  de  Sîdi  Abdallah  ben-Mançour   341 

B.  —  Qoubba  de  Sidi  Mohammed  ben-AIi   342 

Index  des  noms  propres   34g 

Table  des  planches  hors  texte   352 

Table  des  illustrations  insérées  dans  le  texte   353 


TOURS,  IMPRIMERIE  DESLIS  FRÈRES,  6,  RUE  GAMRETTA, 


1 


i 


Librairie  A.  FONTEMOING,  4,  rue  Le  GofT 


SERVICE  DES  MONUMENTS  HISTORIQUES  DE  L'ALGÉRIE 


LES 

MONUMENTS  ANTIQUES 

DE  L'ALGÉRIE 

PAR 

Stéphane  GSELL 

PROFESSEUR     A     L 'ÉCOLE     SUPÉRIEURE     DES  LETTRES 
DIRECTEUR    DU    MUSÉE  DALGER 

Deux  volumes  in-8°  raisin,  nombreuses  gravures  40  fr. 


li'Ile  Tibérine,  dans  les  temps  modernes  et  dans  l'antiquité,  par 
Besnier  (Maurice),  docteur  ès  lettres,  chargé  de  cours  à  la  Faculté 
des  Lettres  de  Caen.  In-8°  cavalier  12  50 

Lexique  des  antiquités  romaiiies,  rédigé  sous  la  direction  de 
Gagnât  (Kené),  membre  de  l'Institut,  |)rofesseur  au  Collège  de  France, 
par  GoYAu(G.),  ancien  membre  de  l'Ecole  française  de  Rome,  avec 
la  collaboration  de  plusieurs  élèves  de  l'Ecole  normale  supérieure. 
Deuxième  tirage.  Beau  vol.  gr.  in-8°  raisin,  illustré  de  365  dessins 
inédits  dont  8  hors  texte,  d'un  plan  de  Rome  et  d'une  planche  en 
couleurs  7  » 


Cours  d'épigraphie  latine,  par  René  CaGxMat,  3«  édition  entière- 
ment refondue  et  fortement  augmentée  de  planches  et  de  figures, 
gr.  in-8°  raisin   .    13  » 

Le  bas-relief   romain   à   représentations  historiques. 

Etude  archéologique,  historique  etlittéraire,  par  Courbaud  (Edmond), 
ancien  membre  de  l'Ecole  française  de  Rome,  professeur  de  rhéto- 
rique au  Lycée  Janson-de-Sailly,  in-8°  cavalier  contenant  19  gravures 

dont  5  en  phototypie  hors  texte   12  50 

Ouvrage  couronné  par  V Institut  {Prix  Delalande-Guérineau) , 

Voyage  d'étude  dans  une  partie  de  la  Maurétanie  Césa- 
rienne, par  La  Blanchère  (René  de),  ancien  membre  de  l'Ecole 
française  de  Rome,  in-8°  raisin  avec  12  pl.  noires  et  coloriées.    5  » 

Inscriptions  dolîaires  latines.  Marques  de  briques  relatives  à 
une  partie  de  la  .gens  Domitia^  recueillies  et  classées  par  Descemet  (Ch.), 


in-8°  avec  un  grand  nombre  de  figures  12  50 

Sur  quelques  briques  romaines  du  Louvre,  par  Héron  de 
ViLLEFOssE  (Aiit.),  membre  de  l'Institut,  gr.  in-8°.  ......    1  50 

Les  cités  romaines  de  la  Tunisie,  par  Toutain  (J.),  ancien 
membre  de  l'ucole  française  de  Rome,  chargé  de  cours  à  la  Sor- 
bonne,  in-8°  cavalier,  avec  2  cartes  en  couleur  12  50 

Ouvrage  couronné  par  V  Institut  (Prix  Saintoiir). 


TOURS,  IMPRIMERIE  DESLIS  FRÈRES,  6,  RUE  GAMBETTA.